Le Point.fr - Publié le 09/04/2012 à 11:07
La Chine annonce la construction d'un second brise-glace, et prépare une cinquième expédition vers le pôle Nord.
Le "Xue Long" (Dragon des neiges) est le premier brise-glace chinois. © STR / ZH0021 / AFP China Xtra
Le "Dragon des neiges" ne suffit plus aux ambitions glacées de la Chine. L'Administration d'État aux océans (SOA) a annoncé dimanche 8 avril, par le biais du vice-directeur du centre de recherche sur les pôles, Weng Lixin, que la Chine construisait un second brise-glace, plus performant que le précédent, un navire acheté en 1993 à l'Ukraine. Le nouveau navire de 8 000 tonnes aura une capacité de 20 000 miles nautiques, une autonomie de 60 jours et sera capable de briser une épaisseur de glace de 1,50 mètre. Il disposera également d'une plate-forme d'hélicoptère et entrera en service en 2014.
L'effort chinois paraît à ce stade minime en comparaison à ce que font déjà les grandes puissances riveraines du Grand Nord, particulièrement la Russie. Les chantiers navals russes ont construit le plus gros brise-glace du monde, le NS50 Let Pobedy (plus de 23 000 tonnes), mis en service en 2007 et doté d'une propulsion nucléaire, ce qui lui donne une autonomie très supérieure. Moscou possède au total douze brise-glaces, dont sept nucléaires. Le Canada en a davantage (21 navires, dont le plus gros pèse un peu plus de 11 000 tonnes). Les États-Unis en ont trois, mais un est en révision à Seattle, le second hors service et le troisième se révèle incapable de briser de grosses épaisseurs de glace. Ce qui a d'ailleurs amené le New York Times à déplorer dès mai 2010 le manque de capacités américain, en dépit de la frontière arctique que possède l'Alaska, soulignant : "La Chine aura bientôt des brise-glaces plus grands et modernes que les États-Unis et le Canada."
Un océan stratégique
Pourquoi Pékin s'intéresse-t-il à cet océan glacé, et plus largement aux pôles ? Du côté du Sud, l'Antarctique, il semble que ce soit des raisons scientifiques qui motivent sa présence : le "Dragon des neiges" est retourné hier, dimanche 8 avril, à sa base de Shanghai, après avoir conclu sa 28e expédition en Antarctique. Les scientifiques qui étaient à son bord en ont profité pour mener "différentes tâches de recherche, notamment une enquête sur l'environnement du pôle Sud", a annoncé ce matin l'agence Chine nouvelle, sans entrer dans les détails. Les spécialistes chinois ont également installé un télescope pour la surveillance de cette région antarctique.
En direction du Grand Nord, la Chine n'en est qu'à sa cinquième expédition. Une équipe de scientifiques la prépare activement depuis plusieurs mois. Le départ aura lieu début juillet et le voyage durera tout l'été. Mais la nouveauté vient du fait que, pour la première fois, le navire empruntera la route arctique du nord-est qui s'étend le long de la côte russe.
Historiquement contrôlé par les États-Unis, le Canada et la Russie, l'Arctique est en passe de devenir le nouveau terrain de jeu de la puissance chinoise. Pékin s'intéresse de plus en plus à cette région, où la fonte des glaces ouvre des opportunités à la fois commerciales et peut-être stratégiques. "L'Arctique est un hub qui dessert tous les océans. Si la Chine parvient un jour à y installer un sous-marin nucléaire, elle pourra alors dissuader l'Europe, la Russie et les États-Unis", note un expert militaire en poste à Pékin.
Point de contact entre le continent américain et le continent asiatique, l'Arctique est paradoxalement resté pendant longtemps hors des écrans radars de la politique étrangère chinoise. Mais la fonte des glaces a subitement réveillé l'intérêt de la Chine pour l'Arctique, un océan sur lequel l'Union européenne, mais aussi le Japon et la Corée du Sud veulent également avoir prise. Depuis des années, la banquise fond à vue d'oeil. Selon plusieurs estimations, à l'horizon 2020-2040, l'Arctique pourrait être navigable, du moins en été.
Des ressources énergétiques
De nouvelles routes commerciales pourraient donc voir le jour. Le trajet Shanghai-Hambourg, via le détroit de Béring, situé entre l'Alaska et la Sibérie orientale, serait ainsi écourté de 6 400 kilomètres par rapport à la route classique qui emprunte l'océan Indien puis le canal de Suez. De quoi susciter l'appétit de la Chine, devenue en 2010 le premier exportateur mondial. Et cela, d'autant plus que les transporteurs chinois pourraient éviter les pirates qui abondent dans le détroit de Malacca et près du golfe d'Aden... Les experts, toutefois, restent prudents. À moyen terme, seuls des navires brise-glaces ou des bateaux à double coque pourraient emprunter les routes arctiques.
L'Arctique abrite également des ressources énergétiques. Selon les estimations réalisées en 2008 par le United States Geological Survey (USGS), la calotte glaciaire hébergerait 30 % des réserves de gaz mondiales encore à découvrir et 13 % des réserves de pétrole.
Ces gisements sont "importants, mais pas colossaux", tempère Frédéric Lasserre, professeur de géographie à l'université Laval au Québec. Ils appartiennent de surcroît "à 95 % aux États côtiers de l'océan Arctique". Pour les exploiter, la Chine devrait d'abord acheter des permis d'exploitation, mais aussi acquérir la technologie permettant des opérations d'extraction en eau profonde, qui lui font aujourd'hui défaut.
