27 avril 2012 - 16H44
Fronde dans l'UE contre le projet de "privatisation des mers"
L'Europe réfléchit à des solutions de substitution pour adapter sa flotte de pêche au déclin des ressources halieutiques, après une fronde d'une quinzaine d'Etats contre un projet de marché de concessions de pêche dénoncé comme une forme de "privatisation des mers".
Il y a urgence: la surpêche affecte plus de 60% des stocks de poisson de l'Atlantique et 80% des stocks méditerranéens.
AFP - L'Europe réfléchit à des solutions de substitution pour adapter sa flotte de pêche au déclin des ressources halieutiques, après une fronde d'une quinzaine d'Etats contre un projet de marché de concessions de pêche dénoncé comme une forme de "privatisation des mers".
Réunis vendredi à Luxembourg, les ministres européens du secteur étaient appelés à se prononcer sur cet élément-phare de la réforme défendue par la commissaire européenne, Maria Damanaki.
L'idée est simple: doter les pêcheurs européens de concessions de pêche, qu'ils pourraient ensuite vendre dans le cadre d'un marché des "concessions transférables" quand ils souhaitent quitter le métier. Ce qui les contraindrait à une gestion responsable des ressources pour que leurs concessions ne perdent pas de valeur, et contribuerait à une régulation par le marché du nombre de navires en fonction des ressources disponibles.
Il y a urgence: la surpêche affecte plus de 60% des stocks de poisson de l'Atlantique et 80% des stocks méditerranéens.
Le système est déjà en vigueur en Estonie qui est favorable à sa généralisation à l'échelle européenne, à l'instar de l'Espagne, du Royaume-Uni ou des Pays-Bas. Mais la ministre danoise, Mette Gjerskov, dont le pays préside actuellement l'Union européenne, n'a pu que constater vendredi que de nombreux autres Etats étaient "sceptiques".
Dans la foulée du ministre irlandais Simon Coveney qui s'est dit "totalement opposé à ce système", une quinzaine de pays dont la France ont critiqué l'idée.
"La France y est fermement opposée et elle le restera", a averti l'ambassadeur français Philippe Léglise-Costa, en soulignant que les richesses marines constituaient "un bien public non privatisable et non cessible".
Le secrétaire d'Etat allemand, Robert Kloos, a brandi la menace de concentration des droits dans les mains de quelques "riches entreprises".
Et la Belgique, la Finlande ou Chypre ont jugé que le système ne fonctionnerait pas chez eux, acceptant au mieux qu'on laisse aux Etats le choix de l'appliquer ou pas.
Saskia Richartz, de Greenpeace, s'est réjouie de constater la "mort" de ce projet qui aurait probablement contribué à renforcer "la domination d'une pêche industrialisée et destructrice" des ressources.
Mais "les gouvernements européens doivent à présent s'engager de manière constructive" pour trouver des solutions, alors que les négociations pour cette réforme devant entrer en vigueur début 2014 "ont déjà pris un an de retard", juge-t-elle.
Rappelant que l'objectif principal était de s'attaquer à la surpêche, Maria Damanaki a exhorté les ministres à lui présenter d'autres solutions: "Je ne demande qu'à vous entendre !", a-t-elle lancé.
Les Etats pourraient être obligés de choisir "entre introduire des concessions de pêche transférables ou mettre en place des plans nationaux" de réduction du nombre de navires de pêche, a proposé Mme Gjerskov.
Plusieurs Etats ont plaidé en faveur du maintien des "primes à la casse" (déchirage) des navires, que la réforme de Mme Damanaki envisageait de supprimer au motif que la Cour des comptes européenne avait critiqué leur inefficacité.
Elles pourraient être mieux ciblées, a proposé la France.
"Nous avons essayé le déchirage dans le passé et ça a été un échec", a commenté Mme Damanaki. De fait, de nombreuses études ont montré qu'elles avaient indirectement contribué à la construction de navires de pêche encore plus gros et plus performants que ceux dont elles avaient financé l'élimination.
Pour l'heure, Mme Damanaki assure que sa proposition de concessions de pêche transférables "reste sur la table".
Elle a en même temps précisé envisager d'autres propositions "très intéressantes", comme l'idée d'établir "un lien" entre le niveau des subventions accordé à un pays et les progrès qu'il réalise en matière de réduction des capacités. Ce qui devrait également faire grincer des dents dans certaines capitales.