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    Martine Aubry demande l'encadrement des loyers à Lille

    Le Monde.fr avec AFP | <time datetime="2014-08-30T16:49:26+02:00" itemprop="datePublished">30.08.2014 à 16h49</time> • Mis à jour le <time datetime="2014-08-30T16:54:29+02:00" itemprop="dateModified">30.08.2014 à 16h54</time>

    lien Martine Aubry, maire de Lille, en avril après les élections municipales.
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    La maire de Lille, Martine Aubry, demande samedi 30 août à Manuel Valls de faireappliquer l'encadrement des loyers, mesure de la loi Alur qu'il a enterrée en la limitant à Paris, dans les villes de province « volontaires », dont la sienne.

    Le premier ministre a annoncé vendredi que ce dispositif s'appliquerait uniquement dans la capitale à titre expérimental, provoquant la colère de l'aile gauche du Parti socialiste et des écologistes, dont Cécile Duflot, qui avait fait voterla loi lorsqu'elle était ministre du logement. Martine Aubry, restée discrète depuis la présidentielle mais toujours influente au PS avec des relais notamment chez les « frondeurs », dit regretter cette décision et rappelle qu'il s'agissait de« l'engagement 22 de François Hollande », qui l'avait devancé à la primaire socialiste en 2011.

    Lire notre synthèse : Immobilier : le coup de canif du gouvernement dans la loi Duflot

    Lire aussi : Valls mise sur l'investissement locatif pour relancer l'immobilier

    D'AUTRES VILLES VOLONTAIRES

    « Paris n'est pas la seule ville de France à avoir besoin d'une régulation de sesloyers », écrit-elle dans un communiqué publié au moment même où Manuel Valls faisait son arrivée à La Rochelle, où se tient l'université d'été d'un PS divisé sur le cap social-démocrate pro-entreprises adopté par l'exécutif. « Nous souhaitons que Lille, malheureusement reconnue comme la troisième ville la plus chère de France, puisse également encadrer ses loyers », dit-elle.

    Si l'ancienne patronne du PS, plutôt classée à la gauche du parti, ne nie pas les difficultés techniques invoquées par Manuel Valls et les professionnels de l'immobilier pour enterrer cette mesure forte de la loi Alur, elle affirme que sa ville a pris les devants.

    « A Lille, depuis plus d'un an maintenant, nous travaillons en anticipation des obligations légales. Plus que jamais, nous sommes déterminés à faire aboutir ce travail, car notre ville a cruellement besoin d'un dispositif national lui permettant deréguler localement ses loyers et de les rapprocher des capacités financières réelles de ses habitants, tout en préservant la rentabilité des investisseurs.
    Nous demandons que, comme Paris, Lille et d'autres villes volontaires bénéficient de l'encadrement des loyers prévus par la loi Alur dans le respect de l'engagement 22 de François Hollande. »
     
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  • lundi 11 août 2014

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    Le gouvernement tétanisé par le scénario noir de la rentrée

     

     
    PAR MARTINE ORANGE | 10 AOÛT 2014 
     
     
    La rentrée s’annonce sous de sombres auspices pour le gouvernement. Selon les prévisions du Trésor, toute l’Europe, y compris l’Allemagne, est prise dans une spirale déflationniste. Tous les espoirs de retrouver la croissance, d’endiguer le chômage, de redresser les comptes publics risquent d’être réduits à néant. Montebourg milite pour un changement de politique. Valls hésite et Hollande ne dit rien.  
     
    Déflation. François Hollande a lâché le mot. « Il y a un vrai risque déflationniste en Europe. En France, l’inflation n’a jamais été aussi basse », déclare-t-il le 3 août au Monde. En marge d’un entretien sur les relations avec l’Allemagne au moment du centenaire de la Première Guerre mondiale, le président de la République n’a pu s’empêcher de s’attarder longuement sur les risques encourus dans la zone euro. Comme si, après avoir découvert les sombres prévisions économiques lors du séminaire gouvernemental du 1er août, il estimait urgent de préparer l’opinion publique à une rentrée difficile. Comme s’il lui fallait prendre tout de suite à témoin les Français pour leur annoncer que le sol se dérobait sous ses pieds.

     
    Le premier ministre Manuel Valls avait eu, lui aussi, un ton alarmiste devant la presse à la sortie de ce séminaire gouvernemental. « La rentrée va être difficile en matière de conjoncture économique », avait-il annoncé. « À la mi-août, nous aurons quasiment les chiffres de croissance pour l’année 2014, ainsi que les chiffres de l’inflation. On peut constater et je constate qu’au niveau européen, la croissance et l’inflation sont en retrait par rapport à ce que nous pouvions atteindre. L’écart par ailleurs se creuse entre la zone euro et le reste du monde, le risque de déflation est réel », avait-il averti.
     
