• Débat vif et tendu entre Joe Biden et Paul Ryan

    Le Monde.fr | <time datetime="2012-10-12T05:03:01+02:00" itemprop="datePublished">12.10.2012 à 05h03</time> • Mis à jour le <time datetime="2012-10-12T16:04:14+02:00" itemprop="dateModified">12.10.2012 à 16h04</time>

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    Contrairement au premier débat présidentiel, la joute verbale entre les candidats à la vice-présidence, Joe Biden et Paul Ryan, a été beaucoup plus disputée. Le vice-président sortant, 69 ans, beaucoup plus offensif contre son jeune rival, a tenté de convaincre les électeurs que l'administration sortante avait un plan pour les quatre prochaines années. Sous la direction de la modératice Martha Raddatz, les deux candidats, parfois très secs dans leurs échanges, ont abordé l'économie, mais également beaucoup de thèmes de politique étrangère, de l'Afghanistan à l'Iran en passant par la Syrie

    Deux visions économiques. Très rapidement, Joe Biden et Paul Ryan ont marqué leurs différences sur les questions économiques. Le premier a rappelé que le duo démocrate avait hérité d'une situation économique catastrophique, et que le taux de chômage était actuellement sous les 8 % pour la première fois en quatre ans. Le deuxième a répondu que la politique de M. Obama a ralenti la sortie de crise, estimant que les Etats-Unis allaient "dans la mauvaise direction" et que "ce n'est pas à celà que ressemble une véritable reprise".

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    Si Paul Ryan a obtenu les seuls rires de la soirée en moquant la réputation de gaffeur de son opposant – "Je dis toujours ce que je pense", a répondu un Biden un peu gêné – l'ensemble du débat a été sérieux, parfois tendu, avec des interruptions fréquentes d'un Joe Biden qui n'hésitait pas à rigoler doucement pendant les interventions de M. Ryan. Et quand le républicain a critiqué le plan de relance de 787 milliards de dollars voté par Obama en 2009, Joe Biden s'est étonné qu'en tant qu'élu du Wisconsin, il en ait demandé une partie pour ses constituants. "Toute ma vie a été dédiée à aider la classe moyenne"a martelé le démocrate qui, contrairement au président, a ressorti à plusieurs reprises la vidéo dite des 47 %, dans laquelle Mitt Romney critiquait les Américains "assistés" qui ne voteraient jamais pour lui.

    Consultez notre infographie interactive : Obama a-t-il tenu ses promesses ?

    "Les classes moyennes paieront moins, et ceux qui payent plus de un million de dollars seront un peu plus taxés", a promis Joe Biden, justifiant la fin des baisses d'impôts décidées sous Bush pour les hauts salaires, mais arguant qu'il faut garder celles pour les classes moyennes. Comme le président Obama l'a fait toute la semaine en meeting, il a critiqué les nouvelles baisses d'impôts défendues par Mitt Romney, qui selon lui coûteraient 5 000 milliards sur dix ans. Ce point est contesté par le camp républicain, qui affirme que les baisses d'impôts de 20 % pour tous les foyers seront compensées par la suppression de niches fiscales. Les démocrates soulignent que M. Romney n'a jamais précisé auxquelles il mettrait fin pour ne pas creuser le déficit.

    A la question de savoir comment il le ferait, Paul Ryan, président de la commission du budget de la Chambre des représentants, n'a pas dévoilé les niches qu'il comptait supprimer, citant Ronald Reagan pour assurer qu'il travaillerait avec l'opposition pour faire marcher ce projet qui, selon lui, est mathématiquement possible. "J'étais là quand Reagan proposait de baisser les impôts, lui avait des détails", a rétorqué Joe Biden, faisant jouer son expérience. Sur Medicare, l'assurance-maladie pour les retraités, M. Ryan a justifié la réduction drastique prévue par les républicains, arguant que le système était proche de la banqueroute. "Nous n'approuverons ni plan lié à des bons pour Medicare, ni privatisation de la sécurité sociale", a redit Joe Biden lors du débat.

