• Lire 02/02/2013 à 10h22

    Après la polémique sur le Nobel de Mo Yan, et si on lisait ses livres ?

    Bertrand Mialaret | Mychinesebooks.com lien 


    L’attribution du prix Nobel de littérature 2012 à l’écrivain chinois Mo Yan a entraîné un intense débat médiatique, tant en Chine qu’à l’étranger. Retour sur une polémique qui ne s’éteint pas.

    Certains ont vigoureusement regretté qu’un membre du Parti communiste, vice-président de l’Union des écrivains, soit récompensé ; d’autres que Mo Yan ne soit pas un critique radical du PC chinois ou un soutien sans réserves des dissidents.

    Certains articles montrent même que les méthodes maoïstes de débat politique et d’insulte sont toujours d’actualité, parfois même chez les dissidents qui prétendent les combattre. Yu Du, webmaster du Pen Club chinois, persécuté par la police, le compare même à une prostituée qui affirme que ses services sont sains !

    Plusieurs positions ou déclarations récentes de Mo Yan, fort regrettables, ne doivent pas conduire à le condamner sans le lire ; après tout il est écrivain et l’on parle du prix Nobel de littérature et non du prix Nobel de la paix.


    Capture d’écran de Mo Yan durant sa conférence du prix Nobel, en décembre 2012 à Oslo

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    Les fondamentaux

     


    Mo Yan à Paris en 2009 (Bertrand Mialaret)

    Lors d’un séjour en France, en juin 2009, il avait souligné, pour Rue89, que la politique est bien évidemment présente dans les thèmes de ses romans, mais que la littérature ne doit pas avoir de responsabilité politique comme au temps de Mao Zedong, tout en regrettant que dans la Chine actuelle, l’important ce n’est pas la politique mais l’argent.

    Dans une interview à Pierre Haski (alors pour le quotidien Libération) de décembre 2001, il rappelait qu’il avait adhéré au Parti en 1979, qu’il en était toujours membre mais qu’il avait « perdu confiance dans le communisme » depuis…1989 (date de la répression de la place Tian’anmen).

    Il soulignait aussi :

    « En Chine, un bon écrivain, n’entre pas en conflit direct avec le gouvernement. La critique de la société doit se cacher derrière l’histoire, derrière la langue. Bien sûr, les écrivains peuvent aussi écrire “ J’accuse ” comme Zola, mais ce n’est pas de la littérature, c’est une attitude politique d’un écrivain. »

    A Aix-en-Provence, il avait déclaré en juin 2009 :

    « Un écrivain est quelqu’un qui doit écrire quelque chose qu’un journaliste est incapable d’écrire. »

    Un écrivain ne doit pas copier la réalité mais la dépasser et un roman doit posséder son propre langage.

    Enfin, Mo Yan nous rappelle sans cesse que la paysannerie et sa ville natale de Gaomi, sont les thèmes centraux de son œuvre.

    Comme il l’a dit au Nouvel Observateur lors de ce même séjour,

    « C’est toute la paysannerie qui a été maltraitée par les communistes. Sous Mao, ce sont les campagnes qui ont payé [...] la première industrialisation du pays. Et de nos jours, ce sont les enfants des paysans, ces 120 millions de migrants (“ mingong ”) qui [...] ont de fait financé et bâti le boom économique. »

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    Les techniques et les masques

     


    L’édition française de « Beaux seins, belles fesses », éd. Points, octobre 2005 

    La médiation de l’histoire sert à rendre acceptable l’évocation de thèmes sensibles. On a beaucoup reproché en Chine à Mo Yan dans « Beaux seins, belles fesses » de mettre sur le même plan les membres et les soldats du Parti communiste et du Kuomintang ; pour les villageois, les exactions étaient bien aussi tragiques !

    Dans « La Dure loi du Karma », les assassinats de propriétaires terriens lors de la réforme agraire, sont nettement dénoncés et le personnage central du roman est un propriétaire qui, assassiné malgré ses mérites, est autorisé par les dieux de l’enfer, à se réincarner.

    De même, le Grand Bond en avant est moqué : les seuls hauts fourneaux qui produisent un fer acceptable, sont ceux que dirigent les « droitiers » d’un camp voisin de rééducation ! L’unique paysan qui a encore des réserves de nourriture est le seul qui a refusé de rejoindre la commune populaire : ses réserves seront pillées et son âne dévoré.

    La nouvelle « Le Veau » qui vient d’être publiée est aussi une critique acerbe des communes populaires !

    On peut multiplier les exemples, Mo Yan n’a clairement pas une lecture politiquement correcte de l’histoire de son pays !

