• 30/01 | 16:47 | Clémence Dunand

    Megaupload : des fichiers supprimés dès jeudi

    La justice américaine a donné le feu vert à la suppression de données sauvegardées via le site de partage par certains hébergeurs tiers.

    Les millions de fichiers stockés sur Megaupload, le site de partage fermé jeudi 19 janvier, vont-ils disparaître ? A priori, oui, pour certains d'entre eux en tout cas. la Justice américaine a, en effet, autoriser des sociétés tiers hébergeurs à supprimer ces données, et ce dès jeudi.

    Pas de zèle légaliste de la part de ces tiers, mais une raison bien concrète : les avoirs de Megaupload sont désormais gelés par le gouvernement, souligne l'avocat du site Ira Rothken. Faute de paiement, certains hébergeurs souhaitent donc pouvoir supprimer les fichiers pour réallouer leur espace de stockage. Deux sociétés, Caparthia Hosting et Cogent Communications, ont fait une demande officielle en ce sens, et auraient reçu le feu vert de la justice.

    Seul hic : si certains des fichiers menacés sont illégaux, car ils violent le droit d'auteur, d'autres sont des fichiers personnels parfaitement légaux. Leur disparition seraient donc préjudiciable pour leurs propriétaires, qui n'ont enfreint aucune loi. Ira Rothken a fait savoir que Megaupload travaillait avec les procureurs pour éviter la suppression pure et simple de ces données. Au total, selon les estimations de l'avocat, au moins 50 millions d'utilisateurs pourraient voir leurs fichiers, légaux ou non, partir en fumée.

    CLÉMENCE DUNAND

     

    ENTREPRISES ET SECTEURS

    24/01 | 07:00 | Pierre de Gasquet

    Le démantèlement de Megaupload provoque une onde de choc sur Internet

    En pleine polémique sur la nouvelle législation antipiratage au Congrès, le démantèlement de Megaupload pose la question du contrôle et de l'éthique des sites de stockage et de téléchargement gratuits.

    Ecrit par
    Pierre de GASQUET
    Pierre de GASQUET
    Correspondant à New York
     

    L'arrestation de Kim Dotcom (alias Kim Schmitz) et le démantèlement de son réseau en ligne Megaupload, menacent de jeter une ombre sur les sites de stockage et de partage de fichiers. Au lendemain de la saisie des actifs de Megaupload, l'avocat américain du site, Ira Rothken, a indiqué son intention de contester vigoureusement l'accusation et l'agressivité de la procédure utilisée par le FBI. Mais le raid sans précédent des autorités américaines, qui ont lancé 20 mandats de recherche dans 9 pays et ordonné la saisie immédiate de 50 millions de dollars d'actifs, pose clairement la question de la légalité des activités de Megaupload et de la portée de sa « mégaconspiration » évoquée dans l'acte d'accusation de 72 pages.

    «De toute évidence, Megaupload est le plus important des sites opérés de manière criminelle visant à piller le contenu créatif du monde entier », a souligné, ce week-end, la Motion Picture Association of America (MPAA) qui milite ardemment en faveur de la loi Sopa (Stop Online Piracy Act). Des moyens dignes d'une véritable opération anti-mafia avaient été mobilisés, jeudi, pour procéder à l'arrestation de Kim Dotcom, un germano-finlandais de trente-huit ans.

