• Le juge Burgaud a refusé de voir Présumé coupable

    Par Aurélie Frex

    Publié le 6 septembre 2011 à 21h56 Mis à jour le 6 septembre 2011 à 22h15

     

    Alain Marécaux, acquitté d'Outreau, parle du film Présumé coupable.

    Pour Alain Marécaux, acquitté d’Outreau, l’image du juge dans le film est "en deçà" de la réalité.

    Mercredi sort en salles Présumé coupable, de Vincent Garenq, premier film sur l’affaire d’Outreau, qui raconte le calvaire vécu par Alain Marécaux, arrêté pour viols sur mineurs en 2001, et innocenté en 2005. Invités sur Europe 1 mardi, l’ acquitté d’Outreau et celui qui joue son rôle dans le long-métrage, Philippe Torreton, livrent leurs sentiments.

    Interrogé sur le personnage du juge Burgaud, interprété par l’acteur Raphaël Ferret, Alain Marécaux estime que la fiction est "en deçà" de la réalité. "J'ai presque envie de vous dire qu'il est rendu en deçà de la froideur qu’il avait. J’ai toujours eu l'impression d'avoir en face de moi une machine", se souvient-il. "Il était dans ce rôle de technicien, et ce qu'il a oublié c'est qu'avant d’être dans ce rôle un magistrat se doit d’être humain et humble. Ces qualités qu’on doit retrouver dans ces professions qui touchent à l’homme, Fabrice Burgaud ne les avait pas", ajoute celui qui exerce le métier d’huissier de justice.

     

    Le juge d’instruction chargé de l’affaire d’Outreau n’a pas vu le film. "Christophe Roussillon, le producteur, lui a proposé (au juge Burgaud, ndlr) une séance juste pour lui, et il s'est contenté d'envoyer une lettre recommandée pour qu’on retire son nom du film", affirme Philippe Torreton. Ce qui n’a pas été fait.

     

    "Je ne suis pas trahi"

    Alors que, six ans après l’acquittement, il tente toujours de « se reconstruire », Alain Marécaux estime quant à lui ne pas avoir été "trahi" par le film. "Pour moi, ce qui compte c'est qu'il y a eu un réalisateur, un producteur, un acteur qui ont eu le courage de faire ce film (…) Je m'y retrouve, l'essentiel y est, je ne suis pas trahi. On a pris en considération comment, quand le système judiciaire déraille, il peut entraîner la destruction non seulement d'un homme, mais d'une famille".

    Pour Alain Marécaux, le film "va permettre de ne jamais oublier". Le père de famille, qui avait arrêté de s’alimenter pendant l’affaire, jusqu’à perdre 49 kilos, affirme que ce qui lui est arrivé était "un accident de la vie", qu’il compare à un coma. "Depuis l’acquittement, j’essaie de vivre", témoigne-t-il. "J’ai refait ma vie privée, avec mes enfants, il y a une cassure qui existe".


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  • Eddy Mitchell : La classe ultime pour de merveilleux adieux

    News publiée Aujourd'hui, Le Mardi 6 Septembre 2011 à 13:37

    Eddy Mitchell donnait lundi soir, le 5 septembre 2011, le dernier de ses trois concerts parisiens dans la mythique salle de l'Olympia. Un show au parfum particulier qui met fin non seulement à une tournée triomphale de plus d'une centaine de dates, mais surtout à la carrière scénique de l'artiste.

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    Hier soir, le spectacle, auquel assistaient entre autres Régine et le prince Albert venu seul, s'est ouvert par un message audio très chaleureux de l'ami Johnny Hallyday. Les deux rockeurs ont commencé leur carrière ensemble et ne se sont jamais quittés. Johnny Hallyday ne pouvait être présent puisqu'il jouait sa deuxième couturière du Paradis sur Terre, la pièce de Tennessee Williams qui s'ouvre le 6 septembre à quelques mètres de l'Olympia, au Théâtre Édouard-VII.
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    Dans la salle, l'excitation et la ferveur sont palpables. L'émotion, bien sûr, parcourt les lieux. Eddy Mitchell en costume trois-pièces, ultra-chic, interprète ses plus grands titres comme Couleur menthe à l'eau, La Dernière séance, Le Cimetière des éléphants ou encore L'esprit grande prairie que lui ont écrits Laurent Voulzy et Alain Souchon. Le tout accompagné d'un big band aux cuivres sensationnels, de pas de danse magnifiques qui suscitent à chaque fois une rumeur admirative dans le public, et de souvenirs délicieusement racontés.

