• Le Premier ministre demande au Parlement de lui accorder sa confiance


    Le Parlement grec doit procéder à un vote, ce mardi, pour dire s'il accorde ou non sa confiance à Georges Papandréou qui l'a requise pour pouvoir faire passer un nouveau plan d'austérité destiné à obtenir une nouvelle aide internationale.
    Par Kéthévane GORJESTANI (vidéo)
    Dépêche (texte)

    AFP - Le Premier ministre grec Georges Papandréou doit obtenir dans la nuit de mardi à mercredi la confiance du Parlement pour l'adoption d'un impopulaire plan de rigueur, condition imposée par l'Union européenne pour aider la Grèce à éviter la faillite.

    "Le scénario principal est que le gouvernement décrochera le vote de confiance et dans la foulée l'adoption du plan", lors d'un vote officiellement prévu avant le 30 juin, relève pour l'AFP Platon Monokroussos, économiste à Eurobank.

    La dette grecque

    La même conviction est partagée par la presse, en dépit d'une grogne sociale généralisée, alors que le gouvernement dispose d'une majorité de 155 sièges sur 300.

    Avant le vote de confiance, qui doit intervenir à partir de minuit, le syndicat de la fonction publique Adedy a appelé à une manifestation devant le Parlement, tandis que les "indignés" grecs campant sur place depuis fin mai ambitionnent de faire affluer les protestataires, en dépit des signes d'un essoufflement de leur mouvement.

    Face à cette tension, M. Papandréou veut reprendre la main, et "verrouiller son groupe parlementaire socialiste, car on imagine mal qu'un député puisse accorder la confiance (au gouvernement) puis voter contre le nouveau programme économique", explique Thomas Gerakis, de l'institut de sondage Marc.

    L'alternative serait la faillite selon les partenaires de la Grèce, qui lui ont accordé mardi deux semaines pour adopter sa nouvelle cure d'assainissement, si elle veut débloquer, lors d'une réunion exceptionnelle de l'eurogroupe le 3 juillet, le versement d'une nouvelle tranche vitale de 12 milliards d'euros de prêts.

    Selon une source du ministère des Finances, les besoins de financement du pays sont couverts jusqu'au 18 juillet. Dans une note d'analyse, Eurobank a chiffré à quelque 6,85 milliards d'euros le coût du service de la dette d'ici fin juillet, sans compter les autres dépenses prévues, salaires et pensions.

    Conscient de l'enjeu, M. Papandréou avait repris l'initiative la semaine dernière alors que la fronde contre rigueur et cessions gagnait ses députés. Il a demandé la confiance après avoir remanié son gouvernement, propulsant au poste-clé de ministre des Finances un poids-lourd du parti socialiste, Evangélos Vénizélos.

    Mardi, à l'issue de réunions à Bruxelles et Luxembourg, les deux hommes ont multiplié les gages envers leurs partenaires, qui ont parallèlement fait miroiter une rallonge à long terme du soutien financier du pays, le premier prêt consenti en mai 2010, de 110 milliards d'euros, n'ayant pas conjuré la menace d'un défaut.

    "Nous sommes déterminés (...) à aller de l'avant pour entreprendre ce qui est nécessaire de façon à ce que notre pays retrouve une situation économique meilleure et viable", a dit M. Papandréou.

    "Ce qui prime est de créer une véritable relation de confiance et stabiliser la situation (...) et pour ce faire le plan doit être adopté" d'ici le fin du mois, a souligné M. Vénizélos.

    Il a au passage annoncé que la loi d'application du programme, finalisant les impopulaires mesures fiscales prévues, serait elle aussi adoptée avant le 30 juin, soit une semaine plus tôt que prévu.

    Une "mission technique, au niveau des experts" de la troïka, la délégation tripartite (Banque centrale et Commission européennes, Fonds monétaire international) chargée de surveiller les comptes grecs est arrivée mardi à Athènes pour vérifier que ce volet fiscal, remanié jusqu'au dernier moment par le gouvernement, "remplit bien les objectifs convenus", a indiqué à l'AFP une source du ministère.

    Mais pas question d'une renégociation des termes du plan pluri-annuel, prévoyant d'ici 2015 des économies de 28,4 milliards et des cessions de 50 milliards, pour juguler une dette de plus de 350 milliards. Réclamant une telle révision, l'opposition de droite s'est refusée jusque là à épauler le gouvernement, en dépit des pressions européennes pour un consensus national.

