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    C’est le livre choc de la rentrée. "On achève bien nos écoliers" (Grasset), risque de faire du bruit dans les salles de profs et les réunions de parents. Pour le journaliste anglais Peter Gumbel, notre système d’éducation, élitiste et passéiste, n’est qu’une machine à broyer les élèves et à produire, en masse, de l’échec scolaire. Extraits.

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    De piètres résultats:

    « Entre toutes les nécessités du temps, entre tous les problèmes, j’en choisirai un auquel je consacrerai tout ce que j’ai d’âme, de cœur, de puissance physique et morale, c’est le problème de l’éducation du peuple », disait Jules Ferry, grand réformateur de l’éducation. Ses mots continuent de résonner aujourd’hui, 130 ans plus tard. […]

    Comme il est étonnant alors, de constater à quel point la réalité des écoles françaises aujourd’hui est éloignée de ces nobles idéaux. Bien sûr, la vie n’a pas toujours l’élan positif qui traverse les Choristes ou Le Cercle des poètes disparus. Toujours est-il que le système actuel d’éducation non seulement ne correspond pas à son image idéale, mais n’atteint pas non plus le même niveau de résultats que dans une grande partie de l’Europe et du monde développé.

    Comment est-il possible que 15% des élèves entrant en classe de sixième ne sachent pas correctement lire et écrire ? Que 130 000 jeunes quittent l’école chaque année sans diplôme ni qualification. Que, dans un pays obsédé par la notion d’égalité, les jeunes dont les parents sont travailleurs indépendants, cadres, enseignants ou issus des professions intermédiaires, aient deux fois plus de chance d’accéder à l’enseignement supérieur que les enfants d’ouvriers et d’employés ? Que, malgré toutes les discussions sur la nécessité d’excellence et l’accent mis sur la formation des élites, la moyenne des jeunes Français n’obtienne que des scores médiocres lors de tests comparatifs internationaux. […] Prenez l’étude PISA 2003 qui se focalise sur les mathématiques. La France, pays de matheux, compte seulement 3,5% d’élèves qui atteignent le niveau 6, le plus haut niveau, autrement dit celui des excellents élèves. En Finlande, en Suisse, aux Pays-Bas et en Nouvelle-Zélande, ce pourcentage et deux fois plus élevé.


    Championne du stress

    Dans les enquêtes internationales, les enfants français sont dans l’ensemble plus anxieux et intimidés dans une salle de classe et davantage angoissés par le peur de l’échec. Ils manquent de confiance en eux, même lorsqu’ils connaissent leurs leçons, et éprouvent le sentiment que leurs professeurs ne les aident pas.

    Les élèves français préfèrent aussi ne pas répondre que de prendre le risque de faire une erreur. […] Je trouve le taux de non-réponse fort intéressant. Car la France est le seul pays où le « hors sujet » soit perçu comme un péché capital, un acte d’extrême nullité automatiquement sanctionné –et même sévèrement- par des générations de profs. Ceci est grotesque. La rigueur et la discipline intellectuelles sont bien sûr importantes, mais l’imagination et l’expérience également. La réticence des jeunes Français ne serait-ce qu’à tenter de répondre à une question est symptomatique d’un système où les enfants ont été conditionnés à « la fermer » plutôt qu’à exprimer ce qu’ils pensent, par peur de se tromper. Ce système promeut l’effacement de soi, le conformisme et l’obéissance aveugle au détriment du sens de l’initiative et de la curiosité intellectuelle. 