    Eddy Mitchell termine par le titre Come-Back, extrait du récent album éponyme, et chante "non, je nous ferai jamais le coup du come-back"... Le public n'y croit pas, ne veut pas y croire et entonne un "Ce n'est qu'un au revoir Eddy" retentissant. "Merci pour tout le bonheur que vous m'avez apporté", lance le chanteur. Lorsque le rideau tombe, la salle ne se vide pas, les gens ne veulent pas partir. Eddy Mitchell réapparaît en peignoir bleu à pois blancs, une cigarette à la main : "Faut rentrer maintenant, c'est fini. Repos. Et vous pouvez fumer..."

    Classe jusqu'au bout, l'intégralité de la recette de cet ultime spectacle sera reversée à l'association Les Puits du désert, chère au coeur du chanteur. Chaque spectateur repart d'ailleurs avec une écharpe légère, aux couleurs de l'association, brodée du nom d'Eddy et de la date. Un autre joli souvenir.

    Il y a quelques jours, au micro de Nikos Aliagas sur Europe 1, Eddy Mitchell répondait à cette phrase de Charles Aznavour (à l'actualité brûlante) qui disait que, dans 80 ans, il ne resterait rien de lui : "Ce qui restera de moi ne me préoccupe pas du tout", insiste Eddy. "Faire partie d'un patrimoine, en quelque sorte, ça a un petit côté emmerdant pour les jeunes générations. Mais bon, si on aime mes chansons dans 80 ans, là où je serai, je n'en serai pas mécontent. D'ailleurs, j'en aurai sûrement rien à f***** !"

    S'il fait ses adieux à la scène, Eddy Mitchell ne compte pas arrêter d'enregistrer des chansons. Pour l'heure, ses projets immédiats sont au cinéma. Il vient de tourner le nouvel Etienne Chatiliez, intitulé L'Oncle Charles. Ensemble, ils avaient cartonné avec l'inoubliable Bonheur est dans le pré. Il sera également au casting du premier film de Régis Roinsard, Populaire, aux côtés de Romain Duris, Déborah François, Bérénice Bejo, Nicolas Bedos, Mélanie Bernier et Miou-Miou. Premier coup de manivelle le 3 octobre.

     
    La dernière séance d'Eddy Mitchell à l'Olympia le 5 septembre 2011. Images BFM TV.
    Dans cette photo : Eddy Mitchell

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  • Bouleversante biographie d'Anna Barkova, écrivaine russe oubliée

    Anna Barkov (DR).

    On ignorait tout ou presque de l'écrivaine russe Anna Barkova (1901-1976)

    et voici que paraît une biographie qui nous révèle un être exceptionnel.

    La révélation à Ivanovo

    Au cours de ses recherches sur la poésie prolétarienne russe, Catherine Brémeau est amenée à séjourner à Ivanovo dans la région de Nijni-Novogrod. Là, elle fait la connaissance d'un professeur comme on en rencontre parfois en Russie, aussi dévoué qu'érudit, Léonid Tanagov. Il l'aide dans ses recherches et un jour, chez lui, le voilà qui « s'enflamme soudain » en parlant d'une certaine Anna Barkova.

    Il a écrit un petit livre sur elle, lui offre. Catherine Brémeau l'ouvre dans le train du retour à Moscou, et là, elle « est immédiatement saisie » par la vie et la force poétique de cette femme née comme elle un 3 juillet. Dès lors elle n'a qu'une envie, revenir à Ivanovo, qu'elle quitte à peine, fouiller dans les archives.

    Ce n'est pas la première fois que l'histoire littéraire du XXe siècle russe est chamboulée par la réapparition d'auteurs oubliés ou minorés. Au moment de la pérestroïka, l'ouverture des archives du KGB avait permis de retrouver « Moscou heureuse », un roman inédit de Andréï Platonov (né deux ans avant Barkova ) et on avait pu découvrir les versions non censurées de ses œuvres.

    Plus récemment, l'œuvre de Sigismund Krzyzanowski (qui n'avait rien publié de son vivant) est apparue comme un ovni (plusieurs livres traduits chez Verdier grâce à l« obstination de Hélène Chatelain). Et voici Anna Bartova qui a séjourné dans les camps du Goulag encore plus longtemps qu'un Varlam Chalamov.