    L’importance des animaux dans ses livres lui permet d’avancer masqué ; c’est le cas pour « Grenouilles » mais aussi pour « La Dure loi du Karma » : des pages d’anthologie, le cochon à la poursuite de la Lune où est assis le président Mao ; « vous comprenez, comme dit Mo Yan, à l’époque Mao apparaissait comme une divinité ».

    De même les slogans maoïstes sont détournés : « Chaque porc est un obus lancé contre les impérialistes, les révisionnistes, les contre-révolutionnaires. »


    Mao, par Warhol, maître en détournement des symboles (Pierre Haski/Rue89)

    L’utilisation des symboles est très présente : la mère dans « Le Clan du Sorgho » est la mère nourricière, la terre de la Chine. Une mère qui dans « Beaux seins, belles fesses », n’engendre que des filles sauf enfin un fils, produit dérisoire de ses amours avec le seul homme qui lui ait fait un garçon, un pasteur étranger !

    Mais l’histoire n’exclut pas de coller à l’actualité : « Quarante et un coups de canon » avec l’injection d’eau et de produits chimiques dans la viande est contemporain d’une enquête officielle sur ce sujet et du scandale du lait à la mélamine !

    De même pour le contrôle des naissances dans « Grenouilles », c’est certes un thème d’actualité en Chine mais Mo Yan dénonce cette politique depuis des années notamment dans « La Joie » et « Explosion ».

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    Les limites de la critique

     


    L’édition française de « Grenouilles », éd. Points, octobre 2012 

    Franchir la ligne jaune peut encore avoir en Chine des conséquences très sérieuses. Il est hors de question de critiquer le rôle dirigeant du PC ou les hauts dignitaires.

    Mo Yan ne parle généralement pas du Parti communiste en tant qu’organisation sauf dans « Grenouilles » ; cela ne l’empêche pas de développer des critiques acerbes sur les cadres du Parti et la corruption généralisée, qu’il s’agisse de « La Mélopée de l’ail paradisiaque » ou « La Dure loi du Karma ».

    Dans « Le Pays de l’alcool », son traducteur, Noël Dutrait, souligne que le cannibalisme représente la corruption qui, impunément, a envahi la vie sociale.

    Mais dès que l’on entre dans la période contemporaine, Mo Yan se montre plus prudent. La corruption doit être sanctionnée ; dans « La Dure loi du Karma », Pang Kangmei est condamnée à la peine de mort.

    De même dans le petit texte autobiographique, traduit en anglais « Change », qui doit sortir prochainement en France, il parle de ses études à partir d’août 1988 à l’Université normale de Pékin, mais rien sur le mouvement étudiant de 1989. La place Tian’anmen est toujours taboue !

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    L’indépendance de l’écrivain et la censure

     

    « Beaux seins et belles fesses » est publié en 1995 avec quelques coupures. Un prix littéraire au Yunnan déclenche des critiques car on a vu dans le livre une réécriture de l’histoire de la guerre civile. Le livre a été retiré de la vente puis publié à nouveau en 2003 avec les pages coupées en 1995. Une censure imprévisible et ridicule.

    Son attitude vis-à-vis de la censure au cours de différentes interviews est très nette, il souligne qu’il n’est le porte-parole de personne et réclame son indépendance comme celle de ses héros.

    C’est pourquoi ses positions sur la censure lors de conférences de presse à Stockholm en décembre 2012 ont surpris et choqué : non la censure n’est pas aussi banale et nécessaire que les contrôles préalables à un embarquement dans un avion !

    Qu’il ait été soumis à une très forte pression médiatique et politique, c’est certain, qu’il se soit irrité que l’on parle de tout sauf de ses livres cela aussi se conçoit.

    Bien sûr il peut indiquer que la censure n’existe pas qu’en Chine, c’est un fait.

    La discrétion dans « Grenouilles » sur les scènes d’avortement pourrait s’expliquer par la peur des éditeurs américains, soumis aux pressions des Evangélistes, pour ce genre de sujets. Mo Yan serait en droit d’évoquer la censure du marché : la manière dont ses livres ont été fortement coupés aux Etats-Unis par son traducteur à la demande de ses éditeurs, c’est aussi une forme de censure ; mais ceci ne justifie pas cela.

    MERCI RIVERAINS ! Tilô
    Infos pratiques
    Les romans de Mo Yan

    Les romans de Mo Yan qui sont cités ci-dessus sont publiés aux Editions du Seuil, sauf «  La Joie  » chez Philippe Picquier, et «  Explosion  » aux Editions Caractères.