    Le séminaire gouvernemental du 1er août ne devait être qu’un séminaire de plus pour faire le point avant les vacances. Pourtant, à en croire les témoins qui ont recueilli les confidences de certains participants, cette réunion marque un tournant. C’est un scénario noir qui se dessine pour le gouvernement. Toutes ses prévisions, ses espoirs de reconquête, ses engagements de redressement budgétaire, ses plans de retour de la compétitivité et d'allégement des charges paraissent être à terre face à une conjoncture économique en Europe qui se dégrade à toute vitesse.
     
    « François Hollande semble avoir découvert la rupture profonde causée par la crise de 2008. Il vient de comprendre que tous ses schémas économiques appris il y a quarante ans n’étaient plus de mise », résume un témoin qui s’est fait raconter la scène.« François Hollande sait très bien que tout a changé », réfute un autre proche du pouvoir. « Mais il a triché avec la vérité. Maintenant, il est rattrapé par son mensonge. Il ne peut plus esquiver, faire miroiter un retour de la croissance, une reprise de l’emploi qui ne viennent jamais. Il est au pied du mur », dit-il.
     
    Ce que le gouvernement a découvert lors de ce séminaire est tout sauf une surprise. De nombreux économistes ont mis en garde de longue date les responsables européens sur les dangers d’imposer partout en même temps des politiques d’austérité budgétaire et de restriction monétaire. Cela ne pouvait qu’entraîner la zone euro dans la déflation, ont-ils prévenu. Ces dernières semaines,  plusieurs rapports du FMI ou de l’OCDE ont tiré la sonnette d’alarme sur la situation en Europe. Les prévisions du Trésor, présentées le 1er août, sont venues confirmer les appréhensions : souffrant d’une croissance nulle et d’une inflation proche de zéro (0,4 % en juillet), la zone euro est entraînée dans une spirale déflationniste. Le mal ne touche plus seulement les pays de l’Europe du Sud, mais atteint désormais le cœur du système : l’Allemagne se retrouve elle aussi prise dans la déflation.  
     
    Des signes avant-coureurs annoncent le danger à venir. Le 30 juillet, le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, a pris tout le monde de court : il s’est prononcé en faveur d’une hausse des salaires. Une augmentation de 3 % ne serait pas malvenue, expliquait-il dans un entretien au Frankfurter Allgemeine Zeitung. Sa déclaration a été incomprise par le monde économique allemand, tant patronal que syndical, qui depuis dix ans voit dans la modération salariale l’arme consacrant le retour de sa puissance. Les experts monétaires, eux, y ont vu un sombre avertissement : si le président de la Bundesbank, gardien de la plus stricte orthodoxie monétaire, en arrive à rompre avec ses principes les plus fermes, pas de doute, l’heure est grave.
     
    Depuis, plusieurs chiffres sont venus confirmer que l’Allemagne, contrairement à ses espoirs de rester un îlot de prospérité dans une zone euro ravagée, est entraînée à son tour dans la chute européenne. Les prises de commande ont diminué de 3,2 % en juin par rapport au mois précédent. La production industrielle n’a augmenté que de 0,3 % en juin, alors que les analystes s’attendaient à un rebond d’au moins 1 % après une chute inattendue de 1,7 % en mai. Ces premiers chiffres font craindre une croissance très faible pour l’Allemagne au deuxième trimestre, et peut-être nulle par la suite. Car le ralentissement est intervenu avant la crise ukrainienne, les sanctions contre la Russie et la riposte de Poutine.
     
    Les membres du gouvernement, même les moins familiers en économie, n’ont pas eu besoin d’explications pour comprendre ces prévisions. Si l’Allemagne ralentit, c’est toute l’Europe qui plonge. Tous les espoirs de redressement de la croissance en France sont réduits en cendres. Le Cice, le plan compétitivité, les dizaines de milliards d’euros que le gouvernement s’apprête à consentir aux entreprises, risquent d’être dépensés en pure perte. Jamais le gouvernement ne parviendra à enrayer la montée du chômage dans un environnement européen dépressif.
     
    « Si l'on est au-dessus de 0,5 % de croissance à la fin de l'année, ce sera déjà bien », aurait déclaré le ministre des finances, Michel Sapin, lors de la présentation des prévisions selon le Canard enchaîné. Le ministère des finances a démenti ces informations par la suite, confirmant sa prévision de croissance de 1 % pour 2014. Le FMI, l’OCDE et l’agence de notation Moody’s ont déjà abaissé leurs prévisions pour la France. Au mieux, la croissance serait de 0,6 % cette année.
     
