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"Race blanche" : Sarkozy ne peut pas
exclure Morano. Leur différend
n'est que sémantique
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<time datetime="2015-10-06T14:55:09" itemprop="datePublished">Publié le 06-10-2015 à 14h55</time><time class="data-post" datetime="2015-10-06T20:02:52" itemprop="dateModified"> - Modifié à 20h02 lien </time>
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Nicolas Sarkozy à Saint Etienne, le 3 octobre 2015 (J. PACHOUD/AFP).</figure>
Les histoires d’amour finissent mal, dit la chanson. Mais je n’en suis pas convaincu pour ce qui concerne Nicolas Sarkozy et Nadine Morano.
Car les commentateurs ont beau prédire que tout est fini entre eux, qu'il n’y a pas de réconciliation possible et que la sanction qui frappera Nadine Morano marquera le divorce définitif entre l'ex-président et son ex-secrétaire d’État à la Famille, je pense exactement le contraire.
J’ai même la conviction que le président de "Les Républicains" tirera au final largement profit de cette pseudo rupture dans la perspective de la primaire de la droite et du centre.
Ils se ressemblent
Comme dans les vieux couples qui se chamaillent et finissent toujours par se réconcilier, ces deux-là jouent régulièrement à se faire peur, à se séparer et se retrouver, dans une sorte de jeu de rôle auquel leur entourage ne parvient pas à s’habituer.
Et pourtant, il serait temps de s’apercevoir que, malgré les insultes, les petites trahisons, les phrases définitives, Nicolas Sarkozy et Nadine Morano non seulement se ressemblent par le caractère – orgueilleux, colériques, ambitieux, impatients – mais aussi par cette étonnante capacité qu’ils ont à capter l’air du temps au point d’y abandonner ce qui leur reste de convictions.
La France se droitise, se replie sur elle-même ? La France se méfie de l’étranger, du migrant, du réfugié ? La France a peur du musulman ? La France veut ériger des murs pour protéger sa culture "de race blanche" ? La France a la nostalgie du général de Gaulle et des années 1960 ? Qu’à cela ne tienne : Nicolas Sarkozy et Nadine Morano sont là pour lui dire, à cette France réac' et terrorisée, que Marine Le Pen n’est pas la seule à la comprendre.
Et qu’il existe en dehors du Front national une alternative en apparence plus "républicaine" – c’est le sens du nouveau nom de l’UMP, n’est-ce pas ? – pour satisfaire tous leurs fantasmes et éponger leurs angoisses.
Un différend purement sémantique
Au bout du compte, la différence entre le cœur d’un parti réac' mais présentable – LR – et un FN qu’il faut repousser parce qu’infréquentable ne se situerait pas dans le fond mais dans la forme, et c’est ce que Nadine Morano, dans son zèle maladroit à vouloir soutenir la droitisation de Nicolas Sarkozy, n’a pas compris.
En utilisant le terme de "race blanche" et en évoquant notre "pays judéo-chrétien", Nadine Morano, sur le fond, s’est contentée de dire à peu près la même chose que Nicolas Sarkozy, quand ce dernier vantait "les racines chrétiennes de la France" ou opposait "la civilisation contre la barbarie".
Sauf que Nicolas Sarkozy sait jusqu’où il peut aller sans franchir la ligne blanche, purement sémantique, qui sépare la droite extrême de l’extrême droite. Jamais, par exemple, il n’emploierait le mot "race", lui préférant celui de "culture" ou de "civilisation".
Et pour ceux qui, comme Nadine Morano, ne voient pas le mal à utiliser les mots qui tuent au point de risquer d’en devenir finalement les victimes expiatoires (attendons ce mercredi), il n’hésite pas à mettre les points sur les "i" et à les mettre en garde :
"Je veux que chacun maîtrise son vocabulaire."
