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  • L’égyptologie perd Christiane Desroches Noblecourt

    le 25/06/2011 à 00:00

     

     

    Christiane Desroches-Noblecourt décorée de la Légion d’honneur par le président Jacques Chirac en 2005 Photo AFP/Patrick Kovarik

    Christiane Desroches-Noblecourt décorée de la Légion d’honneur par le président Jacques Chirac en 2005 Photo AFP/Patrick Kovarik

     

    L’égyptologie perd Christiane Desroches Noblecourt

    Surnommée « la grande prêtresse de Ramsès II », la célèbre égyptologue française Christiane Desroches Noblecourt est décédée à l’âge de 97 ans, jeudi à Sézanne, dans la Marne.

    Ancienne résistante, cette grande dame de l’archéologie a été conservateur en chef des antiquités égyptiennes au musée du Louvre.

    Elle s’était battue pendant vingt ans, avec l’appui d’André Malraux, ministre de la Culture du général de Gaulle, et avec l’Unesco, pour sauver les temples de Nubie, en Haute-Égypte, menacés par le lac de retenue du barrage d’Assouan. Elle a conçu le projet, considéré comme impossible par les autorités égyptiennes et de nombreux spécialistes, de surélever les temples creusés dans le rocher.


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  • L'égyptologue Christiane Desroches Noblecourt et RAMSES II

    Madame la Pharaonne

    Par L'Express, publié le 18/07/1996

     

     Fidèle adoratrice de Ramsès II, l'égyptologue Christiane Desroches Noblecourt nous en raconte La Véritable Histoire. Portrait de l'auteur.

    Du sommet de son immeuble parisien, celle qu'on a surnommée "la Pharaonne" attend des nouvelles de Ramsès II. Christiane Desroches Noblecourt, l'égyptologue qui a sauvé les temples de Nubie, gratté le sable dans la Vallée des Reines et fait découvrir Toutankhamon et ses trésors à une foule accourue de toute l'Europe, continue d'exprimer sa passion pour ce Ramsès qui fut le plus illustre pharaon de l'Histoire. Qui croirait que cette petite dame pétillante a commencé sa carrière avant la guerre, elle qui s'enflamme toujours pour ce souverain fabuleux qui fit trembler les monarques de son temps?

    La plus célèbre des égyptologues françaises - moins par ses découvertes que par ses intuitions fulgurantes et son génie de l'action - a quelques raisons de s'impatienter. Ramsès devrait bientôt donner de ses nouvelles. De l'autre côté de la Méditerranée, dans la Vallée des Rois, l'Américain Kent Weeks vient de reprendre ses pelles et ses pioches. Il cherche un passage secret entre la tombe du grand roi et le mausolée de ses héritiers. Et un dernier message de celui qui régna pendant soixante-huit ans sur un empire qui s'étendait des confins du Soudan aux sources du Nil, des sables d'Arabie au désert libyen. Weeks aura beau trouver des momies, des papyrus, des statues ou des amulettes, personne ne saura faire rêver les foules comme Mme Desroches depuis soixante ans.

    Ramsès doit bien un signe de connivence à sa plus fidèle adoratrice. Elle prétend que sa passion égyptienne est née à Paris, devant l'obélisque de la Concorde. Gravés dans le granit, des corps gracieux, des oiseaux enchanteurs et des graphies énigmatiques évoquent une culture méconnue, à découvrir. Il n'en fallait pas plus pour que la gamine décide d'aller voir sur place l'origine des hiéroglyphes. A l'époque où les jeunes filles de bonne famille se contentaient de vagues humanités, elle se plonge dans l'histoire des dynasties de l'Ancien et du Nouvel Empire. Très vite, elle part sur le terrain, en jodhpurs et casque colonial. Résolue à rivaliser avec Carter, le découvreur de Toutankhamon.

