• France Télévisions : Delphine Ernotte nomme

    Michel Field directeur de l’information

    LE MONDE | <time datetime="2015-12-07T15:00:25+01:00" itemprop="datePublished">07.12.2015 à 15h00</time> • Mis à jour le <time datetime="2015-12-07T15:52:31+01:00" itemprop="dateModified">07.12.2015 à 15h52</time> | Par

    Michel Field est nommé directeur exécutif chargé de l’information

    Michel Field est nommé directeur exécutif chargé de l’information Philippe Matsas / ©Philippe

    MATSAS/Opale/Leemage      lien

    C’est un changement d’organigramme important pour Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, trois mois et demi après son entrée en fonction : Michel Field est nommé directeur exécutif chargé de l’information, a fait savoir l’entreprise par communiqué, lundi 7 décembre. L’actuel directeur de France 5 remplace donc Pascal Golomer, qui avait été confirmé à la direction de l’information par la nouvelle présidente, après avoir fait partie de l’équipe précédente.

    Lire aussi : Michel Field : « Il n’est pas question que France 5 dorme pendant dix ans »

    Selon la direction, M. Field doit apporter un « nouveau souffle » dans un domaine sensible, à deux ans de la présidentielle, alors que France Télévisions a lancé un projet de chaîne d’information publique et de fusion des rédactions en interne. La nomination de M. Field confirme son importance dans l’équipe de Delphine Ernotte.

    « Le choix de la continuité n’a pas fonctionné »

    Pascal Golomer sera « appelé à d’autres fonctions », précise le communiqué. La direction de France 5 sera assurée par Caroline Got, la directrice de la stratégie et des programmes, en attendant la nomination d’un remplaçant à M. Field, qui était en poste depuis l’entrée en fonction de Mme Ernotte, fin août.

    « Pour la direction de l’information, Delphine Ernotte, à son arrivée, a fait le choix de la continuité. Cela n’a pas fonctionné », explique-t-on à la direction de France Télévisions. Pascal Golomer fait en effet partie des dirigeants qui avaient des responsabilités sous la présidence de Rémy Pflimlin, en relation avec l’ancien directeur de l’information, Thierry Thuillier, parti chez Canal+ avant l’été.

    Le choix de nommer M. Field ne vise pas M. Golomer en tant que personne et ne sanctionne pas un problème précis, fait-on valoir à la direction de France Télévisions ; il répondrait plutôt à l’envie d’innover davantage et plus vite dans le domaine de l’information, que Mme Ernotte a d’emblée placé en tête de ses priorités.

    Pas une « sanction »

    Le changement d’organigramme ne serait pas non plus une sanction pour le traitement des attentats le vendredi 13 novembre, jour où France 2 n’avait pas décroché tout de suite son antenne : Delphine Ernotte avait envoyé un email de soutien à sa rédaction le 2 décembre, rappelle son entourage. Le cafouillage autour de la venue – annulée – de Marine Le Pen à « Des Paroles et des actes », mi-octobre, n’aurait pas non plus été un élément déclencheur, plutôt une série de petits dysfonctionnements et une divergence d’état d’esprit, explique-t-on.

    Delphine Ernotte a choisi Michel Field pour « incarner un renouveau », explique-t-on. Si l’animateur est connu pour ses émissions culturelles comme « Le Cercle de minuit » ou « Au Field de la nuit », ce journaliste a aussi travaillé pour des émissions généralistes comme « La Marche du siècle » ou « Public » et surtout, il est passé par la chaîne d’information LCI, fait-on valoir. M. Field y a notamment animé une tranche d’information, ou l’émission de débat « Politiquement Show » .

    Michel Field et Germain Dagognet, deux anciens de LCI

    Michel Field retrouvera à la direction de l’information un autre ancien de LCI : Germain Dagognet, nommé sous Pascal Golomer pour s’occuper en particulier du projet de chaîne d’information. Son arrivée, décidée directement par Delphine Ernotte, a suscité des remous en interne, d’autant plus qu’il a été membre du cabinet du ministre de l’éducation Lionel Jospin. « C’était il y a 25 ans, il y a prescription ! », avait balayé Mme Ernotte.