    Commentaire de Philippe Meirieu, professeur en sciences de l’Education

    « L’éducation en France a toujours insisté sur le développement de la raison –donc la mise sous le boisseau de la subjectivité-  en visant une sorte d’idéal unique de culture. Nous en gardons les traces.  L’école continue d’imposer sa norme. Nos manières de contrôler et d’évaluer découragent la créativité, l’engagement personnel de l’élève. D’où cette relative passivité que déplore Peter Gumbel. Si les élèves ne posent guère de questions en cours, c’est qu’ils ne se sentent pas vraiment concernés par ce qu’on leur dit. Ou bien ils craignent d’être stigmatisés par leurs camarades, peur qu’on se moque d’eux s’ils tâtonnent ou, simplement, s’ils sortent du rang. Le professeur a du mal à faire de sa classe un espace hors-menaces où l’on peut se tromper sans risque. »


    Des méthodes rétrogrades

    A partir des années 50,dans toute l’Europe,  le nombre de jeunes qui poursuivaient leurs études jusqu’à la fin du second cycle a commencé à croître.

    L’augmentation massive du nombre d’élèves […] ne crée pas seulement un problème matériel concernant les salles de classes et les professeurs ; cela requiert aussi un changement dans les mentalités et les méthodes d’enseignement. L’éducation n’étant plus réservée à une élite restreinte, les anciens critères de sélection doivent donc être révisés. En classe également, de nouvelles techniques sont désormais requises afin d’aider une population beaucoup plus large et plus hétérogène à atteindre un niveau acceptable. […]De nombreux pays ont revu leurs méthodes d'enseignement dans la perspective de porter une bien plus large proportion de jeunes à un niveau d'études élevé. [...]

    Mais la France, elle, n’a pas fait sa révolution culturelle […] p 49 nombre d’enseignants réutilisent les mêmes méthodes que celles qu’ils ont connues enfants. C’est-à-dire une approche frontale, où l’enseignant est à la tête de la classe, transmettant les connaissances aux enfants qui les reçoivent et les mémorisent de manière passive. Même pour ceux qui refusent de telles méthodes, qui réorganisent la salle de classe et font de leur mieux pour encourager et motiver les enfants, les tests et les notes tiennent une place si prépondérante que leur marge de manœuvre est fortement limitée. Il semble inévitable que les enfants soient classés, rivalisant, ainsi,  les uns avec les autres ».

    Commentaire de Patrick Gonthier, secrétaire général de l’UNSA Education, deuxième organisation syndicale enseignante.

    « Peter Gumbel met le doigt là où ça blesse. Il ouvre la boîte noire de la salle de classe. Nos collègues enseignants peuvent prendre ça pour une agression. Pourtant, ils ne sont pas en cause. C’est toute l’école française qui est rétive aux changements. Elle reste profondément élitiste, vouée au classement et à la sélection des meilleurs. Pour que ça change, et que d’autres méthodes d’enseignement soient introduites dans les classes, il faudrait qu’il y ait un consensus fort, un accord partagé par tous, les professeurs, les parents, les politiques, pour remettre en cause cet élitisme et mettre en œuvre la réussite pour tous à l’école. Nous en sommes loin. »


    Trop de redoublements  

    Au collège John Adams de Santa Monica, en Californie, presque aucun jeune ne redouble de classe, aussi mauvais que soient ses résultats scolaires. Ce collège public est à moins de 2 km de la plage et certains des 950 élèves vivent juste à côté, dans des maisons valant 1 million de dollars ou plus. Ils se rendent à l’école dans de grosses berlines allemandes. Mais une partie importante d’entre eux vit dans des HLM, plus au sud ou à l’est. Ce sont pour beaucoup des immigrants mexicains de la première ou de la deuxième génération. Ils arrivent, eux, dans des bus jaunes gérés par la municipalité. Martha Shaw, la directrice de John Adams, affirme que cette diversité est son plus gros défi. Tout comme le milieu socio-économique, le niveau d’éducation de ces jeunes varie radicalement. Certains visent déjà Harvard ; d’autres ont des difficultés à lire à l’âge de 12 ans.

    Durant les cinq années où elle a été la principale de John Adams, Martha Shaw n’a fait redoubler que deux enfants, et à chaque fois, « cela fut une horrible décision » à prendre, explique-t-elle. « Cela ne marche vraiment pas à cet âge-là. Ils sont tellement en colère qu’ils échouent partout l’année suivante. […] »

    Comme la plupart des écoles américaines, John Adams se démène pour récompenser la réussite des élèves et motiver chacun d’entre eux. Elle honore les succès de tous types […].