"La présence des entreprises chinoises en Arctique reste très embryonnaire. Celles-ci préfèrent signer des accords de partenariat avec des entreprises étrangères pour co-exploiter ces gisements. Par ailleurs, même si la banquise fond, les conditions restent éprouvantes pour les hommes, comme pour le matériel. À l'heure actuelle, les entreprises chinoises préfèrent se concentrer sur des gisements avérés et plus faciles à exploiter", poursuit le chercheur.
Reste que Pékin rattrape son retard à grands pas. Outre les expéditions et la construction de brise-glaces, la Chine possède depuis 2004 une grande base de recherche sur les îles de Svalbard, un archipel de l'océan Arctique appartenant juridiquement à la Norvège.
"Depuis 2009, la Chine s'intéresse de plus en plus à l'Arctique, même si elle avance avec une grande prudence. Pékin sait parfaitement qu'elle ne dispose pas de droits souverains sur la région", analyse Linda Jakobson, directrice des études asiatiques au Lowy Institute for International Policy, un think tank basé à Sydney, et auteur d'un rapport sur le sujet publié par le Stockholm International Peace Research Institute.
Faute d'avoir une frontière riveraine de l'océan Arctique, la Chine a peu d'arguments à faire valoir. Tout au plus a-t-elle un droit de regard sur les eaux internationales, situées au-delà des zones économiques exclusives qui relèvent, elles, de la souveraineté des cinq États bordant l'océan glacé - États-Unis, Canada, Danemark, Norvège et Russie.
D'autre part, la Chine est bien trop occupée pour le moment à défendre ses intérêts en mer de Chine méridionale, une région où elle est, contrairement à l'Arctique, face à de petits États tels que le Vietnam, les Philippines, l'Indonésie et la Malaisie. "L'Arctique ne figure pas en haut de l'agenda politique chinois, les médias internationaux ont été trop alarmistes à ce sujet", poursuit Linda Jakobson.
Dans les milieux académiques chinois, une poignée de scientifiques a pourtant tenté de pousser les dirigeants communistes à poser des revendications de façon plus agressive. "Celui qui contrôlera l'Arctique contrôlera l'économie mondiale et un nouveau couloir international stratégique", a averti Li Zhenfu, professeur à l'Université maritime de Dalian, dans un article signé en 2009. Mais son message n'a pas été entendu. Le gouvernement chinois préfère pour l'instant la prudence et n'a toujours pas pris de position officielle sur l'Arctique.
Pékin frappe à la porte
Cela n'empêche pas Pékin de préparer le terrain. Après avoir essuyé un premier refus en 2009, la Chine a renouvelé sa demande pour devenir observateur permanent au Conseil de l'Arctique. Un statut qui lui permettrait, au sein de ce forum intergouvernemental consultatif, de prendre part aux discussions et de faire valoir sa position - mais en aucun cas de participer au vote des recommandations, privilège réservé aux seuls pays riverains.
"La décision sera prise en mai 2013 par les ministères des Affaires étrangères des pays membres du Conseil. À ce jour, le Conseil n'a pas de position officielle, tout simplement parce que la candidature chinoise n'a pas été encore examinée", esquive poliment Gustav Lind, ambassadeur arctique pour la Suède, pays qui assume jusqu'en 2013 la présidence tournante de l'organisation. "Pour devenir observateurs permanents, les candidats doivent être actifs en Arctique et avoir un véritable intérêt pour la région. De ce point de vue, la Chine respecte ces conditions." Mais il n'est pas certain que les grands maîtres du pôle Nord soient prêts à lui ouvrir la porte.
Les ours blancs de l'Arctique frappés
d'une étrange maladie
Les animaux perdent leurs poils pour des raisons encore inexpliquées et, cette année, les mêmes symptômes ont été observés chez des phoques et des morses.
Des ours blancs qui perdent leurs poils et présentent des lésions de peau. Les scientifiques sont en alerte en Alaska devant ce phénomène qui s'était déjà produit à la fin des années 1990 sans qu'ils réussissent à en trouver la cause.
Neuf ours sur une trentaine observés dans la région de Barrow, au sud de la mer de Beaufort, ont été frappés au début de cette année par des signes d'alopécie, rapporte le centre scientifique de l 'USGS (US Geolgical Survey). Des animaux par ailleurs qui «semblaient en bonne santé et avaient un comportement normal». Pour l'heure, les prélèvements de peaux effectués ou les analyses sanguines n'ont pas permis d'apporter une quelconque explication.
Une maladie de ce type avait déjà été observée par la passé sur des ours sauvages ainsi que sur des ours élevés en captivité. Les chercheurs sont particulièrement intrigués par un phénomène concomitant qui intervient cette fois-ci sur des phoques et des morses.
Des phoques morts ont été ramassés le long des côtes arctiques de l'Alaska et plus tard du côté de la Russie avec les mêmes symptômes et, à l'automne, il en avait été de même pour des morses. Malgré un nombre très important de tests, les scientifiques n'ont pas plus réussi à trouver une explication aux maladies des mammifères marins. Les scientifiques continuent donc de multiplier les examens pour essayer d'identifier un agent infectieux. Ils cherchent tous azimuts: radiations, maladies auto-immunes, facteurs environnementaux, contamination humaine… Ils ne savent même pas s'il s'agit de la même maladie ou pas.
En attendant, les scientifiques ont recommandé aux chasseurs de ne pas manger tout animal qui ne parait pas en parfaite santé et de surtout bien cuire la viande d'ours!