    Michel Field, quand on lui rappelait son engagement de jeunesse à la Ligue communiste révolutionnaire, répondait à Libération : « J’ai arrêté de militer à 21 ans. Ce qui m’a sauvé, c’est l’investissement dans les études en même temps que la politique. » La direction de France Télévisions voit en lui quelqu’un qui a un carnet d’adresses mais « a interviewé et travaillé avec les politiques de tous bords », une personnalité pas « clivante ».

    La CGT pas « vent debout »

    A court terme, le plus gros défi de Michel Field est la chaîne d’information publique que Delphine Ernotte veut lancer en septembre 2016. Pour être dans les temps, France Télévisions doit fixer le modèle éditorial avant la fin de l’année, après des discussions avec Radio France et France Médias Monde ou l’Institut national de l’audiovisuel. Il faudra ensuite clarifier un point important : la chaîne peut-elle être diffusée sur un canal hertzien ou seulement en numérique ?

    Courant décembre, le projet doit faire l’objet d’une présentation aux syndicats, qui sont de longue date opposés à un projet connexe : Info 2015, qui prévoit de rapprocher les rédactions de France 2 et France 3, tout en conservant des styles de journaux et magazines distincts pour les deux chaînes. Un projet porté par l’équipe de Rémy Pflimlin et Thierry Thuillier, sur lequel les élus espéraient avec Delphine Ernotte du changement. En vain, jusqu’ici.

    Cela explique en partie la réaction modérée de la CGT, qui n’est pas « vent debout » contre la nomination de M. Field : « Il y avait un flottement dans la mise en place du projet de Mme Ernotte, qui appelait logiquement une forme de changement, explique l’élu Marc Chauvelot. Que donnera Michel Field comme directeur de l’information ? On ne sait pas. C’est plutôt un homme de culture mais il connait bien la télévision. Va-t-il remettre en question les projets de l’équipe précédente comme Info 2015 ? »

    Lire aussi : Négociations autour de la future chaîne d’info publique


     

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    Etienne Daho : Au commencement

    Pierre Hedrich <time>Publié le 21-11-2015 à 09h00    lien </time>

    Le chanteur se dévoile dans un film touchant diffusé sur Arte.

    Retour sur la carrière d’un artiste en perpétuelle recherche musicale.

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    Etienne Daho © Walter Films
    Etienne Daho © Walter Films
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    ARTEARTE22h19

    </header>Soirée Daho<footer>Soirée Daho</footer></section></aside>

    Il aura fallu une tempête de neige, ce 20 décembre 1978, pour qu’Etienne Daho devienne chanteur. A l’époque, le jeune rocker rennais a 22 ans. Il organise dans sa ville un concert de son groupe préféré, les "Stinky Toys". Elli Medeiros y chante et Jacno est à la guitare. Journalistes et producteurs se déplacent dans la capitale bretonne. A la sortie du concert, la neige a bloqué les trains, impossible de rentrer à Paris. Etienne Daho invite tout le monde chez lui. Le lendemain matin, au petit déjeuner, il évoque sans trop y croire son désir de chanter. Les professionnels l’encouragent. Il décide de se lancer.

    Doute et certitude

    Le film d’Antoine Carlier est beaucoup plus que l’évocation, album après album, d’une carrière. C’est la trajectoire d’un artiste avec ses parts d’ombre et ses succès. Car c’est toujours avec incertitude qu’Etienne Daho avance. Sa première chanson, il la confie à Elli Medeiros car il ne se sent pas capable de l'interpréter lui-même. Et après l’échec de son premier album « Mythomane », quand Patrick Zelnik, patron de Virgin, le convoque, il est persuadé que c’est pour lui rendre son contrat. C’est le contraire qui se produit. “A quand le deuxième album ?” l’interroge le producteur.