    A l'en croire, elle comprend sans tarder que le temps des colonies est terminé. L'égyptologie doit se faire en accord avec les chercheurs locaux. Elle se targue aussi d'avoir été féministe avant l'heure. Ça jasait dans les clubs britanniques du Caire, où l'on écoutait plus du fox-trot que le Coran: une femme sous la tente, dans le désert, donnant des ordres aux fellahs et rendant des comptes à un vieux chanoine - Etienne Drioton, directeur en tarbouch du service des Antiquités de l'Egypte - qui travaillait "comme un bagnard". Scorpions, cobras: rien ne l'effraie. L'audacieuse montre déjà ses qualités - une détermination inébranlable, une santé à toute épreuve et l'art de se concilier les puissants. "Il faut toujours les mettre de son côté." Il y aura donc deux Christiane: l'une officielle, conférencière de talent, vedette de dîners diplomatiques; l'autre officieuse, affairée dans les ruines, au Caire, au Louvre et dans les antichambres ministérielles.

    La médaille de la Résistance:


    Un art difficile, qui n'empêche pas le refus des compromissions
    . Aujourd'hui encore, la voici qui pique des colères et vous lance des "Nom d'un chien!" vindicatifs. Pendant la guerre, alors que nombre de conservateurs font des courbettes devant l'occupant, elle fait partie d'un réseau. Sa médaille de la Résistance, c'est le général de Gaulle qui l'épinglera. C'est elle qui le guidera, en 1967, dans l'exposition Toutankhamon, au Petit Palais, où vont défiler plus de 1 million de personnes. Mais surtout qui persuadera René Maheu, à l'Unesco, et André Malraux de prendre la tête de la croisade pour le sauvetage de la Nubie.
    Quand on visite aujourd'hui l'immense temple d'Abou-Simbel, reconstitué, pierre par pierre, sur un îlot au bord du lac Nasser, on a du mal à imaginer l'énergie qu'il a fallu pour convaincre les Nations unies, les Egyptiens, une poignée de pays riches et quelques rares mécènes de sauver 24 temples qui allaient être noyés par les eaux d'un barrage - pharaonique - payé par les Soviétiques. La conservatrice doublée d'une militante attendra plus de vingt ans pour raconter cette épopée dans La Grande Nubiade. Parce qu'elle préfère agir plutôt qu'écrire.

    Comme elle les a houspillés tous, puissants et obscurs, pour faire recueillir sous un soleil de plomb fresques, colonnes et statues que personne n'allait voir! Et qui sont devenues, depuis, la meilleure affaire des tour-opérateurs.

    Il n'y aura plus jamais de chantier de cette envergure pour assouvir son ambition. La plus célèbre Française du Caire fera cependant venir la momie de Ramsès II à Paris pour la guérir des champignons qui la défigurent et fouillera la Vallée des Reines pour connaître la dernière demeure de la reine Touy.

    En réalité, la dame du Nil aurait aimé être le vizir de Ramsès - influencer sa politique, participer aux rituels du pouvoir. Toute visite dans son appartement du XVIe arrondissement finit par ressembler à une séance de diwan chez un satrape. Dans un décor d'intellectuels raffinés, elle vous annonce que Ramsès était un rouquin. "Un signe maléfique, dans l'ancienne Egypte. Surdoué comme il l'était, il a fait croire que c'était un signe du ciel." Evidemment, elle n'est pas dupe. Pour avoir fréquenté tant de grands hommes, vivants et morts, elle sait ce qu'il faut d'intuition et de volonté pour créer une oeuvre.

    Ramsès II. La véritable histoire, par Christiane Desroches Noblecourt. Pygmalion/Gérard Watelet, 427 p., 139 F.

    * à lire également
    Une passion égyptienne, de Claudine Le Tourneur (Plon, 236 p., 120 F).
    Un complot sur le Nil, de Marie-Ange Faugérolas (Lattès, 354 p., 129 F).
    Le Secret du pharaon, de Violaine Vanoyeke (L'Archipel, 296 p., 120 F). La Fortune d'Alexandrie, de Gerald Messadié (Lattès, 428 p., 129 F).


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  • Black Eyed Peas, dieux du stade

    Black Eyed Peas, dieux du stade

    Le groupe américain se produit trois soirs au Stade de France. Une performance rarissime pour des pionniers du hip-hop devenus les champions de la dance. Récit d’une success story.

