Avec le congrès du PS, l’exécutif pensait tenir sa position majoritaire pour mettre fin aux assauts des «frondeurs»: mais le recours à l’article 49-3 pour faire adopter le projet de loi Macron montre que la «guerre des tranchées» sape encore le camp socialiste.
«Pouvons-nous nous permettre, du fait de quelques-uns, dix jours de tranchées ici à l’Assemblée, devant le pays ?», s’est défendu Manuel Valls lors de la réunion hebdomaire des députés socialistes, durant laquelle le Premier ministre a confirmé qu’il engagerait de nouveau sa responsabilité pour faire adopter le texte sans vote.
Lors du premier recours au «49.3» en février, le Premier ministre avait revendiqué «un acte d’autorité» du fait d’une majorité «incertaine». Il a cette fois défendu un «acte d’efficacité», afin de ne pas perdre encore du temps en «débats inutiles».
Le gouvernement disposait-il cette fois d’une majorité pour faire passer un texte censé incarner le réformisme cher à Manuel Valls ? «Ce n’est pas la question», a éludé le Premier ministre devant la presse.
Mais les positions ont visiblement peu bougé après le congrès, malgré la nette victoire de la motion «A» portée par le premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis et soutenue par l’exécutif, avec le renfort de Martine Aubry.
«Certains utilisent un désaccord passé» pour exister «aujourd’hui», a dit le patron du PS devant les députés mardi. «Il n’y a pas seulement un problème de désaccords, mais un problème d’attitude dans le parti», a-t-il déploré.
«L’ambiance est mauvaise», reconnaissait un élu pendant la réunion du groupe.
Premier orateur, le chef de file des «frondeurs», Christian Paul, a déploré une nouvelle fois le recours au 49-3, évoquant «un échec collectif et une faute politique», mais aussi «des dérèglements préjudiciables pour réussir le quinquennat de François Hollande».
«Vous ne mettrez pas un coin entre le Premier ministre et le président de la République», lui a répliqué Manuel Valls un peu plus tard.
- Jusqu’au boutisme pro-entreprises ? -
Nouvelle pomme de discorde pour l’aile gauche: le plafonnement des indemnités accordées par les prud’hommes en cas de licenciement abusif, une mesure réaffirmée par Manuel Valls au surlendemain du congrès de Poitiers, ainsi que 17 autres visant à favoriser l’emploi dans les PME.
Pascal Cherki, l’un des membres de l’aile gauche, a protesté contre l’utilisation de l’arme constitutionnelle «pour faire avaler une mesure qui pose problème».
«Là où il y a un désaccord entre nous, c’est sur la logique du pacte de responsabilité», car nous, «nous considérons que nous devons accompagner la reprise», s’est justifié Manuel Valls mardi.
Au sein du gouvernement pourtant, certain s’interrogent sur une forme de jusqu’au-boutisme dans ce cap économique pro-entreprises.
«On est quand même au bout de la politique de l’offre. Il ne faut pas revenir dessus, mais je ne suis pas certain qu’il faille en rajouter», s’inquiète un ministre en privé.
Karine Berger, qui a présenté une motion distincte mais moins critique que les frondeurs, a jugé mardi qu'«on ne peut pas passer notre temps à donner raison au Medef», dans une interview à Libération.
Aucun des membres de sa motion ne participera d’ailleurs au mini-remaniement imminent pour attribuer les portefeuilles de la Recherche et du Commerce. «On a acté le fait qu’on ne rentrerait pas dans un gouvernement Valls et le 49-3 nous le confirme», selon un des députés de la motion Berger.
Des doutes se sont aussi exprimés à l’aile gauche sur l’intention réelle du gouvernement d’appliquer les mesures contenues dans la «motion A», dont certaines avaient déjà été enterrées depuis le début du quinquennat.
«La motion, ce n’est pas un mandat impératif pour les semaines qui viennent», admet-on à Matignon, même s'«il y a des choses intéressantes».
Quant à la saga du «49.3», elle devrait connaître un troisième épisode: le gouvernement y aura «très certainement» de nouveau recours en juillet à l’Assemblée, pour l’adoption définitive du projet de loi Macron, a indiqué un porte-parole des députés socialistes, Hugues Fourage.