L'essentiel

• L'attaque d'un centre commercial de Nairobi, au Kenya, samedi, a été revendiquée par les insurgés islamistes shebab, en représailles de l'intervention kényane en Somalie. Au moins 69 personnes ont trouvé la mort, selon le dernier bilan, et 63 sont toujours portées disparues. Six Britanniques et deux Françaises font partie des victimes.

• Plusieurs membres du commando islamiste sont toujours retranchés dans le centre commercial Westgate.

• Les forces de sécurité kényanes ont lancé plusieurs assauts pour tenter de maîtriser le commando. La police a fait savoir que plusieurs otages avaient été secourus. Selon un ministre kényan, deux des assaillants ont été tués.

 

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La police kényane a affirmé lundi avoir secouru plusieurs otages du centre commercial de Nairobi Westgate et que tous avaient été évacués, vers 22h30 heure française. «Je pense que tout le monde, les otages, ont été évacués, mais nous ne voulons prendre aucun risque», a expliqué Manoah Esipisu. «Nos forces spéciales sont à l’intérieur du bâtiment, et vérifient toutes les pièces (...) Pour le moment, nous ne rencontrons aucune résistance», a-t-il poursuivi, estimant être «proche de la fin du siège». Il a affirmé également que les forces spéciales kényanes ne rencontrent plus aucune résistance dans le bâtiment. Deux des assaillants ont été tués au cours de l'opération des forces de l'ordre.

Le chef de l'armée kényane, Julius Karangi, a estimé que le commando islamiste était «clairement multinational» et que les assaillants venaient de«plusieurs pays». «Plus de 10 suspects» ont été arrêtés pour être interrogés dans le cadre de l’enquête sur l’attaque du centre commercial Westgate à Nairobi, a annoncé le ministère kényan de l’Intérieur.

«Nous avons arrêté plus de 10 suspects pour interrogatoire» a affirmé le ministère dans un bref message sur Twitter, qui ne donne pas de précision sur le lieu ou les circonstances de ces arrestations.

Dans la matinée, les insurgés islamistes somaliens shebab avaient menacé d’abattre les personnes qui étaient alors encore retenues en otage par les assaillants. «Nous autorisons les moudjahidin à l’intérieur du bâtiment à agir contre les prisonniers», a déclaré le porte-parole des shebab, Sheikh Ali Mohamud Rage, dans une déclaration mise en ligne sur un site internet islamiste.

Dans leur message, les shebab affirmaient être en contact avec les agresseurs et dénoncent les assauts des forces «d’Israël et d’autres gouvernements chrétiens» à l’encontre du commando islamiste retranché dans le centre commercial. «Nous disons à ces chrétiens qui avancent contre les moudjahidin d’avoir pitié de leurs prisonniers», avait poursuivi le porte-parole, affirmant que ces otages «récolteraient les fruits de la pression exercée contre les moudjahidin».

En plus des 69 morts, l’attaque, revendiquée par les insurgés somaliens shebab en représailles, disent-il, de l’intervention militaire kényane lancée en Somalie il y a près de deux ans, a aussi fait près de 200 blessés. Soixante-trois personnes sont également portées disparues, selon la Croix-Rouge kényane. Depuis samedi, plus de 1 000 personnes ont été secourues. 

Montage vidéo Fanny Lesbros pour Libération   lien

Voir aussi notre diaporama  L’attaque du centre commercial en images

Dimanche encore, les autorités kényanes affirmaient que 10 à 15 assaillants se trouvaient encore dans le bâtiment. Selon une source sécuritaire s’exprimant sous couvert d’anonymat, des agents israéliens sont présents aux côtés des forces kényanes pour tenter de maîtriser les islamistes - le Westgate Mall est réputé être en partie la propriété d’Israéliens. Plusieurs étrangers, dont deux Françaises, trois Britanniques, un Sud-Africain, une Sud-Coréenne, une Néerlandaise, un Péruvien et deux Indiens, ont été tués dans l’attaque, ainsi qu’un célèbre poète et homme d’Etat ghanéen, Kofi Awoonor. Des Américains et de nombreux autres Occidentaux - cibles privilégiées des assaillants - figurent parmi les blessés.

