• Xavier Emmanuelli claque la porte du Samu social face à une situation "ingérable"
     
    Xavier Emmanuelli claque la porte du Samu social face à une situation "ingérable"
    Xavier Emmanuelli a jeté l'éponge. L'ancien secrétaire d'État à l'action humanitaire quitte le Samu social, qu'il préside depuis 1993. Une démission qui, en relançant le débat sur l'hébergement d'urgence, impose une réorganisation du système.
    Par Perrine MOUTERDE (texte)
     

    "Je me suis battu toute ma vie, je ne veux pas couvrir ça."

    Après 18 ans à la tête du Samu social, Xavier Emmanuelli ne lancera pas de nouveau "cri d'alarme" : cette fois-ci, il claque la porte. Trop peu d'argent pour faire face aux besoins, une logique de gestion et de contrôle qui prime sur l’entraide et l'humain, des batailles de chapelle entre la Ville de Paris et l'État... "Ce n'est plus gérable, dénonce Xavier Emmanuelli dans une interview publiée ce mercredi dans l'hebdomadaire satirique "Charlie Hebdo", dans laquelle il annonce sa démission. L'urgence sociale, personne n'y croit, ça appartient aux petits hommes gris [...], les technos, les mecs qui pensent structure, budget et pas souci de l'autre."

    Fondé en 1993, le Samu social est l'un des acteurs clés de l'aide d'urgence en France : en 2010, ce groupement d'intérêt public (GIP) a offert 1 930 000 nuits d'hébergement à des personnes seules ou en famille - un chiffre en hausse de 24 % par rapport à 2009. Il traite chaque jour un millier d'appels reçus via son numéro d'urgence, le 115, qui fonctionne 24 heures sur 24. Des équipes - "les maraudes" - se rendent de jour comme de nuit à la rencontre des personnes sans abri dans les rues de Paris. Financé à 92 % par l'État, le Samu social pourrait toutefois voir son budget consacré aux nuits d'hôtel diminuer de 25 %, le gouvernement ayant annoncé en mai une réduction importante des moyens alloués à l'hébergement d'urgence. 

    "Il démissionne pour hurler"  

    "Xavier Emmanuelli a raison, il démissionne pour hurler, écrit le médecin urgentiste Patrick Pelloux dans Charlie Hebdo. Moi, je reste sur le front de l'urgence, mais combien de temps vais-je tenir ? Le grand incendie social a commencé, l'explosion est inéluctable". 

    De nombreuses autres associations partagent ces craintes. Le président de Médecins du Monde (MDM), Olivier Bernard, qui dit comprendre la décision de Xavier Emmanuelli, s'avoue très préoccupé. "Depuis six mois, mes équipes m'alertent sur des situations individuelles d'impossibilité de logement d'urgence, notamment pour des femmes et des enfants que nous sommes obligés de diriger vers les urgences hospitalières, explique-t-il. C'est nouveau. Cela s'explique à la fois par la situation économique et sociale et par la réduction massive des budgets dédiés à l'hébergement d'urgence. On touche du doigt l'impact qu'a, sur les plus pauvres, la diminution des financements publics." 

    Outre la question financière, le président-fondateur du Samu social - sa démission devrait être effective en octobre - critique aussi dans "Charlie Hebdo" le fait que la lutte contre la pauvreté soit désormais dictée par la logique du "logement d'abord". Un concept mis en œuvre dans de nombreux pays, de l'Irlande aux États-Unis en passant par la Finlande ou le Danemark, qui consiste à dire que trop de personnes se trouvent dans des hébergements d'urgence, alors qu'elles pourraient être dans des logements 'normaux'.

    En France, l'idée est défendue par le gouvernement depuis quelques années. "On nous dit que la solution, c'est le logement d'abord, accuse Xavier Emmanuelli. Et on détruit la notion d'hébergement d'urgence qui est quand même le premier sauvetage. Quand vous n'avez pas de centres d'hébergement, que les types ne sont pas autonomes, que 30 % d'entre eux ont des problèmes psychiatriques, comment on fait ?"