    50 millions de visites par jour

    Outre la fermeture du site et l'arrestation de trois autres de ses responsables, la justice américaine a ordonné la saisie de 18 noms de domaines et de 525 serveurs installés par la société à Ashburn, en Virginie, en complément de ses 630 serveurs hébergés par le néerlandais LeaseWeb et de ceux fournis par l'américain Cogent en France. Selon le communiqué du Département de Justice et du FBI, le réseau Mega (Megaupload, Megavideo...) aurait spolié des propriétaires de copyright de 500 millions de dollars de recettes potentielles, tout en s'accaparant 175 millions de dollars de ressources publicitaires. Selon l'acte d'accusation, Megaupload, dont le siège est basé à Hong Kong, aurait été, un certain stade, le treizième site mondial le plus visité, avec, selon ses propres dires, « plus de 180 millions utilisateurs enregistrés à ce jour et 50 millions de visites par jour, soit environ 4 % du trafic total sur Internet ». L'opération intervient en pleine polémique sur les lois antipiratage Sopa et Pipa (Protect IP Act) au Congrès. Mais, face à la mobilisation de 14 millions de protestataires par Google, Facebook et Twitter sur Internet, le Sénat et la Chambre ont préféré, ce week-end, faire marche arrière en annonçant le report sine die des deux textes de loi. Toute la question reste de savoir si le « raid » sur Megaup-load est destiné à faire école. Même si le site de Kim Dotcom semble un cas à part, selon certains analystes, plusieurs sites de stockage et de téléchargement concurrents (« cyberlocker s») tels que Box.net, MediaFire, RapidShare, YousendIt ou Dropbox... vont devoir faire preuve de davantage de prudence.

    Signe de la volatilité des réputations en ce domaine : l'acte d'accusation révèle qu'Universal Music (groupe Vivendi) avait envisagé, en novembre 2010, d'ouvrir des discussions avec Megaupload sur l'ouverture de son service de téléchargement légal MegaBox (iTunes sur le cloud). En guise de riposte, le groupe activiste Anonymous a lancé, dès jeudi, une série d'attaques, baptisée « Operation Payback », qui ont neutralisé temporairement plusieurs sites, dont celui du FBI.

    PIERRE DE GASQUET bureau de New York , Les Echos

    votre commentaire
  • Free Mobile : Besson presse l'Arcep de contrôler le réseau

    Mots clés : , , ,

    Par Marie-Cécile Renault Mis à jour <time class="updated" datetime="27-01-2012T14:57:00+02:00;">le 27/01/2012 à 14:57</time> | publié <time datetime="27-01-2012T14:32:00+02:00;" pubdate="">le 27/01/2012 à 14:32</time> Réactions (82)

     

    Le ministre de l'Industrie Éric Besson.
    Le ministre de l'Industrie Éric Besson. Crédits photo : FRED DUFOUR/AFP

    INFO LE FIGARO - Le ministre de l'Industrie a envoyé une lettre mercredi au gendarme des télécoms lui demandant de vérifier le réseau de Free Mobile.

    Dans une lettre datée du 25 janvier 2012, Éric Besson ministre de l'Industrie et de l'économie numérique demande officiellement à Jean-Ludovic Silicani, président du régulateur des télécoms (Arcep) de vérifier que le réseau de Free Mobile ouvert le 10 janvier dernier couvre effectivement 27 % de la population, conformément aux engagements de sa licence.

    «Suite au lancement des offres de Free Mobile, et à la souscription de premiers abonnements, de nombreuses interrogations sont apparues quant à la réalité du respect par l'opérateur de ses obligations de couverture et de la disponibilité de ses services», écrit le ministre dans la lettre.

    «Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me confirmer le respect par l'opérateur Free Mobile de ses obligations en matière de couverture de la population et de la disponibilité du service résultant de son autorisation et permettant à cet opérateur de bénéficier d'un droit d'itinérance sur le réseau d'un opérateur mobile tiers (NDLR: Orange) afin de compléter sa couverture du territoire national», poursuit le ministre.

    «En décidant de l'entrée d'un quatrième opérateur de réseau sur le marché français de la téléphonie mobile, l'objectif du gouvernement était d'introduire une concurrence effective et pérenne au service du consommateur. L'une des conditions de cette concurrence effective et pérenne est que le réseau de cet opérateur soit déployé et opérationnel, conformément à la décision d'attribution de cette quatrième licence».

      

     

     

    LIRE AUSSI:

    » Free déclenche une guerre des prix dans le mobile

    » DOSSIER SPÉCIAL - La guerre des opérateurs


    votre commentaire
  • De Napster à Megaupload, le long affrontement entre la justice et les services de téléchargement

    LEMONDE.FR | 23.01.12 | 20h14   •  Mis à jour le 24.01.12 | 08h54

    Depuis 1999 et l'apparition de Napster, le téléchargement illégal a connu de nombreuses mutations. Au fil des procès, de très nombreux services ont fermé puis laissé la place à de nouveaux outils.

