C’est sa dernière bataille. Du moins, celle qui colorera le bilan de son quinquennat et, comme il s’y est engagé, déterminera sa capacité à en briguer un deuxième en 2017. Le message que François Hollande a délivré lors de ses vœux «â€Šaux acteurs de l’entreprise et de l’emploi », lundi 18 janvier au Conseil économique, social et environnemental (CESE), vise bien à démentir toute «â€Šinertie » , selon l’Elysée. En substance  : la bataille pour l’emploi sera menée jusqu’à la toute fin du mandat, et l’année 2016 constituera de ce point de vue l’année décisive.
Nonobstant le glissement du terrain sécuritaire, depuis les attentats de janvier et de novembre  2015, le président le confiait, en privé, après les derniers attentats  : «â€ŠJe sais que je serai jugé sur le chômage. Plus que jamais, c’est une priorité. » Ce qu’il s’est employé à souligner, lundi, tentant d’accréditer que cette année, enfin, pourrait être celle de l’inversion de la courbe du chômage tant promise.
«â€ŠNous n’avons pas fini de réformer », explique un collaborateur du chef de l’Etat. Après avoir rappelé les grandes lignes de l’action conduite depuis mai  2012 pour redresser les finances publiques et restaurer la compétitivité des entreprises (crédit impôt compétitivité emploi, pacte de responsabilité), M. Hollande devait dévoiler, lundi, une nouvelle série de réformes destinées à «â€Šadapter notre modèle » et à «â€Šsaisir les opportunités de l’économie numérique ». Un paquet de mesures que l’on pourrait qualifier de la dernière chance, lesquelles s’inscrivent dans la continuité des idées esquissées lors de ses vœux aux Français, le 31 décembre 2015.
Premier axe de son discours, adapter les actifs à la «â€Šnouvelle donne économique ». Le président de la République a confirmé que 500  000 formations supplémentaires seraient assurées, cette année, en faveur de demandeurs d’emplois, dont les qualifications risquent de devenir obsolètes. L’objectif est très ambitieux si on le compare au nombre de chômeurs entrant en stage au cours d’une année (un peu moins de 644  000 chômeurs en 2013, selon une étude des services du ministère du travail). Cela reviendrait à former plus de 1,1 million de personnes à la recherche d’une activité. «â€ŠIrréaliste », selon un proche du président du Medef, Pierre Gattaz. Cependant, «â€Šon peut tangenter le million », ajoute-t-il.
L’Etat participera au financement de cet effort à hauteur d’un milliard d’euros en  2016. Vendredi, les partenaires sociaux, qui gèrent le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, ont décidé d’accorder une rallonge de 80 millions d’euros au profit de la formation des demandeurs d’emplois.
Reste à savoir quelle sera la contribution des régions, sur une politique qui est au cœur de leurs compétences. M. Hollande a déclaré, lundi, qu’elles se verront confier le pilotage de ce plan, en partenariat avec le patronat et les syndicats. Une décision qui répond aux attentes maintes fois exprimées par le président (PS) de l’Association des régions de France , Alain Rousset. Pour lui, ces collectivités ont vocation à coordonner un dispositif qui, à l’heure actuelle, marche mal car le service public de l’emploi est «â€Štrop émietté ». «â€ŠLes régions connaissent les entreprises qui recrutent », souligne-t-il. Fin janvier ou début février, un séminaire aura lieu à l’Elysée, avec l’ensemble des présidents de régions, à ce sujet.
François Hollande devait, dans la même optique, annoncer la relance de l’apprentissage, dont les effectifs ont baissé en  2013 et en  2014. Le but est de faire entrer 500  000 jeunes, en 2017, dans des dispositifs de ce type (contre un peu plus de 400  000 à l’heure actuelle), afin de leur permettre de saisir les opportunités offertes par la montée de l’économie numérique et des technologies digitales.
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Soutenir l’emploi dans les PME
Pour que les chômeurs formés et les apprentis augmentent leurs chances de trouver du travail, de nouvelles mesures vont être prises afin de soutenir l’emploi dans les PME. Celles-ci restent, dans certains cas, assujetties au paiement de cotisations pour des salariés proches du smic, malgré le CICE et le pacte de responsabilité. L’exécutif entend parvenir à une situation où elles n’en paieront plus du tout, pour les personnes embauchées à un niveau de salaire proche du salaire minimum.
«â€ŠToute entreprise de moins de 250 salariés qui recrutera un salarié payé entre 1 et 1,3 smic en CDI ou en CDD de six mois et plus se verra compenser l’ensemble de ses cotisations sociales, assure le chef de l’Etat. Concrètement, cela signifie que l’Etat prendra à son compte la totalité des prélèvements sociaux, ce qui représente une somme de 2  000  euros pour assurer effectivement zéro charge. » Elle ne qui sera accordée sur deux ans et qui sera mise en place tout de suite. «â€ŠOn est dans l’idée d’un état d’urgence économique et social », argue-t-on à l’Elysée.
Au total, deux milliards d’euros devraient être consacrés à ces efforts sur la formation, l’apprentissage et les PME. L’Etat mettra la main à la poche en procédant à des redéploiements de crédits inscrits dans une loi de finances rectificative, qui devrait être adoptée avant l’été. Le chef de l’Etat devait également évoquer le projet de loi que la ministre du travail, Myriam El Khomri, présentera, en principe début mars, en conseil des ministres. Ce texte doit notamment redonner des marges de manœuvre aux employeurs pour négocier sur le temps de travail. Il ne touchera pas aux 35  heures, mais permettra de moduler la durée maximale du travail sur une journée et sur une semaine.
Autre sujet, potentiellement explosif, sur lequel l’exécutif veut innover  : la rupture du contrat de travail, qui sera simplifiée, sans pour autant remettre en cause le CDI.. Comme l’avait dit le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, dans un entretien au Monde le 7 janvier, la réforme des prud’hommes, engagée par la loi «â€Šcroissance, activité et égalité des chances économiques » d’août  2015, sera parachevée «â€Šavec l’instauration d’un plafond pour les indemnités prononcées ».
Le barème mis en place dans le texte promulgué l’an passé avait été invalidé par le Conseil constitutionnel au motif qu’il introduisait une rupture du principe d’égalité devant la loi. Le gouvernement revient à la charge sur cette disposition ; l’une des pistes envisagées consisterait à tenir compte de l’âge et de l’ancienneté du salarié licencié dans le calcul des dommages-intérêts qui lui sont alloués.
Ce dernier volet constitue sans aucun doute le plus sensible. Une prise de risque politique supplémentaire après les crispations sur la loi Macron et la loi Rebsamen, et en plein débat sur la déchéance de nationalité. «â€ŠCertains, au sein de la majorité ou du gouvernement, se demandent s’il est nécessaire de remettre une pièce dans la machine », rappelle un proche du président. Mais M. Hollande considère que le pire serait de donner le sentiment de l’immobilisme en  2016. Il faut donc montrer que, jusqu’au bout, on cherchera à réformer, même si cela ne plait pas à tout le monde. Le chef de l’Etat, plus que jamais, est au pied du mur.