    Une simplification radicale des dispositifs

    Si le sociologue Julien Damon, auteur notamment de "Éliminer la pauvreté" (PUF, 2010), partage le constat d'échec de la politique de prise en charge d (es personnes sans abri en France, il estime que les problèmes sont ailleurs. Plus que des moyens supplémentaires, il prône une réorganisation et une simplification radicale des dispositifs existant, notamment à Paris. Le Samu social, un instrument expérimental inventé il y a une vingtaine d'années, serait aujourd'hui "un mastodonte contre-productif".

    "Paris est la ville qui dépense le plus au monde pour l'hébergement et l'accueil des sans abri - on parle de centaines de millions d'euros chaque année - et qui a le plus de personnes en situation de détresse dans ses rues, constate-t-il. Il y a un coup de rabot dans le budget du Samu social, mais globalement les financements augmentent continuellement.

    Or il faudrait avant tout rationnaliser les dispositifs. Trois systèmes publics différents font la même chose à Paris : le Samu social, la brigade de la Préfecture de police (Bapsa) et le Recueil social de la RATP [dans le cadre de sa Mission de lutte contre la grande exclusion, NDLR].

    Si nous avions une autorité unique de commandement de l'intervention publique, nous aurions de meilleurs résultats. Nous aurions aussi des données plus fiables concernant l'ampleur des besoins et le profil des demandeurs : pour l'instant, nos connaissances statistiques sont extrêmement faibles."

    Le sociologue pointe un autre problème, spécifique à la France : le public le plus défavorisé n'est pas toujours celui qui a accès au logement social. "Il y a dans les centres d'hébergement d'urgence des personnes certes dans le besoin, mais qui devraient être dans des logements sociaux, affirme Julien Damon. Et dans les logements sociaux, des personnes qui sont loin d'être modestes."

    Sa démission, une "bonne nouvelle"

    Anésthésiste réanimateur, co-fondateur de Médecin sans frontières (MSF) dans les années 1970, ancien secrétaire d'État chargé de l'action humanitaire (1995-1997), président du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, Xavier Emmanuelli est considéré comme un homme engagé et humaniste - le "médecin des pauvres". Le secrétaire d'État au Logement, Benoist Apparu, a affirmé mardi regretter son départ, saluant son "formidable boulot" et son engagement.

    Pour Julien Damon, sa démission pourrait toutefois être une "bonne nouvelle". "Nous allons assister à un concert d'éloges, parfois hypocrites, du travail accompli par cette personnalité très sympathique, sorte d'Abbé Pierre... Mais une fois l'émotion passée, cela va peut-être provoquer un électrochoc. Il faut que la Ville de Paris, ou le Samu social, coordonne toutes les actions. Sinon, cet hiver, les même problèmes et les même polémiques vont reprendre."

    Olivier Bernard, lui aussi, juge que cette démission peut être salutaire. "Les responsables associatifs et politiques ont quelques mois, avant l'hiver, pour décider de mesures d'urgence et d'un plan ambitieux sur le long terme. Cette décision de Xavier Emmanuelli peut remobiliser les élus, quelque que soit leur bord politique et à tous les niveaux : au-delà des moyens, il faut un engagement de tous les élus, et pas seulement de l'État. Les réponses aux problèmes sont connues."

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    Affaire DSK : Hollande, Banon, Vandel et moi, et moi, et moi

    La une du Figaro du 19 juillet 2011.

    En France, on n'a pas de Murdoch, ni Rupert, ni James, mais heureusement, on a Dassault-Mougeotte. Avec la magnifique une du Figaro de mardi,   qui transforme Hollande en violeur présumé,   le sémillant tandem peut se vanter de s'être aligné, dans la manipulation crapoteuse, sur la glorieuse presse Murdoch, et même de l'avoir dépassée.

    Quant à la journaliste Laurence de Charette, qui « révélait » dans Le Figaro de mardi que Hollande allait être convoqué dans l'affaire Banon (ce que démentent ce mercredi à Libé les policiers de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne), elle pourrait aller donner des cours dans les écoles de journalisme d'outre-Manche (à propos, si vous voulez tout savoir sur Le Figaro de Dassault, précipitez-vous sur l'émission d'Arrêt sur images, avec le transfuge Macé-Scaron).

