<figure class="oembed oembed-photo" data-src-format="photo" role="group"> A l’école Louis-Aragon de Pantin, un élève travaille sur la charte de la laïcité, le 9 décembre 2014. <figcaption>A l’école Louis-Aragon de Pantin, un élève travaille sur la charte de la laïcité, le 9 décembre 2014. - EREZ LICHTFELD/SIPA</figcaption> </figure>

Delphine Bancaud

Eviter les amalgames, promouvoir à nouveau la laïcité, contrer les réactions hostiles face aux hommages aux victimes… Quelques jours après les attaques terroristes qui ont endeuillé la France, la ministre de l’Education, Najat Vallaud-Belkacem, a consulté ce lundi matin les syndicats de l'éducation et les fédérations de parents pour «préparer une mobilisation renforcée de l’école pour les valeurs de la République». L’occasion de discuter aussi de la manière d’aborder la laïcité et le fait religieux à l’école.

Car pour l’heure, ces questions semblent sous-traitées dans les établissements. Les élèves du primaire bénéficient d’une instruction morale et civique à l’école, où les différentes religions et la laïcité ne sont que survolées. Au collège, les élèves suivent aussi un enseignement d’éducation civique par leurs professeurs d’histoire-géographie et au lycée, un enseignement d'éducation civique, juridique et sociale est généralement dispensé par les mêmes enseignants. La laïcité fait partie du programme, mais elle n’est souvent abordée qu’en coup de vent. «Par ailleurs, ces heures servent souvent de variables d’ajustement aux enseignants pour finir d’aborder le programme. Et au bac, cet enseignement n’est pas évalué, ce qui le fragilise», explique Pierre Kahn, professeur en sciences de l’éducation à l’université de Caen Basse-Normandie.

«La méconnaissance est source de haine»

Idem concernant le fait religieux. «Depuis 1996, il est introduit par le biais d’autres disciplines (littérature, art et histoire) au collège et au lycée, mais il ne fait pas l’objet d’un enseignement spécifique», souligne Clémentine Vivarelli, docteur en sociologie spécialiste de la laïcité à l’école. Conséquence selon elle: «On n’aborde pas les religions dans leur dimension contemporaine (les faits religieux dans l’actualité, les pratiques religieuses…) et on reste sur des discours stéréotypés que ne s’approprient pas les élèves». Ces derniers manquent ainsi d’outils pour comprendre les différentes religions, ce qui peut entraîner des conflits confessionnels entre eux. Et lorsqu’ils sont interrogés sur le sujet par leurs élèves, certains enseignants préfèrent parfois botter en touche que de risquer d’attirer les foudres des parents d’élèves et de leurs parents.

Pour la chercheuse, il serait pourtant nécessaire «d’aborder le fait religieux de manière critique, distanciée, scientifique car la méconnaissance est source de haine». Des associations interviennent parfois dans certains établissements pour aborder la lutte contre les discriminations et l’identité religieuse. «Mais ces initiatives sont trop rares», souligne Clémentine Vivarelli. En novembre, la sénatrice EELV Esther Benbassa et son collègue de l'UMP Jean-René Lecerf avaient d’ailleurs proposé que le fait religieux soit enseigné dès l'école primaire. De son côté, Pierre Kahn estime aussi qu’il faudrait «renforcer la formation des enseignants afin de les aider à mieux aborder le fait religieux à l’école et de pouvoir désamorcer certains conflits entre les élèves».

A la rentrée 2015, les choses devraient cependant commencer à changer car un nouvel enseignement moral et civique sera initié dans les classes du primaire jusqu'au lycée et dans toutes les sections.A la tête du groupe d’experts chargés de concevoir ces programmes, Pierre Kahn estime qu’ils permettront de mieux aborder la laïcité et la manière dont les religions peuvent coexister dans l’espace public.