    Peu à peu, malgré les doutes qui l’habitent toujours, le chanteur impose son style, subtil, entre rock et chansons à texte et remet sa carrière en question à chaque album. Pour lui, la musique est essentielle. "Autrement je serai devenu psychopathe!"  affirme celui qui se méfie du succès et court les plateaux télé comme un ado qui ne croit pas à ce qu’il vit. Quand il flaire un nouveau triomphe, il interpelle son producteur :  

    Si ça marche trop bien, est-ce que tu peux te débrouiller pour que mon album ne devienne pas numéro 1 ?

    "J’avais dans l’idée que ça ne durerait pas très longtemps. Je devais ne faire qu’un album et là j’en suis au quatrième." Il enchaîne pourtant les disques d’or, et poursuit sa carrière avec toujours la même exigence artistique. Il s’enferme pour composer, s’entoure des meilleurs, enregistre à Londres ou à New York. Il a l’art de créer des duos surprenants;  Jacques Dutronc, Alain Bashung, Françoise Hardy, Jane Birkin, Jeanne Moreau, Catherine Deneuve, Marianne Faithfull ont chanté avec lui. Il sait aussi dénicher de vieux standards pour en faire des succès (Gainsbourg ou Piaf).

    "Point final à l’introspection"

    L’homme à la voix fragile et profonde tisse une œuvre singulière sans s’en rendre compte. Mais des comptes, c’est avec lui-même qu’il en règle… Le jeune homme s’interroge continuellement sur son existence. Son enfance à Oran : un père militaire, absent, qui quitte la famille alors qu’Etienne n’a que 4 ans. Entouré de femmes, sa mère et ses deux sœurs, il devient l’homme de la maison en ces temps troubles de la guerre d’Algérie. En 1964, il arrive à Reims, chez une tante, avant de rejoindre sa famille à Rennes. Le dernier soir d’une série de concerts à l’Olympia, son père se présente à l’entrée des artistes.

    Daho, déstabilisé, lui interdit l’accès à sa loge. Plus tard, le chanteur découvrira une lettre de son père, mort en 1990, qui lui demande pardon. En 2007, il s’enferme pour en écrire une chanson. Il est à Ibiza. Dehors, le soleil est de plomb. Quand le texte de "Boulevard des Capucine" est achevé, le chanteur sort sous une pluie diluvienne. "J’étais libéré. Cette chanson a mis un point final à l’introspection, à parler de soi." déclare-t-il en ajoutant subrepticement : "pour l’instant…" comme s’il  avait la volonté de ne rien figer, de toujours vouloir découvrir autre chose de sa musique et de lui-même. L’homme sait rebondir. Quand on annonce sa mort, il fait un album, "Reserection" (1995), de cette odieuse rumeur.

    Un vrai témoignage sur la création

    Le film nous dévoile aussi sa générosité et sa curiosité. Car son expérience, il la met au service d'orfèvres et de jeunes talents qui le lui rendent bien. En 2006, Benjamin Biolay, Daniel Darc, et Sébastien Tellier sortent un album en son honneur en reprenant ses chansons : "Tombés pour Daho". Il produit aussi de jeunes artistes comme Lou Doillon. Avec de beaux extraits de concerts et d’enregistrements, Antoine Carlier revisite le parcours du chanteur en s’intéressant aux motivations et aux différents cheminements de l'inspiration. L'artiste n'est pas sûr de lui. Il pose plus de question qu'il n'apporte de réponse et, par ses réflexions, livre un vrai témoignage sur la création.

