Le projet de loi de programmation militaire 2014-2019, présenté vendredi en Conseil des ministres, insiste sur la capacité opérationnelle intacte des armées malgré la rigueur budgétaire, mais soulève des critiques dans la classe politique ou les milieux militaires.
Traduction budgétaire du nouveau Livre blanc de la Défense, ce texte de 37 articles a été rédigé dans un contexte de "difficulté sans précédent depuis la dernière guerre mondiale", selon l'entourage du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian. 23.500 nouvelles suppressions de postes sont prévues.
Mais en prévoyant de doter les armées de 179,2 milliards d'euros sur six ans --et 31,4 milliards annuels jusqu'en 2016 soit le même montant que le budget 2013-- il se fait fort de maintenir les ambitions de la France, son dispositif de dissuasion nucléaire et son rang de deuxième puissance militaire de l'Union européenne (UE) derrière la Grande-Bretagne. La Défense reste, avec l'Éducation, l'un des tout premiers postes de dépenses, l'État lui consacrant 11,3% de son budget (1,8% du PIB).
Nouveauté, selon le ministère, le gouvernement a voulu détailler les quelque 6 milliards d'euros de recettes exceptionnelles qui viendront étoffer ce budget.
Outre des cessions immobilières pour environ 200 millions d'euros, la Défense bénéficiera d'une allocation de près de 1,5 milliard financée par des cessions de participation de l'État dans les entreprises publiques. Des redevances continueront d'être perçues de la part des opérateurs de télécommunications sur les fréquences hertziennes déjà vendues et le ministère espère également tirer "plusieurs milliards" de la revente de nouvelles.
"Variable d'ajustement"
Ces ressources "seront au rendez-vous, point", a asséné Jean-Yves Le Drian.
L'inquiétude des forces armées réside toutefois dans les 33.675 suppressions de postes sur la période 2014-2019. Aux 10.175 qui restent à réaliser au titre de la précédente LPM s'ajoutent 23.500 nouvelles suppressions de postes, le gouvernement visant les 242.279 personnes (militaires et civils) dépendant de la Défense à l'horizon 2019.
Le général Vincent Desportes, ancien directeur de l'École de guerre, a regretté que les forces conventionnelles soient "la variable d'ajustement" budgétaire, alors que des économies sont possibles selon lui dans la dissuasion nucléaire.
François Hollande n'a pas su choisir, a dit en substance Hervé Morin (UDI), ancien ministre de la Défense, reprochant à l'exécutif de "faire croire qu'avec un maintien peu ou prou des crédits, la France pourra continuer à faire la même chose". Le FN a dénoncé "un budget ridiculement bas" et "la poursuite du déclassement après le désastre des années Sarkozy".
23 milliards sur six ans pour la dissuasion nucléaire
Les nouvelles suppressions de postes concerneront pour les deux tiers états-majors et structures de soutien, et pour un tiers seulement les forces opérationnelles, se défend le ministère.
Pour ce qui est des fermetures de casernes et de bases aériennes, leur nombre ne sera connu que "fin septembre" mais elles "seront très peu nombreuses", a assuré M. Le Drian vendredi, précisant qu'elles se feront "de manière concertée, minutieuse" pour prendre en compte "à la fois la nécessité de la cohérence opérationnelle de nos forces mais aussi (...) l'aménagement du territoire". Le sujet est délicat pour le gouvernement à l'approche des élections municipales de mars.
La dissuasion nucléaire, avec 23,3 milliards sur six ans, reste un pilier de la politique de défense française. "La dissuasion est un tout, c'est notre garantie suprême, elle ne se divise pas", a déclaré vendredi le ministre lors d'une conférence de presse, alors que des critiques se font entendre sur le coup de sa composante aéroportée.
La LPM met également un point d'honneur à préserver les neuf secteurs industriels majeurs -et ses 165.000 emplois directs en France-, qui vont de l'aéronautique aux communications en passant par les sous-marins. Mais pour ce faire, toutes les commandes seront étalées dans le temps. Les livraisons d'avions de combat Rafale de Dassault Aviation seront ralenties, avec 26 appareils au total sur les six ans à venir, ce dont l'industriel a dit prendre acte.
De son côté Jean-Yves Le Drian s'est déclaré "très confiant sur les capacités d'exportation du Rafale dans les mois qui viennent". A l'Inde --pays avec lequel des négociations exclusives sont en cours--, mais aussi au Qatar ou à d'autres.
Le renforcement des moyens de cyberdéfense et de renseignement étant une priorité, de nouveaux satellites sont attendus et surtout 26 drones.
Le projet de loi doit être débattu à l'automne au Parlement, le gouvernement tablant sur une adoption avant la fin de l'année, parallèlement au vote sur le budget.