    En France, à l’inverse, 57% des élèves redoublent au cours de leur scolarité, en dépit des nombreuses études qui montrent que cela n’est pas utile.

    Commentaire de Claude Rebaud, président d’Education et Devenir.

    « De 1998 à 2007, j’ai été proviseur à la cité scolaire d’Andrézieux-Bouthéon, près de St Etienne, qui accueille 1800 élèves. 25% d’entre eux redoublaient à la fin de la seconde. J’ai décidé de faire baisser ce taux, alors j’ai d’abord fait campagne auprès des enseignants. Puis j’ai choisi avec soin les professeurs principaux, leur avis étant déterminant pour le passage ou non dans la classe supérieure. Nous avons adopté une charte du conseil de classe, pour qu’on y parle de l’élève, sans le juger. Cela incitait à réfléchir autrement à ses difficultés, à essayer de lui trouver des solutions mieux ajustées. Les enseignants n’étaient pas seuls responsables du taux élevé de redoublement, souvent, les parents eux-mêmes le demandaient pour que leur enfant puisse passer en première S l’année suivante. On leur a montré, statistiques à l’appui, que la filière S n’est pas le sésame pour l’enseignement supérieur. Mieux vaut avoir réussi en série technologique que galéré en série scientifique. Le taux de redoublement a fini par tomber à 13% ».   


    Les ravages de la notation

    Si le redoublement est une maladie, le système français de notation, lui, peut tuer. C’est une véritable plaie qui exerce des effets nuisibles sur le moral, la confiance en soi et les performances des élèves. […]

    En effet, le trait principal du système français ressemble à une distribution de type Gaussien. Les notes sont censées former une très jolie courbe en cloche, avec une majorité d’élèves groupés au centre. Certains approchent du haut de la courbe mais plus leur nombre diminue plus les notes augmentent. Par ailleurs, on trouve des élèves dispersés en bas ou près du bas de la courbe. La seule question est de savoir où est le point limite, mais une fois que cela est décidé –voilà : les élèves sont classés entre les bons, les moyens et les faibles. […]

    Le problème avec ce système, c’est qu’il requiert des notes faibles pour fonctionner. Ce que André Antibi, professeur à l’université Paul-Sabatier de Toulouse décrit comme une « constante macabre ». […]

    La recherche sur les méthodes d’évaluation ouvre des voies radicalement opposées aux pratiques françaises.

    Les chercheurs britanniques Black et William […] montrent que les remarques constructives sont plus utiles que de distribuer des notes. L’idée de comparer continuellement les élèves les uns avec les autres ne les aide pas à s’améliorer, mais au contraire renforce le sentiment d’échec parmi les moins bons, les persuadant qu’ils sont incapables d’apprendre. Les remarques doivent se concentrer sur ce que l’élève a bien fait et sur ce qu’il a besoin de travailler pour s’améliorer. En d’autres termes, l’élève est évalué par rapport à lui-même et non par rapport aux autres.

    Réponse d’André Antibi, professeur de mathématiques à l’Université Paul Sabatier de Toulouse (1)

    « Je ne défends pas la suppression des notes, ce ne serait pas réaliste. Mais je défends une autre notation, basée sur la confiance. 30 000 professeurs, de maths, de français, d’histoire…de l’école primaire à la terminale, l’appliquent déjà.  Ils offrent à tous la possibilité de réussir. Le principe est simple : le professeur distribue à l’avance la liste des exercices que les élèves doivent pouvoir refaire. Le jour du contrôle, il en choisit quelques uns. Pas de mauvaise surprise pour les élèves, donc. Seul un petit nombre de points est réservé (4 sur 20 par exemple) à une question qui fait appel à plus de créativité. Résultat : les élèves ont de bonnes notes, ils reprennent confiance en eux, et ils travaillent mieux ».