    VIDEO

     

    Samedi 21 novembre à 22h20 sur Arte. Documentaire d'Antoine Carlier : "Etienne Daho, un itinéraire pop moderne", 53 min. (Disponible en replay)

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    Sur le web : Etienne Daho à propos de son actualit

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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  • <nav class="breadcrumb list-view mbm normal" itemscope="" itemtype="http://data-vocabulary.org/BreadcrumbList"> Actualité Culture </nav> <header>

    "Ecrire sans trembler", après les attentats

    28 écrivains s'expriment

    Publié le <time datetime="2015-11-19T15:44" itemprop="datePublished">19/11/2015 à 15:44</time> | AFP  lien
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    Laurent Mauvignier, écrivain, auteur du livre "Des hommes" pose le 04 septembre 2009 à Paris
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    Laurent Mauvignier, écrivain, auteur du livre "Des hommes" pose le 04 septembre 2009 à Paris © AFP/Archives - JOEL SAGET

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    Après les attentats, les écrivains doivent "continuer à écrire", affirme le romancier Laurent Mauvignier qui, avec 27 autres auteurs français et étrangers, s'exprime jeudi dans Le Monde des Livres pour répondre "sans trembler" aux tueurs jihadistes.

    Parmi les romanciers, poètes, philosophes et dessinateurs qui ont pris la plume figurent les Américains Richard Ford et Joyce Carol Oates, les Libanais Charif Majdalani et Jabbour Douaihy, la Rwandaise Scholastique Mukasonga, l'Israélienne Zeruya Shalev, l'Egyptien Alaa el-Aswany, l'Italien Marcello Fois ou encore le Britannique Ian McEwan.

    "Un drame tel que celui qui vient de mettre Paris à si terrible épreuve implique des conséquences complexes", écrit Richard Ford. "Il change le sens des mots. Il n'y a pas grand chose à y faire, sinon essayer de ne pas se laisser prendre de court par l'histoire", poursuit l'écrivain américain.

    Nommer les choses, c'est justement à quoi s'emploient Olivier Rolin et Christine Angot notamment. "Ca n'a rien à voir avec l'islam. Mais non bien sûr. Des tueurs qui mitraillent au cri d'Allah Akhbar, ça n'a rien à voir avec l'islam. +L'Etat islamique+ n'a rien à voir avec l'islam", se demande ironiquement Olivier Rolin avant d'ajouter "ce doit être une erreur de traduction". "Soyons sérieux", affirme le romancier. "Le djihadisme est sans doute une maladie de l'islam, mais il entretient précisément avec cette religion le rapport incontestable qu'a une maladie au corps qu'elle dévore", souligne-t-il.

    <section class="placement-middle img50"><figure id="3296178" itemprop="associatedMedia" itemscope="" itemtype="http://schema.org/ImageObject"><figcaption class="art-caption" itemprop="description">L'auteure Christine Angot, prise le 19 août 2006 à Paris © BERTRAND GUAY AFP/Archives</figcaption></figure></section>

    Christine Angot raconte comment, après les attentats, elle entend dire à la télé que "l'islam est compatible avec la République, le problème c'est pas l'islam, c'est les terroristes". Ce discours est "inaudible", affirme la romancière. "Ca fait mal aux oreilles", dit-elle, avant d'affirmer "on n'est pas musulman, on n'est pas juif, on n'est pas catholique, on n'est pas blanc, on n'est pas homme, on n'est pas femme. On joue en équipe, et notre équipe, c'est l'équipe de France".

    L'écrivain Arnaud Cathrine préfère parler d'Adel l'épicier du bas de sa rue dans l'est de Paris. "Un amalgame entre musulmans et fanatiques faciliterait amplement la tâche des assassins", met-il en garde. Jean Hatzfeld veut se souvenir de "la plus pure solidarité" qui a unit les Parisiens après les attentats.

    "Peut-être sommes-nous entrés en guerre, peut-être sommes-nous entrés en résistance. Je ne sais pas", avoue Jérôme Ferrari.

    Désormais, il faut "regarder la mort en face", soutient Laurent Mauvignier; "S'engager, c'est aussi savoir ne pas changer, continuer à être ce que nous sommes".

    Responsable du Monde des Livres, Jean Birnbaum souligne "qu'on adhère ou non à telle ou telle contribution, on admettra que chacune participe au geste crucial: face aux diseurs de mort, continuer à écrire la vie".

