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    New Delhi : Sex and the City

    Le Point - Publié le <time datetime="2014-10-25T11:47" itemprop="datePublished" pubdate="">25/10/2014 à 11:47 </time>lien 

    La révolution sexuelle est en marche dans la capitale indienne. Dans un pays très conservateur, les femmes aisées et urbaines aspirent à l'amour et au plaisir.

    <figure itemprop="associatedMedia" itemscope="" itemtype="http://schema.org/ImageObject">Un bar à New Delhi.<figcaption>Un bar à New Delhi. © Mustafa Quraishi/AP/Sipa</figcaption></figure>
     
     
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    La "soirée filles" a commencé tôt, dans un appartement de Vasant Vihar, un quartier aisé de New Delhi. Amies de longue date, huit femmes âgées de 28 à 40 ans boivent, fument et discutent. Un joint passe de main en main. Entre une bouteille de vodka et un vin australien, des plats sont disposés sur la table basse : humus, chicken tikka et toasts au fromage de chèvre, à l'image du tsunami d'influences qui déferle depuis une décennie sur la capitale indienne. 

    Galvanisée par l'afflux brutal de l'argent, la mégalopole transforme fébrilement son quotidien : goûts, apparences, moeurs, mentalités. Sexe, aussi. Ce soir-là, ces femmes en parlent. Elles racontent l'échec du mariage arrangé, la quête du compagnon rêvé, les aventures éphémères. Parfois, elles font circuler leur iPhone pour montrer la photo d'une cible potentielle ou d'un amant passé. "Pas mal !" acquiescent les amies solidaires.

    Deepika, la benjamine célibataire, est accaparée par la gestion de l'entreprise paternelle et n'a pas le temps de s'offrir une vie sentimentale. Sunita, la plus délurée, veut la convaincre d'utiliser Tinder, le réseau social de rencontres géolocalisées. "Sinon, tu peux toujours aller sur YouPorn !" lance-t-elle en riant. Neera, une divorcée au visage de poupée, intervient : "Moi, je n'ai plus peur d'être seule. Il faut apprendre à s'aimer." Les amies approuvent par un véhément hochement de tête.

    Un dramatique paradoxe

    Les Indiennes des villes changent. Elles s'émancipent. À l'heure où les acteurs de Bollywood ont osé le baiser à l'écran, la sexualité est moins taboue au sein des classes moyennes et des élites. Portée par la modernisation et l'influence occidentale, Delhi offre un espace de liberté. "Les relations hommes-femmes ont davantage progressé en dix ans qu'au cours des 3 000 années précédentes", écrit l'auteur Ira Travedi. "Une libéralisation sexuelle est à l'oeuvre, confirme le sociologue Deepak Mehta. Mais la façon dont la femme envisage son corps a évolué en deux tendances opposées : l'octroi d'une plus grande liberté et, simultanément, l'accentuation d'une anxiété."

    À l'échelle nationale, la condition des Indiennes est l'une des plus difficiles au monde. Les violences dont les femmes sont victimes sont très médiatisées depuis le viol collectif d'une étudiante à Delhi en décembre 2012. Elles sont une litanie de l'horreur : violences conjugales, agressions sexuelles, meurtres pour dots insuffisantes, esclavage, mariages d'enfants... Et "Delhi-la-Sauvage", nébuleuse de 17 millions d'habitants, a reçu le sinistre surnom de "Capitale du viol". Ces réalités pèsent sur les mentalités des femmes, écartelées entre les aspirations à l'émancipation et la rigidité de l'ordre moral. La capitale caricature le dramatique paradoxe de l'Inde : dans une chambre au néon glauque, une femme essuie les coups d'un mari ivre, pendant qu'une autre, dans un bar-lounge, flirte librement en commandant des mojitos.

    Une éducation sexuelle de l'ordre du néant

    Au sein des classes privilégiées, la révolution sexuelle a transformé le comportement féminin. "Dans mes relations amoureuses, mes partenaires sont ouvertes et indépendantes, estime Vikram, un célibataire de 37 ans. Un fait est indéniable : l'institution sacro-sainte du mariage est en train de voler en éclats." Depuis la fin des années 1990, les tribunaux pour les divorces se sont multipliés et les procédures sont simplifiées.