    D'Ivanovo au Kremlin

    Pétrie de littérature russe, les sens en éveil (amour des femmes), à seize ans elle accueille avec foi la révolution à Ivanovo. Elle fait ses débuts de journaliste débutante en travaillant occasionnellement puis régulièrement à “ Rabotchy kraï ” (le district ouvrier) journal local fondé en 1918. C'est là qu'elle publie ses premiers poèmes.

    “ Ces usines écraseront notre ‘ moi ’
    Nos pitoyables ‘ moi ’ d'aveugles ”

    Même si déjà sa poésie est plus complexe, plus douloureuse, plus personnelle, plus écartelée (elle écrit sur la famine qui sévit au bord de la Volga), on veut voir en elle un étendard de la poésie ouvrière.

    Lounatcharski, le commissaire du peuple à l'instruction, est venu à Ivanono.

    “ J'admets comme parfaitement plausible l'idée que vous deviendrez la meilleure poétesse russe depuis que la littérature russe existe ” lui écrit-il.

    Plus stratégiquement, remarque Catherine Brémeau, il entend fait de cette Anna là une rivale ouvrière de l'aristocratie petersbourgeoise que représente Anna Akhmatova.

    Il la fait venir au Kremlin. Et là, Anna Barkova déchante. A voir les arcanes du pouvoir soviétique de trop près on s'aveugle ou on se brûle. “ Femme”, son premier recueil paraîtra en 1923. Cela sera aussi son dernier.

    “Sous quel toit trouver un abri ? ”

    Bien des interrogations demeurent mais toujours est-il que les relations entre le commissaire du peuple et la poétesse cessent brutalement. Elle est seule, amoureuse d'une actrice célèbre qui ne remarque pas cette jeune femme au physique peu avenant, sauvage, revêche. Et les poètes du “ proletkult ne l'aiment guère.

    Lors d'une réunion seul le jeune Pasternak prendra sa défense.

    Sous quel toit trouver un abri ?
    J'erre , de par le monde,
    Fille de paysans de la Volga
    Traîtres à leur fleuve frondeur. ’

    Elle écrit des vers (sa poésie est aussi une biographie en acte) mais on ne la publie pas. La revue ‘ Novy mir ’ lui renvoie un récit : trop proche de Nietzche et Dostoievski (alors honni).

    Elle écrit sans relâche et sans retenue sachant aussi qu'on ne la publiera pas. Elle évoque un ‘ guide aimé ’ qui ‘ sera demain le renégat ’, elle parle de son siècle :

    ‘ Il nous a promis des victoires

    Et donné de nouveaux tyrans ’.

    Il lui arrive aussi de parler un peu trop ouvertement dans des réunions publiques. On la dénonce un jour de 1934. On saisit ses cahiers de poèmes, ses notes. Des écrits qui ne réapparaîtront que 57 ans plus tard lors de l'ouverture des archives du KGB.

    L'article 58 comme Chalamov et tant d'autres

    On la condamne au nom du fameux article 58 dont Chalamov parle souvent (crimes contre révolutionnaires, agitation antisoviétique). Dans une étonnante lettre au directeur du NKVD, elle demande à être fusillée : plutôt une mort rapide qu'une ‘ mort lente ’. Refus. On l'envoie pour cinq ans dans un camp au Kazakhstran. Il y a pire. Elle connaîtra pire.

    Dès lors, en osmose avec le parcours de son héroïne, la biographie de Gremeau devient plus introspective, c'est autant le cheminement intérieur du poète que celui de la personne Anna Barkova qu'elle s'attache à suivre pas à pas, inflexion par inflexion. Car ces années les plus dures qui commencent seront aussi les plus fécondes. Sa vraie vie, c'est la poésie. Prisonnière, elle est libre. Avec raison Grmeau cite plus d'une fois Camus.

    Une première fois libérée, interdite de séjour à Moscou comme c'est la règle, voici Anna Barkova à Taganrog, à Kalouga où elle reste huit ans dans une misère noire (les anciens détenus sont mal vus, rejetés le plus souvent). Elle ressemble à une sorcière.