    Lire notre décryptage : " Budget : qui propose quoi"

    <figure class="illustration_haut"> Joe Biden, très expressif pendant le débat, a souvent appelé Paul Ryan, "mon ami ici présent". </figure>

    L'attaque contre le consulat à Benghazi. Paul Ryan s'est étonné qu'il ait "fallu deux semaines au président pour reconnaître qu'il s'agissait d'une attaque terroriste" et reproché à l'administration d'avoir changé de version sur le scénario de l'attaque. Il n'y a plus de doute sur le fait que les attaques n'étaient pas liées aux manifestations qui avaient lieu contre le film islamophobe, mais étaient bien coordonnées. "Quand nous donnons l'impression d'être faibles, nos ennemis sont plus enclins à nous tester", a-t-il répété plusieurs fois.

    "Nous irons jusqu'au fond de l'affaire, et où que nous mènent les faits, et quels qu'ils soient, nous en ferons part aux Américains, car quelles que soient les erreurs qui ont été faites, elle ne seront pas répétées", a répondu Joe Biden, accusant Mitt Romney de ne pas s'être montré "présidentiel" en tenant une conférence de presse immédiatement après l'attaque, le 11 septembre, sans savoir ce qu'il s'était réellement passé. Il a en revanche assuré que la Maison Blanche n'avait jamais reçu les demandes des militaires présents en Libye pour davantage de moyens, alors que l'audition de plusieurs hauts responsables par un comité, mercredi, a montré que de telles demandes avaient bien été formulées.

    Lire : " Les républicains tentent d'utiliser l'assaut de Benghazi contre Barack Obama"

    Que faire avec l'Iran ? Là aussi, Joe Biden, ancien président de la commission des affaires étrangères du Sénat, a fait jouer son expérience. Il a assuré que les sanctions actuellement en place sont "les plus sévères dans l'histoire des sanctions""L'Iran n'a jamais été aussi isolé. Nous ne laisserons pas les Iraniens avoir l'arme nucléaire", a-t-il assuré, alors que son rival estimait que la sécurité des Etats-Unis avait été affaiblie en quatre ans. "Quand Barack Obama a été élu, (les Iraniens) avaient assez de matériel nucléaire pour fabriquer une bombe. Aujourd'hui ils en ont assez pour cinq", a accusé Paul Ryan. "Incroyable !", s'est alors écrié Biden. "Les Israéliens et les Etats-Unis, ainsi que tous les services de renseignement militaires arrivent aux mêmes conclusions quant au fait de savoir si l'Iran est proche d'avoir une arme nucléaire. Ils en sont encore assez loin", a-t-il souligné.

    Lire notre décryptage : "L'inconstante diplomatie d'Obama"

    Pourquoi ne pas intervenir en Syrie ? Joe Biden a expliqué que les Etats-Unis ne défendent pas une intervention armée en Syrie car le risque de déstabilisation régional est trop grand. Il a mis en garde contre une prise de pouvoir d'un régime islamiste et assure "que les Etats-Unis travaillent avec les Turcs, les Jordaniens pour mettre en place un gouvernement de transition". Paul Ryan a rappelé, un peu à l'instar des opposants français face à Sarkozy, que l'administration Obama avait défendu Bachar Al-Assad comme un "réformateur" dans un premier temps, avant de demander son départ. Il a critiqué le fait qu'Obama ait travaillé avec l'ONU, où la Russie a utilisé trois veto sur le cas syrien. "Nous ne serions pas passés par l'ONU", a assuré Ryan, tout en excluant un déploiement de troupes américaines, sauf si c'est "dans l'intérêt national du peuple américain".

     Biden a souvent interrompu Paul Ryan pendant le débat des vice-présidents. 


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  • Débat Biden-Ryan : le choc des générations et des idéologies

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    Par Laure Mandeville Mis à jour <time class="updated" datetime="11-10-2012T22:03:00+02:00;">le 11/10/2012 à 22:03</time> | publié <time datetime="11-10-2012T18:57:00+02:00;" pubdate="">le 11/10/2012 à 18:57</time>
    Joe Biden, maître du «théâtre» politique, défend le bilan de Barack Obama.
    Joe Biden, maître du «théâtre» politique, défend le bilan de Barack Obama. Crédits photo : SHAWN THEW/EPA/MAXPPP
     

    Jeudi soir, deux catholiques à la fibre populaire ont rivalisé pour être vice-président des États-Unis.