    Des pionniers du P2P transformés en services d'offre légale

     

    Napster, Kazaa, Morpheus, Grokster.

    Napster, Kazaa, Morpheus, Grokster.Le Monde.fr

    • Des logiciels centralisés
    • Avec un moteur de recherche intégré
    • Tous condamnés en justice

    A son zénith, Napster, pionnier des logiciels de P2P, a compté entre 40 et 50 millions d'usagers. Mais le logiciel de partage, fondé en mai 1999 par Shawn Fanning et Shawn Parker, se heurte, quelques mois plus tard, en septembre 2001, aux ayants droit. La Recording Industry Association of America (RIAA, équivalent américain de la Sacem) demande 20 milliards de dollars (14,4 milliards d'euros) de dommages et intérêts... Après un accord à l'amiable, elle n'en obtiendra finalement que le centième. Mais Napster n'a pas tout perdu. En 2008, le service est racheté, au prix fort (121 millions de dollars, soit 87 millions d'euros), par le groupe de distribution Bestbuy. Fin 2011, Napster est fusionné avec le service de streaming légal Rhapsody.

    Kazaa a, pour sa part, dû verser 115 millions de dollars aux ayants droit musicaux. Comme Napster, l'ancienne gloire du téléchargement en P2P s'est muée en service de musique légal, uniquement disponible aux Etats-Unis.

    Emule et les logiciels décentralisés

     

    Emule, LimeWire, eDonkey.

    Emule, LimeWire, eDonkey.Le Monde.fr

    • Les moteurs de recherche sont complétés par des annuaires qui font leur apparition
    • Ces logiciels n'appartiennent pas à une entreprise, et sont donc moins vulnérables juridiquement
    • Les procédures judiciaires visent à la fois les annuaires et les développeurs des logiciels, mais ceux-ci survivent

    Après la fermeture de Napster, Emule prend son essor. Développé de manière communautaire, sans serveurs centralisés, le service est moins vulnérable juridiquement que ses prédécesseurs. Mais la fermeture de plusieurs serveurs, en 2006 et 2007, et l'arrivée de nouvelles technologies de partage de fichiers, comme BitTorrent, réduisent l'influence du service.

    A la fin de 2007, le client Limewire était présent sur un tiers des PC dans le monde. Attaquée en justice par la RIAA, l'entreprise du même nom a dû cesser ses activités, au terme d'une longue procédure.

    BitTorrent et l'ère des annuaires

     

    BitTorrent, µTorrent, Azureus, The Pirate Bay.

    BitTorrent, µTorrent, Azureus, The Pirate Bay.Le Monde.fr

    • Les annuaires n'hébergent aucun fichier
    • BitTorrent n'est pas en soi illégal – en revanche, il est aisé de savoir qui télécharge quoi sur le réseau
    • Début, aux Etats-Unis principalement, des procédures de masse contre des internautes

    A partir de 2002, BitTorrent, un protocole d'échange de fichiers développé par l'informaticien Bram Cohen, connaît un succès fulgurant. Grâce à une meilleure gestion des connexions et du partage des fichiers, il permet d'échanger des fichiers à grande vitesse. Plusieurs programmes, dits "clients", permettent d'utiliser ce protocole : Azureus, BitTornado... Les ayants droit changent de tactique : plutôt que de s'attaquer à BitTorrent lui-même, qui a également de nombreuses applications légales, ce sont les annuaires de liens, dont le plus emblématique est The Pirate Bay, et, surtout, les utilisateurs qui sont visés : le principe de fonctionnement même de BitTorrent fait qu'il est aisé de collecter les adresses de machines téléchargeant un fichier. Aux Etats-Unis, la RIAA lance une vaste campagne de plaintes contre des milliers d'internautes, mais la tactique fera long feu : les ayants droit se retrouvent rapidement dans une position intenable où ils réclament des centaines de millions de dollars à des étudiants ou à des mères célibataires.