    19/11/2015 15:43:36 - Paris (AFP) - © 2015 AFP


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  • André Glucksmann, un philosophe

    combattant du monde

    Par Robert Maggiori <time datetime="2015-11-10T19:26:07" itemprop="datePublished">10 novembre 2015 à 19:26   lien </time>
     
    Le 1er mai 1980, manifestation devant l’ambassade d’URSS à Paris.
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    <figure class="article-image article-header-image" itemprop="image" itemscope="" itemtype="http://schema.org/ImageObject"> <figcaption class="read-left-padding caption" itemprop="description"> Le 1er mai 1980, manifestation devant l’ambassade d’URSS à Paris. Photo Armand Borlant

    </figcaption> </figure>

    Parfois véhément, loin d’être académique, André Gluscksmann pratiquait une philosophie batailleuse. Une vigilance politique permanente.

    Chacun pourrait le constater : les «histoires de la philosophie» ou les «dictionnaires des philosophes» ne contiennent presque jamais l’entrée «André Glucksmann» - dont le nom peut être plus facilement trouvé si on passe par «nouveaux philosophes», le groupe informel d’intellectuels né et façonné par les médias au milieu des années soixante-dix, comprenant, entre autres, Bernard-Henri Lévy, Guy Lardreau, Christian Jambet, Jean-Paul Dollé, Jean-Marie Benoist ou Maurice Clavel. Indice mineur, sans doute, ou, chez les rédacteurs de ces ouvrages, léger mépris pour toute philosophie qui ne répond pas aux critères de l’académisme.

    De fait, André Glucksmann n’a pas été un philosophe académique, et sans doute se fichait-il d’être dans des panthéons. C’est avec un ouvrage sur la guerre, et sur Clausewitz, qu’il fit son entrée sur la scène de la pensée, témoignant déjà de ce que la philosophie n’était pas pour lui un exercice de style, un jeu de concepts, une tentative de simplement expliquer ce qui est, mais une guerre justement, une bataille, une usine à fabriquer avec les mots et les idées des armes capables de désintégrer les dogmatismes, les idéologies, les totalitarismes, la raison d’Etat au nom de laquelle l’Etat trouve toujours raison d’opprimer et de priver de liberté. On lui a reproché parfois, lorsqu’il participait à des débats, d’être trop véhément, trop violent : il ne cédait rien, en réalité, de l’éthique de la conviction qui était la sienne. D’Auschwitz à la révolte de Budapest, du Vietnam au Rwanda, de Sarajevo à la Pologne de Solidarnosc, à la Yougoslavie, au printemps de Prague, jusqu’au goulag, puis à la question tchètchène et à l’islamisme : rien ne lui a été étranger, au sens où rien n’a fait - pas même les accusations de «transformisme», qui l’ont fait aller du maoïsme à un alignement aux côtés de Nicolas Sarkozy - qu’il renonçât à l’exercice de l’esprit critique, à l’exercice, justement, de la philosophie, conçue non pas comme système idéel, ni uniquement comme logique, ou esthétique, ou éthique, mais aussi attention vigilante, surveillance, politique et (demeurant d’une certaine façon marxien sinon marxiste à cet égard), transformation du monde, action sur le monde.

    Bernard Kouchner et André Glucksmann sur un cyclomoteur le 18 décembre 1985 à Paris, France.

    Avec Bernard Kouchner à Paris en décembre 1985. (photo Alexis Duclos. Gamma Rapho)