    THIERRY DAGUE | Publié le 22.06.2011, 07h00

    TAMPA (FLORIDE, éTATS-UNIS), le 2 octobre 2010. Les Black Eyed Peas sont devenus le groupe le plus adulé du moment en faisant danser le monde entier. Avec leur sens du show et leur métissage des musiques funk, pop, R’n’B et electro, les quatre Américains devraient faire vibrer le Stade de France.

    TAMPA (FLORIDE, éTATS-UNIS), le 2 octobre 2010. Les Black Eyed Peas sont devenus le groupe le plus adulé du moment en faisant danser le monde entier. Avec leur sens du show et leur métissage des musiques funk, pop, R’n’B et electro, les quatre Américains devraient faire vibrer le Stade de France. (zuma press/maxppp.) Zoom

    Avant eux, seuls U2 et Johnny avaient réussi cet exploit. Remplir trois Stade de France d’affilée, soit 240000 places, vendues en quelques jours, six mois à l’avance! Ce soir, vendredi et samedi, les Black Eyed Peas vont entrer dans l’histoire. A moins qu’ils y soient déjà : en faisant danser la planète entière, ces quatre Américains sont devenus le groupe le plus adulé du moment.


    Décryptage d’un phénomène.

    Ils captent l’air du temps. Obscur groupe de hip-hop à l’origine (lire ci-dessous), les Black Eyed Peas ont senti au tournant des années 2000 que l’heure était au métissage des musiques populaires. Funk, pop, R’n’B, et, depuis deux ans, electro : le groupe puise dans tous les registres et emballe le tout dans un son extrêmement dansant et énergique. « Leur leader, Will.i.am, est un producteur de dingue, qui sait flairer les tendances, confirme Fred Musa, spécialiste du rap sur Skyrock. Il sort beaucoup, adore aller en boîte. Il a pris une claque en voyant le DJ français à Ibiza et lui a demandé de produire deux titres pour eux. » Résultat : « I Gotta Feeling », tube énormissime, numéro un dans le monde entier en 2009.

    Ils ont le sens du show. Pas très sexy au départ, le Black Will.i.am et les latinos Apl.de.ap et Taboo ont compris qu’il leur manquait un élément féminin. D’où l’arrivée de la plantureuse en 2002. Elle sera le bonus glamour du groupe. A partir de là, les Black Eyed Peas vont soigner leur visuel : clips futuristes et concerts spectaculaires. « Sur scène, on est entre Matrix, la boîte de nuit et le cirque Barnum, décrit Olivier Cachin, spécialiste en musiques black. Taboo survole la foule à moto, on est proche du son et lumière. » Objectif : faire la fête. « En période de crise, leur musique festive et dansante colle à ce que veulent les gens », analyse Fred Musa.

    Ils donnent le « la » aux autres artistes. S’ils ont quelque peu perdu leur crédibilité aux yeux des puristes du rap, les Black Eyed Peas ont réussi à se faire respecter par toute l’industrie musicale. Will.i.am a travaillé avec et Sergio Mendes. Surtout, la plupart des artistes américains ont pris le même virage dance : Britney Spears, Usher, Jennifer Lopez, Snoop Dogg.

    Et après? « Ils sont au summum, observe Fred Musa. Maintenant, ils vont avoir du mal à faire mieux. » Les membres du groupe, aujourd’hui âgés de 36 ans, ont laissé entendre qu’ils allaient faire une pause pour des projets en solo. Will.i.am envisagerait un retour aux sources, au son du hip-hop des années 1990. Aurait-il déjà senti la prochaine tendance?

    Le Parisien


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  • La Fête de la musique a 30 ans

    La Fête de la musique a 30 ans

    Par Emmanuèle Bailly  

     

    La fête de la musique c'est ce soir !

     

        La fête de la musique c'est ce soir !

    Ce soir, malgré les risques d'averses, nombreux seront les amateurs de musique à sortir pour se dégourdir les oreilles.

    Depuis 30 ans, la musique envahit les quatre coins des villes. Professionnels ou amateurs, tous seront présents pour jouer d'un instrument ou chanter. Pour connaître la programmation complète de la fête dans votre région. Cliquez ici

    Pour cette 30e édition de la Fête de la Musique l'Outre-mer est à l'honneur.


    Voici les principaux lieux à Paris et en Île-de-France pour écouter des gwokas guadeloupéens, les biguines martiniquaises, les maloyas réunionnais, les tamure polynésiens  ...