    The Pirate Bay a échappé de peu à une saisie de nom de domaine, par les autorités américaines, durant l'été 2010. Mais s'il est toujours en ligne, la justice suédoise a confirmé, fin 2010, en appel, les peines de prison ferme infligées aux fondateurs du site. Fin 2011, les ayants droit belges ont également demandé aux fournisseurs d'accès du pays de bloquer The Pirate Bay. Cela n'a pas empêché deux fondateurs de lancer, en août, un site de téléchargement direct, baptisé "Bayfiles".

    Le streaming

     

    GrooveShark, Deezer, RadioBlogClub.

    GrooveShark, Deezer, RadioBlogClub.Le MOnde.fr

    • Les fichiers sont diffusés "à la demande"
    • Certains services signent des accords avec les maisons de disque

    A partir de 2003, avec Radioblogclub, une nouvelle manière d'écouter de la musique en ligne apparaît : la diffusion à la demande. Radioblogclub n'héberge pas directement les fichiers, mais la Sacem parviendra à obtenir sa fermeture et la condamnation de ses créateurs. Ses successeurs, dont Deezer, démarrent sans avoir conclu des accords avec les ayants droit, mais signent au fur et à mesure une "régularisation" par le biais d'accords de partage de revenus. Plus complexe, le cas de Grooveshark, visé par une plainte aux Etats-Unis : les créateurs du site sont accusés d'avoir chargé eux-mêmes des milliers de morceaux protégés par le droit d'auteur, en connaissance de cause.

    Le téléchargement direct

     

    Megaupload, RapidShare, FileServe.

    Megaupload, RapidShare, FileServe.Le Monde.fr

    • Ce sont les sites qui hébergent les fichiers
    • Ils retirent sur demande des ayants droit les fichiers contrefaits
    • Ils proposent des services d'abonnement payants et certains récompensent les uploadeurs

    Popularisés par le développement du haut débit, de nombreux sites dits de "téléchargement direct" se lancent dans le sillage de RapidShare, à partir de 2006. Ces sites hébergent les fichiers, téléchargeables d'un simple clic. Sont-ils illégaux ? La plupart suppriment, sur demande des ayants droit, les fichiers qui leur sont signalés. RapidShare perdra plusieurs procès mais parviendra à rester en ligne.

    Depuis 2010, les autorités américaines ont recours à une procédure plus radicale, depuis le lancement de l'opération "In Our Sites" : la saisie directe du nom de domaine du site. Quand un internaute se connecte à un de ces sites, comme Ninjavideo, il tombe sur le message suivant : "Ce site a été saisi par les douanes (...) sur mandat d'un tribunal fédéral." On l'informe également que la violation du droit d'auteur est passible de cinq ans de prison et 250 000 dollars d'amende, le trafic de biens de contrefaçon de dix ans de prison et deux millions de dollars d'amende. C'est précisément la procédure qui a été employée contre Megaupload, dont plusieurs serveurs ont également été saisis.

    Plus de 350 sites ont déjà été "saisis", dans le cadre de cette opération, qui va plus loin que l'offre de films piratés. "In Our Sites" vise aussi l'offre illégale de musique, de logiciels, de jeux et même de biens physiques comme des vêtements, des produits électroniques et des médicaments. Mais la saisie de noms de domaine a ses ratés. En février 2011, la sécurité intérieure américaine a fermé "par erreur" 84 000 sites Web, dans une opération censée lutter contre la pédopornographie en ligne.

    >> Lire : "Peer-to-peer, la fin d'un protocole ?"

    Laurent Checola et Damien Leloup
     

    Les faits Lois antipiratage : sous pression, Washington fait machine arrière


    votre commentaire
  • Free Mobile : des opérateurs envoient les huissiers

    Mots clés : ,

    Par Marie-Cécile Renault Mis à jour <time class="updated" datetime="16-01-2012T22:36:00+02:00;">le 16/01/2012 à 22:36</time> | publié <time datetime="16-01-2012T22:20:00+02:00;" pubdate="">le 16/01/2012 à 22:20</time> Réactions (54)
    Des opérateurs veulent faire constater que Free Mobile n'a pas respecté ses engagements contractuels.
    Des opérateurs veulent faire constater que Free Mobile n'a pas respecté ses engagements contractuels. Crédits photo : PHILIPPE HUGUEN/AFP

    INFO LE FIGARO - Certains opérateurs affirment que le réseau de Free Mobile n'est pas allumé. Ils ont envoyé des huissiers pour le constater. Free Mobile devrait bientôt franchir le cap du million d'abonnés.