     

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  • Dernière modification : 21/06/2011 
    - Bachar al-Assad - Syrie


    L'opposition appelle à poursuivre la mobilisation contre le régime
     
    En dépit des promesses de réformes faites lundi par le président syrien Bachar al-Assad, ses opposants appellent à poursuivre la lutte jusqu'à sa chute. Des manifestations hostiles au régime ont eu lieu après son discours.
    Par Jonathan WALSH (vidéo)
    Dépêche (texte)

    AFP - Le président Bachar al-Assad a promis lundi des réformes susceptibles de mettre fin à l'hégémonie de son parti en Syrie tout en se disant déterminé à faire cesser le "chaos", mais les opposants, loin d'être satisfaits, ont appelé à poursuivre la révolte jusqu'à la chute du régime.

    Des manifestations hostiles au régime ont éclaté dans différentes régions de Syrie après le discours de M. Assad, notamment à Alep (nord) et à Homs (centre), selon des militants des droits de l'Homme.

    "Al-Assad a beaucoup perdu de sa crédibilité"
    Par Isabelle DELLERBA, correspondante au Liban, le 21/06 à 8h

    Dans un discours à l'Université de Damas, sa troisième intervention publique depuis le début le 15 mars du mouvement de contestation, M. Assad n'a pas annoncé de mesures concrètes immédiates.

    Devant une salle comble qui l'a accueilli avec des applaudissements et slogans à sa gloire, il a expliqué que les réformes envisagées ne pouvaient être décidées dans la précipitation, proposant d'attendre l'élection d'un nouveau Parlement prévu en août.

    "Pas de réformes à travers le sabotage et le chaos", a-t-il lancé tout en appelant à un "dialogue national qui pourrait aboutir à des amendements à la Constitution ou à une nouvelle Constitution".

    Il a aussi évoqué la possibilité "d'amender (...) la clause 8", qui fait du Baas le "parti dirigeant de l'Etat et de la société" en Syrie depuis 1963. Son annulation est l'une des revendications principales de l'opposition.

    "Il y a certainement un complot" contre la Syrie, a-t-il par ailleurs affirmé.

    Les manifestants syriens réclament aujourd'hui la chute du régime et des élections libres, en plus de l'annulation de la clause 8.

    "Nous jugeons inutile tout dialogue qui n'aboutirait pas à tourner la page du régime actuel", ont répété les Comités locaux de Coordination, qui chapeautent les militants organisant les manifestations, après le discours de M. Assad.

    Ils ont appelé à poursuivre "la révolution jusqu'à la réalisation de tous ses objectifs", estimant que le discours "consacre la crise".

    L'avocat des droits de l'Homme Anouar Bounni, qui vient de purger une peine de cinq ans de prison, l'a jugé de son côté "décevant". "Une véritable solution politique est basée sur des conditions qui n'ont pas été évoquées comme le retrait de l'armée des villes et le respect du droit à manifester pacifiquement".

    M. Assad a fait la distinction entre les manifestants qui, a-t-il admis, ont des revendications légitimes et les "saboteurs".

    "Les responsables de l'effusion de sang rendront des comptes", a-t-il dit. Selon des ONG syriennes, la répression a fait plus de 1.300 morts parmi les civils.

    "Il est du devoir de l'Etat de poursuivre les saboteurs, il n'y a pas de solution politique avec ceux qui ont porté les armes", a lancé le président, 45 ans, arrivé au pouvoir en juillet 2000, un mois après la mort de son père, l'ex-président Hafez al-Assad.

    Lundi, les autorités ont montré à des diplomates et journalistes une "nouvelle fosse commune" près de Jisr al-Choughour (nord-ouest) désertée par ses 50.000 habitants à la suite de violences meurtrières au début du mois. L'armée s'est déployée dans la ville le 12 juin.

    Un photographe de l'AFP a pu constater le retrait de huit cadavres et une source militaire a ensuite indiqué que 29 corps avaient été retirés de la fosse. Selon l'agence officielle Sana, il s'agit des corps de policiers tués par des "groupes armés".

    Le président Assad a d'autre part brandi le risque d'un "effondrement de l'économie syrienne", jugeant nécessaire de lui "redonner confiance".

    Son régime, cible de sanctions des Etats-Unis et de l'Union européenne, est resté sourd aux appels à cesser la répression et à entreprendre des réformes immédiates, notamment de son allié turc.