    Mais les cliniques pour avortements ou les maternités précoces prolifèrent tout autant. Pour le commun des Indiens, l'éducation sexuelle est de l'ordre du néant. Le docteur Watsa, spécialiste du sujet dans la presse depuis des années, se refusait à employer les termes "pénis" ou "vagin" jusqu'à récemment. Au pays du Kama-sutra prévaut une pudibonderie toute intacte de l'ère victorienne. La culture sexuelle est d'une pauvreté confondante. "Les autorités ne font pas leur travail, dénonce le sociologue Deepak Mehta. Les livres scolaires, scrutés par les hindous conservateurs, ne s'aventurent pas au-delà de la reproduction." La politique du ministère de la Santé est si austère qu'elle a été parodiée dans une vidéo vue par plus de deux millions de personnes sur YouTube.

    REGARDEZ la parodie d'un cours d'éducation sexuelle en Inde

    Sur l'ensemble du pays, les études réalisées ne sont guère une ode à l'exploration sexuelle : la fréquence des rapports est faible et la position du missionnaire de rigueur. Mais sentant le vent du changement, la presse cherche à dompter la diversité de la psyché indienne en multipliant les sondages. Et tous le prouvent : l'Indienne accorde davantage d'importance à son propre plaisir. À la génération précédente, et comme l'a souligné la journaliste Shobha De, l'acte sexuel était une formalité : les épouses retroussaient leurs saris, fermaient les yeux et pensaient à Dilip Kumar, l'acteur alors en vogue. La tradition hindoue pose la femme dans l'abnégation et l'obéissance.

    Aujourd'hui, des articles expliquent "comment choisir un homme" et "les positions préférées des femmes". Les homosexuels, ostracisés par le tabou et la législation, gagnent eux aussi en visibilité. L'érotisme s'immisce avec le désir. Après les boutiques de lingerie, cette année voit l'explosion remarquée du marché des sex toys en Inde. Le milieu de la nuit se démocratise et, à Delhi, le quartier des bars de Hauz Khas est assailli par des meutes joyeuses de jeunes femmes en talons hauts accrochées aux bras de leur amoureux. 

    50 "dates" en 6 mois, mais pas de sexe

    Le "date", le rendez-vous galant avec un homme, fascine. De Orkut à Facebook, de OkCupid à Tinder, les réseaux sociaux les ont facilités. "2014 rentrera dans l'histoire comme l'année où nous avons embrassé Tinder", ironise une journaliste face au succès de l'application à Delhi. "Je consulte Tinder plusieurs fois par jour, admet Ruchika, productrice télévisée de 36 ans. Quand on vit en Inde, c'est tellement libérateur de dire simplement "oui" ou "non" à des hommes grâce à Tinder !" Elle projette de créer une application mieux adaptée aux besoins des Indiennes pour protéger leur identité. Ruchika se définit en "femme libérée" : "Quand on a la liberté financière en Inde, personne ne questionne vos choix."

     

     ©  VD

     

    Dans cet esprit, un blog fait couler de l'encre : "50 dates in Delhi", lancé par une Indienne de 32 ans sous le pseudonyme d'Alice. Elle narre ses rencontres au fil des jours, non sans une certaine désillusion, mais avec l'envie de comprendre ce nouveau monde du flirt assumé. Elle se donne néanmoins des limites : pas de rapports sexuels et des rencontres millimétrées. Pas si libérée, en somme.

    Le culot d'Alice, c'est d'assumer sa quête dans une société du secret. Dans les campagnes, les amants se retrouvent à la va-vite dans les champs de canne à sucre. Dans les villes, ils s'enlacent et se cachent derrière les arbres des parcs publics. "Évidemment, il y a toujours eu des histoires de sexe, en Inde, commente Ishan, un designer de 39 ans. L'homosexualité et la bisexualité sont très présentes dans notre société. Mais on ne dit rien. L'apparence doit être préservée à tout prix." D'après un sondage, 76 % des Indiennes et 61 % des Indiens pensent que l'infidélité n'est pas un grand péché. Mais seules les élites de Delhi ne s'entravent pas d'embarras. Dans le cercle richissime de leurs soirées gorgées d'alcool et de cocaïne, leur permissivité n'a rien à envier aux élites des autres capitales du monde.

    Où sont les hommes avec lesquels nous aimerions sortir ? 