    Stupeur chez les concurrents de Free Mobile: certains d'entre eux disent avoir constaté que le réseau de Free Mobile n'était pas «allumé» et ont même envoyé des huissiers dans les rues pour le vérifier. En clair, cela signifie que, d'après eux, le réseau ne fonctionne pas.

    Concrètement, les abonnés de Free Mobile peuvent téléphoner, mais uniquement en empruntant le réseau d'Orange, qui a signé un accord d'itinérance avec Free. Seul problème, cet accord n'entre en vigueur que si Free Mobile couvre lui-même 27% de la population.

    Interrogé, Free affirme que son réseau fonctionne très bien. Alors que se passe-t-il? Manœuvre des concurrents? Bug dans le système d'information? Le réseau a-t-il du mal à supporter l'arrivée des nouveaux clients?

    Bientôt plus d'un million d'abonnés

    Car Free Mobile devrait bientôt franchir le cap du million d'abonnés. Lancé il y a tout juste une semaine, le nouvel opérateur aurait engrangé 500.000 clients dans les tout premiers jours. La tendance s'est ralentie depuis, mais Free Mobile séduirait quotidiennement 100.000 abonnés. Le million d'abonnés devrait donc être franchi d'ici à quelques jours.

    Free Mobile a-t-il eu les yeux plus gros que le ventre? Une chose est sûre, le quatrième opérateur a tapé fort: 78% des Français «pensent» s'y abonner, indique une enquête du cabinet GfK publiée lundi. Selon cette étude, 14% déclarent vouloir changer immédiatement, 39% préfèrent attendre quelques mois pour que d'autres testent Free Mobile avant eux, et 25% attendent la fin de leur engagement avec leur opérateur actuel. En revanche, 22% indiquent ne pas vouloir changer d'opérateur. Mais ce sondage ne tient bien sûr que si le réseau de Free fonctionne!

    LIRE AUSSI:

    » Free déclenche une guerre des prix dans le mobile


    1 commentaire
  • Les pirates roumains d'"Hackerville" tiennent tête aux polices du monde entier

    LEMONDE | 28.12.11 | 18h4

    Ramnicu Valcea (Roumanie) Envoyé spécial - Ville pleine de verdure située aux pieds des Carpates, au centre de la Roumanie, Ramnicu Valcea est loin d'être l'endroit paisible qu'on imagine en sillonnant ses grands boulevards. Dans le milieu de la cybercriminalité, on l'appelle "Hackerville".

    "Il n'y a pas de quoi être fier, déclare Stelian Petrescu, un professeur de géographie. Ramnicu Valcea est sans doute la ville roumaine la plus connue aux Etats-Unis. Les Américains n'avaient aucune idée de mon pays à part la région de Transylvanie et la légende de Dracula. Mais maintenant, c'est ma ville qui est devenue la star à cause de ces jeunes qui volent sur Internet. Ici, on n'est plus à Ramnicu Valcea mais à Hackerville."

    Frauder sur le Net est devenu le sport local dans cette ville que la presse américaine présente comme la "Sillicon Valley du vol sur Internet". Selon la police roumaine, 80 % des fraudes effectuées en Roumanie visent des Américains. C'est la raison pour laquelle, mercredi 7 décembre, le directeur du FBI, Robert Mueller, s'est rendu à Bucarest. Après un passage éclair au palais présidentiel et quelques mots avec le président Traian Basescu, M. Mueller a rendu visite à la police, au procureur général et aux services de renseignement.

    "Les menaces les plus graves auxquelles nous sommes confrontés sont transnationales, a-t-il déclaré. Aucun pays et aucune agence ne peuvent lutter seuls contre ces menaces, qu'il s'agisse de terrorisme, de trafic de drogues ou de criminalité informatique."