    La guerre éclate, les allemands occupe Kalouga, les Russes les délogent, elle lit Tolstoï, Racine. On l'arrête une nouvelle fois et cette fois direction le Grand Nord, Inta. Une station sur la ligne de chemin de fer (construit par les prisonniers du Goulag) qui relie Vorkouta à Syktyvkar, la capitale de la république des Komis. A Inta on peut encore voir aujourd'hui des bâtiments du Goulag reconvertis.

    L'amour d'une femme dans le Grand Nord

    Sa dureté héritée de l'enfance s'est endurcie, sa laideur effraie, elle descend au fond d'elle-même. Elle fait rimer ‘ rodina ’ (la patrie) avec ‘ urodina ’ mot féminin désignant un monstre.

    Elle a pleinement trouvé le tempo de sa poésie fait ‘ d'irrégularités rythmiques, une accentuation du vers plus populaire que savante, une sorte de bégaiement sur fond d'harmonie ’ écrit Brémeau. La poésie de Barkova est comme le négatif d'une Tsvetaieva.

    Elle écrit plus que jamais. Et à l'abord de ses cinquante ans, connaît une passion extrême pour une codétenue.

    ‘ Je me jette dans l'amour comme dans le salut
    De tous ces jours et ces nuits déchiquetés,
    De ma mauvaise saison d'automne,
    De ma terrible fin qui s'annonce. ’

    Anna Barkov (DR).

    Mais elle ne mourra dans un camp. La mort de Staline au printemps 1953 ouvre les portes du Goulag à beaucoup de détenus, mais Barkova ne sera libérée qu'en 1956, reconnue invalide du deuxième degré.

    Libre mais anéantie, usée, sans le sou. Elle écrit :

    ‘ Je ne suis sur la liste ni des vivants ni des morts. Pourtant j'existe, je dors chez des gens que je connais bien, peu ou pas du tout ’.

    Un ex codétenue, la débrouillarde Valentina Sanaguina, va un peu alléger le poids de sa vie. Incroyable mais vrai, alors que l'on parle de ‘ dégel ’, en 1958 les deux femmes sont à nouveau condamnées : dix ans de camp suivis de cinq ans de privation des droits. Anna Barkova a 57 ans.

    On les libère en 1965. Soutenue par les écrivains Fédine et Tvardovski Anna est cette fois pleinement réhabilitée. L'Union des écrivains lui octroie une allocation, à 65 ans elle revient enfin à Moscou.

    ‘J'avance, étrangère à moi-même’

    Ses dernières années ressemblent à celle d'un Chalamov qui planquait du pain sous son oreiller comme au camp. Elle vit dans un appartement communautaire, entourée de livres. Une vieille femme pas commode. Elle voit dans l'araignée une amie, elle revient sans cesse en pensée et dans ses mots à ses années innombrables de camp, elle est à elle-même son propre fantôme.

    ‘ J'avance étrangère à moi-même
    Arrivant au bout du chemin
    Je me cherche, aux aguets, j'attends
    Sans réussir à me trouver ’

    Anna Barkova meurt le 29 avril 1976, deux bons mois encore et elle aurait eu 75 ans. On se réunit après l'enterrement. Des femmes surtout. Parmi elles, des anciennes détenues qui se mettent à réciter ses poèmes appris par cœur et que les autres autour ignoraient. Alors on débarrasse la table des victuailles, on sort des feuilles de papier et chacun copie ces poèmes ainsi sauvées de l'oubli par la mémoire humaine.

    Un premier recueil paraîtra, quatorze ans après sa mort, à Ivanovo, sa ville natale. Aujourd'hui la biographie de Catherine Brémeau préfacée par la grande poétesse Olga Sedakova, est traduite en russe. Espérons qu'un jour on puisse lire en traduction française un volume conséquent de textes - journal, récits et poésies- de cette désormais digne figure de la littérature russe du XXe siècle.


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  • « C'est pas du plagiat, c'est… » : huit défenses de mauvaise foi

    « Une connerie », « un clin d'œil »… PPDA, Houellebecq et aujourd'hui Macé-Scaron reproduisent les mêmes mauvaises explications.

    Le plagiat est « un vol de mots ». Hélène Maurel-Indart, auteure « Du Plagiat », est une spécialiste de la question en littérature. Elle rappelle qu'aux yeux du code de la propriété intellectuelle, « les idées sont de libres parcours ». Les questions de plagiat ne portent donc que sur l'expression et la composition d'une œuvre.