    La désinvolture d'Hollande est un tort

    De quoi Hollande est-il coupable ? D'imprécisions dans l'énoncé de ses souvenirs, à propos d'une affaire qui ne le concerne pas, et dont il aurait entendu parler à deux ou trois reprises. De ne pas restituer exactement ce que Banon et Mansouret lui ont dit à l'époque, et ce qu'il a répondu.

    Dans les premiers temps, quand l'affaire Banon a resurgi en mai, il a semblé la traiter avec désinvolture. Peut-être avait-il de bonnes raisons. Peut-être tout simplement ne s'en souvient-il pas, ce sont des choses qui arrivent.

    Peut-être, en 2003, a-t-il été effleuré par l'arrière-pensée qu'il pourrait détenir là des informations compromettantes pour DSK, informations qui pourraient un jour s'avérer utilisables. Peut-être aujourd'hui, est-il embarrassé par le souvenir de ces arrière-pensées qui lui ont fait prononcer un mot de trop, ou par une vague mauvaise conscience, ou par autre chose encore, de lui seul connu. Allez savoir. Mais cette désinvolture est un tort. C'est le genre d'affaire qui ne vous lâche pas.

    Je tiens à apporter mon témoignage à Mougeotte-Dassault

    Puisqu'on en est là, puisque Philippe Vandel va être entendu par la police, et puisque l'AFP en est à citer les souvenirs de Vandel avec une précision notariale (« Oui, je suis quasiment sûr qu'elle m'a montré les SMS »), je tiens à apporter mon témoignage à Mougeotte-Dassault, ainsi qu'à la BRDP.

    A l'époque, Vandel était rédacteur en chef d'Arrêt sur images, version télé. Et je me souviens, oui je suis quasiment sûr, que Vandel a abordé avec moi le cas de Tristane Banon. C'était dans les locaux de l'émission, dans le XVe arrondissement de Paris, plus précisément dans la salle des cassettes SVHS, entre le deuxième et le troisième rayonnage (les rayonnages, je crois bien, étaient bleus).

    Le ton de Vandel oscillait entre un émoustillement assez habituel chez lui, et une certaine incrédulité. Je crois bien, pour ma part, avoir fait banalement la même réponse que la plupart des audtionnées de la BRDP : tant qu'elle ne porte pas plainte, cette question me semble difficile à traiter.

    Si la BRDP souhaite davantage de précisions, je me permets de signaler que je serai absent de Paris une partie du mois d'août. Si Mougeotte-Dassault-Charette souhaitent réaliser un montage de Vandel et moi avec Tristane Banon, merci de ne pas choisir une photo trop moche.


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  • Monde 19/07/2011 à 17h34 (mise à jour à 18h27)

    Murdoch à deux doigts de l'entartage

     

    Capture d'écran publié sur le site internet du Guardian.

    Capture d'écran publié sur le site internet du Guardian.

    L'audition de Rupert Murdoch et de son fils James a été brutalement interrompue mardi après-midi, peu avant 17 heures, après l'irruption dans la salle d'un manifestant qui a tenté de jeter une mousse blanche sur le magnat des médias, a constaté un journaliste de l'AFP.

    Le manifestant a lancé ce qui semblait de la mousse à raser blanche déposée sur une assiette en direction du visage de Rupert Murdoch, mais a été bloqué dans son élan par l'épouse du magnat, selon la même source.

    «C’est le jour le plus humble de toute ma vie», a affirmé en préambule le fondateur du groupe transcontinental News Corp., convoqué en compagnie de son fils cadet par les dix députés membres de la commission des médias de la chambre des Communes pour une audition retransmise en direct par de nombreuses télévisions au monde.

    «Je voudrais juste indiquer combien je suis, combien nous sommes désolés, en particulier pour les victimes dont les messageries ont été interceptées, et leurs proches», avait auparavant déclaré James Murdoch, en référence aux écoutes illégales pratiquées pendant plus de 10 ans par le News of the World (NotW), le fleuron-tabloïd du groupe News Corp.

    «Nous sommes déterminés à mettre bon ordre à l’affaire, et à faire en sorte que ces choses ne se reproduisent plus», a ajouté le numéro 3 du groupe, qui faisait voici peu figure de dauphin. Avant que n’éclate l’affaire qui ébranle l’empire de son père, galvanise l’opposition britannique et déstabilise le gouvernement conservateur de David Cameron.

