Voilà qui devrait donner le sourire à François Hollande, à l’heure où le président de la République cherche à tout prix des bonnes nouvelles à annoncer. D’autant que celle-ci a trait au terrain très stratégique des résultats économiques. L’investissement des entreprises françaises devrait enfin décoller au second semestre 2015, selon la note de conjoncture publiée le 18 juin par l’Insee.
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« De nombreux facteurs sont favorables à ce redémarrage : les conditions de demande interne, et externe [liées à la reprise dans la zone euro] sont plus positives. Le taux de marge des entreprises devrait augmenter, grâce aux effets combinés du crédit d’impôt compétitivité emploi [CICE], du pacte de responsabilité et à la baisse du prix du pétrole. Enfin, les conditions de financement se sont encore assouplies [en raison de la politique monétaire accommodante de la Banque centrale européenne, qui facilite l’accès au crédit] », explique Laurent Clavel, chef de la division synthèse conjoncturelle de l’Insee.
Pour l’heure, il s’agit encore d’un frémissement. L’investissement des entreprises ne devrait croître que de 0,3 % au deuxième trimestre, car leurs capacités de production sont « encore peu intensément utilisées », note l’Insee. Mais le second semestre devrait voir une accélération plus sensible (+ 0,6 %, puis + 0,8 %). Quant aux marges des entreprises, elles devraient culminer à 31,3 % au deuxième trimestre 2015, contre 29,7 % au dernier trimestre 2014.
Embellie
Surtout, avec l’investissement des entreprises, c’est le second étage de la fusée qui décolle. Jusqu’à présent, le début de la reprise française tenait essentiellement au rebond de la consommation, dopée par la hausse du pouvoir d’achat des ménages (liée au recul du prix du pétrole et à une faible inflation). Par contre, l’investissement restait désespérément atone : de nombreux secteurs souffraient encore de surcapacités. Quant à la fameuse « confiance » nécessaire aux chefs d’entreprise pour se projeter dans l’avenir, elle faisait cruellement défaut. Or, sans investissement, impossible d’espérer une reprise durable avec, un jour, un effet massif sur le chômage…
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« L’investissement des entreprises devrait prendre le relais de la consommation au second semestre, car un certain nombre de freins se sont levés » résume Vladimir Passeron, chef du département de la conjoncture à l’Insee.
Cette embellie transparaît dans les intentions d’investissement des chefs d’entreprise de l’industrie manufacturière. Mais aussi, fait nouveau, dans les services, où, depuis le mois d’avril, les opinions en la matière sont au-dessus de leur moyenne de long terme.
Hausse du PIB de 1,2 % en 2015
Au total, la croissance française devrait rester « relativement soutenue » en 2015, assure l’Insee, qui a confirmé sa prévision d’une hausse de 1,2 % du produit intérieur brut (PIB) sur l’année. A la fin de 2015, la tendance devrait même atteindre + 1,6 % par rapport à la fin de 2014, signe d’une dynamique certaine.
Cette tonalité optimiste doit pourtant être relativisée sur le long terme. « La croissance ne retrouvera pas son rythme de 2010 et 2011, qui était d’environ 2 % par an », avertit M. Clavel. L’investissement des entreprises, qui devrait croître de 0,9 % en moyenne sur l’année, atteignait + 4 % en 2010 et en 2011. Quant à l’investissement des ménages – immobilier essentiellement –, il devrait encore reculer fortement (- 4,7 %) contre + 1,5 % en 2010 et + 1 % en 2011.
De plus, « l’accélération de l’investissement pourrait être plus poussive, si le taux d’utilisation des capacités d’utilisation ne croît pas au cours des prochains trimestres », prévient Vladimir Passeron – autrement dit, si la production n’est pas assez vive pour justifier un renouvellement plus général des machines par exemple.
Les indices de climat des affaires montrent en outre un décalage entre l’industrie – tirée par les entreprises exportatrices, au plus haut depuis l’été 2011 – et le bâtiment et les services, toujours à la traîne. Sans oublier l’éventualité d’une déstabilisation de la zone euro en cas d’issue malheureuse du dossier grec, qui pourrait tout remettre en cause…
Optimisme modéré
Ces bémols expliquent l’optimisme modéré de l’Insee sur le front de l’emploi. L’emploi marchand devrait progresser de 41 000 postes en 2015, après un recul de 45 000 postes en 2014. Cependant, il faudra attendre le second semestre pour que cette accélération permette de stabiliser le taux de chômage à 10,4 % (il a atteint 10,3 % sur les trois premiers mois de l’année).
Pour sa part, la fameuse « inversion de la courbe du chômage » n’aurait lieu en 2015 que « si le découragement des chômeurs seniors perdure », estime doctement l’Insee. Une référence aux demandeurs d’emploi les plus âgés, dont beaucoup, par lassitude, renoncent à chercher activement du travail, minorant mécaniquement les chiffres du chômage… « Il reste difficile de dire si ce phénomène est ponctuel ou perdurera », admet M. Passeron.
Enfin, un certain nombre d’estimations de l’Insee – qui reposent sur des déclarations d’intentions ex ante de la part des chefs d’entreprise – demandent à être vérifiées dans la pratique. C’est le cas des conséquences du CICE, qui devrait être à l’origine de 80 000 créations d’emploi sur l’année, ou des effets des mesures de « suramortissement » annoncée en avril par le gouvernement.
« Il y a dix ans, on n’aurait pas parlé de phase de reprise avec de tels chiffres. On reste sur une croissance faible en moyenne annuelle ! Mais elle devrait être suffisante en fin d’année pour entraîner une hausse de l’emploi et stabiliser le chômage », conclut M. Passeron.