Alors que la moyenne des sondages nationaux donnait immanquablement le président américain, Barack Obama, devant son rival républicain, Mitt Romney, surtout depuis les conventions des deux partis, deux études d'opinion publiées lundi 8 octobre ont montré un net renversement de tendance.
La première, dans la matinée, a été un "roulant" de l'institut Gallup, qui donnait les deux hommes à égalité dans les intentions de vote, à 47 % chacun. Il a été effectué sur la période du 4 au 6 octobre. La deuxième, qui a fait la une des journaux télévisés et des sites d'informations américains dès sa publication, a été le sondage du Pew Center. Celui-ci plaçait Mitt Romney en tête, avec 49 % des voix contre 45 % à Obama.
INSCRIT OU SUSCEPTIBLE D'ALLER VOTER
Les deux études ont été réalisées durant la même période, juste après le débat présidentiel que Romney a largement remporté, de l'avis général. La performance du républicain suffit-elle à expliquer ce renversement de situation ? Notons d'abord que l'étude Gallup est réalisée sur des électeurs inscrits sur les listes électorales, alors que celle du Pew Center concerne "les électeurs susceptibles d'aller voter".
Cette distinction importante est à prendre en compte. Contrairement à la France, où l'enregistrement sur les listes électorales prend fin plusieurs mois avant un scrutin, les Américains peuvent toujours s'enregistrer jusqu'à tard pendant la campagne. D'où les deux méthodes utilisées par les sondeurs pour jauger les intentions de vote, qui peuvent donner des résultats légèrement différents.
L'institut Gallup, qui avait jusqu'ici utilisé le seul critère des électeurs inscrits sur les listes pour son sondage quotidien va, dès mardi 9 octobre, passer aux "électeurs susceptibles d'aller voter". Selon Susan Page, journaliste à USA Today, dont le journal est partenaire de Gallup, ce changement de méthodologie va "effacer" l'avance qu'avait jusqu'ici Barack Obama et ce pour une raison simple : "Les républicains sont plus motivés et ils sont plus susceptibles d'aller voter."
COMBIEN DE DÉMOCRATES, COMBIEN DE RÉPUBLICAINS ?
Pour ne pas biaiser leurs études, les sondeurs utilisent également un autre mécanisme d'ajustement : le choix de l'échantillon en fonction de l'appartenance politique. Dans la méthodologie de chaque sondage, en plus du nombre de gens et des dates, on retrouve le pourcentage des sondés qui se disent républicains, démocrates ou indépendants. Il ne s'agit pas de déterminer si la personne est encartée, mais seulement son penchant idéologique.
Par exemple, l'échantillon de l'étude du Pew Center comporte davantage d'électeurs se présentant comme républicains (36 %) que de démocrates (31 %), avec en plus 30 % d'électeurs "indépendants". Lors d'un sondage de septembre du même institut, qui donnait 8 points d'avance à Obama (51 % à 43 %), cet échantillon était de 29 % de républicains, 39 % de démocrates et 30 % d'indépendants.
Comment et pourquoi les institut décident-ils de modifier l'échantillon ? "Sonder est un mélange de science et d'art, explique le journaliste du Washington Post Chris Cillizza. Les meilleurs comprennent qu'ils doivent constituer leur échantillon en prennant en compte ce à quoi ressemblait l'électorat par le passé, ce à quoi il ressemble maintenant et ce à quoi il ressemblera le 6 novembre."
"LA SEULE CONSTANTE EST LE CHANGEMENT"
Depuis plusieurs mois, les sondages qui donnent Obama devant, nationalement mais aussi dans plusieurs Etats-clés comme l'Ohio, sont de plus en plus critiqués par des commentateurs républicains, qui estiment que les démocrates sont surreprésentés chez les sondés. Mais comme le rappelle Chris Cillizza, le fait que le pays ait été "divisé politiquement en deux parts presque uniformes depuis une décennie" ne veut pas dire que les sondés doivent l'être. Historiquement, davantage d'Américains s'identifient comme démocrates, rappelle-t-il, en citant des données récoltées par le Pew Center. A l'issue de l'élection 2008, par exemple, 39 % des électeurs ayant participé se disaient démocrates, contre 32 % républicains et 29 % indépendants.
Alors, pourquoi ce même Pew Center a-t-il décidé d'interroger plus de républicains que de démocrates pour son sondage publié lundi ? Tout simplement parce que "plus de gens se considèrent comme républicain actuellement, après la prestation de Romney dans le débat, répond Jon Cohen dans le Washington Post. Tout comme, après la diffusion de la vidéo des 47 %, plus de gens s'identifiaient comme démocrates. Les modifications arrivent dans un électorat. La seule constante est le changement." Au final, le sondage montre davantage un changement dans la volonté d'aller voter (plus forte chez les républicains) que sur le choix du candidat.
Un sondage ne fait pas l'élection, et il faudra attendre quelques jours avant de considérer que le premier débat présidentiel a eu des conséquences durables dans les intentions de vote. Le spécialiste des sondages du New York Times, Nate Silver, qui s'était moqué de la réaction des réseaux sociaux après la publication du sondage du Pew Center, conclut la journée en prenant un peu de hauteur : "Les données de sondage sont souvent bruyantes, et chaque institut n'utilise pas la même méthodologie." Il prédit que l'ensemble des études arriveront aux même chiffres dans les prochaines semaines, à savoir une avance de 2 points pour M. Obama, "comme avant les conventions". "Un tel résultat serait en conformité avec l'histoire et avec les fondamentaux actuels de l'économie", analyse-t-il.