    Agnès Tricoire, avocate spécialisée dans la propriété intellectuelle et auteure d'un « Petit traité de la liberté de création », rappelle qu'on peut emprunter sans plagier :

    « Il faut que la citation soit courte, qu'il y ait le nom de l'auteur et que la source soit citée. Si ce n'est pas de la citation, c'est de la reproduction. »

    Le plus souvent, explique l'avocate, la peine encourue a un rapport direct entre la notoriété du plagiaire. En 1993, Thierry Ardisson en fit les frais avec « Pondichéry ». Le roman fut envoyé au pilon pour avoir plagié deux ouvrages.

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    « C'est pas du plagiat, c'était pas de l'art »

    Me Tricoire :

    « D'abord, la plupart des plagiaires essaient de montrer que l'emprunt n'a pas été fait sur une œuvre d'art.

    Mais les juges n'aiment pas ça. Le plus souvent, le fait d'essayer de dévaloriser l'œuvre originale montre leur mauvaise foi. »

    2« C'est une connerie »

    Joseph Macé-Scaron (RTL.fr).

    La « connerie » a été la première explication de Joseph Macé-Scaron, lorsque Acrimed et Arrêt sur images ont fait savoir que son roman « Ticket d'entrée » reprenait plusieurs extraits d'« American rigolos » de Bill Bryson. Des étapes de travail de son roman se seraient retrouvées « par inadvertance » dans la version publiée.

    PPDA en mai 2008 (François Lenoir/Reuters).Le mot « connerie », fait écho à « l'erreur » alléguée l'année dernière par les Editions Arthaud après la parution de la biographie de PPDA, « Hemingway, la vie jusqu'à l'excès ».

    A l'époque, l'éditeur avait présenté ses excuses à l'auteur et aux journalistes destinataires de l'ouvrage :

    « Les Editions Arthaud tiennent à préciser que le texte imprimé, qui a été diffusé par erreur à la presse en décembre, était une version de travail provisoire. Elle ne correspond pas à la version définitive validée par l'auteur. »

    Me Tricoire « n'imagine pas une seconde qu'un éditeur puisse se tromper dans la version qu'il publie ». Pour l'avocate, la première réponse de Joseph Macé-Scaron sonne comme un aveu :

    « Dire que c'est une connerie, c'est reconnaître sa faute ; »

    3« C'est de l'intertextualité »

    Joseph Macé-Scaron n'a pas été le premier à évoquer l'intertexualité, selon lui « un classique de la littérature ». On doit cette notion à Gérard Genette. Or, chez lui, elle désigne justement toutes les formes d'emprunts, allant de la citation au plagiat.

    « Et puis attention », poursuit Me Tricoire, « l'intertextualité est une théorie littéraire. Ça n'est certainement pas dans la bouche de Genette qu'on trouvera une autorisation de plagier. »

    4« Montaigne l'a fait »

    « Même si je n'ai pas la prétention de me mettre à la hauteur des grands auteurs. Il y a par exemple chez Montaigne 400 passages empruntés à Plutarque… », déclarait Joseph Macé-Scaron. Mais Montaigne cite Plutarque à 88 reprises dans les « Essais », rappelle l'Express. Hélène Maurel-Indart :

    « Primo, Montaigne écrit pour un nombre de lecteurs extrêmement restreint, pétris de culture et baignés par l'univers de Plutarque.

    Deuxio, jusqu'au XVIIIe siècle, il y a une tradition de la création littéraire par l'imitation. L'écrivain n'a de légitimité que sous l'autorité des emprunts aux Anciens. »

    Pour Me Tricoire, « citer Montaigne aujourd'hui, c'est oublier qu'il y a eu entre temps la révolution et l'invention du droit d'auteur. C'est régressif et malhonnête ».

    5« Tout le monde le fait ! »

    Joseph Macé-Scaron dans Libération :

    « J'utilise et réutilise des textes d'écrivains pour lesquels je nourris une grande admiration, c'est un procédé littéraire classique. »

    « Absolument faux », s'agace Me Tricoire.

    « Il y a peut-être une recrudescence mais tout le monde ne fait pas ça. La plupart des écrivains ne font pas de plagiat. Ça tend à essayer de jeter opprobre sur toute une profession. »

    6« C'est un clin d'œil »

    « Avant, en littérature, quand il y avait un clin d'œil, on applaudissait, aujourd'hui on tombe à bras raccourcis sur l'auteur […]. Et les emprunts, cela devient un crime, un blasphème », regrettait Joseph Macé-Scaron auprès de l'AFP.