    En banlieue

    Le groupe Centre Atoumo est à la fête sur le parvis de la mairie d’Esbly (77), tandis que Teddy Lafarge Gangama (Réunion) arpente la scène de Courbevoie (92). Les groupes Black Messe à Aulnay-sous-bois (93), le Cap J Yonallot à Saint-Ouen (93), Alonzidon et Moye au Kremlin Bicêtre (94) et enfin Soul Indies à Malakoff (92).

    A Paris

    Dans les jardins du Palais Royal (Paris 1er) avec au programme : Hula Serenaders avec le Halau Hula O Manoa (Tahiti, Polynésie française), Calypsociation (steel drum), Gospel Forever (chorale créole), un groupe de gwoka traditionnel : Amis des Iles, une création pour percussions de Dédé Saint-Prix, Baco (Mayotte), Tyssia (Nouvelle Calédonie), Erik (Guadeloupe), Valérie Louri (Martinique), Davy Sicard (Réunion), Dédé Saint-Prix (Martinique), Malavoi et Ralph Thamar (Martinique).


    L'Hôtel de Matignon (Paris 7e) présente, entre autres, le Patrice Caratini Jazz Ensemble avec Alain Jean- Marie (Chofé Biguine La).


    Le Sénat accueille différents groupes ultramarins sous le kiosque du jardin du Luxembourg (Paris 6e) : Te Hina OMotu Haka (chants et danses des îles Marquises, Polynésie française), Gospel Forever (chorale créole), Négoce et Signature (quadrille, Guadeloupe), Roger Raspail (gwoka, Guadeloupe), et Sully et Les Chamanes (bal créole aux sons du sega et du maloya, Réunion).


    Les clubs de la rue des Lombards (Paris 1er) s’accordent à la thématique avec une programmation de jazz Outre-mer : Tiss Rodriguez au Baiser Salé, Tricia Evy Trio au Sunset et Buigine Reflexions Trio au Sunside. La mairie du 2e reçoit Elsa Martine (Guyane). L’orchestre symphonique de la Garde Républicaine à l’Hôtel National des Invalides (Paris 7e) et le Festival Jeunes Talents à l’Hôtel de Soubise (Archives Nationales, Paris 3e) mettent à l’honneur les œuvres du Chevalier de Saint-Georges. La mairie du 15e accueille sur son parvis le groupe antillais 7ydille pour un hommage à Jenny Alpha et le Conseil Régional d’Ile de France propose sur sa scène de musique du monde, Place des Vins de France (Paris 12e) : E.sy Kennenga (Martinique) et Rony Théophile (Guadeloupe).

    Enfin, Bercy Village (Paris 12e) vibre au son d’Elsy Fleriag Quartet et Dokonon, la musique antillaise fait bouger le mail Saint-Blaise (Paris 20e) et Francésca fait zouker le boulevard de Clichy (Paris 18e). Les hôpitaux Lariboisière (Paris 10e), Saint-Louis (Paris 10e) et Armand Trousseau (Paris 12e) mettent le gwoka, le quadrille et la biguine à l’honneur avec les groupes Mkm, Tchoké Varé, Pi Douban, Stille Ka, Siwo Kanèl et Les Dolmens.


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  • "Le Monde Magazine" : Mayas, autodestruction d'une civilisation


    "Le Monde Magazine" : Mayas, autodestruction d'une civilisation

    LE MONDE MAGAZINE | 17.06.11 | 17h49  •  Mis à jour le 18.06.11 | 15h33

     

    Tikal, une des plus grandes cités mayas de la période classique, a perdu 90 % de sa population en moins de deux générations, au IXe siècle.