    Le chef de la diplomatie française Alain Juppé a jugé lundi que Bachar al-Assad avait atteint "un point de non-retour" et il n'y avait "aucune raison de le prendre aujourd'hui au sérieux".

    "Ce n'est pas la déclaration d'aujourd'hui qui change le contexte", a-t-il dit, se disant convaincu que le président syrien n'est pas en mesure de s'amender après la répression "d'une violence inouïe" imposée à son peuple.

    Son homologue allemand Guido Westerwelle a pour sa part évoqué "le discours d'un incorrigible, qui n'a apparemment pas compris les signes des temps".

    "Je pense qu'il est urgent et nécessaire pour le régime d'Assad de faire un demi-tour de 180 degrés en Syrie et de retourner à un dialogue", a précisé M. Westerwelle.

    Washington demande "des actes, pas des mots", a pour sa part indiqué le département d'Etat, après le discours d'Assad.

    L'Union européenne a annoncé de son côté un renforcement de ses sanctions à l'encontre du régime syrien, avertissant que la "crédibilité" du président Assad pour rester au pouvoir dépendrait des réformes promises.

    La Turquie, pays frontalier confrontée à un afflux de réfugiés syriens, a estimé que le président Assad devait s'engager d'une manière "beaucoup plus claire et nette" en faveur d'un changement démocratique.

    Le discours de M. Assad a coïncidé avec la visite à Damas du président de la Croix-Rouge internationale, Jakob Kellenberger, venu réclamer l'accès aux personnes affectées par les violences. Il a été reçu par le Premier ministre Adel Safar qui a affirmé "le soutien du gouvernement syrien aux efforts du CICR", selon Sana.



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  • "Le Monde Magazine" : Mayas, autodestruction d'une civilisation

    LE MONDE MAGAZINE | 17.06.11 | 17h49  •  Mis à jour le 18.06.11 | 15h33

     

    Tikal, une des plus grandes cités mayas de la période classique, a perdu 90 % de sa population en moins de deux générations, au IXe siècle.

    Tikal, une des plus grandes cités mayas de la période classique, a perdu 90 % de sa population en moins de deux générations, au IXe siècle.RD Hansen/Fares

    Guatemala, envoyé spécial -

     

    Des pyramides gigantesques perdues dans la forêt pluviale ; des temples oubliés envahis par la végétation ; d'imposants blocs de calcaire renversés par les racines d'arbres centenaires. Les images d'Epinal de cités majestueuses reprises par la jungle et la nature sauvage en ont fait l'une des plus captivantes énigmes archéologiques. Pourquoi, vers 850 de notre ère, la civilisation maya classique a-t-elle sombré ? A quelle catastrophe ou quel enchaînement d'événements peut bien tenir ce qui nous semble la fin d'un monde ? En quelques décennies, les dynasties s'éteignent, des centaines de cités-Etats se vident de leur population, des régions habitées pendant un millénaire voient leurs habitants partir pour ne plus revenir. Le pourquoi et le comment de cet effondrement seront au cœur d'un colloque international organisé au Musée du quai Branly les 1er et 2 juillet, dans la foulée de l'exposition "Mayas, de l'aube au crépuscule".

    Il faudra cependant plus d'un colloque pour trancher ces questions. Elles hantent les chercheurs depuis presque un siècle, sans qu'aucun consensus ne se dégage. Bien sûr, certaines théories n'ont plus guère de partisans : épidémies fulgurantes, "invasions barbares", tremblements de terre en série… Toutes les causes simples et exogènes sont désormais écartées de manière quasi certaine. Reste une combinaison de facteurs régulièrement invoqués : sécheresses en cascade, remise en cause du statut des rois, récurrence de conflits meurtriers entre les principales cités-Etats qui se partagent, via de complexes systèmes d'allégeance, la grande région centrée sur l'actuel Guatemala.

    Chaque cité semble avoir vécu une agonie particulière. Ici, la guerre a été prépondérante. Là, une forte baisse des rendements agricoles a peut-être primé. Ailleurs encore, le détournement de voies commerciales a pu avoir son importance… "Mais le problème, à se dire qu'un grand nombre de facteurs régionaux ont ainsi été impliqués, c'est que nous avons quand même bien affaire à un effondrement généralisé, rappelle Dominique Michelet (CNRS, université Paris-I), qui a dirigé pendant une décennie les fouilles de Rio Bec, au Mexique. Toutes les cités-Etats des basses terres s'effondrent dans un laps de temps assez court. Il faut tenir compte du caractère global de ce phénomène." Manquerait donc au moins une pièce au puzzle.

