L’Assemblée nationale a adopté jeudi 19 novembre la prolongation de l’état d’urgence de trois mois, par 551 voix contre 6 et 1 abstention. Trois socialistes et trois écologistes ont voté contre. Le projet de loi n'est toutefois pas encore définitivement adopté : le Sénat sera consulté dès jeudi après-midi, et vendredi matin en séance publique.
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« L’état d’urgence doit être prolongé sur tout le territoire, en métropole comme en outre-mer, avait déclaré plus tôt dans la matinée Manuel Valls, d’autres libertés ont été ou peuvent être temporairement limitées. (…) Nous sommes en guerre ! »
Parmi les éléments discutés figuraient le changement du régime des assignations à résidence ou encore le contrôle de la presse.
- L’assignation à résidence étendue
« Nous élargissons la possibilité d’y recourir, pas seulement sur des activités dangereuses avérées, mais aussi menaces fondées sur éléments sérieux », a précisé le premier ministre à l’Assemblée. Le projet de loi prévoit de faire rentrer dans le giron de ces assignations des individus repérés par les autorités « par leur comportement ou leurs fréquentations, propos ou projet », selon les termes de l’étude d’impact du texte fournie par le gouvernement. Au moins 118 personnes ont été assignées à résidence depuis les attentats.
Ces assignations à résidence étaient prévues à huit heures dans le projet de loi, tandis que Les Républicains demandaient leur extension à vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Une mesure jugée « disproportionnée » par le président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, pour qui cela aurait conduit à une « rétention administrative ». Les députés ont finalement adopté un compromis par un amendement d’Eric Ciotti portant à douze heures par jour l’assignation à résidence.
Certains assignés à résidence pourraient porter un bracelet électronique si les autorités le jugent nécessaire.
- Pas de contrôle de la presse pendant l’état d’urgence
Le projet de loi propose de supprimer une ancienne disposition du texte de 1955 qui permettait d’ordonner la censure de la presse, de la radio, des spectacles de théâtre et des représentations de cinéma.
Une partie de l’Assemblée s’opposait à cette modification. Pour le député Les Républicains Jean-Frédéric Poisson, il y a un manque de contrôle des médias dans le cadre de l’état d’urgence. « Il y a un danger représenté par les chaînes d’information, sur l’enquête et sur les interventions en cours. Il faut trouver des modalités de contrôle qui préservent nos libertés fondamentales », a-t-il déclaré jeudi matin.
- Le blocage de sites Internet
Un amendement proposait que le ministère de l’intérieur puisse « prendre toute mesure pour assurer l’interruption » de tout site Internet « provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie », car « Internet est une des armes principales, de vecteur de recrutement de ces gens-là ». Il a été adopté.
La loi sur le terrorisme prévoit déjà, depuis février 2015, que le ministère de l’intérieur puisse bloquer les sites incitant au terrorisme ou en faisant l’apologie, même hors de l’état d’urgence. Une mesure compliquée à mettre en œuvre.
« Restriction des libertés »
« Les Français sont prêts, je le crois, à une restriction des libertés toute relative, encadrée, contrôlée et limitée dans le temps », a appuyé Bruno Le Roux, président du groupe socialiste dans l’hémicycle. Ils « attendent que tout soit mis en œuvre pour éradiquer cette menace », affirme le président du groupe socialiste à l’assemblée.
Guillaume Larrivé a assuré le gouvernement du soutien des Républicains à ce projet de loi « pour faire face au péril imminent ».
« Le temps est désormais à l’action. L’opposition approuve le revirement de la politique de sécurité du gouvernement car c’est bien une nouvelle stratégie, intérieure et extérieure, qui est nécessaire aujourd’hui et dans la durée pour gagner la guerre contre le pseudo Etat islamique. »
Pour le groupe UDI, Jean-Christophe Lagarde a prévenu les députés qu’il fallait « veiller » à « ce que les moyens supplémentaires accordés ne paraissent pas illégitimes pour préserver nos libertés publiques ». « Certains de ces moyens (…) apparaissent indispensables, mais ils ne demeureront pas au-delà des trois mois inscrits dans le projet de loi », a-t-il ajouté.
De son côté, le député PCF André Chassaigne a appelé à protéger « un équilibre entre maintien de la sécurité et respect des libertés publiques ».
« Pas d’alternative entre sécurité et liberté, l’une ne peut pas aller sans les autres. Cela impose une vigilance toute particulière, à un moment où l’émotion pourrait nous tendre vers le choix du tout sécuritaire. »
Le député écologiste Noël Mamère, lui, a déclaré qu’il voterait contre le projet de loi (de même qu’Isabelle Attard et Sergio Coronado, dans son groupe), dénonçant « une surenchère sécuritaire qui vise à transformer l’exception en ordinaire », un « véritable blanc-seing pour trois mois, qui empêche tout contrôle réel et relègue le pouvoir judiciaire, pourtant protecteur des libertés fondamentales, au second plan ».
Une structure pour jeunes radicalisés
Manuel Valls a également annoncé jeudi matin la création d’une nouvelle structure pour « jeunes radicalisés ». « Les financements sont prêts, le cadre juridique et le projet pédagogique en voie de finalisation » pour un site « choisi d’ici la fin de l’année ».
Selon le premier ministre, les premiers admis pourront être « des repentis », que nous mettrons « à l’épreuve afin de mesurer leur volonté de réinsertion dans la durée ». En revanche, il est hors de question que les djihadistes français de retour de Syrie et d’Irak aillent dans ces structures. « Leur place est en prison. Un centre de déradicalistion ne peut pas être une alternative à l’enfermement carcéral. »
Le premier ministre s’est également exprimé sur l’arrêté publié le 13 novembre et autorisant l’emploi de sulfate d’atropine comme antidote à une attaque chimique , arrêt qui se trouve dans le cadre de la COP21 et ne correspondait pas à une menace spécifique, avait par la suite précisé le gouvernement.
« Il ne faut aujourd’hui rien exclure et je le dis avec toutes les précautions qui s’imposent, mais nous savons et nous l’avons à l’esprit, il peut y avoir aussi le risque d’armes chimiques et bactériologiques. »