    Correspondante à Washington

    Vingt-sept ans séparent ces deux «gladiateurs» politiques. Paul Ryan était encore un bambin de trois ans tandis que Joseph Robinette Biden amorçait à 29 ans, en 1973, sa longue et prestigieuse carrière dans le cénacle du Sénat, où il serait réélu six fois de suite. Le cadet terminait à peine le lycée que l'«oncle Joe» tentait déjà sa première course présidentielle en 1988. Autant dire que le duel télévisé des candidats à la vice-présidence, jeudi soir dans le Kentucky, promettait un vrai choc de générations.

    «Cela devrait profiter au vice-président sortant», en concluaient les partisans d'Obama, pariant sur l'expérience du vieux Joe, politicien chevronné de presque 70 ans, encore très vert sous son casque de cheveux blancs. «Ryan devrait y gagner», répliquait le professeur Timothy Stanley, de l'université d'Oxford, invoquant l'énergie et le physique avantageux de ce séduisant quadra de 42 ans, aux cheveux bruns et aux yeux bleus.

    Né en 1942, Joseph Biden, surnommé communément «oncle Joe», est un enfant des années Roosevelt, ce président qui incarne le New Deal, le renforcement de l'État et la mise en place d'une protection sociale - une référence fréquente pour Obama. Catholique issu de la génération Vatican II, d'ascendance irlandaise comme Ryan, il professe une foi liée à un engagement de justice économique et sociale, voyant un lien logique entre les programmes gouvernementaux de protection des plus démunis et la charité chrétienne. Son approche est également très tolérante, certains diraient laxiste, sur les grands sujets de société comme la contraception et le mariage homosexuel.

    Ryan, catholique lui aussi, est par contraste un enfant de la génération Jean-Paul II, très méfiante vis-à-vis du libéralisme de l'Église américaine. Élu représentant à l'âge de 28 ans (encore plus jeune que Biden à ses débuts), il se réclame d'une théologie morale qui parle plus de liberté que de justice sociale et voit l'avortement comme le meurtre d'êtres vivants, même s'il s'est déclaré d'accord pour l'autorisation de l'IVG en cas de viol ou d'inceste. Fervent adepte des économistes de l'école de Chicago, Von Hayek et Friedman, Ryan s'est aussi nourri d'une vision du monde reaganienne, en opposition avec l'approche rooseveltienne. «L'État est le problème, pas la solution», ne cesse-t-il de répéter. De son propre aveu, ses idées politiques ont été inspirées, dès l'adolescence, par la lecture des livres d'Ayn Rand, romancière juive russe émigrée après la révolution bolchevique - dont le roman-fleuve Atlas Shrugged («Atlas haussa les épaules»), virulent pamphlet contre l'idéologie socialiste, est très critiqué par les démocrates mais reste un best-seller.

    Si l'empoignade promettait d'être plus animée que le premier débat des candidats présidentiels, c'est que les deux colistiers sélectionnés pour la vice-présidence ont en commun un franc-parler et une fibre populaire que l'on ne retrouve ni chez l'intellectuel Obama, ni chez le patricien Romney, plus retenus. Joe Biden est un maître du «théâtre» politique, surtout en meeting. Chaleureux, très physique, il est connu pour sa capacité à connecter avec les électeurs, n'hésitant pas à leur passer le bras autour du cou pour les rassurer. Issu des classes moyennes, Biden évoque souvent la brutale chute sociale de sa famille, quand son père perdit son travail et dut se reconvertir en vendeur de voitures. La famille Biden avait dû retourner vivre avec les grands-parents, expérience qui met «Joe» naturellement en phase avec les ouvriers blancs déclassés. Il est aussi connu pour adorer les batailles de pistolets à eau contre les journalistes de la Maison-Blanche, lors du pique-nique annuel qu'il donne en leur honneur. Bref, ce politique est un sacré luron, qui suscite une sympathie naturelle.

    «Nullement intimidé»

    Mais l'envers de cette médaille tient à ses gaffes, fréquentes et souvent embarrassantes. Émotif, Biden a tendance à déraper. Récemment, il expliquait que «la classe moyenne avait été enterrée»par la crise économique «ces quatre dernières années», une drôle de manière de défendre le bilan d'Obama. Au printemps, il avait pris position sur le mariage gay sans prévenir le président, qui avait finalement été forcé de suivre son numéro 2. Biden «est passé par-dessus ses skis», avait dit Obama… visiblement agacé.

    Plus intellectuel et plus maîtrisé par instinct, Ryan, le moine des dossiers financiers du Congrès, n'en a pas moins, lui aussi, un côté «terroir» qui plaît. Il adore pêcher le poisson-chat à mains nues et chasse avec un arc et des flèches, comme l'héroïne du best-seller Hunger Games. Volontiers vêtu de vestes polaires noires confortables, il est à l'aise et charismatique en meeting, malgré une voix curieusement placée.

    Jeudi soir, cette étoile montante du Parti républicain avait beaucoup à perdre, alors que son candidat est en train de revenir dans le jeu. Aura-t-il réussi le grand écart que le recentrage politique de Mitt Romney exige de lui, sans apparaître comme un lâche reniant ses idéaux conservateurs? Sera-t-il parvenu à conforter son image de «Mr Austérité», résolu à sauver l'avenir pour les générations futures, mais attentif aux affres des générations présentes? «Je m'attends à ce que Biden m'attaque comme un boulet de canon», a déclaré Paul Ryan à l'hebdomadaire Weekly Standard avant le duel. Mais «nullement intimidé», il confiait aussi s'être méticuleusement préparé, étudiant soigneusement son adversaire et guettant ses faux pas, «comme à la chasse: un archer sait qu'il faut être prêt. Mon précepte est le suivant: si vous devez attaquer (une proie), faites-le bien».


    Quand les colistiers croisentle fer, des étincelles jaillissent

    Organisés depuis 1976,  les débats entre les candidats à la vice-présidence des États-Unis sont l'occasion de piques verbales, parfois plus féroces qu'entre futurs présidentiables. Quelques répliques ont même marqué l'histoire politique américaine.

    ■ Lors du tout premier face-à-face, en 1976, Bob Dole, choisi comme colistier par le républicain Gerald Ford, accuse son rival démocrate Walter Mondale (qui sera le vice-président de Jimmy Carter) d'être fauteur de guerre: «Si on totalisait le nombre de morts et de blessés lors des guerres démocrates  au cours de ce siècle, on atteindrait le chiffre de 1,6 million d'Américains, autrement dit la ville de Detroit.»

    ■ En 1988, lorsque le républicain  Dan Quayle compare son expérience à celle de l'ancien président John Fitzgerald Kennedy, son adversaire Lloyd Bentsen lui rétorque: «Sénateur, j'ai travaillé avec Jack Kennedy. Je connaissais Jack Kennedy. Jack Kennedy était un ami. Sénateur, vous n'êtes pas Jack Kennedy.»

    ■ Quatre ans plus tard, face  au démocrate Al Gore et au républicain Dan Quayle, l'amiral James Stockdale, choisi par le candidat indépendant Ross Perot, s'égare et provoque l'hilarité de l'assistance en déclarant «Qui suis-je? Pourquoi suis-je ici?»

    ■ En 2004, le conservateur Dick Cheney tacle le sénateur John Edward, avec cette phrase assassine:  «La première fois que je vous ai vu, c'est quand vous êtes entré sur scène ce soir.» 

    ■ En 2008, dès son arrivée sur le plateau, la gouverneure de l'Alaska Sarah Palin apostrophe son concurrent démocrate, Joe Biden, d'un:  «Je peux vous appeler Joe?» A. C.

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    <time datetime="2012-10-11T22:44:27+02:00" itemprop="datePublished">11.10.2012 à 22h44</time>

    Les démocrates attendent Paul Ryan au tournant

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    Les démocrates ont définitivement abandonné la tactique du premier débat, qui consistait à jouer la défense. Jim Messina, directeur de campagne de Barack Obama, n'a pas mâché ses mots avant le débat des vice-présidents ce soir.