    Pour Richard Hansen (université de l'Idaho), "un effondrement est toujours causé par plusieurs facteurs". "Mais la particularité d'un tel effondrement est que la population, une fois qu'elle a quitté les centres urbains, n'y revient pas, ajoute l'archéologue américain. Cette absence de toute réinstallation ne peut être le fait que d'une dégradation de l'environnement : les gens ne reviennent pas simplement parce qu'ils ne le peuvent pas. Aujourd'hui, si personne ne retourne vivre à Tchernobyl, c'est parce que l'environnement ne le permet pas."

    DES INDICES SAISISSANTS


    Une jarre miniature remplie de perles et de coquillages a été découverte au pied d'un édifice de Naachtun. C'est une offrande d'abandon des lieux faite par les habitants.

    Une jarre miniature remplie de perles et de coquillages a été découverte au pied d'un édifice de Naachtun. C'est une offrande d'abandon des lieux faite par les habitants.Projet Naachtun

    Comment une ville se vide-t-elle ? Les fouilles franco-guatémaltèques menées depuis deux ans sur le site de Naachtun, dans l'extrême nord du Guatemala, commencent à donner quelques indices saisissants. Et assez contre-intuitifs. Dans la phase la plus tardive de l'occupation de la ville, entre 800 et 950 de notre ère, certaines populations, sans doute des familles nobles, se regroupent dans le centre de la cité, dans des habitations construites autour de plusieurs patios.

    Un édifice de prestige – une pyramide quasi verticale d'une quinzaine de mètres de hauteur – surplombe ce complexe. Or, en la dégageant, les archéologues réalisent qu'elle n'est pas fonctionnelle : il y manque l'escalier qui doit permettre de monter au sommet, sur la plate-forme. Manque, également, le temple sommital. "Le bloc maçonné sur lequel devait s'appuyer l'escalier est bien là, mais la pose des marches n'a pas eu lieu", dit Dominique Michelet, qui a fouillé le secteur. Mieux : en dégageant la base de l'édifice, les chercheurs découvrent au pied de l'escalier inachevé, raconte Philippe Nondédéo (CNRS, université Paris-I), le directeur de la mission, "une jarre miniature en céramique, remplie de perles de coquillages spondyles". Cette manière de placer un objet de valeur au pied d'un édifice sur le point d'être abandonné relève d'un rituel bien connu des spécialistes : c'est une "offrande d'abandon", déposée dans le cadre d'un rituel, sorte d'ultime offrande au monument qui entre en déshérence. Non seulement le chantier de la pyramide n'a pas été mené à son terme, mais ses commanditaires en ont pris acte en l'abandonnant rituellement, selon la coutume.

    "Cela signifie deux choses, explique Philippe Nondédéo. D'une part, les habitants n'ont pas quitté la cité dans la précipitation ou la panique : dans l'un des palais de la ville, nous avons aussi découvert de grands encensoirs, brisés dans le cadre d'un autre de ces rites d'abandon. D'autre part, au moment où ils semblent quitter les lieux, ils ont encore accès à des biens de grande valeur." Les presque cinq cents perles "offertes" à la pyramide inachevée proviennent en effet de la côte Pacifique, à quelque 500 kilomètres de là.

    Ce n'est pas le seul élément indiquant la prospérité de la cité jusque tard dans son histoire. "On a également trouvé de l'obsidienne de Zaragoza et d'Otumba, gisements situés à plus de 1 200 kilomètres de Naachtun à vol d'oiseau !", ajoute Dominique Michelet. Des aiguillons de raie – utilisés dans les rituels d'autosacrifice, au cours desquels des nobles faisaient couler leur sang en se perçant la langue ou le pénis –, des céramiques importées, du jade, des meules en granit du Belize… Même à son crépuscule, Naachtun continuait de disposer de toutes sortes de biens précieux.

    FUITES EN MASSE

    A l'image de Naachtun, certaines villes semblent avoir été abandonnées en bon ordre. On part en ne laissant que peu de choses derrière soi. Ce n'est pas le cas partout ailleurs. Plus au sud, des régions semblent en proie au chaos qui suit de près les conflits armés. Dès le milieu du VIIIe siècle de notre ère, avant que ne s'effondre le reste de la région, les cités d'Aguateca, Dos Pilas et Cancuén sont ravagées par la guerre. Leurs populations fuient en masse.

