La mini-crise diplomatique entre la France et l’Italie déclenchée par Ségolène Royal au sujet du Nutella est-elle justifiée? Faut-il vraiment «arrêter de manger du Nutella parce que c’est de l’huile de palme» qui contribue à la déforestation, comme s’est écriée la ministre de l’Ecologie lundi soir sur le plateau du Petit Journal de Canal+? Avant de s'excuser mercredi.

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Faut-il donner le bon Dieu sans confession à Ferrero? L’industriel italien, qui produit la pâte chocolatée préférée des Français, jure la main sur le cœur avoir «pris de nombreux engagements concernant son approvisionnement en huile de palme» et dit veiller à la traçabilité de ses matières premières, en s’engageant même au-delà de la Table ronde pour une huile de palme durable (RSPO), qui réunit plus de mille acteurs du secteur. 

La réponse n'est pas si simple, estime Boris Patentreger, cofondateur de l’ONG Envol Vert et ancien du WWF-France (qui soutient la Table ronde RSPO, souvent taxée par d’autres de «greenwashing»). 

Ferrero fait-il effectivement des efforts pour rendre son Nutella plus «durable»?

Ils étaient en retard sur la problématique de l’huile de palme, mais depuis trois ou quatre ans, il y a eu un vrai changement de politique. Ils se sont engagés dans la Table ronde RSPO et vont au-delà en s’assurant que l’huile ne provient pas de forêts qui ont un taux important en carbone, comme les forêts primaires ou les zones où il y a des tourbières. Ce qu’ils ont fait est déjà bien.

 Vraiment?

Qualifier la plate-forme RSPO de «greenwashing» me semble un peu fort, car c’est une des démarches les plus abouties. Ferrero sait maintenant d’où provient l’huile de palme qu’il utilise, les plantations sont vraiment plus responsables, surtout car des poches de forêt qui ont une importance pour la conservation sont préservées, par exemple près des rivières ou sur les pentes des montagnes, pour éviter l’érosion.

 Mais peut-il exister une huile de palme réellement «durable»?

Il est vrai qu’une monoculture de palmier ne peut de facto pas être «durable», car une monoculture n’est jamais durable. Disons que le vocabulaire n’est pas vraiment approprié. Il est vrai aussi qu’il faut pouvoir contrôler ce que font les industriels sur le terrain. Cela dépend surtout de la problématique gouvernementale sur place.

 Trouvez-vous injuste de cibler Ferrero?

Il y a trois ou quatre ans, il était juste de leur mettre la pression. C’était important car ils représentent près de 10% de l’huile de palme consommée en France. Mais maintenant, il serait plus juste de regarder d’autres secteurs, comme la cosmétique, la chimie ou les agrocarburants, où il y a beaucoup de choses à faire. L’huile de palme étant l’huile la moins chère, elle est partout. Les tourteaux de palmiste servent aussi à nourrir la volaille ou les porcs.

Mais attention, aussi, à ne pas cibler que l’huile de palme. C’est une cause importante de déforestation, mais c’est loin d’être la seule. L’élevage intensif consomme aussi beaucoup de tourteaux de soja. Une récente étude de l’ONG Fern indique que la France importe de grandes quantités de soja illégal qui ravage la forêt amazonienne.

Les mines de cobalt, de coltan ou d’or, minerais que l’on trouve dans nos objets high tech, participent aussi beaucoup à la déforestation. Idem pour le thé, le café ou le caoutchouc. «L’empreinte forêt» du cuir est aussi importante [un outil développé par l’ONG permet de mesurer l’impact de notre consommation sur celles-ci, ndlr] : la principale cause de déforestation en Amazonie est l’élevage bovin, or en France, on importe beaucoup de cuir. Le problème est complexe, et va au-delà de l’huile de palme.

 On peut donc continuer à manger du Nutella?

Oui, mais de façon raisonnée. Sachant que nutritionnellement, ce n’est pas forcément bon. On peut préférer certaines pâtes à tartiner chocolatées produites avec de l’huile de tournesol, mais celle-ci nécessite trois à quatre fois plus de surface agricole et encore faut-il s’assurer que ce ne soit pas une monoculture arrosée aux pesticides...