     

    "Comme à son habitude, Joe Biden dira la vérité. Nous savons maintenant que Mitt Romney, lui, dira n'importe quoi pour gagner, même si c'est faux. La question est de savoir si M. Ryan adoptera la même stratégie malhonnête ou s'il restera derrière les positions extrêmes qu'il a défendues par le passé"

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  • Élections américaines

    Le président sortant Barack Obama affronte le républicain Mitt Romney. Verdict dans les urnes le 6 novembre.

    Monde

    «Les fondamentaux de l'élection restent très difficiles pour Romney»

    <time datetime="2012-10-10T18:56:02+02:00" itemprop="datePublished">10 octobre 2012 à 18:56</time>

    Mitt Romney et son épouse Ann le 7 octobre à Saint Lucie en Floride.

    Mitt Romney et son épouse Ann le 7 octobre à Saint Lucie en Floride. (Photo Jewel Samad. AFP)
    Recueilli par Lorraine Millot, à Washington

    Le suspens est de retour dans la campagne américaine après le premier débat Obama-Romney qui a tourné au désastre pour le président et en attendant le débat des candidats à la vice-présidence, Joe Biden et Paul Ryan, ce jeudi soir (à 3 heures du matin vendredi, heure française). Au baromètre RCP, qui fait la moyenne des derniers sondages, Mitt Romney a même pris la tête, pour la première fois depuis tout juste un an, avec 48% des intentions de vote contre 47,2% pour Barack Obama.

    De retour d’un voyage d’étude aux Etats-Unis, où il a pu rencontrer les sondeurs des deux camps, Julien Vaulpré, ancien conseiller opinion de Nicolas Sarkozy aujourd’hui directeur du cabinet de conseil Taddeo, invite à ne pas surestimer tout de même ce soubresaut de l’opinion américaine, en le replaçant dans le contexte plus général de la campagne. Et tire quelques leçons pour la droite française…

    Comment expliquez-vous ce soudain rebond de Romney dans les sondages ?

    Il faut toujours se méfier des sondages à chaud, post-événement, qui sont souvent très spectaculaires. L’opinion infuse généralement plus lentement. Ce qui est vrai est qu’Obama a été extrêmement décevant au débat. Surtout, et c’est le grand danger pour lui, il n’a pas été pugnace. Les gens peuvent se demander : s’il n’est pas capable de se battre pour lui-même, saura-t-il se battre pour moi ? Mais il faut attendre le milieu de la semaine prochaine pour voir si l’effet de ce débat sera durable. Les fondamentaux de cette élection restent très difficiles pour Mitt Romney. Le candidat républicain sent trop l’argent. Mais pour que l’effet de ce débat raté soit pérenne, il faudrait un autre élément lourd ou d’autres bourdes d’Obama. Ce qui est certain est que la réélection d’Obama sera plus difficile que celles de Ronald Reagan ou Bill Clinton.

    Quels sont ces fondamentaux qui jouent en faveur d’Obama ?

    Les classes populaires blanches, qui sont l’un des segments clés de la population sur lesquelles se jouera l’élection, ont beaucoup de mal à se reconnaître en Mitt Romney. Ce sont les fameux «Reagan Democrats», les cols bleus qui votaient démocrates jusqu’à la fin des années 1970 et s’étaient jetés dans les bras de Ronald Reagan en 1980, séduits par ses «valeurs». Bill Clinton avait réussi à les convaincre. Pour Romney, il est indispensable de les rallier en masse, afin d’avoir une chance de l’emporter dans le Midwest, et notamment l’Ohio.

    Les démocrates ont du mal aujourd’hui à reconquérir ces classes populaires, notamment avec Barack Obama qui s’adresse beaucoup aux minorités et très peu à eux. Mais Romney est encore moins attractif : il incarne la gentry [bonne société, ndlr] de la côte Est, trop riche pour cette population qui l’est de moins en moins. Son style, sa fortune et son discours anti-Etat sont particulièrement difficiles à accepter au moment où beaucoup d’Américains se sentent vulnérables. En tant qu’ancien patron de Bain Capital, il incarne parfaitement les pratiques financières qui ont contribué à déclasser ces couches populaires. Et cela, les démocrates l’ont très bien identifié et exploité dans la campagne.