    Pour Me Tricoire, « un clin d'œil n'a jamais été la reprise de paragraphe entier. C'est un signe d'amitié entre deux œuvres ». Quand un auteur ne donne aucun accès à l'œuvre empruntée en la citant, son texte retombe dans la contrefaçon.

    7« Je ne plagie pas, je copie-colle »

    Michel Houellebecq à Varsovie (Pologne) en juin 2008 (Mariusz Kubik/Wikimedia Commons/CC).

    Michel Houellebecq, pour « La Carte et le territoire » avait été accusé d'avoir recopié une page de Wikipedia, et une autre du ministère de l'Intérieur. Sur le coup, Flammarion avait formulé une réponse légaliste :

    « Michel Houellebecq utilise effectivement les notices et sites officiels comme matériau littéraire brut pour parfois les intégrer dans ces romans après les avoir retravaillés. Si certaines reprises peuvent apparaître telles quelles “mot pour mot”, il ne peut s'agir que de très courtes citations qui sont en tout état de cause totalement insusceptibles de constituer un quelconque plagiat, ce qui constituerait une accusation très grave. »

    Pour Hélène Maurel-Indart, « l'emprunt créatif » est très différent de « l'emprunt servile », qui multiplie les reprises littérales. « Toute écriture est toujours un travail de réécriture », admet-elle.

    « Par exemple, un auteur comme Perec est dans un jeu avec le lecteur. Il faut toujours voir si l'emprunt correspond à une esthétique. »

    8« J'assume (et je vous emmerde) »

    L'année dernière, le phénomène adolescent allemand, Hélène Hegermann, auteur de « Axolotl Roadkill » répondait aux accusations de plagiat par le droit à l'emprunt :

    « Je me sers partout où je peux trouver de l'inspiration et des choses qui me stimulent : films, musique, livres, peintures, photos, conversations, rêves. Peu importe où je prends les choses. Ce qui importe, c'est où je les porte. »

    Dire « c'est ma liberté d'artiste » ne tient pas la route aux yeux de Me Tricoire :

    « Il y a toute une nouvelle mythologie d'Internet qui laisse penser que les contenus sont libres. Ça devient un problème de société qui dépasse d'ailleurs le champ littéraire.

    L'accès au contenu n'autorise pas les emprunts. Devant un tribunal, un auteur plagié aura gain de cause. »

    Au final, peu importe la ligne de défense, la contrefaçon n'a jamais tué le contrefacteur. Reconnu coupable ou non, il est peu probable que « Ticket d'entrée » entache la carrière de Joseph Macé-Scaron. Il reste directeur adjoint de Marianne, directeur du Magazine littéraire, grand débatteur du PAF. Et – cerise sur le CV –, c'est aussi à lui que l'on doit la création du prix du Pastiche.

    Photos : Joseph Macé-Scaron (RTL.fr) ; PPDA en mai 2008 (François Lenoir/Reuters) ; Michel Houellebecq à Varsovie (Pologne) en juin 2008 (Mariusz Kubik/Wikimedia Commons/CC).


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  • MES FAVORIS
    Le dimanche 4 septembre 2011 à 06h00 par Frédérique Michalak |

    Perpignan

     

    VISA POUR L'IMAGE

     

     

    Yuko, "l'icône du tsunami japonais"

    présente à Visa pour l'image

     

    Yuko Sugimoto hier matin au palais des congrès.

    Yuko Sugimoto hier matin au palais des congrès.  © MARIE-SOPHIE HEL

    Elle a fait le tour du monde. La photo de cette Japonaise enveloppée dans une couverture, prise par Tadashi Ohkubo, a fait la une de 55 journaux et symbolisé, à elle seule, la tragédie de tout un pays. Yuko Sugimoto était hier à Perpignan, invitée à VISA pour l'Image par Paris-Match. Au moment du cliché, Yuko venait d'apprendre que son fils de 5 ans, Raïto, réfugié sur le toit de son école, était en vie. Elle l'avait cherché pendant deux jours. Yuko ne se rend compte de l'impact de son image qu'ici, en France, et livre : "Si ça peut encourager les gens à faire un don pour aider les Japonais, si ça peut aider le Japon, alors c'est un honneur pour moi d'avoir été sur cette photo".


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