    "A Dos Pilas, la population démantela elle-même une grande partie de ses propres temples et palais dans une tentative désespérée d'ériger des barricades de pierre, mais en vain, car la cité fut détruite, écrit Arthur Demarest (université Vanderbilt), dans sa contribution au colloque. Non loin, le centre d'Aguateca se dressait sur un escarpement quasi imprenable, bordé, d'un côté, de falaises et d'un abîme, et, de l'autre, de kilomètres de murailles. Cette cité résista plus longtemps, mais finit par être prise et brûlée vers l'an 800." "Plus au sud, sur les rives du fleuve de la Pasión, le riche port de commerce de Cancuén, florissant entre 750 et 800, fut à son tour détruit, ajoute l'anthropologue américain. Son roi, la reine et plus de trente nobles furent assassinés dans un grand rituel à l'issue duquel leurs corps, revêtus de leurs plus beaux atours, furent déposés dans une citerne sacrée."

    Entre Naachtun et Dos Pilas, Aguateca ou Cancuén, il semble n'y avoir rien de commun. D'un côté, une population riche qui certes se rétracte dans le centre de la ville, mais qui continue à jouir d'un certain luxe et semble quitter les lieux sans précipitation. De l'autre, la guerre, la mort, le chaos. A Naachtun, les hommes abandonnent la ville relativement progressivement ; ailleurs, les populations paraissent parfois s'être évanouies avec une incroyable rapidité. "Des études de densité de l'habitat ont suggéré qu'à partir de 830 environ, Tikal [l'une des plus grandes cités des basses terres] perd 90 % de sa population en moins de deux générations", illustre Charlotte Arnauld (CNRS, université Paris-I). Comment imaginer une cause sous-jacente, commune à des situations si radicalement différentes ?


    Le sommet du temple du Jaguar, à El Mirador, la plus grande cité maya préclassique, tombée vers 150. Le bas de la pyramide se trouve 17 mètres sous la terre.

    Le sommet du temple du Jaguar, à El Mirador, la plus grande cité maya préclassique, tombée vers 150. Le bas de la pyramide se trouve 17 mètres sous la terre.Charles David Bieber/Fares 2005

     

    Peut-être, pour comprendre la chute des Mayas classiques, faut-il remonter le temps de quelques siècles. Et analyser une autre crise, bien plus ancienne, celle de 150 après J.-C.. Car l'effondrement de la civilisation maya classique, vers l'an 850, n'est pour certains spécialistes rien de plus que la répétition d'un autre effondrement : celui de la période maya dite préclassique, commencée en 1000 avant J.-C.. Ainsi, lorsque Naachtun est désertée vers 950, d'autres cités alentour sont déjà abandonnées depuis huit siècles. Déjà ruinées et déjà partiellement recouvertes par la forêt. La crise des années 150 demeure toutefois localisée : elle est limitée à la région d'El Mirador, du nom du plus grand centre urbain de cette zone de l'extrême nord guatémaltèque, toute proche de Naachtun.

    Qu'apprend-on de cet effondrement antérieur, celui des Mayas préclassiques ? D'abord que l'histoire des sociétés humaines n'est pas celle d'une croissance constante, d'une amélioration continue des réalisations techniques. Dans le monde maya, rien n'égalera en taille les monuments d'El Mirador, rien ne surpassera le gigantisme de son architecture. La pyramide dite La Danta, la plus grande du site, culmine à plus de 70 mètres. Elle excède en volume la grande pyramide égyptienne de Gizeh et compte au nombre des plus vastes édifices jamais érigés. Dans la région d'El Mirador, au cours de la période préclassique, tout semble avoir été construit à l'aune de cette démesure. Déjà, les grandes villes de la région – El Mirador, mais aussi El Tintal, Nakbe, Wakna – étaient connectées par "un réseau de chaussées pavées larges d'une vingtaine de mètres, surélevées de 4 à 5 mètres et qui pouvaient raccorder des centres distants d'une vingtaine de kilomètres", dit Philippe Nondédéo. A son apogée, El Mirador a pu compter des dizaines de milliers d'habitants.

    STUC DESTRUCTEUR

    Au milieu du IIe siècle, ceux-ci quittent les lieux en masse. Et n'y reviendront que très partiellement, après de longs siècles. Pourquoi ? "Je ne crois pas que la guerre puisse pousser les populations à partir et à ne jamais revenir : la guerre peut susciter un abandon momentané, pas un effondrement, estime Richard Hansen, qui fouille El Mirador depuis les années 1980. Pendant la seconde guerre mondiale, Dresde, Tokyo ont été bombardées, Hiroshima et Nagasaki ont chacune reçu une bombe atomique… Or toutes ces villes sont aujourd'hui assez bien peuplées !" Pour l'archéologue américain, il faut chercher ailleurs les causes de l'effondrement des Mayas préclassiques. "Il faut bien comprendre que ce qui a permis l'extraordinaire succès des Mayas, c'est leur système agricole, ajoute M. Hansen. Dans la région d'El Mirador, ils utilisaient la boue des marécages sur de grandes cultures en terrasse : ils pouvaient ainsi cultiver la même terre pendant des centaines d'années sans l'épuiser."

    Selon l'archéologue américain, quelque chose est donc venu perturber cet astucieux système. Les fouilles montrent que les boues de matières organiques utilisées comme fertilisants sont aujourd'hui parfois ensevelies sous un à deux mètres d'argiles. De tels enfouissements des sols n'ont pu être provoqués que par l'érosion due à une déforestation massive. "Je pense que ce qui a suscité cette déforestation n'est pas l'agriculture, mais plutôt la production de stuc." Tout au long de la période préclassique, à mesure que les siècles passent, les parements de stuc qui recouvrent les murs des monuments, des maisons, voire le pavement des chaussées, s'épaississent. Les signes ostentatoires de richesse et de pouvoir de la classe dirigeante se paient en stuc. Donc en arbres. Car cet enduit, qui permet de recouvrir les maçonneries grossières, s'obtient au prix d'un long chauffage du calcaire, très coûteux en bois.


    Une tête en stuc de l'époque classique. La production massive de ce matériau serait à l'origine de l'effondrement de la civilisation préclassique.

    Une tête en stuc de l'époque classique. La production massive de ce matériau serait à l'origine de l'effondrement de la civilisation préclassique.Ricky Lopez Bruni/www.rickylopezbruni.com

    Ce défrichage de grande ampleur aurait donc endommagé quasi irréversiblement l'environnement de la région, ruinant ainsi le système agricole qui assurait aux populations leur prospérité. Bien que localisé, cet effondrement des Mayas préclassiques préfigure-t-il celui intervenu sept siècles plus tard sur l'ensemble des basses terres ? De troublantes analogies existent. Comme sur le site de Copan, sur le territoire actuel du Honduras, où l'archéologue David Webster a montré que, dès le viiie siècle, les glissements de terrain dus à la déforestation ont peu à peu oblitéré les capacités de production des paysans aux abords de la cité. "C'est une situation que l'on ne retrouve pas forcément ailleurs et il ne faut donc pas généraliser", tempère Charlotte Arnauld. Mais, malicieusement, cette dernière fait remarquer que les derniers grands monuments de la période classique, érigés peu avant l'effondrement, sont constitués de petits blocs de calcaire, plus petits et bien mieux taillés que ceux utilisés dans les siècles précédents et bien plus soigneusement ajustés les uns aux autres.

    "Peut-être précisément pour économiser le stuc", avance-t-elle. Et donc pour économiser le bois, signe qu'il commençait sérieusement à se faire rare… La déforestation massive pratiquée au cours de la période classique a sans doute eu d'autres répercussions. Sur les pluies : les climatologues savent aujourd'hui que l'absence de végétation peut entraver les précipitations. Des analyses de carottes sédimentaires ont montré qu'entre 760 et 910, quatre vagues de sécheresse de trois à neuf ans chacune ont frappé de vastes zones de l'aire maya. Or dans un système politico-religieux où le roi est le garant de la clémence des éléments, ces calamités à répétition ont peut-être déstabilisé les élites et engendré des troubles politiques.