    Monosyllabes

    Pendant une heure, le patriarche de 80 ans a répondu le plus souvent à l’aide de phrases courtes et parfois par monosyllabes, après une longue pause. Quand il n’a pas éludé, par crainte d’entraver l’enquête de police en cours.
    «Acceptez-vous que vous êtes le responsable ultime de ce fiasco?», a demandé le travailliste Jim Sheridan. «Non», a lâché le magnat, visage fermé, le propos souvent ponctué de coups du plat de la main sur le bureau.

    Qui est responsable?, a poursuivi le parlementaire. «Les personnes à qui j’ai fait confiance, et ensuite peut-être les personnes à qui elles ont fait confiance», a répondu le magnat.

    Mais il s’est montré aussi incisif, assénant qu’il n’existait «absolument aucune preuve» que des proches de victimes des attentats du 11 septembre 2001 à New York aient été l’objet d’écoutes, en réponse à une question sur l’enquête préliminaire du FBI à ce propos.

    Il s’est également montré plus disert sur ses relations privilégiées avec les gouvernements britanniques successifs, indiquant avoir souvent rendu visite au locataire du 10 Downing Street. Et notamment pour féliciter M. Cameron au lendemain de sa victoire électoral en mai 2010, «en empruntant la porte de derrière».

    Et quand un des députés de la commission lui a rappelé que Rebekah Brooks, sa protégée, ex-rédactrice en chef du NotW, avait admis en 2003 que des policiers avait été payés en échange d’informations, il a dit: «Je le sais maintenant, mais je n’étais pas au courant à l’époque».

    Audience publique

    (Murdoch, père et fils, et derrière la femme du magnat de la presse, Wendi Murdoch/ Reuters)

    La quarantaine de personnes présentes dans la salle a ri quand un député lui a demandé s’il souffrait d’amnésie.
    Mme Brooks, la «reine des tabloïds», hier hyper-puissante et ultra-courtisée, a quitté son poste, et est aujourd’hui accusée de corruption et d’écoutes illicites depuis sa démission. Elle devait déposer dans la foulée devant les députés.

    Le NotW est soupçonné d’avoir espionné jusqu’à 4.000 personnes dans sa chasse aux scoops, dont des hommes politiques, des membres de la famille royale et d’autres célébrités. Mais la récente révélation qu’un détective privé à sa solde avait piraté le portable d’une écolière de 13 ans, assassinée en 2002, a suscité un tollé.

    Avant sa comparution, M. Murdoch s’était répandu en excuses, alors que tous ses efforts pour désamorcer la crise avaient échoué: fermeture du NotW, abandon de son projet-phare d’expansion au Royaume-Uni (le rachat de l’intégralité du bouquet satellitaire BsKyB) combattu par l’ensemble de la classe politique, sacrifice de deux fidèles lieutenants.

    «C’est le meilleur des spectacles en ville cet après-midi», avait assuré en milieu de matinée en connaisseur Andy Thompson, directeur d’une compagnie de théâtre canadienne, en bonne position dans la queue des badauds massés devant le parlement, dans l’espoir de voir M. Murdoch en chair et en os.

    Scotland Yard

    Au même moment, la commission des affaires intérieures entendait le chef de Scotland Yard, Sir Paul Stephenson, puis le patron de l’antiterrorisme, John Yates.

    Les deux hommes ont spectaculairement démissionné, tout en protestant de leur innocence, dans l’affaire qui laisse l’une des forces de police les plus connues au monde en total désarroi, accusée d’incompétence et de corruption.

    «Je crois qu’il y a 10 membres du département communication (de Scotland Yard) qui ont travaillé pour News International (les journaux britanniques de M. Murdoch) dans le passé, dont certains étaient journalistes», a dit Sir Paul, dont la confidence ne manquera pas de relancer les accusations de connivence avec la presse.

    (Source AFP)


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  • Dernière modification : 18/07/2011 
    - Chine - Conflit ethnique - Ouïghours - Xinjiang

    Incidents meurtriers dans un poste de police du Xinjiang
     
     Incidents meurtriers dans un poste de police du Xinjiang
    Un policier, un agent de sécurité et deux autres personnes ont été tués dans l'attaque d'un poste de police à Hotan, une ville de la région du Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine, qui est régulièrement secouée par des violences interethniques.
    Par Dépêche (texte) 
     

    AFP - Au moins quatre personnes, dont un policier, ont été tuées lundi dans l'attaque d'un poste de police dans le Xinjiang, région du nord-ouest de la Chine, ont rapporté les médias officiels.
                  