    Dans le quartier Ostroveni, le fief des hackers situé au sud de la ville, la nouvelle de cette visite ne provoque aucune réaction. Les descentes de police, les arrestations et les visites de journalistes venus du monde entier sont monnaie courante dans ce quartier où les habitants préfèrent tout de même garder l'anonymat.

    "Mais qu'est-ce qu'on peut faire !, lance George, qui vient d'obtenir son diplôme en management. Il n'y a pas de travail ici. Le gouvernement ne parle que de crise, de diminutions de salaires et de se serrer la ceinture. J'ai 24 ans et toutes mes années à la fac, je n'ai fait que me serrer la ceinture. J'ai des amis dans le quartier qui touchent des dizaines de milliers d'euros. D'accord, ils les volent sur le Net, mais au moins, eux, ils se débrouillent. Et moi, je dois travailler toute ma vie pour rien. Que feriez-vous à ma place ?"

    Malgré les nombreuses arrestations opérées par la police ces dernières années, Ramnicu Valcea reste une plaque tournante de la criminalité informatique dont les tentacules s'étendent sur plusieurs continents. Au début des années 2000, les jeunes de "Hackerville" étaient assez naïfs pour communiquer à leurs victimes leurs numéros de compte en Roumanie, ce qui permettait à la police de les localiser rapidement. Aujourd'hui, la donne a changé. La discrétion est de mise et l'effacement des traces est devenu un art.

    Les hackers ont intégré des réseaux transnationaux très bien organisés et utilisent souvent ce qu'ils appellent des "flèches". Une "flèche", c'est un intermédiaire dont la mission est d'ouvrir un compte dans le pays où il se trouve. Il reçoit sur son compte l'argent que les victimes paient sur le Net pour acheter un produit ou un service qui n'existe pas, retient pour lui un pourcentage et vire le reste sur le compte d'une autre "flèche" dans un autre pays. Et ainsi de suite jusqu'à la dernière "flèche" qui transmet la somme finale au cerveau de l'opération.

    Dans le centre de Ramnicu Valcea, on peut voir plus d'une vingtaine de bureaux de la société Western Union, spécialiste du transfert d'argent. Un vent de prospérité souffle sur la ville. Les clubs et les bars où les hackers passent leurs nuits ont poussé comme des champignons. En 2010, à Budesti, petit village situé à l'entrée de la ville, Mercedes-Benz a ouvert sur 2 700 m2 un salon d'autos dernier cri. Les hackers raffolent d'Audi et de BMW.

    Apparemment, les descentes régulières de la brigade spéciale "Vlad l'Empaleur" de la gendarmerie roumaine n'ont aucun effet. La dernière, qui a eu lieu le 22 novembre, concernait plusieurs villes, dont Ramnicu Valcea. "Vingt-cinq personnes, de 18 à 35 ans, ont été arrêtées pour avoir provoqué un préjudice de 120 000 euros à des citoyens américains, suisses, français, autrichiens et allemands, affirme le procureur Danusia Boicean. Ils avaient mis en place de fausses enchères sur le site eBay pour vendre des produits électroniques, des voitures et même des tracteurs."

    En juillet, la police roumaine et des officiers du FBI venus en renfort ont arrêté 23 hackers qui avaient réussi à escroquer un millier d'Américains à hauteur de 20 millions de dollars (15,3 millions d'euros).

    "Finalement, par ces temps de crise, ces types réussissent à faire entrer des devises fortes en Roumanie. Il faut quand même admettre qu'il y a un aspect positif dans leur démarche", note George. Encore un peu et les hackers passeraient pour des patriotes. George n'a pas encore basculé dans leur camp, mais il semble très attiré.

    La réussite affichée, les hackers de Ramnicu Valcea attirent les jeunes comme un aimant. Leur influence se ressent jusqu'à Dragasani, petite ville située à une centaine de kilomètres au sud. Ici, comme dans "Hackerville", les voitures de pointe se sont multipliées, signe que de plus en plus de jeunes se "convertissent". Mais le FBI a déjà formé plus de 600 policiers roumains pour endiguer ce fléau. George en sourit et montre du doigt une citation de Sénèque collée au-dessus de son ordinateur : "Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles." Parole de futur hacker ?

    Mirel Bran


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique