Le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault a dénoncé lundi «un renoncement condamnable de la part du gouvernement» dans le dossier du site ArcelorMittal de Florange (Moselle). Le numéro un de la CGT a ajouté sur France Info qu’il ne pensait pas que le site de Florange soit «sauvé», après l’accord entre le gouvernement et le groupe sidérurgiste, annoncé vendredi.
«Dans les jours précédents» l’annonce de l’accord, «tous les élus syndicaux, tous les élus locaux, un grand nombre de responsables politiques de tous bords ont dit "Dans cette situation, il ne serait pas aberrant d’innover", aussi au regard de l’attitude de Lakshmi Mittal sur la scène internationale», a-t-il estimé, en évoquant une participation financière directe de l’Etat.
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Bernard Thibault a ajouté qu’après un plan similaire «en Belgique, les salariés de Liège font le constat qu’après les mêmes promesses que celles qui ont été faites au gouvernement français, aujourd’hui les activités sont rompues, on est sur la gestion sociale des licenciements».
En outre, l’accord «pose d'énormes problèmes» à ses yeux. «On ne maintiendra pas des hauts fourneaux en sommeil pendant des années. La décision de ne pas redémarrer l’activité sur la filière chaude laisse entendre qu’on la condamne tout simplement». «Techniquement, on ne peut pas laisser ce type d’installations au repos très longtemps, ou alors cela coûte énormément cher pour ne rien produire», a observé Bernard Thibault.
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«Casser les hauts fourneaux»
La même inquiétude est palpable chez le délégué CFDT Edouard Martin (photo AFP) qui a réaffirmé qu’ArcelorMittal avait «l’objectif de casser les hauts fourneaux» en cessant l’alimentation en gaz «aux alentours du mois de mars». «L’encre de l’accord n’est pas sèche que les magouilles commencent. On avait raison de s’inquiéter sur l’attitude de Mittal», a-t-il déclaré sur i-Télé.
«Tant que nous n’aurons pas des garanties formelles que l’alimentation en gaz ne sera pas coupée, nous resterons en vigilance permanente», a-t-il dit. Si ArcelorMittal décide de couper l’alimentation en gaz qui permet le maintien en veille des hauts fourneaux, «l’outil sera définitivement mort et on ne pourra plus l’exploiter», selon Edouard Martin.
Selon le délégué syndical, «Mittal a trouvé là la parade pour échapper à la menace que maintient le gouvernement d’une nationalisation transitoire, de manière à éviter qu’un repreneur s’intéresse au site». Mittal «préfère casser les hauts fourneaux que de (les) lâcher à un repreneur», a-t-il dit.
«Personne ne peut faire confiance à Mittal»
Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger (photo AFP) a affirmé lundi que l’accord entre le gouvernement et ArcelorMittal sur le site de Florange (Moselle) était «une victoire» mais a cependant estimé que «personne ne peut a priori faire confiance à Mittal».
«Il faut quand même souligner qu’aujourd’hui, il n’y aura pas de suppression de 650 emplois. C’est quand même, pour un syndicaliste, une victoire et ça, nous le devons à la mobilisation des salariés de Florange, à la mobilisation de la CFDT de Florange», a-t-il dit sur RTL. Mais, pour le successeur de François Chérèque, «il faut que le gouvernement trouve les moyens de contraindre Mittal à respecter ses engagements».
Laurent Berger a par ailleurs assuré qu’il avait reçu du gouvernement «l’engagement que les hauts fourneaux soient mis sous cocon, c’est-à-dire que le gaz soit maintenu, jusqu’en avril». «C’est pour ça, il faut à tout prix qu’après l’accord passé entre le gouvernement et Mittal vendredi soir, les représentants du personnels soient reçus pour qu’on leur dise, qu’on leur explique ce qu’il y a dans cet accord», a ajouté le patron de la CFDT.
«Décalage»
Olivier Besancenot (photo AFP) s'est pour sa part interrogé sur la place d'Arnaud Montebourg au sein du gouvernement. Interrogé sur une éventuelle démission du ministre après le dossier Florange, le responsable trotskiste a répondu : «A lui de voir, mais je ne sais pas s’il doit se sentir à l’aise dans ses baskets en ce moment».
«Entre le programme qu’il avait défendu aux primaires et ce qu’il fait actuellement, il y a un décalage. A lui d’en tirer les conséquences», a ajouté l’ex-candidat à la présidentielle. Le ministre du Redressement productif sert-il à quelque chose ? «Non, pas plus que ce que fait la politique du gouvernement pour l’emploi», a répondu celui qui fut porte-parole du Nouveau Parti Anticapitaliste.
«Le gouvernement dans son ensemble - avec la répartition des rôles entre les flics gentils et les flics méchants - soit il a trahi, soit il a menti», a accusé Olivier Besancenot.
«Tordre le bras à Mittal»
Le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone (photo AFP) a pour sa part estimé que l’idée de nationaliser temporairement le site sidérurgique de Florange avancée par Arnaud Montebourg avait «servi à tordre le bras à Mittal» pour qu’il accepte un compromis avec le gouvernement.
«S’il n’y avait pas eu l’action d’Arnaud Montebourg, aujourd’hui on ne parlerait plus de Florange, comme on n’a plus parlé de Gandrange», a-t-il déclaré dimanche à «Tous politiques» France Inter/Le Monde/AFP. Selon Claude Bartolone, l’homme d’affaires indien Lakshmi Mittal «s’est rendu compte de la volonté du gouvernement français et du président de la République».
Le ministre du Redressement productif a raison de rester au gouvernement, a-t-il estimé : «Il est là pour essayer de redonner sa chance à une France industrielle. Dans une équipe, on a besoin de gens qui ont des qualités totalement différentes».
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«La règle du jeu c’est de dire, il y a de nouveau le retour d’un Etat stratège, nous n’allons pas continuer à assister à la perte des emplois industriels, à la fermeture des sites industriels sans réagir», a-t-il poursuivi. «Mais dans le même temps, ce n’est pas l'époque de voir l’Etat se substituer à tous les chefs d’entreprises, surtout ceux qui ont failli et quand il n’y a pas de repreneurs fiables», a-t-il ajouté.
Montebourg «pas correctement traité»
La sénatrice PS Marie-Noëlle Lienemann (photo Reuters) a estimé lundi qu’Arnaud Montebourg n’avait pas été «correctement traité» après l’accord gouvernement-ArcelorMittal écartant une nationalisation de Florange, dossier qui illustre, selon elle, l’affrontement entre deux gauches.
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Au-delà du cas personnel d'Arnaud Montebourg, le fond de l’affaire est la «valeur» de la parole gouvernementale, estime l'élue de Paris, qui défendait l’idée d’une expropriation partielle de la famille Mittal.
«Un gouvernement, c’est un. Ce n’est pas chaque ministre qui parle. Le Premier ministre est garant de la parole de son gouvernement. Soit Arnaud Montebourg n’a pas dit la vérité devant l’Assemblée nationale (quand il a parlé d’un repreneur pour Florange, NDLR), il fallait que le Premier ministre rectifie le tir très très vite et le gère avec son gouvernement. Soit c'était juste et on ne va pas dire l’inverse après», a-t-elle argumenté. Pour Marie-Noëlle Lienemann, le gouvernement «a utilisé l’arme de dissuasion de la nationalisation sans réellement la vouloir». Pour preuve, avance-t-elle, les syndicats n’ont pas été associés à la signature de l’accord.
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(AFP)