    Happé par Eschyle

    André Glucksmann connaît ses premiers succès avec deux de ses livres, la Cuisinière et le Mangeur d’hommes, réflexions sur l’Etat, le marxisme et les camps de concentration et les Maîtres penseurs. Dans l’un, il dénonçait, avec d’autant plus de force que cela venait d’un homme qui avait été communiste et maoïste, la férocité des régimes communismes et leur capacité à étouffer toutes les libertés au nom de la liberté et de la promesse d’avenir radieux, et rapprochait le totalitarisme communiste du totalitarisme nazi. Dans l’autre, il mettait à nu les procédés par lesquels, «sous couleur de savoir»,  même les plus grands philosophes - de Fichte à Marx, de Hegel à Nietzsche et à Freud - «ont agencé l’appareil mental indispensable au lancement des grandes solutions finales du XXe siècle». On le dira trop passionné, excessivement cynique… Or, si dans Passion et cynisme, publié en 1981, il exprime son amour passionné et acritique pour la culture et la civilisation de l’Occident - dont les thuriféraires se trouvent généralement appartenir aux vieilles et nouvelles droites -, ce n’est pas pour glorifier une «pureté» occidentale, car un simple regard en arrière suffit à percevoir le mal que l’Occident a produit et semé, mais pour souligner sa capacité à voir le mal, à «fixer l’horreur». Cette terascopie (teras = monstre, scopie = vue), dont le paradigme est à chercher dans l’Orestie d’Eschyle, est précisément, aux yeux de Glucksmann, ce qui «sauve» l’Occident, en ce qu’elle est une «vue pure du défaisant en tant que défaisant», un face-à-face avec ce qui défait, détruit et ruine, et sans la perception de quoi rien ne pourrait être fait ou refait, bâti, construit.

    De l’itinéraire de Glucksmann qu’à gauche on juge «involutif», ne doit pas être oubliée la façon dont, au début, le philosophe a été «pris», happé, par Eschyle et par les tragiques grecs - lesquels, avec Socrate, Diogène, Aristote, Montaigne et Bodin constituent les «phares», ou plus exactement les figures nyctalopes de Cynisme et passion - qui montrent dès l’aurore que la tragédie n’a pas édifié l’homme, mais l’a saisi «en creux», tel un «sentiment papillonnant ne se laissant saisir qu’à travers le geste qui s’efface». L’homme est nuit, autrement dit, c’est dans la nuit qu’il voit, et c’est comme voyant dans la nuit que la tragédie grecque nous le donne à voir. Voilà la grande intuition du premier Glucksmann : c’est la nuit, et le manque, et la privation, et la guerre, et le Mal - qui sont «mère» originelle, terre d’origine, matrice première. Le fond noir est avant la lumière, ou, comme dirait Aristote, c’est l’aporie qui est première, la «voie dont on ne sait l’issue», qui ne dit pas où il faut aller, mais seulement la difficulté qu’il y a à aller. Cette difficulté, Glucksmann n’a cessé de l’affronter, tombant souvent, se relevant toujours. On ne doit pas y lire que l’homme, à l’état de nature, serait, mauvais, ni qu’il faut faire - idiotie - l’éloge du mal. Si mal il y a, il viendrait plutôt de ne pas avoir cru que voir le mal n’était pas mal, car l’homme s’accorde sur le mal, et non sur le bien, sur ce qu’il ne faut pas faire, et non sur ce qu’il est «prescrit» de faire, et d’avoir au contraire posé, comme idéal à atteindre (déjà chez Platon) l’idée de Bien. Tout le malheur des hommes est là : car si «dans le noir, on ne range pas d’un coup d’œil les bons d’un côté et les méchants de l’autre», en revanche, dès qu’on pose le Bien, on impose le discours de la division, de la guerre, de l’attaque, de la défense, et les lignes de démarcation - puis on se tue pour des questions de «bon» Dieu, de «bonne» société, de «bons» régimes, de «bons» principes.

    Le fanatisme, fils aîné du système

    Il est vrai que Glucksmann, à mesure qu’il avancera dans sa vie et dans ses combats, sera de plus en plus «politique» et traduira moins ses causes en termes philosophiques. Mais s’il ne la formulera plus ainsi, il ne se dépendra jamais de cette idée, à la lueur de laquelle toute sa biographie intellectuelle devient une «ligne» : lorsqu’on pose le Bien (quels que soient la personne, le tyran, le régime, la politique, la stratégie que ce «on» pourrait désigner), on pose aussi les moyens, parfois forcés, de l’atteindre, les moyens «sûrs» de l’atteindre (garantis par Dieu, par une structure politique, économique, militaire…), puis la certitude de le posséder, de sorte que sur cette certitude se fonde aussi la légitimité d’éliminer ceux qui, opposants, malfaisants, dissidents, ne le possèdent pas ou ne le recherchent pas. Le fanatisme est le fils aîné du système.