    Mais, comme souvent, cette libération des moeurs n'est pas sans ambiguïté. Aux yeux des femmes libérées, le concept du mariage arrangé n'est pas forcément une hérésie. Ruchika, par exemple, le conçoit comme une sorte de "dating" à l'ancienne. Une étrangère vivant à Delhi remarque : "Les Indiennes n'appliquent pas à elles-mêmes l'égalité revendiquée. Elles ont des exigences très formatées concernant leurs partenaires et aiment être traitées en princesses." Pour Salman, un célibataire de 30 ans aux nombreuses aventures, les femmes de Delhi "affirment assumer une sexualité libre, mais, en réalité, elles recherchent toujours l'amour..." 

    Les concernées rétorquent que leurs partenaires, quant à eux, font preuve de double jeu. "Ils restent toujours un peu conservateurs, même s'ils prétendent l'inverse", juge Ruchika. "Nous, les hommes indiens, vivons dans une frustration fondatrice, sur les bases de l'absence d'éducation sexuelle, réfléchit Ishan. Les hommes comme moi gardent en eux une soif, un manque." L'écart se creuse avec l'âme soeur : " Mais où sont les hommes avec lesquels nous aimerions sortir ?" écrit la féministe Richa Kaul Padte, dépitée de constater la persistance du machisme. Pas sûr qu'elle les trouve sur Tinder.

    Note : certains noms ont été changés.


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  • Construire un monde meilleur pour les filles

    Le Sommet international de la Fille se tiendra à Londres le 22 juillet 2014. Le but de cet événement, co-organisé par l’UNICEF ? Mettre fin au mariage précoce et aux mutilations génitales féminines, menaçant l’avenir de millions de filles partout dans le monde.
      

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    Construire un monde meilleur pour les filles
    A l’inverse de près de 70 millions de jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans, Madhalsi Sarkar, 17 ans, a échappé à un mariage précoce organisée par ses parents.

    Ce n’est pas une supposition, ni une hypothèse. C’est un fait : le développement mondial passe par l’émancipation des filles. Permettre aux filles de réaliser leur plein potentiel, libérées de toutes formes de violences et de discrimination est à la base de tout espoir de progrès pour les sociétés.
     
    Pourtant, partout dans le monde, les droits des filles sont régulièrement violés, les empêchant de réaliser pleinement leur potentiel. Le mariage précoce et forcé ainsi que les mutilations génitales féminines, dont l’excision, restent des pratiques menaçant la santé, l’éducation et la liberté des jeunes filles à travers le monde.
     

    Des millions de filles victimes

     
    Et cela ne concerne pas seulement quelques filles. L’UNICEF estime qu’en 2012, près de 70 millions de jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans étaient mariées avant d’avoir eu 18 ans. Par ailleurs, plus de 125 millions de femmes vivantes aujourd’hui ont souffert de certaines formes de mutilations génitales dans les 29 pays où ces pratiques sont les plus exercées*.  
     
    En plus de violer les droits fondamentaux des filles et des femmes tout en causant des douleurs physiques et psychologiques, ces pratiques détruisent des enfances, détournent de l’école et contribuent au cercle vicieux de la pauvreté.
     
    Mais, il existe une bonne nouvelle : les choses changent.  Dans les familles et les communautés à travers le monde, de plus en plus de personnes refusent le mariage précoce et les mutilations génitales. Cependant, beaucoup reste à faire. Et le travail doit être fait ensemble. 
     

    Un sommet pour agir

     
    C’est dans cette volonté de faire disparaitre le mariage précoce et les mutilations génitales qu’est organisé le 22 juillet à Londres le Sommet international de la Fille. A cette occasion, l’UNICEF et le gouvernement du Royaume-Uni accueilleront des dirigeants venus du monde entier, dont des représentants gouvernementaux, des organisations internationales, le secteur privé ainsi que des jeunes filles dans une mobilisation dont le but est simple et unique :venir à bout de ces pratiques, pour toujours.
     
    Lors du sommet, des femmes ayant eu l’expérience des mariages forcés ou des mutilations génitales auront la parole. Ces femmes, qui aujourd’hui mènent le combat contre ces pratiques, partageront leur histoire ainsi que les bonnes pratiques à mettre en place dans les régions concernées. 
     
    La lutte contre le mariage forcé et les mutilations génitales féminine est essentielle et doit être menée maintenant. Si nous manquons à l’appel, des millions de filles, partout dans le monde, se marieront enfants ou subiront des mutilations. Leur avenir est entre nos mains.
     