    (1)    André Antibi, « Les notes : la fin du cauchemar », Editions Math’Adore, 2007


    Des profs déresponsabilisés

    Citant Andreas Schleicher, à la tête de la direction de l’Education de l’OCDE, Pierre Gumbel critique « le mode industriel d’enseignement du XIXe siècle » en France.

    Il s’agit d’un modèle extrêmement directif dans lequel le gouvernement décide du programme dans les moindres détails, depuis le nombre exact d’heures consacrées à chaque matière jusqu’à l’ordre précis dans lequel les connaissances doivent être acquises. Quels que soient leur formation et leur professionnalisme, les enseignants sont traités comme des ouvriers d’usine dont la fonction est d’appliquer le programme tel qu’il leur a été ordonné de le faire. Ils le font souvent de manière isolée, sans aucune aide ou presque, avec une formation quasi inexistante aux méthodes vraiment employées sur le terrain.

    Sans parler de la surveillance de l’inspecteur de l’éducation nationale, sorte de p 92 deux ex machina qui détermine toutes les actions, regarde par-dessus l’épaule des professeurs et fond ensuite sur eux, en intervenant quand bon lui semble.

    Réponse de Daniel Robin, co-secrétaire national du SNES, principal syndicat enseignant du secondaire.

    « Oui, nous avons des programmes nationaux, mais c’est une nécessité, pour maintenir des examens nationaux qui assurent l’égalité entre les élèves. Quant au manque de liberté des professeurs…le propos est très exagéré. Dans sa classe, le professeur organise la progression de son cours comme il veut. Il se sent personnellement responsable des progrès de ses élèves. Et cela ne me semble pas scandaleux qu’il soit évalué, -connaissez-vous en France une seule profession où l’on ne l’est pas ? Cela dit, on souhaiterait évidemment que les inspecteurs s’occupent davantage d’aider et de conseiller les enseignants que de les sanctionner ».  


    L’élite française : le syndrome de Stockholm

    La première scène du chef-d’œuvre de Stanley Kubrick sur la guerre du Vietnam, Full Metal Jacket, montre un groupe de nouvelles recrues du corps des Marines dont on passe le crâne à la tondeuse électrique. La scène se déroule à Parris Island, base des Marines en Caroline du Sud, où les jeunes incorporés se préparent à la guerre. Pendant les quarante minutes qui suivent, l’action porte sur celui dont le métier est de briser ces hommes, le brutal sergent Hartman, interprété par R. Lee Ermey. Celui-ci ne parle pas, il hurle. Il insulte les recrues, les traite de bons à rien et les ridiculise en les qualifiant de « tapettes ». Au moindre signe de rébellion, il les frappe. Il crie « Vous n’êtes pas ici pour vous amuser, bande de larves ! Vous allez me détester parce que je suis sévère, mais plus vous me haïrez, plus vous progresserez ».

    Il n’y a pas grand-chose de commun entre Parris Island en 1967 et Les Editeurs, café huppé du sixième arrondissement de Paris où je suis assis en compagnie de trois étudiantes en Master à Sciences Po, par une chaude soirée de juin 2009. Je les ai invitées à prendre un verre, car elles ont étudié au sein des meilleures Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles. […]

    Pendant que nous sirotons notre Perrier, les jeunes femmes commencent à raconter leur expérience. Au premier abord, elles semblent enthousiastes. Ca a été dur, mais ça en valait la peine, insistent-elles, les yeux étincelants à l’évocation de leurs souvenirs. Mais alors que, continuant à discuter, elles commencent à analyser plus profondément par quoi elles sont passées, j’ai soudain un flash –et quelques-unes de ces scènes de Full Metal Jacket que j’ai évoquées plus haut jaillissent dans ma tête. […]

    Le fonctionnement de la prépa s’est avéré encore plus austère et éprouvant que je l’avais imaginé. On prend un groupe de jeunes gens particulièrement brillants, on les enferme ensemble à l’écart du monde pendant deux ou trois ans et on les pousse au bout de leurs limites. Si vous survivez, vous en sortez  renforcé et vous vous identifiez avec les systèmes en dépit des épreuves subies. Si l’on était cynique, on pourrait décrire ce processus comme une forme du syndrome de Stockholm, au cours duquel les otages en viennent à s’identifier à leurs ravisseurs.