    FIN D'UN SYSTÈME

    Des troubles dont l'une des plus saisissantes illustrations est une découverte faite par l'équipe dirigée par Charlotte Arnauld au début des années 2000, sur le site de La Joyanca, dans le nord-ouest du Guatemala. L'un des bâtiments, tout en longueur – plus de 50 mètres –, est juché au sommet d'un escalier qui conduit à une grande pièce. Sans doute s'agit-il d'une salle d'audience pourvue d'une banquette, située au milieu – de toute évidence celle du roi. Bâtiment politique par excellence, ce long édifice a connu des cloisonnements internes pendant son occupation (entre 750 et 850), jusqu'à comporter six pièces au milieu desquelles le souverain perd sa singularité. Donc sans doute une partie de son pouvoir. Lorsqu'ils dégagent l'édifice, les archéologues trouvent, dans la pièce centrale du roi, le squelette d'un homme, ou d'une femme, jeté là sans ménagement ni sépulture, vraisemblablement à dessein, avant que la banquette royale ne soit enlevée et le toit du bâtiment volontairement abattu…

    S'agit-il du souverain ? Pourquoi aurait-il été tué ? "On ne le saura jamais, admet Charlotte Arnauld. Mais cela n'ôte rien à la violence des actes qui se sont déroulés là, dans une enceinte dévolue au roi." La fin de la période classique est aussi la fin d'un système de royauté sacrée. Au nord des basses terres centrales désertées, dans la péninsule du Yucatan où les Mayas feront revivre de grandes cités dès le XIe siècle, une nouvelle forme de gouvernance apparaît. Un système pour lequel un mot maya existe, multepal : "gouverner ensemble".

    • A voir "Maya de l'aube au crépuscule". Musée du quai Branly, 37, quai Branly, Paris-7e. Tél. : 01-56-61-70-00. Du 21 juin au 2 octobre 2011. Colloque "Sociétés mayas millénaires : crises du passé et résilience", au Musée du quai Branly. Les 1er et 2 juillet. Entrée libre dans la limite des places disponibles.

    Stéphane Foucart


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  • Chine : l'épouse de Hu Jia disparaît avant la libération du dissident

    LEMONDE.FR avec AFP | 20.06.11 | 09h21  •  Mis à jour le 20.06.11 | 09h59

     

    Hu Jia

    Hu Jia, l'un des dissidents chinois les plus connus, s'est heurté au pouvoir pour avoir défendu les malades du sida et les causes environnementales.

    Hu Jia, l'un des dissidents chinois les plus connus, s'est heurté au pouvoir pour avoir défendu les malades du sida et les causes environnementales.AFP/FREDERIC J. BROWN

    L'épouse du dissident chinois emprisonné Hu Jia, censé être libéré à la fin de la semaine, a disparu. Zeng Jinyan est montée, dimanche 19 juin, à bord d'un avion à Shenzen, métropole méridionale du pays. Mais elle n'est pas sortie de l'appareil avec les autres passagers après l'arrivée du vol à Pékin, annonce l'Oriental Daily, de Hong Kong. "Elle a probablement été emmenée", avance le quotidien. Son époux, Hu Jia, doit théoriquement être libéré dimanche prochain au terme d'une peine de trois ans et demi de prison pour "subversion".Souvent cité pour le prix Nobel de la paix depuis sa condamnation, cet homme de 37 ans représente l'un des dissidents chinois les plus connus. Il s'est heurté au pouvoir communiste pour avoir défendu les malades du sida et les causes environnementales. Hu Jia s'est vu décerner le prix Sakharov pour la liberté de pensée en 2008 par le Parlement européen.

    LA RÉPRESSION SE DURCIT

    Plusieurs opposants et militants des droits de l'homme récemment libérés en Chine ont immédiatement été assignés à résidence, parfois avec leur famille, la police chinoise prolongeant ainsi leur peine de réclusion sans aucun cadre légal, à un moment où la répression contre les opposants s'est durcie. C'est pour éviter un tel sort que Zeng Jinyan avait quitté Pékin en avril avec la petite fille du couple pour Shenzhen, situé en face de Hong Kong, avait-elle récemment expliqué. Mais lundi, Zeng Jinyan ne répondait plus au téléphone. La police l'avait avertie qu'il était peu probable que Hu Jia jouisse d'une "vie normale" après sa libération, laissant entendre qu'il verrait sa liberté restreinte.

    Zeng Jinyan avait aussi annoncé que les autorités tentaient de l'expulser, ainsi que sa petite fille, de leur dernier logement. "Je crois que rien de bon ne va se produire [après la libération de Hu Jia]", avait confié son épouse. "Je peux seulement faire tout mon possible pour tenter d'éviter l'arrestation ou la détention", avait-elle ajouté, expliquant vouloir retourner à Pékin "pour accueillir Hu Jia".


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  • Syrie : Assad appelle au "dialogue national", l'opposition persiste

    LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 20.06.11 | 11h34  •  Mis à jour le 20.06.11 | 15h37

    Bachar Al-Assad à l'université de Damas, le 20 juin 2011.