Le président kényan, Uhuru Kenyatta, a annoncé que son neveu et sa fiancée figuraient parmi les personnes tuées. Les responsables de l’attaque «devront payer pour leurs actes ignobles et bestiaux», a-t-il menacé dimanche, affirmant que son pays ne se laisserait pas «intimider».

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«Les assaillants tiraient dans le tas»

En pénétrant dans le centre commercial samedi en début d’après-midi, le commando islamiste a ouvert le feu à l’arme automatique et à la grenade sur la foule. Jusque dans la soirée, clients apeurés et employés traumatisés ont émergé par petits groupes, au fur et à mesure de la lente progression des forces de l’ordre.

Il s’agit de l’attentat le plus meurtrier à Nairobi depuis une attaque-suicide d’Al-Qaeda en août 1998 contre l’ambassade des Etats-Unis, qui avait fait plus de 200 morts et 5000 blessés.

Des intérêts israéliens au Kenya ont déjà été la cible d’attaques revendiquées par Al-Qaeda : en 2002, un attentat suicide mené par trois kamikazes contre un hôtel fréquenté par de nombreux touristes israéliens avait tué 12 Kényans et trois touristes israéliens près de la ville côtière de Mombasa. Presque simultanément, un avion israélien avec 261 passagers à bord avait échappé de peu aux tirs de deux missiles à son décollage de Mombasa.

Selon des témoins, les agresseurs ont «tiré dans le tas» samedi à Westgate. D’après un employé du centre commercial, Titus Alede, «ils ne voulaient pas d’argent», «ils ont dit "vous avez tué notre peuple en Somalie, c’est à votre tour de payer"».

A voir La bataille du centre commercial en vidéo

Une cible idéale et facile

Ouvert en 2007, le Westgate abrite restaurants, cafés, banques, un grand supermarché et un cinéma multiplexe qui attirent des milliers de personnes chaque jour. Dans une capitale connue comme le «hub» de l’Afrique de l’Est, où vivent de nombreux expatriés rayonnant dans toute la région, l’endroit était régulièrement cité par les sociétés de sécurité comme une cible possible de groupes liés à Al-Qaeda comme les shebab.

Le centre commercial "Westgate Mall" de Nairobi, le 21 septembre 2013

Le centre commercial Westgate de Nairobi (Photo AFP)

Washington, qui a dénoncé un acte «ignoble», a dit dimanche enquêter sur des informations non confirmées faisant état de la présence d’au moins trois ressortissants américains parmi les assaillants. La classe politique kényane, au pouvoir ou dans l’opposition, a appelé à l’unité face à cette crise. Le vice-président, William Ruto, a demandé un ajournement de son procès devant la Cour pénale internationale (CPI) pour revenir gérer la situation - sa demande devait être examinée lundi matin. William Ruto est jugé pour son rôle présumé dans les violences post-électorales kényanes de fin 2007-début 2008, qui avaient fait plus de 1 000 morts.

Le président Barack Obama a qualifié «terrible tragédie» l’attaque, et a promis que les Etats-Unis apporteraient «tout le soutien nécessaire» au Kenya. Obama, qui avait appelé la veille son homologue kényan Uhuru Kenyatta au téléphone, a indiqué qu’il avait discuté avec lui de la «terrible tragédie qui s’est produite à Nairobi». «Je veux exprimer personnellement mes condoléances au président Kenyatta qui a perdu des membres de sa famille dans l’attaque, mais aussi aux Kényans, nous sommes solidaires d’eux», a ajouté Obama, qui s’exprimait à New York avant une réunion bilatérale avec son homologue nigérian Goodluck Jonathan.

Les shebab ont expliqué sur leur compte Twitter, coupé depuis, que «ce que les Kényans voient à Westgate, c’est de la justice punitive pour les crimes commis par leurs soldats» en Somalie «contre les musulmans». Entrée fin 2011 en Somalie, l’armée kényane se maintient dans le sud du pays dans le cadre d’une force africaine soutenant le gouvernement somalien qui a infligé de nombreuses défaites aux islamistes.

LIBERATION avec AFP