     
    *Somalie, Guinée, Djibouti, Égypte, Érythrée, Mali, Sierra Leone, Soudan, Burkina Faso, Gambie, Éthiopie, Mauritanie, Libéria, Guinée-Bissau, Tchad, Côte d’Ivoire, Kenya, Nigéria, Sénégal, République-Unie de Tanzanie, Yémen, République centrafricaine, Bénin, Iraq, Ghana, Togo, Niger, Cameroun, Ouganda.


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    Le Figaro <time datetime="2014-08-04T07:05:17Z" itemprop="dateModified">04-08-2014 - 09:05           </time>lien 

    Joumana Haddad au Liban : non au tabou du sexe

    Joumana Haddad au Liban : non au tabou du sexe
     
    Journaliste et poétesse, cette flamboyante scandaleuse lutte contre la censure et pour le droit à disposer de son corps
    </header><section itemprop="articleBody">

    Écrire de la littérature érotique dans le monde arabe, de surcroît quand on est une femme ? Transgression, provocation ! Journaliste et poétesse, cette flamboyante scandaleuse lutte contre la censure et pour le droit à disposer de son corps : un acte politique dans une région où l'extrémisme religieux gagne du terrain.

    " Salés sont mes seins (...) Prends, presse, hume, caresse, enroule, déroule. Ton sexe est un pont tendu entre l'univers et moi. " Dans la moiteur d'un café-lounge de Beyrouth, orné de coussins damasquinés, de lustres à pampilles et de tableaux d'odalisques nues, le public, subjugué, oscille entre incrédulité et ravissement en écoutant ces vers. Ils sont une cinquantaine à avoir délaissé les huitièmes de finale de la Coupe du monde de football pour assister à la lecture d'une des femmes les plus transgressives du Proche-Orient : la poétesse libanaise Joumana Haddad. Assise sur une chaise haute, incandescente avec ses boucles noir de jais, ses prunelles aux éclats dorés et son bustier rouge vermillon, cette sculpturale quadra déclame ses vers d'une voix grave qui s'élève au-dessus des volutes de fumée des narguilés, libérant une charge érotique qu'amplifient les sonorités charnues de la langue arabe. Oubliant son garde du corps et les menaces de mort qui pèsent sur elle, Joumana ose l'impensable : dire non au tabou du sexe dans une région du monde confrontée à la montée de l'extrémisme religieux.

    Depuis qu'elle a publié le premier magazine érotique en arabe, Jasad (Corps), en 2008, vendu sous cellophane et interrompu au bout de deux ans faute d'argent, elle incarne le diable en personne pour les intégristes de toutes confessions. La pièce de théâtre qu'elle vient de publier, Cages, qui met en scène une prostituée, une lesbienne et une femme en niqab, lui vaut de nouveaux mails vengeurs. " Parler de sexualité, ici, est un combat politique, affirme-t-elle. Car le corps est confisqué par la famille, la société et la religion. Aspirer à la pleine possession de soi signifie défier l'emprise grandissante sur les corps et les esprits qu'exercent les extrémistes. "

    24h dans la vie de Joumana Haddad

    La soirée s'achève dans un brouhaha alcoolisé. Un bouquet de roses sanguines dans les bras, Joumana sirote un whisky, signe des dédicaces, pose devant des smartphones. Ses fans - chrétiens, musulmans, druzes, maronites... - se pressent autour d'elle. Une jeune femme voilée de noir s'approche timidement de la poétesse, qui l'étreint avec fougue : " C'est une amie shiite, confiera plus tard Joumana. Elle subit le joug de son milieu familial, mais rêve en secret de s'émanciper. " Fourbue, Joumana s'éclipse dans la fraîcheur nocturne : " Ce soir, je me suis sentie presque nue, avoue-t-elle. Réciter de la poésie, c'est très exhibitionniste. " Elle ajoute, dans un éclat de rire : " Moi, je suis plutôt voyeuse ! "



    "J'ai été poussée par mon désir frustré, dompté, interdit"

    [bcvideo/[nid/899469]]

    Frondeuse, féministe, hyperactive, mère de deux garçons, cette journaliste qui dirige les pages culture du quotidien libanais An-Nahar et enseigne à l'université américaine de Beyrouth aime brouiller les pistes. Les deux essais qui l'ont révélée en Occident, J'ai tué Schéhérazade et Superman est arabe (Actes Sud), lui ont valu le surnom de " Carrie Bradshaw du Liban ", en référence à l'héroïne de Sex and the City. Une définition réductrice pour cette intellectuelle qui parle sept langues, qui a publié une dizaine de recueils de poésie et qui est considérée comme l'une des femmes arabes les plus influentes de la planète.