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    Tous optimistes pour 2013 ? - Vincent Cespedes

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    VIDEO 

     

    21janv. 2013

     

    O comme OPTIMISME, conférence-discussion, le mardi 29 janvier à 19H30 au Barrio Latino

     

     

    Inscriptions obligatoires : 06 27 61 42 36 (Eliane), philobarrio@gmail.com
    Optimisme

     

    L'Abécédaire de Vincent Cespedes a lieu chaque fin du mois au Barrio Latino, à Paris.

     

    "O comme OPTIMISME" : le mardi 29 janvier 2013, à 19h30 !

     

    Commencez l'année 2013 avec optimisme et philosophie...

     

    PAF : 15€ (tarif réduit -26 ans, chômeur : 10€ sur justificatif)

     

    Gratuit si vous venez avec 2 nouvelles personnes

     

    PROGRAMME

     

    19h30-19h45 : accueil

     

    19h45-20h : lecture du prochain livre de Vincent Cespedes, en cours d'écriture (chapitre sur l'optimisme)

     

    20h-20h15 : discussion conviviale autour de ces pages

     

    20h15-21h15 : conférence sur l'optimisme, à partir de la discussion précédente

     

    21h15-21h30 : questions-réponses

     

    LIEU

     

    Barrio Latino

     

    46 rue du Faubourg Saint-Antoine

     

    75012 Paris

     

    2è étage

     

    Métro : Ledru-Rollin

     

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  • L’économie du cinéma et de l’audiovisuel s’invite auprès des politiques

    De l’Élysée au Sénat en passant par l’Assemblée nationale, l’économie et les métiers du secteur audiovisuel sont au cœur des débats dès mardi 29 janvier

     lien

    Après les responsables d’organisations du spectacle vivant le lundi 28 janvier, une délégation de professionnels des entreprises « Exploitants des salles de cinéma » sera reçue à l’Élysée le mardi 29. Une rencontre opportune après les divers débats autour de l’économie et du financement du 7e art en France, relancée par la polémique sur les salaires « confortables » de plusieurs comédiens… Seront reçus à la présidence de la République, Patrick Brouiller, président de l’AFCAE (Association française des cinémas d’art et d’essai), Marin Karmitz, président de MK2, Richard Patry, président de la FNCF (Fédération nationale des cinémas français), Jean Labé, président de la FNC (Fédération nationale du Cinéma), Jérôme Seydoux, président de Pathé, Nicolas Seyrdoux, président de Gaumont et Guy Verrechia, président d’UGC.

     

    Le lendemain, mercredi 30 janvier, au Sénat, une problématique voisine fera l’objet d’une table ronde organisée par la commission, Culture, éducation et communication autour de l’économie générale du film français. Seront présents, Michel Hazanavicius, réalisateur (auteur notamment de The Artist), président de la Société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs (ARP), Thomas Langmann, producteur, Vincent Perez, acteur, Élisabeth Tanner, présidente du Syndicat des agents artistiques et littéraires ainsi que Franck Weber, directeur des acquisitions du cinéma français du groupe Canal+.

     

    Le jeudi 31 janvier, enfin, c’est à l’Assemblée nationale que « planchera » la Mission d’information commune sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques, lors d’une séance de travail, suivie table ronde consacrée plus spécifiquement à l’emploi des artistes et techniciens du spectacle dans l’audiovisuel public. Sont attendus, Rémy Pflimlin, président-directeur général de France Télévisions, Jean-Luc Hees, président-directeur général de Radio France. Le même jour, une autre table ronde réunira les organisations syndicales de salariés de Radio France, puis de France Télévisions qui ne manqueront certainement pas de faire part de leurs inquiétudes face aux mesures de restrictions budgétaires imposées à l’audiovisuel public.

    EMMANUELLE GIULIANI


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  • Accueil > Archéo & paléo > Un chef d’œuvre roman éparpillé «façon puzzle»

    Un chef d’œuvre roman éparpillé «façon puzzle»

    Créé le 28-03-2012 à 10h22 - Mis à jour le 03-08-2012 à 13h56  lien

    Aujourd’hui s’ouvre à Paris une exposition dédiée au portail de l’ancienne abbatiale de Cluny, en Bourgogne. On y découvre avec émotion un travail de reconstitution minutieux d’une œuvre romane majeure atomisée par des explosifs après la Révolution.

    portail de l'avant nef, extrait du
film Arts et métiers, ParisTech Cluny, centre des monuments nationaux

    portail de l'avant nef, extrait du film Arts et métiers, ParisTech Cluny, centre des monuments nationaux

