Les rapports sur l’état de l’économie française se suivent et se ressemblent. Après celui de l’OCDE début avril, puis les recommandations de la Commission européenne la semaine dernière, c’est au tour du Fonds monétaire international d’y aller de ses petits conseils après avoir mené une série de consultations en France. Les experts de l’institution dirigée par Christine Lagarde, qui préparent leur rapport annuel sur l’économie hexagonale, ont dévoilé mardi à la presse leurs premières conclusions après avoir rencontré de nombreux acteurs, dont le ministre de l’Économie Emmanuel Macron, celui des Finances Michel Sapin, son secrétaire d’État au Budget Christian Eckert ou encore la ministre du Logement Sylvia Pinel et des représentants du syndicat CFDT. Leur verdict est clair : si la politique économique menée par François Hollande et Manuel Valls "est, pour l’essentiel, la bonne", il faut "intensifier et approfondir les réformes", faute de quoi la croissance ne devrait pas être suffisante pour faire baisser le chômage et la dette significativement.
Une reprise confirmée
L’exécutif peut s’appuyer sur la reprise économique à l’œuvre grâce à une conjoncture exceptionnelle de facteurs extérieurs (baisse de l’euro, du pétrole et des taux d’intérêt) pour "se concentrer sur les enjeux de moyen terme". "La croissance du premier trimestre n’était pas juste une étincelle. Nous prévoyons une forte reprise cette année", se félicite Christian Mumssen, qui a dirigé la mission pour le Fonds. Ce dernier table sur une croissance de 1,2 %, supérieure à celle attendue par le gouvernement dans son budget 2015 (1 %). Mais ce retournement conjoncturel est à double tranchant, car il pourrait inciter le gouvernement à mettre la pédale douce sur les réformes, à deux ans de l’élection présidentielle de 2017, alors que les perspectives de l’économie française à long terme inquiètent les experts du Fonds. Selon eux, la "croissance potentielle", celle que l’économie française est capable de dégager durablement sans surchauffe (inflation…), est tombée à 1,25 % pour les cinq prochaines années malgré la hausse de sa population active. Un chiffre bien inférieur à l'estimation du gouvernement, qui table sur un potentiel de 1,5 % en 2016 et en 2017.
Pas de marge de manoeuvre en cas de choc extérieur
Le FMI recommande donc à Paris de s’attaquer d’urgence à la faiblesse de son potentiel de croissance pour être capable de réduire significativement le chômage. "Ces dernières années, des réformes importantes ont été menées : pacte de responsabilité, CICE, loi Macron, etc. Toutes ces mesures vont dans la bonne direction. Mais elles risquent d’être insuffisantes dans un contexte de reprise qui ne devrait pas être assez forte pour créer assez d’emplois et faire baisser significativement le chômage", prévient Christian Mumssen.
Sur le front budgétaire, d'abord, le FMI se félicite que l’effort soit désormais axé sur la réduction des dépenses publiques, après une réduction du déficit fondée sur des hausses d’impôts. Mais, après avoir recommandé ces dernières années de réduire le rythme de l’ajustement budgétaire pour ne pas casser la croissance, le FMI considère désormais nécessaire de l’augmenter légèrement. Car "le rythme d’ajustement prévu ne laisse guère de marge pour le cas où les résultats en matière de croissance et d’inflation seraient décevants ou de nouvelles dépenses s’avéreraient nécessaires", préviennent ses économistes dans leur conclusion écrite. Pour y parvenir, le gouvernement devrait se fixer comme objectif de contenir la hausse des dépenses publiques au niveau de l’inflation afin de les stabiliser en terme réel, alors qu’elles devraient continuer à augmenter de 0,1 % en 2016 et de 0,3 % en 2017. La position du FMI apporte de l’eau au moulin de la Commission européenne, qui demande davantage d’efforts à Paris pour réduire son déficit structurel, celui qui ne dépend pas de l’impact de la conjoncture économique sur les comptes publics.
Des économies structurelles nécessaires
Mais le FMI se focalise surtout sur la méthode. Il préconise d’en finir avec les coups de rabot général sur les dépenses, largement utilisés par le gouvernement. Pour les réduire de manière pérenne, la France doit faire des choix difficiles dans ses politiques publiques. Cela passe par une revue générale régulière des dépenses "afin d’identifier les possibilités d’économies structurelles", estime le FMI. "Cette révision devrait porter notamment sur le niveau des effectifs et les pratiques en matière de promotion ainsi qu’un meilleur ciblage des politiques publiques en ce qui concerne le logement et les allocations familiales." Malgré le gel du point d’indice des fonctionnaires, les traitements continuent en effet d’augmenter via le glissement vieillesse et technicité (GVT), soit l’avancement des carrières avec l’âge. Les économistes de l'institution internationale pointent notamment du doigt les dépenses de Sécurité sociale (retraites, régimes spéciaux) et celles des collectivités locales. Pour forcer ces dernières à mettre le pied sur le frein, ils recommandent au gouvernement de plafonner les augmentations d’impôts locaux.
Mais c’est le second front, celui de la compétitivité et la réforme du marché du travail, qui est le plus important aux yeux du Fonds. Là encore, ses recommandations en la matière rejoignent celles de l’OCDE, de la Commission européenne, des économistes Pisani et Enderlein ou encore celles formulées par Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France sur le départ, dans sa lettre ouverte annuelle au président de la République.Ses experts conseillent notamment d’élargir les accords de maintien de l’emploi à toutes les entreprises, et non pas uniquement à celles qui connaissent des difficultés ; de donner plus de marges à chaque entreprise pour négocier les salaires et le temps de travail ; de limiter la revalorisation du smic à l’inflation ; d’approfondir le choc de simplification ou de libérer les contraintes qui pèsent sur la construction immobilière. Quant au régime d’indemnisation du chômage, il devrait être plus incitatif à la reprise d’emploi. La plupart de ces chantiers ont été ouverts par le gouvernement. Reste à savoir quels seront leurs débouchés réels...
Le FMI reprend enfin les inquiétudes du gouverneur de la Banque de France sur les taux trop élevés des livrets d’épargne réglementés (livret A, développement durable, PEL) fixés par le gouvernement, qui empêchent la bonne transmission de la politique très accommodante de la BCE à l’ensemble de l’économie française.