    Quels sont les autres aspects favorables à Obama ?

    En 2008, les démocrates avaient découvert que les questions d’environnement pouvaient être puissantes au point de dépasser le clivage traditionnel sur les armes à feu. Traditionnellement, le clivage est clair et net : ceux qui détiennent des armes votent républicain, ceux qui n’en n’ont pas votent démocrate. Dans certains Etats comme le Dakota, l’Oregon ou le Wyoming pourtant, les gens très concernés par les questions d’environnement sont prêts à voter démocrate même s’ils possèdent des armes.

    Cette année, le clivage qui semble s’être renforcé est celui de l’âge : les plus de 50 ans votent républicain, les moins de 50 ans démocrate. Les démocrates ont bien réussi à associer Romney à une Amérique vieillissante et crispée, qui ne reviendra pas. Et puis il y a aussi le vote latino : les latinos ont longtemps été séduits par les valeurs religieuses et conservatrices des républicains. En 2008, ils ont massivement rallié Obama et lui restent aujourd’hui très attachés.

    Vous excluez donc un retournement en faveur de Romney ?

    Si jamais Obama montre encore d’autres signes de faiblesse dans les jours à venir, il risque de se retrouver pris dans l’équation fatale : distance-arrogance-mépris. Son image personnelle est toujours très bonne : les Américains aiment la figure ou le symbole Obama. Pour beaucoup, c’est un peu comme s’ils avaient élu en 2008 le premier président américain. Mais sa capacité à établir des liens avec les gens n’a jamais été très forte. Un journaliste américain me le disait : Obama s’est trompé de métier. La politique c’est serrer des mains, sourire, applaudir… et tout cela n’est certainement pas ce qu’Obama fait de mieux !

    Quels enseignements tirez-vous de cette campagne américaine pour la France ?

    Je suis toujours impressionné par les énormes bases de données dont disposent les deux partis américains et qui sont réactualisées tout au long de la campagne en y injectant toutes les informations qui remontent du porte-à-porte et des appels téléphoniques. En France, le parti socialiste a commencé avec sa primaire à constituer une base de données de 3 millions de personnes. A droite, tout reste à faire, mais la droite ne pouvait pas non plus se mettre à constituer cette base de données tant qu’elle était au pouvoir, cela doit se faire dans l’opposition.

    Pour le reste, cette campagne américaine rappelle aussi à la droite française qu’elle doit régler son rapport avec l’argent : c’est l’un des enjeux majeurs. Se battre pour la création de richesses, ce n’est pas être pour les riches. C’est exactement ce que Romney n’arrive pas à montrer et c’est bien aussi ce que la droite française devrait réussir à expliquer, si elle veut cesser d’être caricaturée.


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  • Elections US : Mitt Romney brouille les pistes sur l'avortement

    Amel Brahmi | Publié le 10.10.2012, 18h26 | Mise à jour : 20h48   
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    Le candidat républicain à la Maison Blanche Mitt Romney, à la peine auprès de l'électorat féminin, a affirmé mardi soir n'avoir pas prévu, s'il était élu en novembre, de projet de loi pour restreindre l'avortement.

    Le candidat républicain à la Maison Blanche Mitt Romney, à la peine auprès de l'électorat féminin, a affirmé mardi soir n'avoir pas prévu, s'il était élu en novembre, de projet de loi pour restreindre l'avortement. | Jim Watson

    Mitt Romney a-t-il une fois de plus changé de position sur le droit à l'avortement. Interviewé par des journalistes du quotidien DesMoines dans l'Iowa, le candidat républicain à la présidentielle américaine a annoncé que l'avortement ne faisait pas partie de son programme. « Il n'y aucune proposition de loi sur l'avortement dans mon agenda », a-t-il indiqué.

      Il a pourtant déclaré à plusieurs reprises qu'il supprimerait le dispositif actuel relatif à l'avortement appelé Roe v. Wade. Cet arrêt, rendu par la cour suprême des Etats-Unis en 1973, a reconnu l'avortement comme un droit constitutionnel, invalidant les lois le prohibant ou le restreignant, et reconnaissant par là le droit à la vie privée des Américaines. Avant cette loi, pratiquer l'avortement était considéré comme un .