    Tikal, une des plus grandes cités mayas de la période classique, a perdu 90 % de sa population en moins de deux générations, au IXe siècle.RD Hansen/Fares

    Guatemala, envoyé spécial -

     

    Des pyramides gigantesques perdues dans la forêt pluviale ; des temples oubliés envahis par la végétation ; d'imposants blocs de calcaire renversés par les racines d'arbres centenaires. Les images d'Epinal de cités majestueuses reprises par la jungle et la nature sauvage en ont fait l'une des plus captivantes énigmes archéologiques. Pourquoi, vers 850 de notre ère, la civilisation maya classique a-t-elle sombré ? A quelle catastrophe ou quel enchaînement d'événements peut bien tenir ce qui nous semble la fin d'un monde ? En quelques décennies, les dynasties s'éteignent, des centaines de cités-Etats se vident de leur population, des régions habitées pendant un millénaire voient leurs habitants partir pour ne plus revenir. Le pourquoi et le comment de cet effondrement seront au cœur d'un colloque international organisé au Musée du quai Branly les 1er et 2 juillet, dans la foulée de l'exposition "Mayas, de l'aube au crépuscule".

    Il faudra cependant plus d'un colloque pour trancher ces questions. Elles hantent les chercheurs depuis presque un siècle, sans qu'aucun consensus ne se dégage. Bien sûr, certaines théories n'ont plus guère de partisans : épidémies fulgurantes, "invasions barbares", tremblements de terre en série… Toutes les causes simples et exogènes sont désormais écartées de manière quasi certaine. Reste une combinaison de facteurs régulièrement invoqués : sécheresses en cascade, remise en cause du statut des rois, récurrence de conflits meurtriers entre les principales cités-Etats qui se partagent, via de complexes systèmes d'allégeance, la grande région centrée sur l'actuel Guatemala.

    Chaque cité semble avoir vécu une agonie particulière. Ici, la guerre a été prépondérante. Là, une forte baisse des rendements agricoles a peut-être primé. Ailleurs encore, le détournement de voies commerciales a pu avoir son importance… "Mais le problème, à se dire qu'un grand nombre de facteurs régionaux ont ainsi été impliqués, c'est que nous avons quand même bien affaire à un effondrement généralisé, rappelle Dominique Michelet (CNRS, université Paris-I), qui a dirigé pendant une décennie les fouilles de Rio Bec, au Mexique. Toutes les cités-Etats des basses terres s'effondrent dans un laps de temps assez court. Il faut tenir compte du caractère global de ce phénomène." Manquerait donc au moins une pièce au puzzle.

    Pour Richard Hansen (université de l'Idaho), "un effondrement est toujours causé par plusieurs facteurs". "Mais la particularité d'un tel effondrement est que la population, une fois qu'elle a quitté les centres urbains, n'y revient pas, ajoute l'archéologue américain. Cette absence de toute réinstallation ne peut être le fait que d'une dégradation de l'environnement : les gens ne reviennent pas simplement parce qu'ils ne le peuvent pas. Aujourd'hui, si personne ne retourne vivre à Tchernobyl, c'est parce que l'environnement ne le permet pas."

    DES INDICES SAISISSANTS


    Une jarre miniature remplie de perles et de coquillages a été découverte au pied d'un édifice de Naachtun. C'est une offrande d'abandon des lieux faite par les habitants.

    Une jarre miniature remplie de perles et de coquillages a été découverte au pied d'un édifice de Naachtun. C'est une offrande d'abandon des lieux faite par les habitants.Projet Naachtun

    Comment une ville se vide-t-elle ? Les fouilles franco-guatémaltèques menées depuis deux ans sur le site de Naachtun, dans l'extrême nord du Guatemala, commencent à donner quelques indices saisissants. Et assez contre-intuitifs. Dans la phase la plus tardive de l'occupation de la ville, entre 800 et 950 de notre ère, certaines populations, sans doute des familles nobles, se regroupent dans le centre de la cité, dans des habitations construites autour de plusieurs patios.

    Un édifice de prestige – une pyramide quasi verticale d'une quinzaine de mètres de hauteur – surplombe ce complexe. Or, en la dégageant, les archéologues réalisent qu'elle n'est pas fonctionnelle : il y manque l'escalier qui doit permettre de monter au sommet, sur la plate-forme. Manque, également, le temple sommital. "Le bloc maçonné sur lequel devait s'appuyer l'escalier est bien là, mais la pose des marches n'a pas eu lieu", dit Dominique Michelet, qui a fouillé le secteur. Mieux : en dégageant la base de l'édifice, les chercheurs découvrent au pied de l'escalier inachevé, raconte Philippe Nondédéo (CNRS, université Paris-I), le directeur de la mission, "une jarre miniature en céramique, remplie de perles de coquillages spondyles". Cette manière de placer un objet de valeur au pied d'un édifice sur le point d'être abandonné relève d'un rituel bien connu des spécialistes : c'est une "offrande d'abandon", déposée dans le cadre d'un rituel, sorte d'ultime offrande au monument qui entre en déshérence. Non seulement le chantier de la pyramide n'a pas été mené à son terme, mais ses commanditaires en ont pris acte en l'abandonnant rituellement, selon la coutume.

