Caen (AFP) - Un lycéen de 18 ans a été condamné jeudi en correctionnelle à Caen à trois ans de prison dont deux ferme pour de nombreux tweets faisant l'apologie du terrorisme, y compris des attentats de Paris, et des menaces de mort envers un imam modéré.
"Si c'est un délire, c'est un long délire", a lancé la procureure de la République de Caen Carole Étienne, parlant au sujet du prévenu de "profil type du candidat au jihad". La magistrate a souligné la longue série de messages postés sur le réseau social après les attentats du 13 novembre mais aussi avant, depuis mai 2015. Le tribunal a suivi ses réquisitions.
"Mon plus beau souvenir du Bataclan, pété de rire", a écrit le jeune homme dans un post accompagné d'une photo, mais aussi: "Fusillade à Paname, mort de rire", "Paris mobilisé contre Daech, lol (laugh out loud - mort de rire, ndlr), ils peuvent rien faire" ou bien, à l'adresse des musulmans qui pleurent les victimes des attentats "arrêtez votre cinéma"... Le jeune homme a bien repris les cours en septembre dans un lycée professionnel mais il n'y allait plus au moment de son arrestation mi-novembre.
Il est également condamné pour avoir menacé de mort l'imam de Drancy en mai 2015 sur le même réseau social. "S'il est toujours à Drancy, tuez-le", a-t-il écrit. Il s'agit d'un "imam qui prêche l'ouverture aux autres", a souligné l'avocat de la partie civile, Pascal Markowicz.
En six mois, le prévenu a posté plus de 70 pages de tweets, dans lesquels il exprime son soutien au groupe État islamique, dit avoir "un bac+5 préparateur de guerre civile" ou bien invite à "faire craquer la France comme ils ont fait craquer nos pays".
Sur ses appareils, les enquêteurs ont trouvé un photomontage de l'avis de recherche de Salah Abdeslam, suspect clé des attentats de Paris, avec sa propre photo à la place. "C'était pour faire une blague à ma tante", dira-t-il aux enquêteurs.
Les policiers retrouvent aussi le SMS d'une amie après les attentats du 13 mai: "Jure-moi que tu n'as rien à voir là-dedans."
- 'Un délire' -
Sur Twitter, un abonné lui demande s'il serait "acteur ou spectateur" d'un attentat à Caen. Le prévenu répond quand même: "Arrête de dire n'importe quoi."
Durant l'enquête, sa tante, qui se dit "modérée", déclare: "C'est un bon garçon (...) Je connais ses idées. Mais il n'est pas assez fou pour faire comme à Paris. Il m'a dit: +tuer des gens, c'est chaud quand même.+"
De son box de prévenu, le jeune homme, tête basse et mains derrière le dos, multiplie les "regrets" et les "excuses", y compris à l'égard de l'imam.
"C'était un délire, je le pensais pas du tout", dit le jeune homme. "Je me suis créé un personnage. En réalité, je suis pas du tout comme ça (...) J'étais accro" à Twitter. Il explique avoir réalisé, en quelques semaines de prison, qu'il avait mal compris sa religion.
Mais, spontanément, pendant la lecture de l'ordonnance de renvoi, le jeune homme, qui dit aimer les armes et en particulier les 9 mm, confirme penser que le jihad est, "oui, quelque part" un des piliers de l'islam, ce qui est faux, lui rappelle le président.
"Pour moi, le jihad, c'est la parole, un effort sur soi", avance-t-il, invité à revenir sur ces propos. Tout en assurant ne "pas pouvoir combattre".
Et pour son avocat, "c'est un gamin normal". "En dehors de Twitter, il n'y a rien", plaide Jean-Charles Jobin. Entre mai et novembre, la justice n'a pas bougé, parce qu'il n'y avait "pas de danger", ajoute-t-il. Il souligne aussi que son client, qui vivait à Hérouville-Saint-Clair, dans la banlieue de Caen, avec sa mère, avait appris en mai que celle-ci avait une sclérose en plaques.
Le jeune homme a été par le passé condamné à trois reprises par le tribunal des mineurs, pour violences ou outrage.