Guettez la lumière zodiacale après le crépuscule!
La réflexion de l’éclat solaire sur les myriades de poussières microscopiques qui circulent entre les planètes est visible à l’œil nu ; admirez-la en vous éloignant des villes.
Le fuseau blanchâtre de la lumière zodiacale pointe vers l’amas ouvert des Pléiades sur cette image prise vers la fin du crépuscule à Hawaii.
© Miloslav Druckmüller, Shadia Habbal
Si vous profitez d’une éclaircie pour vous éloigner de la lumière des villes et observer le ciel automnal ces prochains jours, notamment à l’occasion du spectacle des étoiles filantes de l’essaim des Géminides (billet en préparation), pensez à chercher la lumière zodiacale après le crépuscule et avant l’aube. Sa luminosité peut être comparée à celle des portions les plus brillantes de la Voie lactée hivernale. En fait, la base de la lumière zodiacale, qui peut s’étaler sur 10° à 20° à l’horizon, ressemble un peu au halo de pollution lumineuse d’une ville lointaine mais, d’une part, sa teinte n’est pas orangée, plutôt blanchâtre, d’autre part, elle s’étire et s’effile en s’éloignant de l’horizon, comme un cône ou une pointe de lance. Selon la noirceur du ciel, cette lueur fantomatique peut grimper jusqu’à une quarantaine de degrés de hauteur, voire beaucoup plus dans les meilleurs sites. Pour la repérer plus facilement, sachez qu’elle enrobe l’écliptique, cette ligne imaginaire qui marque la course annuelle du Soleil parmi les constellations du zodiaque, d’où son nom.
Il est facile de révéler la zone la plus lumineuse de la lumière zodiacale juste avant le début de l’aube ou après la fin du crépuscule. Il suffit d‘une pose d’une trentaine de secondes avec un grand angle ouvert à 2 ou 3 et une sensibilité de 1 000 ISO. Mais si l’on souhaite mettre en évidence son étendue, il faut faire une pose plus longue et la pollution lumineuse devient rapidement gênante, même dans les sites apparemment bons à l’œil nu. Pour réaliser cette image, je me trouvais à plus de 2 000 m d’altitude dans l’île de La Palma aux Canaries, et j’ai posé 4 minutes ; Nikon D700, objectif de 14 mm diaphragmé à 4, 640 ISO, entraînement équatorial motorisé (Astrotrac). Dans ce site pourtant excellent, la pollution lumineuse commence alors à envahir l’image, mais la lumière zodiacale est visible jusqu’au zénith.
© Guillaume Cannat
La main gauche de l’aube, c’est ainsi que le savant et poète persan Omar Khayyam (v. 1047-v. 1122) baptisait la lumière zodiacale. À son époque, la pollution lumineuse n’était pas encore un sujet de préoccupation et les ciels noirs piqués d’étoiles étaient la règle en l’absence de Lune. Dans de tels ciels, cette lueur qui précède l’aube ou qui suit le crépuscule était parfaitement perceptible, mais les excès de l’éclairement nocturne l’ont progressivement effacée de nos ciels urbains au fil du xxe siècle. Lorsque l’on feuillette les anciens numéros de l’Astronomie, la revue de la Société astronomique de France, on peut lire jusqu’aux années 1950 des comptes rendus réguliers de l’observation de la lumière zodiacale à l’observatoire de Paris ou de Meudon et dans la plupart des grandes villes de France. Aujourd’hui, il est totalement impossible, sauf en cas de panne d’électricité majeure, de voir la lumière zodiacale en milieu urbain. Si l’on s’éloigne un peu cependant, son observation reste envisageable et, en France métropolitaine et en Corse, nous avons la chance de pouvoir accéder rapidement à des lieux encore relativement protégés (Cévennes, Bretagne, Morvan, Vosges, Aubrac, etc.) où il est possible de contempler régulièrement sa forme lancéolée. Regardez, par exemple, l’image de la lumière zodiacale que j’ai prise dans les Cévennes en septembre avant l’aube et qui illustre mon récent billet sur les plus beaux rendez-vous célestes à voir en décembre.
La lumière zodiacale, ce cône faiblement lumineux que l’on peut voir dans un ciel bien noir, provient de la réflexion du Soleil sur des myriades de poussières microscopiques dispersées entre les planètes. Une étude récente démontrerait que ces poussières ne viendraient pas toutes de la ceinture d’astéroïdes – une zone, comprise entre les orbites de Mars et de Jupiter, représentée en vert sur ce schéma – mais, plutôt, à près de 85-95 %, de la fragmentation de noyaux de comètes dont les orbites autour du Soleil ne dépassent guère celle de Jupiter. Les diamètres du Soleil et des planètes et les orbites ne sont pas à l’échelle sur cette illustration.