    "Cela signifie deux choses, explique Philippe Nondédéo. D'une part, les habitants n'ont pas quitté la cité dans la précipitation ou la panique : dans l'un des palais de la ville, nous avons aussi découvert de grands encensoirs, brisés dans le cadre d'un autre de ces rites d'abandon. D'autre part, au moment où ils semblent quitter les lieux, ils ont encore accès à des biens de grande valeur." Les presque cinq cents perles "offertes" à la pyramide inachevée proviennent en effet de la côte Pacifique, à quelque 500 kilomètres de là.

    Ce n'est pas le seul élément indiquant la prospérité de la cité jusque tard dans son histoire. "On a également trouvé de l'obsidienne de Zaragoza et d'Otumba, gisements situés à plus de 1 200 kilomètres de Naachtun à vol d'oiseau !", ajoute Dominique Michelet. Des aiguillons de raie – utilisés dans les rituels d'autosacrifice, au cours desquels des nobles faisaient couler leur sang en se perçant la langue ou le pénis –, des céramiques importées, du jade, des meules en granit du Belize… Même à son crépuscule, Naachtun continuait de disposer de toutes sortes de biens précieux.

    FUITES EN MASSE

    A l'image de Naachtun, certaines villes semblent avoir été abandonnées en bon ordre. On part en ne laissant que peu de choses derrière soi. Ce n'est pas le cas partout ailleurs. Plus au sud, des régions semblent en proie au chaos qui suit de près les conflits armés. Dès le milieu du VIIIe siècle de notre ère, avant que ne s'effondre le reste de la région, les cités d'Aguateca, Dos Pilas et Cancuén sont ravagées par la guerre. Leurs populations fuient en masse.

    "A Dos Pilas, la population démantela elle-même une grande partie de ses propres temples et palais dans une tentative désespérée d'ériger des barricades de pierre, mais en vain, car la cité fut détruite, écrit Arthur Demarest (université Vanderbilt), dans sa contribution au colloque. Non loin, le centre d'Aguateca se dressait sur un escarpement quasi imprenable, bordé, d'un côté, de falaises et d'un abîme, et, de l'autre, de kilomètres de murailles. Cette cité résista plus longtemps, mais finit par être prise et brûlée vers l'an 800." "Plus au sud, sur les rives du fleuve de la Pasión, le riche port de commerce de Cancuén, florissant entre 750 et 800, fut à son tour détruit, ajoute l'anthropologue américain. Son roi, la reine et plus de trente nobles furent assassinés dans un grand rituel à l'issue duquel leurs corps, revêtus de leurs plus beaux atours, furent déposés dans une citerne sacrée."

    Entre Naachtun et Dos Pilas, Aguateca ou Cancuén, il semble n'y avoir rien de commun. D'un côté, une population riche qui certes se rétracte dans le centre de la ville, mais qui continue à jouir d'un certain luxe et semble quitter les lieux sans précipitation. De l'autre, la guerre, la mort, le chaos. A Naachtun, les hommes abandonnent la ville relativement progressivement ; ailleurs, les populations paraissent parfois s'être évanouies avec une incroyable rapidité. "Des études de densité de l'habitat ont suggéré qu'à partir de 830 environ, Tikal [l'une des plus grandes cités des basses terres] perd 90 % de sa population en moins de deux générations", illustre Charlotte Arnauld (CNRS, université Paris-I). Comment imaginer une cause sous-jacente, commune à des situations si radicalement différentes ?


    Le sommet du temple du Jaguar, à El Mirador, la plus grande cité maya préclassique, tombée vers 150. Le bas de la pyramide se trouve 17 mètres sous la terre.