    Parmi les quatre morts figurent un policier et un agent de sécurité ainsi que deux personnes prises en otage durant l'incident qui s'est produit dans la ville de Hotan, selon l'agence Chine Nouvelle.
                  
    Chine Nouvelle a également indiqué qu'un nombre indéterminé d'assaillants avaient été tués, sans donner de précisions.
                  
    Les incidents se sont produits quand une foule a attaqué un poste de police, pris des otages et incendié le bâtiment, a ajouté l'agence précisant que la situation était désormais sous contrôle.
                  
    La capitale du Xinjiang, Urumqi, avait été secouée en juillet 2009 par des émeutes entre Ouïghours et Hans -- l'ethnie majoritaire en Chine -- qui avaient fait au moins 200 morts et quelque 1.700 blessés, selon des sources officielles.
                  
    Selon Amnesty International, deux ans après les émeutes interethniques, les Ouïghours sont toujours victimes de la répression des autorités chinoises et des centaines de personnes ont été détenues et jugées depuis les émeutes.
                  
    Plus de 25 personnes ont été exécutées ou condamnées à mort depuis ces troubles, selon les médias officiels.

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  • Agreg : moins de candidats que de postes!

    Jean-Paul Brighelli - Blogueur associé | Samedi 16 Juillet 2011 à 16:01

    Cette année, les candidats à l'agrégation ont été moins nombreux qu’il n’y avait de postes. Les places restantes seront prises par des vacataires de Pôle emploi ou par validation des acquis de l'expérience. Un indice de la faillite du système français juge Jean-Paul Brighelli qui appelle au renforcement du rôle de l'Etat dans l'éducation.


     

    Qui veut encore se faire prof ? Peu de monde, malgré le caractère attractif du salaire (1350 euros net en débutant à Bac + 5), le caractère reposant du métier, la considération universelle qu'il inspire, à une époque où, comme chacun sait, l'être l'emporte toujours sur l'avoir et la Bibliothèque de France sur le Fouquet's…

    Cette année, la carence de candidats a amené à l’oral, dans certaines matières, moins de postulants qu’il n’y avait de postes. Aucune raison que ces survivants-là fussent globalement meilleurs que ceux des années précédentes.  
    Il a donc fallu des tours de passe-passe, des notes relevées à la louche, l’indulgence des jurys et parfois une cécité volontaire pour qualifier les nouveaux Certifiés — en dehors de ceux qui le méritaient vraiment.  

    Du coup, bon nombre de jurys ont refusé de remplir la totalité des postes mis au concours (1). Au total, un petit millier sont laissés en jachère. La gabegie, oui, la chienlit, non.

    Résultat, certains des refusés menacent de porter plainte, oubliant qu’aucun règlement n’a jamais stipulé que les jurys devaient affecter tous les postes mis au concours. Dans les années 60-70, la défense du niveau amenait souvent les jurys à qualifier moins d’entrants que de postes. Mais ce sont sans doute les mêmes qui prônent 100% de réussite au Bac, et qui trouvent que 86% est une infamie hyper-sélective. Egalitarisme bien compris commence par soi-même.

    Le SNES, jamais en retard d’une démagogie, proteste hautement (2) et voudrait que l’on fasse profs des malheureux dépourvus de toute compétence — chair à canon pour le recrutement syndical, probablement. Au lieu de s’indigner, comme le fait par ailleurs le SNALC (3), du double bind, la double contrainte des jurys : accepter le plus grand nombre, quitte à descendre le niveau de recrutement plus bas que les pâquerettes, ou refuser cette mascarade, et autoriser du coup le ministère à nommer à la rentrée aux postes non pourvus des vacataires exfiltrés de Pôle Emploi, compétents par inadvertance, mais lâchés comme les autres dans la cage aux fauves. Avec en poche une Licence qui ne vaut pas tripette — grâces soient rendues aux universitaires qui persistent, sous prétexte qu’ils font de la Recherche, à ne pas former décemment les étudiants qui voudraient exercer le plus beau métier du mondeOui, honte à eux, qui n’ont pas voulu comprendre, depuis quinze ans, que la perte de substance au collège et au lycée, qui est le fait de programmes irréalistes et d’une idéologie pédagogique mortifère, leur promettait des générations d’étudiants en échec permanent. Et que la perte de substance dans les trois premières années de fac, qui est cette fois de leur fait exclusif, nous garantit, à nous, et à nos enfants, une pleine génération de frustrés, que l’on aura menés au bord de l’eau sans les laisser boire, titulaires de diplômes dont la reconnaissance sera aléatoire, et des enseignants qui, sauf miracle individuel, seront à la peine ou à la ramasse…