    Impétueuse au volant de sa Kya vert bouteille, elle roule sans ceinture dans les artères embouteillées de Beyrouth, harangue les automobilistes qui lui coupent la route, manie l'injure sans vergogne. D'un regard assassin, elle force un chauffeur de camion trop voyeur à baisser les yeux. " Je deviens l'opposé d'une lady ! " dit-elle, tout sourire. Joumana vibre sur le même tempo que la ville, avec ses terrasses bondées à toute heure. " Après ces années de guerre, la jeunesse libanaise aspire à vivre et à s'aimer librement ", explique-t-elle. Sur la place Saif, située sur l'ancienne ligne de démarcation entre Beyrouth-Est et Beyrouth-Ouest, elle observe des jeunes filles voilées, aux formes moulées dans des tuniques flashy.

    C'est le sexy version halal !

    " C'est le sexy version halal, se moque-t-elle gentiment, Beyrouth est la ville la plus émancipée du Proche-Orient, mais le nombre de femmes voilées augmente, soupire-t-elle. Ce qui me met en colère, c'est la morale élastique de notre société. Dans les années 1970, les cinémas diffusaient des films érotiques, avec des actrices arabes qui posaient nues. Je me souviens des seins voluptueux de Nadia Arslan, des bikinis de Souad Hosni, des baisers passionnés de Najla Fathi et des cuisses fabuleuses de Mervat Amine. Aujourd'hui, avec la censure, c'est impensable ! "

    C'est dans ce Liban décomplexé que naît Joumana, d'un père imprimeur et d'une mère au foyer, au sein d'une famille chrétienne conservatrice. " Jusqu'à son dernier mois de grossesse, ma mère portait une minijupe ! " Envoyée dans une école catholique, Joumana écoute les s½urs lui vanter les mérites de la pudeur : " Alors que, dans mon enfance solitaire, j'avais déjà deux plaisirs : la littérature et la masturbation. Les livres m'ont émancipée précocement. " À 12 ans, elle grimpe sur un tabouret et saisit un livre dans la bibliothèque de son père : Justine ou les malheurs de la vertu, du marquis de Sade. C'est l'électrochoc : la jeune fille découvre la puissance de la transgression. Adolescente timide mais à la libido exacerbée, elle commence à écrire des vers érotiques vers 16 ans : " J'ai été poussée par mon désir frustré, dompté, interdit. Les besoins du corps ont dicté mes mots. " À 19 ans, pour échapper au joug familial, elle se marie. Et décroche, à 26 ans, un job de traductrice au quotidien An-Nahar. " J'ai compris que l'indépendance financière était la clé de l'émancipation des femmes. " Elle divorce, explore sa sexualité dans les bras de nombreux amants et se tatoue le mot " liberté " au creux du poignet.



    "Sexe" et "fuck", les mots les plus googlisés du monde arabe

    En 2008, elle se lance dans l'aventure de Jasad : " J'étais exaspérée par tous ces tabous absurdes. Ici, le corps est nié, humilié, refusé, maltraité, incompris, violenté. Nous vivons dans la schizophrénie, car les mots "sexe" et "fuck" sont les plus googlisés du monde arabe. Je suis persuadée qu'une partie de la violence qui gangrène nos sociétés vient de la frustration sexuelle. L'Égypte, où il y a le plus de femmes voilées, est aussi le pays où il y a le plus de viols. " Mais nulle pornographie dans Jasad, une élégante revue axée sur le corps dans l'art et la littérature. Pendant huit numéros, Joumana exhume des textes érotiques du XVe siècle, comme le Jardin parfumé, manuel d'érotologie arabe écrit par le cheikh Nezaoui. Brise les tabous de la virginité ou de l'homosexualité. " Je lutte contre l'ignorance et l'inculture ", souligne-t-elle, pointant l'exemple suivant : " Sur des sites Web comme "fatwa online", un pseudo-cheikh donne des pseudo-consultations sexuelles à des couples mariés : des femmes lui demandent si c'est licite de s'épiler le pubis à la brésilienne ou d'utiliser la langue dans les ébats amoureux. Et bien sûr, le cheikh dicte ses règles, le religieux prend le pouvoir sur l'intime. "

    "Je préfère me battre avec mon cerveau plutôt que mes seins  !"