    […] Dans les pays anglo-saxons, les facultés intellectuelles sont importantes, mais ne sont pas tout. La personnalité, la coopération, les centres d’intérêt et les expériences personnelles qui contribuent à former le caractère sont tout aussi importants. Alors que les étudiants français les plus brillants sont coupés du monde, beaucoup de leurs contemporains britanniques ou américains partent découvrir le monde en prenant une année sabbatique à l’étranger, entre le lycée et l’Université. Cela leur permet de gagner en maturité dans d’autres domaines que la connaissance purement intellectuelle –et de prendre du bon temps.


    La quête du Graal

    A travers le monde, de nombreux pays ont envisagé de combiner une culture scolaire moins rébarbative que celle qui existe en France avec une rigueur intellectuelle plus importante qu’aux Etats-Unis. L’idée de trouver le juste équilibre entre l’excellence académique et le développement personnel des élèves, est devenu le Saint-Graal de la pédagogie mondiale. […]

     Il y a un pays en Europe qui a fondamentalement transformé son système éducatif, à l’origine assez proche de celui de la France d’aujourd’hui. Il a utilisé des méthodes intelligentes se concentrant sur le bien-être individuel des élèves, en mettant l’accent sur le professionnalisme des enseignants, fortement encouragé, et en changeant radicalement la relation entre les écoles et les responsables des politiques éducatives. Les résultats sont spectaculaires : il est devenu la star du test PISA, le chouchou de l’éducation mondiale, le modèle que tout le monde veut comprendre. Ce pays, c’est la Finlande.


    Le bonheur à l’école ?

    L’une des questions les plus importantes est de savoir si les écoles ne devraient pas accorder moins d’importance aux performances académiques et laisser plus de place à d’autres éléments comme l’épanouissement individuel, le développement de la créativité ou le renforcement de la confiance en soi. Ceci risque de provoquer chez les traditionalistes français une crise d’apoplexie, mais dans de nombreux autres pays, les réussites non académiques représentent des objectifs éducatifs légitimes.

    […] l’une des grandes découvertes de la psychologie moderne est que le bonheur est un ingrédient clef d’un apprentissage réussi. Si vous appréciez ce que vous apprenez, cela vous stimule, et déclenche un cercle vertueux. […]

    En 2008, Nicolas Sarkozy a demandé à Joseph Stiglitz, le prix Nobel d’Economie, de proposer de nouvelles statistiques qui prendraient en compte le bien-être, plutôt que seulement les chiffres usuels de production et de consommation.[…]

    Il est temps pour le Président de commander un nouveau rapport, cette fois-ci sur la manière d’introduire le bonheur dans les écoles françaises. 


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    La Cité épiscopale d'Albi inscrite au patrimoine mondial de l'humanité

     

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    PARIS (AP) — La cité épiscopale d'Albi (Tarn) a été inscrite dimanche au patrimoine mondial de l'UNESCO. C'est le 34e site français ainsi distingué par l'organisation onusienne pour sa valeur universelle exceptionnelle.

    La vieille ville, située en bordure du Tarn, "reflète l'épanouissement d'un ensemble architectural et urbain médiéval", souligne l'UNESCO. En témoignent aujourd'hui encore Le Pont-Vieux et le bourg de Saint-Salvi, mais aussi bien sûr la cathédrale Sainte-Cécile.

    La cathédrale a été construite au XIIIe siècle en "briques aux tons rouge et orangé fabriquées localement" dans un "style gothique méridional original. "Elle est complétée par le vaste palais épiscopal de la Berbie qui surplombe la rivière et est cernée par des quartiers d'habitations datant du Moyen Age". En outre, l'ensemble architectural "n'a pas subi de changements majeurs au fil des siècles", note l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture dans un communiqué.

