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Pour se protéger de la bactérie tueuse d’oliviers, Xylella fastidiosa, la Corse a décidé d’interdire toute entrée de végétaux sur son territoire. Jeudi 30 avril, à l’issue d’une réunion du conseil régional d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale (Crospav), le préfet, Christophe Mirmand, a signé un arrêté décrétant « l’interdiction de l’introduction de végétaux en Corse », avec des possibilités de « dérogation pour les professionnels, sur demande instruite par les services de l’Etat » et une possibilité d’entrée sur l’île limitée aux seuls ports d’Ajaccio et de Bastia. Ces dispositions entreront en vigueur dès le 11 mai.
Cette mesure, attendue en particulier par les producteurs d’huile d’olive corses, très inquiets des ravages causés par la bactérie sur les oliveraies des Pouilles (Italie) depuis octobre 2013, va bien au-delà des mesures prises par la Commission européenne. Mardi, les Etats membres ont décidé de renforcer leur lutte contre l’introduction et la dissémination de la bactérie. Ils ont décidé une « stricte éradication dans les zones infectées » pour les régions de Lecce, de Brindisi, de Tarente, dans le sud de la péninsule italienne, soit la destruction de toutes les plantes contaminées mais aussi des plantes hôtes répertoriées (oliviers, agrumes, pruniers, amandiers, vignes, lauriers roses, chênes, etc.) dans un rayon de cent mètres autour du végétal atteint.
D’autres mesures ont aussi été arrêtées, comme la délimitation de zones de vingt kilomètres de destruction des plantes infectées et de surveillance renforcée des autres végétaux, ou l’interdiction d’importation de caféiers provenant du Honduras ou du Costa Rica. C’est de ce dernier pays que venaient des caféiers d’ornement saisis à Rungis, au sud de Paris, contrôlés positifs à Xylella.
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L’« exception corse »
Le préfet de Corse a donc décidé de mesures nettement plus rigoureuses que celles promues par Bruxelles. « Je vais plus loin que Bruxelles et même que Paris, en permettant de suspendre des importations de végétaux, quelle qu’en soit la provenance », a déclaré au Monde M. Mirmand. Mais cette décision risque de ne pas plaire aux commissaires européens. Mercredi, le porte-parole à la santé et à l’environnement de la Commission, Enrico Brivio, expliquait que tous les Etats membres devraient se conformer aux décisions européennes, « la France comme les autres », et qu’il ne saurait « y avoir d’exception corse ».
Le préfet d’Ajaccio a donc demandé au gouvernement « d’engager une procédure de reconnaissance de la Corse comme exempte de Xylella fastidiosa », ce qui permet de maintenir les exportations de végétaux hors de Corse, la bactérie n’y étant à ce jour pas présente. Cette procédure doit aussi permettre de reconnaître l’île comme « zone protégée », « afin que la Corse puisse bénéficier d’exigences spécifiques supplémentaires que devront remplir les végétaux introduits sur l’île ».
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Si la demande française de zone protégée était rejetée par Bruxelles, le préfet demanderait néanmoins le maintien de l’arrêté pris jeudi. « Il faudra étudier la nature du contentieux que cela entraînera », dit M. Mirmand, assurant que sa décision a été prise avec l’assentiment de la direction générale de l’alimentation du ministère de l’agriculture.
La demande à Bruxelles de création d’une zone protégée ne pourra avoir lieu qu’une fois les mesures de protection européennes entrées en vigueur et publiées au Journal officiel de l’Union européenne, soit probablement pas avant le début du mois de juin. « Nous introduirons la demande si les conditions sont remplies, c’est-à-dire la certitude qu’il n’y a pas de présence de la bactérie sur le territoire visé », précisait-on au ministère, vendredi. La création de zone protégée a déjà eu lieu en Europe, notamment sur les îles britanniques. Il faut que la région ciblée soit isolée géographiquement et que des contrôles spécifiques y soient réalisables.
Deux ans de prison et 300 000 euros d’amende
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Certains, tels les producteurs d’olives, au sein du Crospav, réclamaient des mesures plus strictes, sans possibilité de dérogation. L’hypothèse de zones de quarantaine sur l’île a été abandonnée. « Nous ne savons pas exactement de quelle durée aurait pu être cette mise à l’isolement, car les temps d’incubation de cette bactérie ne sont pas connus avec précision », avance M. Mirmand. Mais une chose est sûre : tout végétal arrivant par l’un des nombreux ports corses, à l’exception des deux plus importants, sera détruit. De même pour les professionnels, les nombreux pépiniéristes ou paysagistes qui voudraient faire entrer des plantes sans autorisation préalable se les verront confisquées puis détruites.
Des affichettes seront apposées sur tous les bateaux reliant la Corse, notamment ceux en provenance de l’Italie voisine. La campagne d’information, déjà en cours, devrait s’intensifier sur les sites des compagnies de navigation. Les contrevenants aux mesures d’interdiction risqueront jusqu’à deux ans de prison et 300 000 euros d’amende.
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Dans son arrêté, le préfet a aussi détaillé les mesures conservatoires qui seraient prises en cas « de suspicion forte sur un végétal » : destruction, « mise en œuvre d’un traitement insecticide [la bactérie voyage de plante en plante grâce à des insectes vecteurs comme les cicadelles et les cercopes] dans un rayon de cent mètres autour du végétal », et surveillance renforcée dans la zone.
Pour mener à bien les missions de contrôle dans les ports, mais aussi chez les pépiniéristes ou dans les plantations, le préfet a demandé l’aide de Paris. « Il faut renforcer les services de l’Etat, et j’ai sollicité les services des douanes ainsi que ceux de la direction de la protection des populations », précise Christophe Mirmand.