Compte rendu
L’ancien président égyptien Mohamed Morsi
condamné à mort
L'ancien président islamiste Mohamed Morsi, déjà condamné à 20 ans de prison en avril pour incitation au meurtre, a été condamné à mort, samedi 16 mai, pour des évasions de prison et des violences durant la révolution de 2011.
Une centaine d'autres accusés, dont des dirigeants éminents de sa confrérie des Frères musulmans, ont également écopé de la peine capitale qui doit, pour tous les accusés, recueillir l'avis, non contraignant, du mufti d'Egypte avant d'être confirmée ou infirmée.
Dans ce procès, M. Morsi était jugé pour de massives évasions de prison et des attaques visant la police durant le soulèvement de 2011. Dans cette affaire, Mohamed Morsi et des dirigeants de sa confrérie sont accusés d'avoir planifié ces violences avec des responsables du Hamas et du Hezbollah libanais. Ils sont également accusés de s'être échappés de prison, alors qu'ils avaient été arrêtés quelques jours après le début de la révolte.
« Pas de preuves »
Lors du soulèvement de 2011, des manifestants dénonçant les abus de la police du temps de Hosni Moubarak avaient attaqué des commissariats. Aujourd'hui, alors que la police a redoré son image dans l'opinion publique, les Frères musulmans se retrouvent désignés comme responsables de ces violences, ce qu'ils nient.
Montasser Al-Zayat, l’un des avocats de la défense, interrogé par Le Monde quelques jours avant l’audience, dénonçait la façon dont le procès était organisé :
« Ils n’ont pas de preuves pour les condamner. Mais notre mission est impossible. Ils ont choisi des juges qui vont rendre le verdict que les autorités veulent qu’ils rendent. Si la justice était indépendante, il devrait être acquitté. »
Des juges ont été tout spécialement désignés pour ce procès jugé devant une cour spéciale, ce que Montasset Al-Zayat qualifie d’illégal au regard de la loi.
Espionnage
Les sessions se sont déroulées à huis clos : ni la presse ni les familles des accusés n’ont été autorisées à assister aux audiences. Le procès a toutefois été retransmis sur les chaînes de télévision nationale. « Quand nous nous adressions à la cour ou que le Dr Morsi était autorisé à parler depuis sa cage insonorisée, nos propos n’étaient pas retransmis », assure l’avocat, qui pointe par ailleurs qu’au regard du droit, le libre accès à son client aurait dû être garanti dans l’enceinte du tribunal. Seul un autre avocat de la défense, Mohammed El-Damaty, a été autorisé à rencontrer à une occasion l’ancien président égyptien en détention.
Le parti des Frères musulmans, Justice et Liberté, interdit depuis décembre 2013 en Egypte, a dénoncé dans un communiqué cette condamnation :
« Cette journée restera dans les mémoires comme l’une des plus sombres de l’histoire de l’Egypte. Ces dernières charges sont une autre tentative de faire disparaître de manière permanente la démocratie et le processus démocratique en Egypte. »
« L'Egypte revient à l'Egypte antique »
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a lui aussi critiqué cette décision, accusant l'Occident de « fermer les yeux » sur le coup d'Etat de 2013 qui a évincé M. Morsi du pouvoir. « L'Egypte revient à l'Egypte antique », a-t-il fustigé.
Le tribunal devait aussi se prononcer samedi sur une deuxième affaire dans laquelle l’ancien président est accusé d’espionnage, notamment au profit du Hamas, du Hezbollah et de l'Iran.
Mohamed Morsi, premier président démocratiquement élu en Egypte, peut faire appel de cette condamnation à mort. Il avait été renversé en juillet 2013 par l'ex-chef de l'armée et actuel chef de l'Etat Abdel Fattah al-Sissi, au terme d'une année tumultueuse au pouvoir.