    Il s'agit du 34e site français inscrit au patrimoine mondial, a rappelé Frédéric Mitterrand, qui s'est réjoui dimanche de "cette reconnaissance mondiale pour un des monuments les plus exceptionnels du patrimoine français". Dans un communiqué, le ministre de la Culture se félicite aussi "du succès de cette candidature fondée sur les résultats d'une politique urbaine patrimoniale persévérante et de grande qualité, qui s'est en outre appuyée sur la coopération établie par la ville d'Albi avec un autre site du patrimoine mondial de l'architecture de terre, les palais royaux d'Abomey (Bénin).

    "Témoignage exceptionnel d'un centre de pouvoir ecclésiastique du Moyen-Âge, structuré par des édifices remarquables (cathédrale, palais de la Berbie, pont sur le Tarn) par leur ambition et leur qualité architecturale et artistique, la cité épiscopale d'Albi illustre aussi un type de construction particulier, utilisant la brique, avec une ampleur et une expression plastique sans équivalent", rappelle Frédéric Mitterrand. "Le Comité a également souligné la qualité de la conservation du bien, et la cohérence des dispositions mises en oeuvre dans le cadre de la législation française pour en protéger les valeurs", souligne-t-il.

    Le Comité du patrimoine mondial tient actuelle sa 34e session à Brasilia. En même temps que la cité épiscopale d'Albi, il a inscrit quatre nouveaux sites culturels sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO: la cité impériale de Thang Long-Hanoï (Vietnam), les monuments historiques de Dengfeng (Chine), le site archéologique de Sarazm (Tadjikistan) et la zone des canaux concentriques à l'intérieur du Singelgracht à Amsterdam (Pays-Bas). AP

     

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  • Le comédien voyageur

    Bernard Giraudeau laisse derrière lui une vie aux multiples facettes. 

    "La beauté ne se discute pas […] elle fait prince quiconque la possède." Toute l’ambiguïté de la carrière de Bernard Giraudeau, décédé samedi à Paris des suites d’un cancer, à l’âge de 63 ans, tient dans cette phrase d’Oscar Wilde. Sourire éclatant, yeux bleus, son physique de jeune premier aura marqué ses débuts de comédien. Mais très vite, il cherchera à se démarquer de cette image trop lisse, tellement éloignée de ses véritables aspirations. Lui qui débuta comme mousse sur le Jeanne-d’Arc, à bord duquel il effectua deux tours du monde, ne rêvait que d’ailleurs. L’aventurier de cinéma était un bourlingueur dans l’âme. Tout ce qui était autre l’attirait: les pays comme les gens. "Tout est voyage, disait-il,même la maladie."

    Son enfance à La Rochelle le prédispose aux voyages et lire Robinson Crusoé laisse des traces. "J’avais envie de voir ce qu’il y avait de l’autre côté du port et de la dernière vague. Je m’ennuyais à l’école et les bateaux étaient là avec leurs passerelles, il n’y avait plus qu’à monter à bord." A 17 ans, il entre dans la marine. Plutôt que de suivre ses copains en bordée à chaque escale, il préférait coucher ses émotions sur le papier. A son retour à terre, il a soif de tout. Ivresse des rencontres. "J’avais 20 ans. J’ai dû faire tous les bars de La Rochelle quand je ne sortais pas des chambres des filles." Une énergie canalisée par la rencontre d’une professeure de danse. "J’étais amoureux. C’était amusant de voir un gars de mon âge à la barre au milieu des filles."