    Le Bien (posé et imposé), la Vérité, la Certitude, voilà les valeurs léthifères par quoi s’autorise la propension à traquer, éliminer, enfermer, massacrer, les «aveugles». Cette tentation, souvent réalisée en actes, Glucksmann la traquera partout, du néoplatonisme à… l’euro-platonisme des gouvernants d’aujourd’hui. Mais il indique aussi quelques antidotes : la folle sagesse de Diogène le cynique, l’apport «révolutionnaire» du dit réactionnaire Jean Bodin, philosophe du droit qui «fonde la souveraineté sur l’absence de consensus préalable», et les lumières du grand Montaigne, chez qui l’individu «ne symphonise à tout coup ni avec les autres ni avec lui-même». Pas de doctrine, pas de consensus, pas de «symphonie», au nom de quoi les hérétiques, les dissidents, les cacophoniques sont désignés à la vindicte, destinés à quelque camp de travail ou de concentration. Seulement un peu de cynisme et beaucoup de passion, qui déstabilisent unanimismes et optimismes béats, tuent dans l’œuf le fanatisme. Seulement un peu d’incertitude.

    L’éloge de l’étonnement

    Ce principe d’incertitude, qui peut féconder les sciences, l’homme, quand il pense, croit, espère ou agit, le craint toujours un peu, car il n’a pas renoncé au vieux rêve, cauchemardesque, d’une «sagesse» scientifiquement déterminable, politiquement ou religieusement garantie, qui permettrait de régler les problèmes humains sur le modèle d’une science réglant les problèmes de la nature. C’est pourquoi Glucksmann fait aussi l’éloge (présent dans la philosophie dès sa naissance) de l’étonnement, cette faculté remarquable qui interdit aux concepts de devenir, au sens propre, «staliniens», c’est-à-dire en acier, et qui, tranchant «dans son propre vif», découvre «dans le sans-espoir de son absence de ressources, une ressource inespérée».

    Sans doute cette «positivité» a-t-elle peu à peu été «oubliée» dans l’œuvre de Glucksmann. On la perçoit cependant exprimée en d’autres termes, dans bien des ouvrages successifs, entre autres la Bêtise, de 1985. Faisant d’elle un concept philosophique, il y affirme que la bêtise - «évidence commune et pain quotidien» - est première, comme étaient premiers le noir et le Mal, que la raison est seulement seconde, que la bêtise n’est pas l’échappée ou le raté de la raison et que la raison ne se présente jamais que comme une maîtrise momentanée de la «bêtise-toujours-déjà-là». Désormais loin de la gauche, il fustige la bêtise de gauche, du gouvernement mitterrando-rocardien mais aussi des régimes de l’Est, où «la prise de pouvoir gérontocratique n’a pas dissipé l’horizon d’horreur des dictatures hitlérienne et stalinienne».

    Mais il élabore également une véritable phénoménologie de la bêtise, et, grâce à la critique de la conception bergsonienne du rire ou l’exemple de l’Idiot de Dostoïevski, des réflexions de Kant sur le respect, de Cicéron sur l’amitié ou de La Boétie sur la servitude volontaire, il caractérise la bêtise comme «existence et comme logique», capable, elle aussi, de «desserrer» l’emprise des discours dogmatiques.