    Il n’en fallait pas plus pour que Josette Théophile (4), Directrice des Ressources Humaines des deux ministères de l’Education et de l’Enseignement Supérieur, pavoise. Et avoue, avec la naïveté et l’arrogance qui sont, depuis quelques années, l’apanage des grandes incompétences de la rue de Grenelle, que tout va très bien, Madame la Marquise. Le nombre de postes, dit-elle, excédait les besoins : « Nous avions anticipé les choses et surcalibré le nombre de postes offerts : sur les 978, environ 300 ne correspondent pas à des besoins des académies ». Admirable prévoyance ! Avec 16 000 suppressions de postes par an depuis trois ans et une architecture du « nouveau lycée » qui sacrifie hardiment les savoirs sur l’autel de la rigueur budgétaire, je veux bien croire qu’on ait de moins en moins besoin de profs — contre toute logique, et toute évidence. En tout état de cause on compensera les manques avec des vacataires, qui ont une Licence attribuée par les universitaires (voir plus haut…) et sont donc en mesure d’enseigner : à cette aune, qu’avons-nous encore besoin de concours ?

    D’ailleurs, c’est prévu. Le CAPES interne n’est déjà plus disciplinaire, c’est une Validation des Acquis de l’Expérience. Vous avez été Gentil Animateur au Club Med ? Qualifié comme prof de maths — ou de Lettres, au choix. L’agrégation est une survivance d’un passé discriminant — supprimons-la, nous ferons plaisir au SGEN et aux comptables, pseudo-libertaires et vrais libéraux main dans la main — ou pire. Les concours nationaux sont impossibles à gérer — d’ailleurs, les incidents se multiplient, par pur hasard bien sûr, depuis quelques années : autant les supprimer, comme le suggère le rapport Grosperrin (5), et permettre aux chefs d’établissement, bons juges en toutes matières, de recruter eux-mêmes leurs enseignants sur des « postes à profil »… Il ne sera plus nécessaire d’être compétent dans une quelconque discipline, mais on aura le petit doigt sur la couture du pantalon pédagogique. L’ignorance, c’est la force, et l’enseignement de l’ignorance, ça ne date pas d’hier, comme disaient Orwell, Jean-Claude Michéa — et ma pomme.

    La Poste ne marche plus : en vingt ans de libéralisation forcée, on a détruit un outil performant qu’on avait mis cinq siècles — depuis François Ier — à mettre au point.

    L’hôpital prend l’eau — nous avions le meilleur système de santé du monde, nous serons bientôt aussi mal en point que les Américains.

    L’Ecole était une réussite, et permettait à de nombreux enfants déshérités de devenir à leur tour héritiers : elle a été vidée de son contenu, mise à l’encan, livrée dans un premier temps aux pédagos, qui ont été les soutiers des bouchers libéraux — mais les uns et les autres mettront leurs enfants dans les quelques établissements, privés ou publics, que l’on gardera comme fabriques d’élites auto-reproduites.

    Nous nous sommes battus contre tous ceux, de droite et de gauche, qui sous les prétextes les plus divers ont ruiné le système français. Un combat perdu (6), sauf si nous arrivons à faire comprendre aux candidats crédibles à la future élection que leur avenir électoral passe par une remise en forme d’un Etat centralisé, seul capable de s’opposer aux forces centrifuges qui aujourd’hui épuisent les forces de la France — et sa patience.
     

    (1) http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/07/12/des-cent...

    (2) http://www.snes.edu/petitions/?petition=22

    (3) http://www.snalc.fr/affiche_article.php?actu=1&id=626...


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