    Dans les années 1970, beaucoup voient en lui le successeur de Delon

    Giraudeau se montrera bon élève: au début des années 1980, il chantera et dansera dans une comédie musicale, Attention fragile!, au côté de sa compagne, Anny Duperey. En 1973, il effectue ses débuts au cinéma avec deux monstres sacrés: Jean Gabin et Alain Delon dans Deux Hommes dans la ville, de José Giovanni. "J’étais tellement concentré sur ce que j’avais à faire que je n’ai même pas eu le temps d’avoir peur." Ah, Delon! A l’époque, beaucoup voient en Giraudeau son successeur. Et la tendresse, bordel, La Boum,Viens chez moi, j’habite chez une copine, autant de films qui affolent le box-office et les jeunes filles. "Je ne renie rien mais je n’avais pas vocation à finir comme poster dans les chambres d’adolescentes."

    Derrière le sourire se dissimule déjà l’exigence. "Je ne me préoccupe pas si j’ai une image et si je dois la ménager. Déjà, mon rôle de tueur homosexuel dans Le Grand Pardon mettait un coup de pied au cul au jeune premier sympathique que je représentais." Pas question non plus de renier ses convictions. En 1982, il se rend à un festival du film français aux Philippines. Lorsque Imelda Marcos, la femme du président, voit le beau gosse de la délégation lui tendre une enveloppe, elle pense à une lettre d’admirateur. Il s’agit d’une liste des violations des droits de l’homme dans ce pays. Membre d’Amnesty International, Giraudeau sera expulsé dès le lendemain. "Il ne faut pas exagérer la portée de mon geste. Je ne risquais pas grand-chose." Il n’empêche.


    Un beau regard d’écrivain

    L’homme change, ses rôles aussi. Plus profonds, plus amples, plus riches. Son deuxième film comme réalisateur, Les Caprices d’un fleuve, épouse les méandres de son évolution en faisant l’éloge du métissage dans le Sénégal du XVIIIe siècle. Le tournage n’est que difficultés mais Giraudeau ne connaît pas le découragement: "J’ai un orgueil monstrueux!Gouttes d’eau sur pierres brûlantes (François Ozon), Une affaire de goût (Bernard Rapp) indiquent son penchant pour l’ambiguïté. On se souviendra aussi du prélat poudré dans Ridicule, de Patrice Leconte. Et lui qui avait commencé au théâtre dans une pièce de boulevard terminera sa carrière sur les planches avec Anouilh (Beckett ou l’honneur de Dieu) et Shakespeare (Richard III), qu’il jouera à La Rochelle. Là où tout a commencé.


    Le bourlingueur ne sera jamais rassasié de voyages. Les Hommes à terreCher AmourLes Dames de nage portent témoignage de son beau regard d’écrivain, "à l’ancre", comme il aimait se définir. En avril dernier, les téléspectateurs l’avaient découvert fatigué mais souriant présidant la soirée des Molières. Fier papa de Sara, révélation théâtrale en 2007. Jusqu’au bout, il a goûté les merveilles du monde: "Ce serait mal vieillir que de ne pas être révolté, de ne pas être curieux, de ne pas continuer à être gourmand."


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  •  J'en appelle    J. BREL

     

    J'en appelle aux maisons écrasées de lumière


    J'en appelle aux amours que chantent les rivières
    A l'éclatement bleu des matins de printemps
    A la force jolie des filles qui ont vingt ans
    A la fraîcheur certaine d'un vieux puits de désert
    A l'étoile qu'attend le vieil homme qui se perd
    Pour que monte de nous et plus fort qu'un désir
    Le désir incroyable de se vouloir construire
    En se désirant faible et plutôt qu'orgueilleux
    En se désirant lâche plutôt que monstrueux



    J'en appelle à ton rire que tu croques au soleil
    J'en appelle à ton cri à nul autre pareil
    Au silence joyeux qui parle doucement
    A ces mots que l'on dit rien qu'en se regardant
    A la pesante main de notre amour sincère
    A nos vingt ans trouvés à tout ce qu'ils espèrent
    Pour que monte de nous et plus fort qu'un désir
    Le désir incroyable de se vouloir construire
    En préférant plutôt que la gloire inutile
    Et le bonheur profond et puis la joie tranquille

    J'en appelle aux maisons écrasées de lumière


    J'en appelle à ton cri à nul autre pareil...

    JACQUES BREL


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