    L'église la plus importante de la chrétienté

    Pendant quatre siècles, jusqu’à la consécration de Saint-Pierre de Rome, Cluny fut l’église la plus importante de la chrétienté. Puis vint la Révolution. On chassa d’abord les moines. L’armée démonta la toiture pour en extraire le plomb. L’église commença à prendre l’eau et à se dégrader. Elle fut finalement vendue pour ses pierres. Certains ont bien crié au scandale, « mais à une époque où l’on essayait d’imposer le droit de propriété, il n’était pas question de revenir sur cette vente » explique Damien Berné, conservateur au Musée de Cluny. La Major Ecclesia (grande église) telle qu’on la surnommait, a été ainsi presque totalement détruite en quelques années. « Dans les années 1820, un promeneur anglais décrit… une grande pelouse là où quelques années auparavant se trouvait l’édifice » poursuit Damien Berné.

    Difficile à croire, mais ce qui était un symbole de la chrétienté depuis l’achèvement de l’abbatiale en 1130 avait presque totalement disparu du paysages comme des mémoires. Car au sujet du bâtiment, on n’avait que très peu écrit. Encore moins peint. C’est l’amer constat que fit un archéologue américain rompu à l’architecture, Kenneth Conant, dans les années 1920. Venu en France avec le soutien de Harvard, il devait faire le tour des édifices ruinés par la Révolution. Il ne quittera jamais la première étape de son voyage, Cluny.

    Un chef d’œuvre dont l’aspect exact nous échappe encore

    Parti à la recherche de vestiges en creusant le sol à la verticale, il donna son premier coup de pioche là où se trouvait jadis le portail. Celui-ci avait été démoli à l’explosif : pourquoi s’encombrer entre autres d’un tympan dont les sculptures rendaient la surface si irrégulière qu’elle ne pourrait plus servir à aucune construction ? « D’autant que l’art roman n’était guère considéré à l’époque » précise Damien Berné. Il s’agissait pourtant d’un unique bloc de pierre de 23 tonnes, installé là on ne sait comment, dont le décor polychromé a été jugé a posteriori comme l’un des plus grands chefs d’œuvre de l’art roman…

    Un chef d’œuvre dont l’aspect exact nous échappe encore. Riche en tout et pour tout d’une gravure et d’une aquarelle, Conant a tenté d’en imaginer les formes, traçant à la craie les contours des supposées sculptures sur le sol de sa chambre et disposant dessus les fragments qu’il remontait à la surface.

    Un film pour faire revivre l'abbatiale

    C’est à lui et à son équipe que l’on doit la majeure partie des pièces ici présentées au Musée de Cluny à Paris (et qui partiront en Bourgogne au Musée d’art et d’archéologie de Cluny dans trois mois). Car leurs fouilles ne furent complétées que par une seconde mission archéologique, dans les années 1980. Ces pièces, elles sont au nombre de 200. Mais, une fois disposées sur un châssis représentant le portail à l’échelle 1, c’est surtout le vide qui frappe. Oui, la destruction fut terrible et ce travail de fourmi présenté pour la première fois au public n’y fera rien. Rares, les fragments de pierre n’en sont pas moins émouvants. Et, surtout, ils ont permis de réaliser un petit film de sept minutes en images de synthèse étonnant de réalisme. Certes les chercheurs nous présentent plus leurs hypothèses que leurs résultats, mais ils ont réussi le pari de faire revivre l’abbatiale dans notre imaginaire.

    Une aventure racontée dans seulement trois salles, dont une réservée à la projection du film. Ce n’est donc pas une exposition à parcourir en flânant. Il faut faire l’effort de se plonger dans cette histoire. Heureusement, elle est accessible à tous. Grâce aux explications, nombreuses, et à un jeu pour les enfants. En prenant ainsi son temps, on est peu à peu gagné par l’émotion dégagée par ces fragments éparpillés. Et, bien sûr, par la colère, face aux irréversibles dégâts du vandalisme post-révolutionnaire.

    Mathieu Nowak
    Sciences et Avenir.fr
    28/03/2012


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    l'émission du samedi 26 janvier 2013

    Vincent Cespedes

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    Crise, chômage et morosité des français (dernier sondage Ipsos)

    Un contre courant existe : Ces incorrigibles optimistes 

    Invité 8h20Vincent Cespedes philosophe, essayiste, et compositeur.

    Auteur notamment de : Magique étude du bonheur. Ed Larousse

     

    sa prochaine conférence  "O comme Optimisme",

    le mardi 29 janvier 2013 à 19h30 au Barrio Latino à Paris

    toutes les infos ici

    https://www.facebook.com/VincentCespedesPage

    https://twitter.com/VincentCespedes

     
     


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