    Le sommet du temple du Jaguar, à El Mirador, la plus grande cité maya préclassique, tombée vers 150. Le bas de la pyramide se trouve 17 mètres sous la terre.Charles David Bieber/Fares 2005

     

    Peut-être, pour comprendre la chute des Mayas classiques, faut-il remonter le temps de quelques siècles. Et analyser une autre crise, bien plus ancienne, celle de 150 après J.-C.. Car l'effondrement de la civilisation maya classique, vers l'an 850, n'est pour certains spécialistes rien de plus que la répétition d'un autre effondrement : celui de la période maya dite préclassique, commencée en 1000 avant J.-C.. Ainsi, lorsque Naachtun est désertée vers 950, d'autres cités alentour sont déjà abandonnées depuis huit siècles. Déjà ruinées et déjà partiellement recouvertes par la forêt. La crise des années 150 demeure toutefois localisée : elle est limitée à la région d'El Mirador, du nom du plus grand centre urbain de cette zone de l'extrême nord guatémaltèque, toute proche de Naachtun.

    Qu'apprend-on de cet effondrement antérieur, celui des Mayas préclassiques ? D'abord que l'histoire des sociétés humaines n'est pas celle d'une croissance constante, d'une amélioration continue des réalisations techniques. Dans le monde maya, rien n'égalera en taille les monuments d'El Mirador, rien ne surpassera le gigantisme de son architecture. La pyramide dite La Danta, la plus grande du site, culmine à plus de 70 mètres. Elle excède en volume la grande pyramide égyptienne de Gizeh et compte au nombre des plus vastes édifices jamais érigés. Dans la région d'El Mirador, au cours de la période préclassique, tout semble avoir été construit à l'aune de cette démesure. Déjà, les grandes villes de la région – El Mirador, mais aussi El Tintal, Nakbe, Wakna – étaient connectées par "un réseau de chaussées pavées larges d'une vingtaine de mètres, surélevées de 4 à 5 mètres et qui pouvaient raccorder des centres distants d'une vingtaine de kilomètres", dit Philippe Nondédéo. A son apogée, El Mirador a pu compter des dizaines de milliers d'habitants.

    STUC DESTRUCTEUR

    Au milieu du IIe siècle, ceux-ci quittent les lieux en masse. Et n'y reviendront que très partiellement, après de longs siècles. Pourquoi ? "Je ne crois pas que la guerre puisse pousser les populations à partir et à ne jamais revenir : la guerre peut susciter un abandon momentané, pas un effondrement, estime Richard Hansen, qui fouille El Mirador depuis les années 1980. Pendant la seconde guerre mondiale, Dresde, Tokyo ont été bombardées, Hiroshima et Nagasaki ont chacune reçu une bombe atomique… Or toutes ces villes sont aujourd'hui assez bien peuplées !" Pour l'archéologue américain, il faut chercher ailleurs les causes de l'effondrement des Mayas préclassiques. "Il faut bien comprendre que ce qui a permis l'extraordinaire succès des Mayas, c'est leur système agricole, ajoute M. Hansen. Dans la région d'El Mirador, ils utilisaient la boue des marécages sur de grandes cultures en terrasse : ils pouvaient ainsi cultiver la même terre pendant des centaines d'années sans l'épuiser."

    Selon l'archéologue américain, quelque chose est donc venu perturber cet astucieux système. Les fouilles montrent que les boues de matières organiques utilisées comme fertilisants sont aujourd'hui parfois ensevelies sous un à deux mètres d'argiles. De tels enfouissements des sols n'ont pu être provoqués que par l'érosion due à une déforestation massive. "Je pense que ce qui a suscité cette déforestation n'est pas l'agriculture, mais plutôt la production de stuc." Tout au long de la période préclassique, à mesure que les siècles passent, les parements de stuc qui recouvrent les murs des monuments, des maisons, voire le pavement des chaussées, s'épaississent. Les signes ostentatoires de richesse et de pouvoir de la classe dirigeante se paient en stuc. Donc en arbres. Car cet enduit, qui permet de recouvrir les maçonneries grossières, s'obtient au prix d'un long chauffage du calcaire, très coûteux en bois.