    Vidéo. Deux affirmations contradictoires de Mitt Romney sur l'arrêt Roe v. Wade :

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    Il a également affirmé durant sa campagne et notamment en juin dernier lors d'une interview qu'il supprimerait les subventions de l'Etat aux centres de planning familiaux. « Pour moi, l'idée de financer un organisme qui pratique l'avortement est immorale. Les centres de planning familiaux doivent pouvoir subvenir seuls à leurs besoins, avait-il alors déclaré. Je suis pro-vie, j'ai été un gouverneur pro-vie (un terme qui définit les personnes opposées à l'avortement), et je suis un candidat pro-vie. Je ne participerai en aucune manière en toute initiative qui cherche à enlever la vie à un fœtus. »

    Vidéo. Romney affirme vouloir supprimer les subventions de l'Etat aux centres de planning familiaux



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    « Les femmes ne peuvent pas lui faire confiance »

    Après ces déclarations dans le DesMoines, l'équipe de Romney a d'ailleurs aussitôt fait savoir par communiqué que leur candidat était « pro-vie ». « Mitt Romney est fier d'être pro-vie et sera un
    pro-vie », affirme un porte-parole de la campagne.

    Le camp démocrate s'est lui aussi empressé de réagir.« C'est troublant de voir que Romney se joue de sujets aussi importants. Mais nous connaissons la vérité sur ses positions concernant la liberté de choix de la femme. Et d'ajouter : « Les femmes ne peuvent tout simplement pas lui faire confiance ». Le candidat républicain, connu pour revenir sur ses positions à plusieurs reprises, est surnommé « la girouette »


     

    LeParisien.fr


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  • Tribune 01/10/2012 à 16h52

    Obama versus Romney : les Américains sont face à un choix clair

    Niels Planel | Consultant lien


    A quelques semaines de l’élection présidentielle, peu d’Américains semblent encore vraiment indécis, si bien que le scrutin de novembre devrait se jouer en grande partie sur la mobilisation des électeurs.

    Que depuis un an, le président Obama ait multiplié les prises de position en défense du droit à l’avortement ou du mariage homosexuel, du relâchement des conditions des immigrés clandestins arrivés enfants aux Etats-Unis ou des aides aux étudiants, parmi d’autres causes, relève de cette stratégie qui vise à « presser le jus » de la base démocrate – femmes, gays, Hispaniques et jeunes adultes.

    L’ambition d’Obama « prendrait plus d’un mandat »

    Sa quête pour un deuxième mandat vise à défendre et consolider ses réformes (santé, réglementation de la finance, éducation, énergie, etc.) pour qu’elles deviennent des acquis aux yeux de ses concitoyens sur le long terme, tout en en passant d’autres, en faveur d’une fiscalité plus progressive, d’une modernisation des infrastructures ou d’un accès à la citoyenneté de nombre d’immigrés clandestins, voire d’une législation forte sur l’environnement.

    M. Obama a d’ailleurs confié, dans un entretien à CBS en 2011 :

    « Ce que j’ai compris en arrivant, c’est que renverser une culture, ici, à Washington, dominée par les intérêts spéciaux, renverser une culture politique dominée par les sondages, les petites phrases et un cycle d’informations de 24 heures, renverser des problèmes structurels dans notre économie qui se sont empilés depuis deux décennies, cela allait prendre du temps. Cela prendrait plus d’une année. Cela prendrait plus de deux ans. Cela prendrait plus d’un mandat, probablement plus d’un Président. »

    Au plan diplomatique, il a tâché d’en finir avec la « guerre contre le terrorisme » et celles en Irak et en Afghanistan initiées par son prédécesseur. Désormais, l’administration « pivote » vers l’Asie, où les Etats-Unis entendent rester un acteur incontournable face à une Chine projetant son ombre sur la région qui a la plus forte croissance démographique et économique au monde.

    Moderniser l’Amérique en la rendant plus juste et en redressant son économie, telle est, en somme, l’ambition du démocrate, dont le bilan reste assombri par un chômage élevé.