    Bachar Al-Assad à l'université de Damas, le 20 juin 2011.AFP/-

    Le président syrien, Bachar Al-Assad a appelé lundi 20 juin à un "dialogue national" qui pourrait aboutir à une nouvelle Constitution, dans un discours prononcé à l'université de Damas retransmis par la télévision d'Etat. Alors que le régime doit faire face depuis plus de trois mois à une contestation sans précédent, le chef de l'Etat a également déclaré que des élections législatives pourraient avoir lieu en août.

    "On peut dire que le dialogue national est le slogan de la prochaine étape", a-t-il dit lors de sa troisième intervention publique depuis le début du mouvement de contestation. "Certains pensent qu'il y a des atermoiements en ce qui concerne les réformes, qu'il n'y a pas de sérieux. Ce n'est pas vrai, le processus de réformes est une conviction totale dans l'intérêt de la patrie et aucune personne raisonnable ne peut aller à l'encontre de la volonté du peuple", a-t-il estimé lors du discours, qui a duré un peu plus d'une heure.

    Le discours n'a pas convaincu les militants pro-démocratie, qui ont appelé dans un communiqué à poursuivre la "révolte" , jugeant "inutile" tout dialogue qui n'impliquerait pas un changement de régime. Les comités locaux de coordination, une ONG syrienne qui chapeaute les militants organisant les manifestations dans le pays, ont indiqué que le discours du président "consacre la crise" qui secoue le pays depuis plus de trois mois.

    LE "COMPLOT" VA RENDRE LA SYRIE "PLUS RÉSISTANTE"

    Le chef de l'Etat, lui, a réaffirmé que son pays faisait face à un "complot" qui le rendra "plus résistant". "Il faut faire la distinction entre les besoins légitimes de la population et les saboteurs. (...) Il est du devoir de l'Etat de tenir les saboteurs pour responsables et de les poursuivre. Il n'y a pas de solution politique avec ceux qui ont porté les armes", a déclaré Bachar Al-Assad. "Nous devons résoudre les problèmes de la Syrie nous-mêmes. (...) Il n'y aura pas de développement sans stabilité, pas de réformes dans le sabotage et le chaos", a ajouté le président, qui a également présenté ses "condoléances aux familles des martyrs".

     

    Près de 10 000 Syriens ont trouvé refuge en Turquie.

    Près de 10 000 Syriens ont trouvé refuge en Turquie.AP/Selcan Hacaoglu

    Il a par ailleurs appelé les réfugiés ayant fui en Turquie à rentrer chez eux : "La ville meurt sans ses habitants. Je les appelle à revenir le plus tôt possible, (...) ceux de Jisr Al-Choughour qui sont allés en Turquie, qu'ils reviennent. Certains leur disent que l'Etat va se venger, je leur dis que ce n'est pas vrai", a-t-il assuré. La ville, peuplée de 50 000 habitants, a été désertée depuis que des violences y ont éclaté au début de juin. Au total, près de 10 000 Syriens ont trouvé refuge en Turquie. Des milliers d'autres sont massés à la frontière, fuyant les forces de sécurité.

    RISQUE "D'EFFONDREMENT" DE L'ÉCONOMIE NATIONALE

    Bachar Al-Assad a par ailleurs mis en garde contre les risque d'"effondrement" qui menacent l'économie syrienne. "La Syrie doit rechercher un nouveau modèle économique. Dans le passé, c'était le modèle socialiste. Certains disent que ce type de système est mort. Il faut rechercher un modèle qui convienne à la Syrie", a-t-il indiqué.

    Le président a été accueilli dans la salle par des slogans à sa gloire et des applaudissements. Ce discours était très attendu, car il devrait déterminer les choix futurs du régime face à la révolte, qu'il a jusque-là tenté d'écraser au prix de centaines de morts. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, une ONG, 1 309 civils et 341 membres des forces de sécurité ont péri depuis le 15 mars.

    Ankara met Damas en garde contre une intervention étrangère

    Selon un haut responsable turc, Bachar Al-Assad a désormais moins de une semaine pour mettre en œuvre les réformes politiques promises aux opposants avant le début d'une intervention étrangère. La Turquie, plus grand voisin de la Syrie et son premier partenaire commercial, tente de convaincre le président syrien de mettre fin à la répression militaire du mouvement de contestation, qui a notamment poussé des milliers de réfugiés vers la frontière turque.


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