    Dans ce pays où l'appartenance à l'une des dix-huit communautés religieuses définit plus que tout l'identité, Joumana tempête contre la législation libanaise : " Les Beyrouthines se prétendent libérées, mais elles sont soumises à la loi religieuse pour se marier. L'union civile n'existe pas. Et le viol conjugal n'est pas reconnu par la loi. " Elle fustige aussi le tabou grandissant de la virginité : " Les garçons refusent d'épouser une femme non vierge. De plus en plus de jeunes filles pratiquent l'hyménoplastie - la reconstruction de l'hymen - avant les noces. " Parce qu'elle considère que " le plaisir est un droit fondamental humain ", elle prêche pour les relations sexuelles avant le mariage et la liberté d'aimer. Mais cette personnalité complexe ne cautionne pas pour autant la nudité militante des Femen : " Je préfère me battre avec mon cerveau plutôt qu'avec mes seins ! " Pour la directrice d'An-Nahar, Nayla Tueni, 32 ans, " Joumana devient un modèle pour de nombreuses femmes arabes. "

    Dès qu'elle peut, la poétesse se réfugie dans son appartement de Jounieh, sur les hauteurs de Beyrouth, peint aux couleurs de Frida Kahlo, l'artiste mexicaine qu'elle vénère. Elle s'y déchausse, savourant la fraîcheur du carrelage sous ses pieds nus. " Je ne suis pas apaisée, confesse-t-elle, mélancolique. J'ai trop de volcans en moi. " Alors elle écrit, beaucoup : " Je suis en train de traduire l'½uvre de Sade en arabe et de rédiger une thèse sur la condition des femmes en Tunisie et au Liban. " Un de ses vers résume bien cette affranchie, une extravertie plus secrète qu'elle n'en a l'air, qui parle librement de sa sexualité mais reste farouchement mutique sur sa vie amoureuse : " Le désir est ma voie, et la tempête, ma boussole. "

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    24 juillet 2014

    L'Etat islamique ordonne l'excision de toutes les femmes à Mossoul

    <adress itemprop="author">Par Lucile Quillet                                </adress>lien 
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    Femmes irakiennesPhoto AP
    <figcaption>

    Femmes irakiennes de la région de Mossoul.

    </figcaption></figure>
    La « fatwa » imposée par les djihadistes de l'Etat islamique, qui contrôle depuis un mois la région de Mossoul, au nord de l'Irak, concerne potentiellement quatre millions de femmes et jeunes filles.
     
    Les djihadistes de l'Etat islamique ont ordonné l'excision de toutes les femmes et jeunes filles de Mossoul, la région du nord de l'Irak qu'ils contrôlent depuis le mois dernier, ont rapporté jeudi les Nations Unies. La « fatwa » imposée par les djihadistes concerne potentiellement quatre millions de femmes et jeunes filles entre 11 et 46 ans, a précisé Jacqueline Badcock, coordinatrice humanitaire de l'Onu en Irak, lors d'un point de presse par visioconférence.
     
    « Ce n'est pas la volonté du peuple irakien ou des femmes d'Irak de ces régions » a déclaré Jacqueline Badcock qui parlait à Erbil, capitale du Kurdistan irakien autonome. « C'est quelque chose de nouveau pour l'Irak, particulièrement dans cette région, de très préoccupant et il faut s'en occuper ». Les djihadistes de l'EI se sont emparés en juin de vastes régions dans le nord et l'ouest de l'Irak et y ont proclamé un califat, c'est-à-dire un territoire dirigé par un calife, qui revendique la succession de Mahomet.
     
    Plus de 130 millions de filles et de femmes ont subi des mutilations génitales dans 29 pays d'Afrique et du Moyen-Orient, d'après les chiffres avancés par l'Unicef lors du Sommet des Filles qui s'est tenu le 22 juillet dernier. Ces pratiques mettent en danger la vie des femmes car elles conduisent à des hémorragies prolongées, des infections, parfois la stérilité et la mort. En Irak, le taux de mutilation avait été divisé par deux ces trente dernières années.
     
    (Reuters)
     

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