La tension est, en apparence, un peu retombée à Bangui, capitale de la République centrafricaine (RCA). Jeudi 12 décembre au matin, quelques taxis ont commencé à réapparaître. Certains chauffeurs faisaient la queue devant une station-essence pour tenter de remplir leur réservoir de quelques litres. Kléber, l'un d'entre eux, reprenait le service après une semaine cloîtré à son domicile.
« Je commence prudemment, dit il. Il y a des routes qu'on ne prend pas à cause des ex-Séléka, des Tchadiens. Et puis c'est difficile d'avoir des clients car en ne travaillant pas pendant une semaine, tout le monde a mangé son argent. Plutôt que de prendre le taxi, les gens marchent. »
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Avec l'objectif avoué d'entamer un travail de réconciliation entre les communautés, des chefs musulmans et chrétiens se sont retrouvés ce matin sous un petit hangar du commissariat du 3e arrondissement, à proximité du marché de PK5 (point kilométrique 5), l'un des poumons économiques de la capitale, où tous les commerces, essentiellement tenus par des musulmans, sont toujours fermés. Les chrétiens ont, eux, déserté ce quartier.
Le discours se voulait apaisant. « Il faut que, ensemble (chrétiens et musulmans), nous indiquions les personnes qui agissent contre la paix. Il faut dire non à ces personnes », déclarait ce matin Ahmat Deliris, le deuxième vice-président de la communauté musulmane de la RCA. « Il faut que l'on fasse un trou pour enterrer tout le mal, toutes les rancœurs qui amènent à la vengeance », insistait pour sa part Kombe Bervet, responsable chrétien du quartier, préconisant la mise en place de comités de défense où chrétiens et musulmans pourraient ensemble protéger la zone.
« LES COUPS PORTÉS ONT ÉTÉ TROP DURS »
A peine la réunion terminée, toutes ces bonnes paroles se sont rapidement envolées et le discours a connu une sérieuse évolution. Pour Oumar Idriss, un lycéen de 22 ans, le problème vient des chrétiens qui « ne se sentent pas à l'aise avec les ex-Séléka alors qu'ils forment désormais la nouvelle armée centrafricaine. Nous sommes allés ce matin à l'église Notre-Dame-de-Fatima pour demander la réconciliation mais ils ont refusé. Nous savons qu'il y a là-bas des militaires de l'ancien président Bozizé et des anti-Balaka qui se cachent dans l'église. »
Fulbert qui habite à quelques centaines de mètres, dans le quartier de Miskine, considère qu'« il est encore trop tôt pour parler de réconciliation car les coups portés ont été trop durs. Aujourd'hui, dit-il, il y a trop de confusion car les commerçants musulmans portent tous une arme et que les ex-Séléka se déguisent en civils pour enlever des jeunes du quartier. »
<figure class="illustration_haut"> </figure>A la paroisse Notre-Dame-de-Fatima, le père Gabriele Perobelli se refuse à parler de normalisation. « Ce sera normal quand le millier de personnes qui dorment ici chaque soir seront rentrés chez eux. Le problème, c'est que chrétiens et musulmans ont peur les uns des autres », estime ce missionnaire italien.
Assis sur un banc, installé sur le côté de l'église de briques rouges, Aubin ne croit pas une seconde à la portée de la réunion du matin à laquelle il a assisté. « Ils font semblant pour que les gens reviennent chez eux mais la nuit c'est autre chose. Ils font du porte à porte et chaque matin on retrouve des corps. Encore la nuit dernière, ils ont assassiné Achille, un petit débrouillard du quartier. Le problème avec les musulmans, c'est que dès qu'ils ont un mort, il faut qu'ils tuent une dizaine de chrétiens.»
Avec cette macabre arithmétique de la vengeance, un homme a été lynché à mort dans le quartier de PK5 après que les dépouilles de sept musulmans, tués dans d'autres endroits de la capitale, ont été amenées à la mosquée Ali Babolo. Dans la foulée, l'un des jeunes musulmans ayant participé à la réunion du matin considérait que « la réconciliation, c'est terminé ».
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