    Une tête en stuc de l'époque classique. La production massive de ce matériau serait à l'origine de l'effondrement de la civilisation préclassique.

    Une tête en stuc de l'époque classique. La production massive de ce matériau serait à l'origine de l'effondrement de la civilisation préclassique.Ricky Lopez Bruni/www.rickylopezbruni.com

    Ce défrichage de grande ampleur aurait donc endommagé quasi irréversiblement l'environnement de la région, ruinant ainsi le système agricole qui assurait aux populations leur prospérité. Bien que localisé, cet effondrement des Mayas préclassiques préfigure-t-il celui intervenu sept siècles plus tard sur l'ensemble des basses terres ? De troublantes analogies existent. Comme sur le site de Copan, sur le territoire actuel du Honduras, où l'archéologue David Webster a montré que, dès le viiie siècle, les glissements de terrain dus à la déforestation ont peu à peu oblitéré les capacités de production des paysans aux abords de la cité. "C'est une situation que l'on ne retrouve pas forcément ailleurs et il ne faut donc pas généraliser", tempère Charlotte Arnauld. Mais, malicieusement, cette dernière fait remarquer que les derniers grands monuments de la période classique, érigés peu avant l'effondrement, sont constitués de petits blocs de calcaire, plus petits et bien mieux taillés que ceux utilisés dans les siècles précédents et bien plus soigneusement ajustés les uns aux autres.

    "Peut-être précisément pour économiser le stuc", avance-t-elle. Et donc pour économiser le bois, signe qu'il commençait sérieusement à se faire rare… La déforestation massive pratiquée au cours de la période classique a sans doute eu d'autres répercussions. Sur les pluies : les climatologues savent aujourd'hui que l'absence de végétation peut entraver les précipitations. Des analyses de carottes sédimentaires ont montré qu'entre 760 et 910, quatre vagues de sécheresse de trois à neuf ans chacune ont frappé de vastes zones de l'aire maya. Or dans un système politico-religieux où le roi est le garant de la clémence des éléments, ces calamités à répétition ont peut-être déstabilisé les élites et engendré des troubles politiques.

    FIN D'UN SYSTÈME

    Des troubles dont l'une des plus saisissantes illustrations est une découverte faite par l'équipe dirigée par Charlotte Arnauld au début des années 2000, sur le site de La Joyanca, dans le nord-ouest du Guatemala. L'un des bâtiments, tout en longueur – plus de 50 mètres –, est juché au sommet d'un escalier qui conduit à une grande pièce. Sans doute s'agit-il d'une salle d'audience pourvue d'une banquette, située au milieu – de toute évidence celle du roi. Bâtiment politique par excellence, ce long édifice a connu des cloisonnements internes pendant son occupation (entre 750 et 850), jusqu'à comporter six pièces au milieu desquelles le souverain perd sa singularité. Donc sans doute une partie de son pouvoir. Lorsqu'ils dégagent l'édifice, les archéologues trouvent, dans la pièce centrale du roi, le squelette d'un homme, ou d'une femme, jeté là sans ménagement ni sépulture, vraisemblablement à dessein, avant que la banquette royale ne soit enlevée et le toit du bâtiment volontairement abattu…

    S'agit-il du souverain ? Pourquoi aurait-il été tué ? "On ne le saura jamais, admet Charlotte Arnauld. Mais cela n'ôte rien à la violence des actes qui se sont déroulés là, dans une enceinte dévolue au roi." La fin de la période classique est aussi la fin d'un système de royauté sacrée. Au nord des basses terres centrales désertées, dans la péninsule du Yucatan où les Mayas feront revivre de grandes cités dès le XIe siècle, une nouvelle forme de gouvernance apparaît. Un système pour lequel un mot maya existe, multepal : "gouverner ensemble".

    • A voir "Maya de l'aube au crépuscule". Musée du quai Branly, 37, quai Branly, Paris-7e. Tél. : 01-56-61-70-00. Du 21 juin au 2 octobre 2011. Colloque "Sociétés mayas millénaires : crises du passé et résilience", au Musée du quai Branly. Les 1er et 2 juillet. Entrée libre dans la limite des places disponibles.

    Stéphane Foucart


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