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UMP : le résultat de Sarkozy n'est pas
si mauvais.
Avec le parti, il est tout-puissant
<time datetime="2014-12-01T11:30:18" itemprop="datePublished">Publié le 01-12-2014 à 11h30</time><time datetime="2014-12-01T11:30:18" itemprop="datePublished"></time><time class="data-post" datetime="2014-12-01T11:48:23" itemprop="dateModified"> - Modifié à 11h48lien </time>
LE PLUS. Sans surprise, Nicolas Sarkozy a été élu nouveau président de l'UMP. L’ex-chef d’État l'a emporté avec 64,5% des voix, samedi 29 novembre, devançant Bruno Le Maire (29,18%). Alors que les fractures à droite sont nombreuses, cette élection peut-elle vraiment permettre à l’UMP de se rassembler, à deux ans de la présidentielle ? Décryptage de Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof.
Édité par Sébastien Billard
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Nicolas Sarkozy a été élu président de l'UMP, le 29 novembre 2014 (K. TRIBOUILLARD/AFP).</figure>
Sonnée par sa défaite lors de la présidentielle 2012, déchirée par la guerre Copé/Fillon lors de la précédente élection du président de l’UMP, le principal parti de droite est depuis deux ans totalement déboussolé, tant sur le plan des idées que des hommes.
Ces derniers mois, sous l’effet du retour de Nicolas Sarkozy, de la campagne pour la présidence, et des ambitions nouvelles d’Alain Juppé et d’autres, les fractures internes à l’UMP se sont encore accrues. Le jeu concurrentiel qui s’est installé dans la perspective de 2017 les rend d'autant plus vives.
La victoire de Nicolas Sarkozy, samedi, va-t-elle changer la donne ? Peut-elle vraiment permettre à l’UMP de retrouver une cohésion et une ligne politique claire ? De taire les désaccords et de serrer les rangs en vue de 2017 ?
À droite, deux grands sujets de tensions
Les désaccords actuels au sein de l’UMP ont ceci d’atypique qu’ils portent à la fois sur la ligne politique, sur les personnes et sur les moyens même de l’UMP.
Mais deux sujets cristallisent particulièrement les tensions : le rapport de la droite au FN (beaucoup plus que son rapport au centre), et la personnalité de Nicolas Sarkozy.
1. Le rapport à l’électorat frontiste
Du fait de la poussée électorale du FN, de la banalisation de certaines de ses idées et de la dynamique Marine Le Pen, le rapport de la droite à l’extrême droite est source de débats au sein du parti, entre ceux qui estiment qu’il faut investir les thèmes auxquels est sensible l’électorat frontiste et ceux qui préfèrent garder leurs distances avec ces sujets. Ce débat en appelle mécaniquement un autre : quel rapport entretenir avec le centre, UDI et MoDem ?
Comme en 2012, Nicolas Sarkozy droitise son discours pour ramener à lui les couches populaires et les fractions des classes moyennes en déclassement sensibles à la question des valeurs culturelles. Alain Juppé, lui, regarde davantage vers le centre et, au fond, cherche à redonner vie à une alliance "à la RPR-UDF" en remettant en selle François Bayrou.
2. La figure Nicolas Sarkozy
Les idées de Nicolas Sarkozy divisent, et sa personne aussi. Personnage clivant dans la société, l’ex-chef de l’État l’est également au sein de l’UMP depuis son retour précipité même s’il dispose toujours d’un très solide socle parmi les militants de l’UMP, comme en atteste son score à l’élection pour la présidence du parti.
Ainsi, son retour n’a pas fait taire toutes les ambitions, bien au contraire. Certains de ses ex-ministres ont continué de prendre leurs distances (Xavier Bertrand, Alain Juppé…), y compris son Premier ministre (François Fillon). Et beaucoup ont exprimé leurs doutes sur sa stratégie de retour.
Il existe sans doute un écart entre l’univers des cadres dirigeants de l’UMP, avec leurs rivalités et leurs oppositions que l’on a parfois du mal à identifier (sur les questions économiques par exemple) et les militants.
Des clivages partisans en pleine évolution
Les tensions au sein de l’UMP font écho à une crise plus vaste des partis et des vies politiques dans de nombreux pays européens, touchés de plein-fouet par la crise et la montée des extrêmes.
À gauche, en France ou en Europe, cela ne va pas très bien non plus : à l’image du PS, dont la crise idéologique est aussi celle de la crise de la social-démocratie européenne, la droite européenne dans son ensemble traverse une crise profonde.
Actuellement, en Europe, c’est un peu comme si une gigantesque tectonique des plaques avaient lieu. En apparence, les clivages traditionnels n’évoluent pas et sans doute continuent-ils d’expliquer une bonne partie de la politique, mais dans les profondeurs, tout bouge.
Le rapport à l’intégration européenne et à la mondialisation (sur lequel le discours du FN se focalise) sont en passe de dessiner de nouvelles lignes de fractures, y compris au sein des grands partis de gouvernement.