    Il est prévisible que bien des parties des livres d’André Glucksmann, nées de l’impérieuse envie d’introduire dans le discours philosophique, social ou moral, une «actualité» empruntée à la politique politicienne, sont destinées à l’oubli. Quand resteront les «voix» et les voies dont il a tracé les linéaments, incarnées l’une par Heidegger, l’autre par Socrate : la première est impraticable, ouverte par un penseur qui porta l’uniforme nazi, et qui a donc «cédé», la seconde par un philosophe qui n’avait comme certitude que celle de ne rien savoir, et qui a pu mettre en discussion les coutumes, les habitudes, les pratiques et les pensées de ses concitoyens, et qui, fidèle à lui-même, ne céda rien, sur la justice, et accepta même de se soumettre à un pouvoir dont il avait pourtant dénoncé l’arbitraire et la bêtise - jusqu’à donner sa vie. D’une certaine manière, André Glucksmann aura aussi été «socratique», usant maintes fois de l’ironie pour déstabiliser les visages multiformes du dogmatisme.

    Une éthique de la conviction

    Il suivait, on l’a dit, une éthique de la conviction - même lorsque ses convictions déroutaient ceux qui s’estimaient ses amis, même lorsque ses convictions le faisaient changer de bord politique. A propos de la menace nucléaire, il eut l’occasion de louer la dissuasion, qui est l’«entente de ceux qui ne s’entendent pas», car la dissuasion oblige à passer des rapports de force aux rapports de risque, introduisant ainsi l’exigence de ne plus jouer au plus fort mais de jouer au plus fin, d’avoir une «pensée vertigineuse», qui court sur la corde raide, très fine, reliant la certitude d’un côté et le nihilisme de l’autre, la croyance en une vérité «stalinienne» et la croyance qu’il n’y a, nulle part, une once de vérité. Dans l’entre d’eux - et c’est une vertu qu’on ne pourra pas ôter à André Glucksmann -, il y a le courage, lequel tient «sur une ligne de crête entre deux peurs», dans un équilibre précaire où rien n’est jamais perdu ni gagné définitivement.

    Robert Maggiori

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  • "NRJ Music Awards" : Adele enflamme

    Cannes pour sa première scène

    depuis les Oscars

    Mis à jour : 07-11-2015 21:54     lien
    - Créé : 07-11-2015 21:13

    PERFORMANCE - Quelques jours après la sortie de son titre "Hello", Adele est de retour sur scène pour la toute première fois depuis les Oscars en 2013. Et pour ce grand moment, elle a choisi les "NRJ Music Awards 2015", pour un show malheureusement enregistré à l'avance.

    Adele a pris possession de la scène des NRJ Music Awards.

    Adele a pris possession de la scène des NRJ Music Awards.

    Capture d'écran TF1

    Photo:

    "Hello, it's me…". Ces paroles, vous les avez forcément entendues : ce sont celles du tout nouveau single d'Adele. La chanteuse britannique sera bientôt de retour dans les bacs avec son album "25", mais en attendant, c'est sur la scène des "NRJ Music Awards" qu'elle a retrouvé son public.

    Cela faisait en effet plus de deux ans qu'elle ne s'était pas produite sur scène. Et pour une occasion de taille : en 2013, elle avait chanté son succès mondial "Skyfall" sur la scène des Oscars, aux Etats-Unis. Et depuis : plus rien, pas un seul concert ni le moindre single. La star s'était concentrée sur sa vie de maman et la préparation de son nouvel album.

    Une prestation enregistrée à l'avance

    Le public tout comme les téléspectateurs étaient ravis de cette prestation, et n'ont pas hésité à faire savoir leur joie, leur respect et leur émotion sur les réseaux sociaux. Leur seul reproche ? La prestation, pour magnifique qu'elle était, avait été enregistrée à l'avance : ce n'était pas du direct. Mais cela n'a visiblement pas suffit pour les décevoir. La preuve !

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    @Adele a tellement de mérite à avoir: en plus d'avoir une merveilleuse voix elle n'a pas besoin de se refaire pour mettre le feu !! 💟💟

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    Adele est tout simplement incroyable 😍

     

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    La chanson d'Adele "Hello" ptn j'ai des frissons de malade sa voix 😍😍😍 ptn

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