    Le coup de barre à droite de Romney

    Les choix de Mitt Romney semblent dictés par l’histoire récente de son parti. De fin 2002 à fin 2006, période au cours de laquelle les républicains contrôlent l’exécutif et le législatif, la droite américaine a pu s’en donner à cœur joie : baisses d’impôts records, explosion de la dette, invasion de l’Irak, tentative de privatisation de la Sécurité sociale, etc. Mais il y a depuis un schisme profond entre l’establishment républicain et l’aile la plus conservatrice
    du parti, qui s’est sentie trahie dans ses principes par un George W. Bush qui a rendu l’Etat obèse et n’a pas été assez conservateur à ses yeux.

    En 2008, John McCain, se présentant comme un modéré, espérait, en choisissant Sarah Palin, attirer les électeurs indépendants et les plus conservateurs dans une large coalition. Or sa colistière enflamma les radicaux mais repoussa le centre.

    Mitt Romney, dont les prises de position n’ont jamais rassuré les plus conservateurs, a décidé de surmonter ce schisme en choisissant le jeune et dynamique Paul Ryan, que le Tea Party vénère pour cette « feuille de route pour le futur de l’Amérique » proposant des déréglementations et des milliers de milliards de coupes budgétaires et de baisses d’impôts pour les plus riches – des idées pourtant pas étrangères au déclenchement de la crise et à
    l’explosion de la dette. Avec ce coup de barre à droite, M. Romney espère maximiser la mobilisation des hommes, des Blancs, des cols bleus, et de tous ceux qui ont contribué à cette vague ayant permis aux républicains de reprendre la Chambre des représentants en 2010.

    Il sera cependant intéressant de voir comment une partie de son électorat potentiel réagira le 6 novembre à ses propos récents sur ces « 47% d’Américains » qu’il estime vivre en assistés, et comment voteront les seniors, peu amènes envers M. Obama depuis trois ans, s’ils réalisent que le plan de M. Ryan propose de privatiser à terme Medicare, l’assurance fédérale
    des plus de 65 ans. Nombre de républicains faisant campagne pour un siège au Congrès ont d’ailleurs décidé de se distancer de cette idée jugée toxique et que M. Romney lui-même évite d’évoquer.

    Des défis de très grande ampleur

    Les démocrates, eux, y voient du pain bénit. De telle sorte que M. Obama, naguère candidat du changement, se retrouve d’une certaine façon à défendre la continuité quand le ticket républicain espère transformer radicalement la structure du gouvernement. Ces enjeux ne sont pas sans résonner dans ces fameux « swing states » – Etats bascules que les sondages de septembre révèlent davantage en faveur du candidat démocrate.

    Il n’est pas jusqu’à la trajectoire de vie des protagonistes qui ne reflète un contraste net entre les deux camps. Entre M. Obama, dont on connaît la fameuse biographie et dont la famille vécut un temps avec des « food stamps », des aides sous forme de bons d’alimentation, et M. Romney, fils d’un gouverneur, né avec une cuiller d’argent dans la bouche, tout oppose ces candidats qui ont pourtant tous deux fait leurs études à Harvard, sont devenus millionnaires – certes à des échelles différentes, M. Romney grâce à son activité dans le capital-investissement, M. Obama grâce à ses livres –, peuvent avoir le même tempérament mesuré et ont, naguère, plaidé pour travailler avec l’opposition.

    Or, quel que soit son bord, le prochain Président sera confronté à des défis de très grande ampleur. Celui-ci devra en effet prendre position sur le sort des « Bush tax cuts », cadeaux fiscaux aux plus riches expirant le 31 décembre 2012 – Romney pourra les rétablir après s’il est élu –, mais devra vraisemblablement aussi se prononcer sur 1 200 milliards de coupes arbitraires activées en janvier 2013, stabiliser structurellement la dette au fil de son mandat, redynamiser l’économie, encore fragile, tout en faisant baisser le taux de chômage, et gérer le départ à la retraite des Américains qui vont avoir 65 ans – désormais 10 000 personnes chaque jour pendant vingt ans.

    Face à ces enjeux, mais aussi sur le rôle du gouvernement et la nature du capitalisme, Obama offre de continuer – patiemment – avec la méthode progressiste et Romney de retourner aux recettes néolibérales. En novembre, l’Amérique a un choix clair.


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