Si à gauche, c’est le tournant gestionnaire, voire libéral sur le plan économique, qui divise, à droite, c’est avant tout sur le plan identitaire et du culturel que les choses évoluent. Voilà sans doute pourquoi la campagne interne à l’UMP s’est focalisée sur les sujets sociétaux.
Les "valeurs", un marqueur très important à droite
À l'UMP, les différences les plus saillantes concernent d'ailleurs ces sujets sociétaux. Ce sont des thématiques où il est plus facile de se démarquer.
Ainsi, en droitisant sa position sur le mariage pour tous lors de la campagne, Nicolas Sarkozy a voulu donner des gages au peuple de droite dont la matrice identitaire repose plus que jamais sur les valeurs de la famille, de la religion. Si une partie de l’électorat de droite se focalise sur cette question tandis qu’une large partie est tolérante sur les questions de société, l’attachement de l’électorat de droite à des valeurs traditionnelles reste important.
Si la présidentielle de 2017 se gagnera bien sur des questions économiques (les nouvelles inégalités crées par la crise, la gestion et le périmètre d’action de l’État, les impôts), il sera difficile aux concurrents de Nicolas Sarkozy dans son camp d’expliquer les différences de fond qu’ils ont avec lui sur l’économie.
En effet, s'il existe des nuances entre Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire ou François Fillon sur ces questions, elles sont minimes. Tous s’accordent sur un socle commun, basé sur la réduction des dépenses publiques, du nombre de fonctionnaires et les 35 heures.
Un résultat qui place Sarkozy en bonne position pour 2017
Dans un tel climat, l’élection que nous venons de vivre est un moment clef pour l’UMP. Dans un premier temps, elle va avoir des effets extrêmement positifs pour ce parti : elle va permettre de sortir de cet état de crise larvée qui perdure depuis 2012, elle va donner une nouvelle impulsion.
Le score flatteur de Bruno Le Maire traduit nettement une volonté de renouvellement, mais derrière ce score se cachent sans doute des oppositions de différentes natures à Nicolas Sarkozy (fillonistes, juppéistes..).
On peut observer que le score important de Nicolas Sarkozy, même si il est moins important que son score de 2004 et moins important que ce que lui-même aurait souhaité, le place néanmoins en assez bonne position pour la primaire de 2016.
En nombre de voix, il obtient nettement plus qu’en 2004, mais entre-temps le nombre d’électeurs a nettement augmenté à l’UMP : à l’époque, il avait réuni 60.266 voix sur 133.922 inscrits alors qu’il vient d’obtenir 100.159 voix sur près de 270.000 inscrits.
On peut estimer, compte tenu de ces différences, qu’il retrouve près de 82% de son score de 2004 par rapport aux inscrits et un peu plus de 75% par rapport aux exprimés, un résultat pas si mauvais de cela….
L'UMP, une machine partisane extrêmement efficace
Dans un second temps, Nicolas Sarkozy, s’il veut euphémiser une grande partie des tensions actuelles, va devoir être capable de produire un discours unifié, intégrateur et cohérent. Son challenge est plus de montrer qu’il a retenu des leçons de son échec de 2012 plutôt que de montrer "qu’il n’a pas changé".
Ainsi, va-t-il à nouveau donner l’image de quelqu’un qui est "du côté des riches" ? Car à travers son style et ses orientations, maintenant qu’il est à la tête de l’UMP, il donnera plus ou moins un angle d’attaque à la gauche et au FN pour remettre en scène les rhétoriques politiques de la période 2007-2012.
Mais avec entre les mains un parti de 270.000 adhérents, qui compte des relais partout en France, et qui constitue une machine partisane extrêmement efficace, Nicolas Sarkozy va disposer de nombreux atouts pour pouvoir imposer sa ligne politique et ramener ses opposants internes au principe de réalité.
C’était d’ailleurs sa stratégie dès son retour annoncé : prendre les règnes du parti, pour être bien difficile à rattraper une fois "lancé sur l’autoroute" vers 2017.
Il a un net avantage sur ses adversaires directs
Les risques d’implosion de l’UMP, ou, en tous les cas, de fortes rivalités, ont de fortes chances d'aller decrescendo.
Continuer à s’opposer à Nicolas Sarkozy dans un parti que celui-ci contrôlera et aura remodelé à sa guise sera bien difficile. Et dans un système politique comme le nôtre, centré sur la présidentielle, s’autonomiser d’un grand parti, c’est se tirer une balle dans le pied.
Par ailleurs, il ne fait pas de doute que Nicolas Sarkozy va vouloir mettre la parole des adhérents en avant et les appeler à trancher par des votes et référendums internes sur les questions d’organisation du parti, et sans doute la question de la primaire.
Ses concurrents pourront-ils vraiment s’opposer à cette évolution ?
Propos recueillis par Sébastien Billard