© Southwest Research Institute
La lumière zodiacale provient de la réflexion de la lumière solaire sur des myriades de particules microscopiques (100 à 300 micromètres en moyenne) qui tournent autour du Soleil dans un gigantesque anneau s’étendant jusqu’à l’orbite de Jupiter. Elle est très peu lumineuse car la densité des poussières dans ce nuage zodiacal est estimée à seulement une dizaine de particules par km3 ! Une étude, publiée dans The Astrophysical Journal en avril 2010, montre que ces particules proviennent pour l’essentiel (85 % à 95 %) des comètes de la famille de Jupiter, c’est-à-dire des comètes dont les orbites ne vont guère au-delà de celle de la planète géante du Système solaire et qui dispersent leurs matériaux à chaque approche du Soleil ou lorsqu’elles se brisent. Le reste des poussières du nuage zodiacal proviendraient des collisions entre astéroïdes dans la ceinture du même nom située entre les orbites de Mars et de Jupiter. L’anneau zodiacal est pratiquement confondu avec le plan de l’écliptique – en fait, il a une inclinaison proche de 2° provoquée par les perturbations gravitationnelles des planètes, notamment celles de Jupiter – et son épaisseur est suffisante pour que la Terre circule à l’intérieur. Les particules qu’il contient tombent sur les planètes internes et le Soleil, mais elles sont régulièrement renouvelées par les comètes. Notre planète est donc entièrement entourée de particules qui réfléchissent l’éclat solaire, mais les effets de ces réflexions ne sont perceptibles à l’œil nu qu’à proximité de l’écliptique, là où la densité réelle et apparente des poussières est la plus forte, et sur près de 90° environ de chaque côté du Soleil, là où l’intensité lumineuse est maximale.
Lorsque les conditions d’observation sont excellentes – altitude, transparence de l’atmosphère et absence de pollution lumineuse – l’intensité de la lumière zodiacale est surprenante. Elle peut même rivaliser en éclat avec certaines portions de la Voie lactée. Sur cette image réalisée en janvier 2010 aux Canaries avec un fish-eye – objectif avec un champ de 180° montrant l’ensemble de la voûte céleste – la lumière zodiacale s’étale à l’horizon autour de Jupiter et s’étire sur plus de 100° jusqu’aux Pléiades et au-delà !
© Guillaume Cannat
Comme la lumière zodiacale est bien plus forte aux abords du Soleil, c’est dans les périodes qui suivent ou qui précèdent la fin ou le début du crépuscule astronomique que l’on a le plus de chances de la voir. Encore faut-il qu’à ce moment-là, l’écliptique fasse un angle le plus droit possible avec l’horizon, pour bien dégager cette phosphorescence subtile des couches les plus crasseuses et lumineuses de l’atmosphère. Sous les tropiques, l’angle de l’écliptique avec l’horizon est pratiquement droit tout au long de l’année : la lumière zodiacale est donc observable dans des conditions optimales chaque nuit claire et lorsque la Lune n’est pas trop éblouissante. D’autant plus d’ailleurs que le crépuscule est très court, ce qui permet de voir des zones du nuage zodiacal plus proche angulairement du Soleil et donc plus brillantes. Aux latitudes moyennes de l’Europe, les meilleures conditions se retrouvent le soir en février et mars, et le matin en septembre et octobre ; l’écliptique est alors bien redressé par rapport à la ligne d’horizon. Dans les bons sites, ceux pour lesquels les effets de la pollution lumineuse sont moins envahissants, il est cependant possible d’observer la lumière zodiacale pendant tout l’hiver, de septembre à mars, celle du soir et celle du matin se rejoignant dans les profondes nuits de janvier !
Cette image panoramique exceptionnelle montre que la lumière zodiacale peut aller d’un horizon à l’autre tout au long de la nuit dans les très bons sites comme, ici, l’observatoire du Mauna Kea, à 4 300 m d’altitude (Hawaii).
© Miloslav Druckmüller, Shadia Habbal
Si la météo vous est favorable dans les prochains jours, et si vous pouvez vous déplacer jusqu’à un site relativement préservé de la pollution lumineuse, commencez à chercher la lumière zodiacale au-dessus de l’horizon sud-ouest un peu moins de 2 heures après le coucher du Soleil. Il est important de choisir un site pour lequel aucune ville ou source de pollution lumineuse importante n’est présente au sud-ouest. En ce moment, l’éclat orangé de la planète Mars est visible dans la constellation du Capricorne à moins d’une quinzaine de degrés de hauteur dans cette direction en début de nuit. La lueur zodiacale devrait l’envelopper et pointer vers le Verseau ; utilisez la carte du ciel disponible dans ce billet pour vous repérer. À partir du 20 décembre, vous pourrez également tenter de distinguer la lumière zodiacale au sud-est près de 2 h avant le lever du Soleil.
Si elle peut apparaître aussi brillante que les portions hivernales de la Voie lactée (dans l’hémisphère Nord), la lumière zodiacale ne peut en rien rivaliser avec la splendeur de la région centrale de notre galaxie comme le démontre cette somptueuse image. Vous pouvez admirer la séquence complète réalisée à Hawaii par Miloslav Druckmüller et Shadia Habbal sur ce site. Profitez-en pour remonter à la page d’accueil pour voir ou revoir les merveilleuses images d’éclipses totales de Soleil que Miloslav Druckmüller réalise : c’est LE spécialiste mondial de ce type de photographies !
© Miloslav Druckmüller, Shadia Habbal
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