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Les marchés n’en attendaient pas moins. Jeudi 3 décembre, à l’issue de la réunion de son conseil des gouverneurs, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé plusieurs actions. Objectif : lutter contre l’inflation faible, qui s’est établie à 0,1 % seulement en novembre, et tenter de réanimer l’économie européenne.
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Dans le détail, Mario Draghi, le président de l’institut de Francfort, a dévoilé trois mesures principales : la baisse du taux de dépôt de -0,2 % à -0,3 %, l’extension du programme de rachat de dettes publiques et privées (l’assouplissement quantitatif) de septembre 2016 à mars 2017, voire au-delà si nécessaire, et l’inclusion dans ce programme de nouveaux titres de dettes, à savoir des titres de dettes de collectivités locales et régionales de la zone euro.
Certains analystes et investisseurs pariaient sur des mesures plus ambitieuses encore. Il faut dire que ces dernières semaines, M. Draghi, en promettant d’agir massivement, avait fait grimper les attentes au-delà du raisonnable…
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Pourquoi la BCE veut-elle allonger son programme d’assouplissement quantitatif ?
Lancé en mars, ce programme parfois qualifié de « bazooka monétaire » (en anglais, on parle de « quantitative easing », ou « QE ») consiste en des rachats de dettes publiques et privées sur les marchés, à hauteur de 60 milliards d’euros par mois. Pour ce, la BCE crée de la nouvelle monnaie qu’elle injecte dans le système financier : c’est la version moderne de la « planche à billets ».
Son objectif est triple. D’abord, le QE permet de maintenir les taux d’intérêt auxquels s’endettent les Etats de la zone euro à des niveaux très bas. De quoi les aider à assurer la stabilité de leurs finances publiques, même si certains économistes jugent que, du coup, les gouvernements ont moins de pression pour mettre en place les réformes permettant de réduire durablement leur dette… Reste qu’en se diffusant dans le reste de l’économie, la baisse des taux permet également aux PME et aux ménages d’accéder à des crédits bancaires moins chers.
Autre objectif : en achetant des obligations souveraines, la BCE espère pousser les investisseurs en quête de rendement vers des titres jugés plus risqués mais aussi plus favorables au financement de l’économie. Comme, par exemple, les obligations d’ entreprises.
Enfin, le QE vise également – c’est un objectif officieux de la BCE – à faire baisser l’euro face au dollar. En injectant des nouvelles liquidités, l’institution augmente en effet la quantité de monnaie en circulation, ce qui fait automatiquement baisser le cours de la monnaie unique face aux autres devises. Et cela fonctionne : depuis que la BCE a commencé à évoquer le QE, à l’été 2014, l’euro a déjà perdu 23 % face au billet vert.
Or, lorsque l’euro baisse, le prix des produits importés augmente, ce qui contribue à relancer l’inflation : c’est justement l’objectif de la BCE. Voilà pourquoi elle a décidé d’allonger son QE jusqu’à mars 2017, voire au-delà si nécessaire, contre septembre 2016, comme initialement prévu.
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Que cherche la BCE en rachetant des dettes des collectivités locales et régionales ?
Jusqu’ici, la BCE rachetait essentiellement des obligations d’Etats, ainsi que certaines obligations privées, de façon plus marginale. A cette liste s’ajouteront désormais des titres d’emprunt de collectivités locales et régionales de la zone euro. Pourquoi une telle mesure ? Principalement pour regagner un peu de marges de manœuvre. La BCE rachète aujourd’hui une grande partie de la dette nouvellement émise par les Etats, laissant parfois craindre une pénurie de ces titres.
Certains analystes soulignent néanmoins que le rachat d’obligations des collectivités locales n’est pas sans risques, certaines n’étaient en effet pas des parangons de la vertu budgétaire…
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Quel est l’objectif de la nouvelle baisse du taux de dépôt ?
C’est probablement l’outil monétaire le plus difficile à comprendre. Le taux de dépôt rémunère les liquidités à court terme que les banques laissent dans les coffres de la BCE. Instaurer un taux de dépôt négatif (la BCE l’a baissé à -0,10 % en juin 2014 puis à -0,20 % en janvier) revient donc à les faire payer pour ces liquidités dormantes. Objectif ? Le plus souvent, on avance qu’une telle mesure est censée encourager les banques à augmenter leurs prêts aux ménages et aux entreprises.
Pour savoir si cela fonctionne, il suffit de se pencher sur le cas des pays qui l’ont déjà appliquée. Comme la Suède, qui a passé son taux de dépôt à -0,25 % entre juillet 2009 et septembre 2010. L’effet sur les prêts a été peu concluant, jugent les économistes.
De fait, l’objectif du taux de dépôt négatif est moins de relancer le crédit que d’agir sur le cours de la monnaie. En rendant les dépôts moins attractifs, le taux négatif décourage les investisseurs à placer leurs fonds dans le pays concerné. Ce qui fait baisser le cours de la devise en question.
En réduisant encore son taux de dépôt à -0,30 %, la BCE cherche donc surtout à tirer l’euro vers le bas face au dollar. Là encore, dans l’espoir que cela relance l’inflation…
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Quelle peut être l’efficacité de ces nouvelles mesures ?
Ces nouvelles armes permettront-elles de dynamiser la croissance et l’inflation ? Les économistes sont divisés. Pour certains, l’activisme de Mario Draghi porte déjà ses fruits, même s’ils sont encore timides. « Le crédit bancaire au secteur privé accélère, les indicateurs macroéconomiques passent peu à peu dans le vert, l’inflation sous-jacente, celle qui exclut notamment les prix de l’énergie, se ressaisit, constate ainsi Frederik Ducrozet, économiste chez Pictet Wealth Management. De plus, il ne faut pas oublier que le QE a seulement été lancé en mars dernier. Or, il faut au moins un an avant que ses effets sur l’économie ne se mesurent vraiment. »
Patrick Artus, chef économiste de Natixis, se montre bien plus dubitatif. « La politique monétaire n’a quasiment plus d’effet sur l’inflation, en répétant qu’il fera tout pour la relancer aussi vite que possible, Mario Draghi prend de grands risques » , explique-t-il. A commencer par celui de perdre sa crédibilité s’il échoue.
Les causes de l’inflation faible échappent en effet en partie à son rayon d’action. A l’exemple de la chute des cours des matières premières, bien sûr, mais aussi de l’atonie des salaires, plombés par le taux de chômage élevé (10,7 % de la population active dans la zone euro). Ou encore de la concurrence des pays à bas coût.
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