Le président de l'UMP espère surfer sur un succès attendu le 29 mars pour réussir la refondation de son parti.
«S'ils voyaient ça…» murmure Sarkozy. «Ça», ce sont les fans, les curieux, les inconditionnels qui se sont déplacés en masse à chaque virée électorale du patron de l'UMP pendant cette campagne des départementales. Quand il prend le pouls de son public, quand il voit les salles bondées, l'ancien président retrouve la confiance que les Français lui refusent pour le moment dans les sondages. À l'entendre, ses concurrents à la primaire sont déjà battus.
L'indicateur du terrain est loin d'être suffisant. Mais le nouveau président de l'UMP le prend comme il vient: en ne boudant pas son plaisir. «Pour le moment, les Français, ce n'est pas le sujet. Ce qui compte, c'est ce public-là!», glisse-t-il en montrant la foule qui l'attend ce jour-là, à Marseille, à la sortie de son meeting. Il n'a aucun doute, c'est cet électorat des fidèles, ceux qui ont voté pour lui lors du premier tour de la présidentielle de 2012, qui fera le gagnant de la primaire de 2016. «Les marques de reconnaissance que vous montrent les gens, ça me touche, ça me stupéfie», dit-il après avoir fait le tour des barrières pour serrer les mains «comme un vieil artiste pour qui on fait la quête», dit-il.
Le rôle de chef de l'opposition
Depuis son retour, Nicolas Sarkozy a encaissé la déception d'un résultat moins bon qu'espéré pour l'élection à la présidence du parti, il a essuyé les plâtres d'une formation à reconstruire, puis il a encaissé le retour de flamme autour de François Hollande au moment des attentats de janvier. Mais aujourd'hui, il constate que l'embellie a été de courte durée pour l'actuel président de la République. Et il se réjouit d'être revenu par l'UMP: «Quand vous êtes à la tête d'un parti, l'actualité vient à vous, et quand vous n'y êtes pas, vous devez aller à elle.» Le commentaire vise, bien sûr, Alain Juppé et François Fillon qui doivent s'échiner, selon lui, à créer l'événement. Et si l'on en croit les sondages, cette actualité sera, très bientôt, la déroute de la gauche et la forte poussée de l'UMP.
«Pour le moment, Sarkozy fait circuler le ballon, il n'essaye pas de marquer des buts. Ce qui le rassure, c'est que tout le monde lui reconnaisse qu'il joue pleinement son rôle de chef de l'opposition. Après les départementales, il accélère», résume un conseiller. Le patron du parti refuse tout pronostic. Mais il sait que le résultat final devrait apporter une belle moisson de départements - «autour de 28», estime un expert de l'UMP. Il veut mener la refondation du parti tambour battant. «Ce sera plus facile d'aller loin si nous sommes confortés par le vote des départementales», confie l'un de ses conseillers, qui confirme qu'il est bien prévu de changer le nom du parti pour «Les Républicains, ou une autre appellation». Très prudent sur le projet, qu'il ne veut pas annoncer trop tôt, il a tout de même commandé une batterie de conventions thématiques, tout en préparant le grand congrès refondateur qui conclura en mai six mois de reconstruction du parti.
Fidèle à sa stratégie, Sarkozy ne veut pas confondre les rythmes politiques. Pas question de parler de la primaire et de la présidentielle avant la fin de l'année. En privé, on le sent déjà convaincu d'avoir creusé l'écart. Mais devant les journalistes, il souligne que rien n'est joué. «Bien sûr que j'ai des doutes sur la présidentielle, je ne vais pas jouer tout ça comme je l'ai fait pendant vingt ans (jusqu'à son élection en 2007, NDLR), je ne suis plus obsédé comme avant avec cette ambition…»,jure-t-il. Avant d'ajouter, ironique: «Il se pourrait qu'il y en ait un autre mieux que moi… qui susciterait un meilleur lien (avec les Français, NDLR) que le mien.» À l'entendre, cet autre ne s'est pas encore fait connaître. «Le style, c'est final», explique-t-il en citant la phrase de Céline. Un style politico-médiatique dont ses concurrents sont dépourvus: «Juppé c'est Rocard contre Mitterrand, c'est Balladur contre Chirac», explique-t-il.
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Toujours à la recherche d'un point d'équilibre entre le rejet intraitable du FN et le refus tout aussi véhément du PS, Nicolas Sarkozy a choisi de durcir sa ligne anti-FN au fil de la campagne des départementales
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Depuis la législative partielle dans le Doubs, qui a donné lieu à des débats très vifs à l'intérieur du parti, Nicolas Sarkozy a durci la stratégie qu'il s'est fixée: asphyxier les juppéistes et les centristes du parti en prohibant toute alliance et tout accord, même tacite, avec le FN, sous peine d'exclusion. «La dérive» redoutée par Nathalie Kosciusko-Morizet n'aura pas lieu. «On a tourné la page Buisson», prévient un proche, à propos du conseiller banni, qui tentait de faire partager au président du parti sa conviction qu'une alliance avec Marine Le Pen serait, à terme, inévitable.
Toujours à la recherche d'un point d'équilibre entre le rejet intraitable du FN et le refus tout aussi véhément du PS, Nicolas Sarkozy a choisi de durcir sa ligne anti-FN au fil de la campagne des départementales. En lançant le slogan «FNPS», il a décidé de mettre les électeurs de droite tentés par le FN devant leurs responsabilités. «Quand je tape sur le FN dans les réunions publiques, personne ne proteste», remarque-t-il. «Il est nécessaire qu'on ne lui reproche pas d'être tenté par un risque de dérive vers le FN, il veut être d'autant plus ferme sur les alliances qu'il sera plus transgressif sur le fond, après les élections départementales», commente un proche. Là aussi, Nicolas Sarkozy veut accélérer. Car il n'a pas l'intention de laisser au FN le monopole du discours sur la nation. Il décline déjà dans ses meetings sa préférence pour un modèle républicain d'assimilation et contre le terme «d'intégration», défendu par Alain Juppé. Et c'est sur ce clivage que se jouera notamment le débat interne de la droite. L'ancien président estime aussi qu'on exagère les exploits du FN. «Marine Le Pen? Elle est très mauvaise», assène-t-il. «Elle n'a rien fait, elle a seulement profité du vide pendant que l'UMP se déchirait.» D'ailleurs, l'ancien président est convaincu d'avoir encore quelque chose à dire aux électeurs du FN. Dans ses réunions publiques, il a l'œil pour repérer ceux qui ont voté FN. «Celui-là votait Le Pen, il est avec moi maintenant», glisse-t-il à propos d'un homme avec qui il vient d'échanger deux mots. Taper sur le FN et taper sur François Bayrou: ce sont désormais les deux bornes à l'intérieur desquelles l'UMP se définit. «Bayrou laisse croire qu'il y a un signe égal entre droite et gauche. Refuser Bayrou, c'est refuser cette équivalence. Et il m'aide à compenser les coups que je donne contre le FN.»