Elle ne sera pas exclue
On saura ce mercredi si, après tout, la transgression de Nadine Morano est vraiment grave ou pas, aux yeux de Nicolas Sarkozy. J’ai personnellement le sentiment que les choses finiront par s’arranger entre eux et que la sanction qui va frapper la députée européenne de Toul ne sera pas si violente que ça.
Certes, Nadine Morano devrait perdre la tête de liste de Meurthe-et-Moselle pour les régionales car Nicolas Sarkozy, qui a passé des accords avec les centristes, se doit de leur donner des gages alors que ces derniers exigent sa tête.
Pour autant, la députée européenne ne devrait pas être exclue du parti, même si certains, trop peu nombreux, ont raison de l’exiger au nom des valeurs républicaines qui, par ses propos, ont été à l’évidence bafouées.
Il faut dire que, contrairement à ce qu’on peut lire dans les médias et malgré les apparences, Nadine Morano demeure un atout indispensable dans le jeu de Nicolas Sarkozy en vue de la primaire. Comme le démontre un récent sondage, les Français sont tout de même 16% à la soutenir, à considérer que son combat est légitime dans une France guettée par un métissage qui serait mortifère pour son identité.
Un feuilleton sentimental
Nicolas Sarkozy, même s’il se trouve dans l’obligation de prendre ses distances avec elle, m’a paru cependant la ménager (même si cela n’a pas été que peu souligné par les commentateurs), quand, par exemple, après plusieurs jours d’un silence assourdissant, il a évité de citer son nom en évoquant son dérapage.
Ou encore quand il a imputé ses propos à un simple "désir de publicité personnelle", et non pas, comme il aurait pu le dire s’il avait voulu l’enfoncer, à des convictions profondément réacs et xénophobes.
Dès lors, il me semble que tout n’est pas perdu entre eux. Et quand Nadine Morano, sur le coup de la colère, balance qu’elle va "dézinguer" Nicolas Sarkozy, ce n’est ni plus ni moins qu’une réaction de dépit et d’orgueil, qui sans doute ne signifie rien d’autre que le "casse-toi pôv con !" de son mentor.
Car ces deux-là s’engueulent, se quittent et se réconcilient souvent, comme en attestent les épisodes précédent d’un feuilleton sentimental qui n’en finit pas. On se souvient de la colère de Nadine Morano quand, en août 2014, elle avait appris que Nicolas Sarkozy l’avait oubliée au profit de Nathalie Kosciusko-Morizet et des jeunes quadras.
On se rappelle aussi l’échange houleux rapporté par "Le Canard Enchaîné" en décembre dernier quand la parlementaire européenne, vexée de ne pas recevoir de son chef une responsabilité de son niveau, lui avait lancé : "tu vas te calmer !", n’hésitant pas à lui dire que non, "tout le monde ne l’aimait pas à l’UMP".
Un intérêt mutuel
Cela n’a pas empêché des retrouvailles et des réconciliations entre deux êtres qui, au delà de leurs sentiments réciproques, ont définitivement besoin l’un de l’autre. Nadine Morano sait bien que sans Nicolas Sarkozy elle n’a aucune chance de revenir dans la lumière (par exemple, comme ministre ?) et à ce titre, elle fera tout pour favoriser son élection à la primaire.
Quant à Nicolas Sarkozy, obligé qu’il est d'apparaître comme un chef de parti "rassembleur de la famille" jusqu’au centre, il sait qu’il a besoin de Nadine Morano pour fixer l’électorat tenté par l’extrême droite.
Si elle obtient les parrainages nécessaires à sa candidature à l’élection interne, Nicolas Sarkozy, malgré leurs bisbilles, pourra compter sur ses voix au deuxième tour. Et si elle ne les obtient pas, elle se fera, le temps de sa campagne, la porte-voix d’un discours droitisé à l’extrême qu’il ne pourra pas tenir lui-même, sous peine de heurter une partie des électeurs.
Bref, ce sera bel et bien une question de vocabulaire. Et Nadine Morano, sur ce terrain là, saura redevenir indispensable.