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Sous le feu de vives critiques en Israël, Stéphane Richard, le PDG d’Orange, a décidé de s’expliquer, jeudi 4 juin, sur une petite phrase qu’il avait prononcée la veille et qui a mis le pays en émoi. Alors qu’il était au Caire, M. Richard avait déclaré que, s’il le pouvait, il déciderait dès « demain » le retrait d’Orange d’Israël. Cette déclaration semblait donner un écho favorable aux appels au boycott lancés dans différents pays contre l’Etat hébreu en raison de la poursuite de l’occupation par ce dernier de la Cisjordanie.
Le patron de l’opérateur de téléphonie français a tenu à rappeler que son groupe n’était pas lui-même directement présent en Israël. La question d’un départ ne se poserait donc pas. Le seul enjeu, souligne M.Richard, est celui du retrait de l’usage de la marque Orange par la société Partner. Orange dispose en effet en Israël d’un accord de licence avec cet opérateur, qui, dans ce cadre, utilise la marque en échange d’une redevance. Cet accord date toutefois de 1998, c’est-à-dire lorsque cette marque était encore la propriété du groupe chinois Hutchison, deux ans avant son rachat par France Télécom.
« Le groupe Orange n’est pas actionnaire de la société Partner et n’a donc aucune influence sur la stratégie ou le développement opérationnel de celle-ci », a également expliqué la direction de l’opérateur dans un communiqué publié jeudi.
« Rien à voir avec le contexte politique »
« Il s’agit d’une entreprise qui utilise le nom d’Orange, mais qui n’a rien à voir avec le groupe et qui n’est pas contrôlée par nous », a indiqué M. Richard au Monde, rappelant qu’aucun autre opérateur dans le monde ne dispose de l’usage de la marque Orange. Et que celle-ci est immédiatement retirée lors des cessions de filiale à un autre opérateur.
« Il n’est pas dans la politique du groupe qu’un opérateur sur lequel nous n’avons aucun contrôle utilise notre marque », poursuit-il. Mais, dans le cas de Partner, l’accord d’usage de la marque court jusqu’en 2025. D’où, assure M. Richard, son propos sur le fait que, s’il le pouvait, il déciderait dès « demain » d’un retrait. De la marque donc. Et de conclure : « Tout cela n’a rien à voir avec le contexte politique. »
Lire aussi : Orange évoque son retrait d’Israël, qui demande des excuses
Nétanyahou demande à l’Etat français de réagir
En Israël, les propos de M.Richard ont fait la « une » de tous les journaux, jeudi, et les réactions de l’ensemble de l’échiquier politique se sont multipliées. Le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a averti : pas question de pardonner « le drame absurde dans lequel une démocratie respectueuse des droits de l’homme, l’Etat d’Israël, se défend contre des tirs de missile et des tunnels de terroristes, puis subit des condamnations automatiques et des tentatives de boycott ». Le chef du gouvernement a appelé l’Etat français à « répudier publiquement la déclaration et l’action misérables d’une société », dont il est l’un des actionnaires.
Le président Reuven Rivlin a également invité Paris à se prononcer. « De façon inquiétante, je n’ai toujours pas entendu de la part des dirigeants français, comme cela a été le cas en Grande-Bretagne, de condamnations des remarques faites par le PDG de France Télecom », a-t-il souligné. Quant au chef de l’Union sioniste (centre gauche), l’opposant Isaac Herzog, il a estimé qu’« Orange est une poursuite de l’attaque » engagée avec la tentative de suspension d’Israël au sein de la FIFA. Il a mis en cause l’attitude du premier ministre, qui « continue à observer sur la touche, laissant les citoyens israéliens et les entreprises seuls sur le terrain, sans plan ».
Pression croissante sur Orange
M. Richard est accusé d’avoir essayé de répondre, par les mots, à la pression croissante exercée sur sa société dans le cadre de la campagne de boycott et d’appels aux sanctions contre Israël en raison de la poursuite de l’occupation de la Cisjordanie.
Dans un rapport publié il y a quelques semaines, intitulé « Les liaisons dangereuses d’Orange dans le territoire palestinien occupé », plusieurs organisations, dont la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), la CGT et le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre solidaire), ont en effet appelé l’Etat français, actionnaire, à faire plier l’opérateur.
Le rapport rappelait que la relation d’affaires entre Orange et Partner repose sur « un accord de licence de marque signé en 1998, renouvelé en 2011 et amendé en 2015 », permettant à Partner d’utiliser l’image d’Orange. De cette façon, Orange se rendrait complice, indirectement, de l’occupation israélienne de la Cisjordanie. « L’entreprise de télécommunications israélienne Partner exerce des activités économiques et réalise des profits dans les colonies israéliennes, notait le rapport. Elle a construit et possède une centaine d’antennes sur des terres privées palestiniennes confisquées, offre ses services aux colons et à l’armée israélienne, et tire profit des restrictions à l’économie palestinienne. »
Dans un communiqué publié jeudi, les organisations à l’origine du rapport ont qualifié les propos de M.Richard de « développement important », après leurs mises en garde répétées adressés à Orange. Mais elles demandent à présent des « mesures concrètes », en écartant l’argument des pénalités financières que l’opérateur aurait à payer en cas de rupture de contrat.