C'est un petit bijou d'audace et d'émotion. Francis Huster s'est mis dans la peau d'Albert Camus, et sa voix sonne juste. Certes, le comédien connaît profondément l'écrivain - il est intarissable en anecdotes, a rencontré tous ceux qui ont connu Camus et, surtout, il a monté et joué La Peste, près de mille représentations depuis 1989 en France et dans le monde.
LE FIGARO LITTÉRAIRE - Comment est née l'idée de ce livre?
FRANCIS HUSTER. - Sur les conseils de Jean-Louis Barrault, chaque soir dans ma loge, en France comme à l'étranger, quand je jouais La Peste, pendant les 963 représentations, j'écrivais trois ou quatre pages: ce que m'inspirait Camus, ses personnages, ses idées, ses combats, sa création… J'avais plus de 600 pages… Et j'ai tout mis de côté pour écrire ce livre. En fait, Camus, après Lettre à un ami allemand, voulait écrire Lettre à un ami algérien, mais il ne savait pas s'il fallait titrer «ami» ou «frère» algérien. La mort l'a empêché d'aller au bout de ce projet. À ma manière, j'avais envie de prendre sa peau et sa voix pour lui rendre hommage, et le coucher sur papier par la plume de son vrai stylo Parker, que Catherine Camus m'a offert.
En près de vingt ans, vous avez monté à trois reprises La Peste», et chaque fois avec un thème différent, comme si l'œuvre de Camus résonnait toujours dans l'actualité…
Oui, la première fois, c'était en 1989, au Théâtre de la Porte Saint-Martin. La Pestereprésentait le sida. En 1995, au Théâtre Marigny et au Théâtre de Nice, «La Peste» tournait autour de la politique. Et, en 2011, je l'ai montée aux États-Unis (à Boston, Washington et New York, ndlr), cette fois, La Peste symbolisait le terrorisme, un thème évidemment traité par Camus.
<figure class="fig-photo fig-media-gauche"> </figure>Et pour vous, que représente l'écrivain?
Il nous apprend encore beaucoup de choses. Mais avant tout ceci: l'idée que tout est possible. La page est blanche, elle reste à écrire. Sur le plan idéologique, il nous a enseigné que le vrai terrorisme est intellectuel. C'est un insoumis. Lui, il a toujours fait le pari de l'homme, et il l'a gagné. Comme Molière, il a glorifié l'homme sans refuser Dieu. Et d'ailleurs, plus on avance dans la lecture de son œuvre, plus on rejoint Blaise Pascal: tous les deux ont fait le pari de l'homme par des chemins différents. Enfin, Camus me fait penser à tous ces grands êtres qui ont vécu avec la maladie, avec des souffrances personnelles, et qui dégagent en même temps une énergie incroyable. Il a dansé avec la mort toute sa vie.
Et Camus au Panthéon?
Je suis sidéré qu'il n'y soit pas déjà. Camus au Panthéon, c'est une évidence, en tant que grand écrivain et en tant que grand homme… Vous n'avez pas oublié de me poser une autre question?
Laquelle?
Le PSG a joué hier contre Barcelone. Quelle équipe aurait soutenue Camus?
Bon, alors je vous le demande: quelle équipe aurait soutenue Camus?
Ah! Avec ses origines espagnoles et son amour du beau jeu, il aurait été bien embêté.
Albert camus. Un combat pour la gloire, de Francis Huster, Le Passeur éditeur, 128 p., 15,90 €.