    Mais des perspectives beaucoup plus sombres ont été évoquées lors de ce séminaire, selon nos informations. Si la production industrielle s’est redressée en juin (+ 1,3 %), après une baisse de 1,6 % en mai, elle affiche un recul de 0,5 % pour l’ensemble du deuxième trimestre, selon l’Insee. Les mois à venir s’annoncent beaucoup plus difficiles. Les enquêtes auprès des chefs d’entreprise font état d’une baisse constante des carnets de commande. Plus que du coût du travail, ceux-ci se plaignent d’une chute de la consommation. Depuis le début de l’année, la demande de crédit stagne. Les dépôts de permis de construire pour les logements sont en chute de 30 %. Les appels d’offres publics ont diminué de 60 %. Dans l’expectative jusqu’aux élections municipales, inquiètes de la suite des projets de réduction des dépenses publiques et de la réforme territoriale, les collectivités territoriales, qui sont les premiers investisseurs publics, ont gelé les projets d’investissement et commencent même pour certaines à réduire les budgets de fonctionnement.
     
    Changer de politique, dit Montebourg
     
    Plusieurs préfets ont déjà alerté le gouvernement, annonçant une rentrée catastrophique. De nombreuses entreprises, notamment de BTP, seraient menacées de faillite, faute de commandes publiques. Les retards de paiement s’accumulent. De nombreux plans de licenciement et de fermeture se préparent, ont-ils prévenu. « Nous sommes déjà à plus de 3 millions de chômeurs. À combien serons-nous à la fin de l’année, si la zone euro plonge ? », se demande un conseiller. François Hollande doit se poser aussi la question, lui qui a lié son avenir politique à la baisse du chômage.
     
    « Michel Sapin a compris qu’il avait un problème. Sans croissance, il lui est impossible de redresser les comptes publics et de ramener le déficit budgétaire à 3,8 %, comme la France s’y est engagée auprès de la commission européenne. C’est toute la crédibilité du gouvernement qui est en jeu », note un proche du pouvoir.
     
    Depuis quelque temps, Bercy sait qu’il n’est plus dans les clous de l’exécution budgétaire. Le scénario de 2013, décrit dans un rapport de la Cour des comptes, est en train de se répéter : les recettes budgétaires attendues ne sont pas au rendez-vous, en raison de la baisse de l’activité. À la mi-juillet, les rentrées des impôts sur les sociétés n’étaient qu’à 41,2 % de l’objectif fixé au lieu de 50 %, les recettes de la TVA étaient à 48,6 %. Pourtant, les objectifs ont été abaissés dans le cadre de la loi de finances rectificative. Seuls les impôts sur le revenu sont au-dessus des prévisions, en raison des nouvelles mesures fiscales (abaissement du quotient familial, fiscalisation des mutuelles, etc.). « La loi de finances a été bâtie sur des hypothèses de croissance de 1 % et d’inflation de 1,2 %. C’est tout à fait irréaliste. Si on abaisse les prévisions pour ramener la croissance à 0,5 % et l’ inflation à 0,5 %, ce qui serait déjà bien, cela se traduit par 10 à 15 milliards d’euros de recettes en moins », dit un connaisseur des finances publiques. Selon ses calculs, le déficit budgétaire est appelé à être de l’ordre de 4,3 % cette année au lieu des 3,8 % promis.
     
    Que faire ? Annoncer de nouvelles mesures de rigueur, de nouvelles réductions de dépenses, un nouveau programme d’austérité pour répondre aux injonctions européennes et respecter « les engagements de la France » ? Changer radicalement de politique, en essayant d’entraîner d’autres pays européens pour forcer l’Europe à sortir de l’austérité ? « On ne peut pas dire que le débat économique fait rage au sein du gouvernement. C’est plutôt le désarroi », raconte un proche du pouvoir.
     
    Arnaud Montebourg, selon plusieurs témoignages, a malgré tout tenté de le lancer. Depuis plusieurs mois, le ministre de l’économie et du redressement productif milite pour un changement d’orientation de la politique économique. « Une politique de rétablissement des comptes publics est impossible sans croissance », n’a-t-il cessé de marteler. Lors de son discours programmatique du 10 juillet, il avait tenté de dessiner un autre chemin afin, expliquait-il alors, de redonner un peu de pouvoir d’achat aux Français et de relancer la demande.
     
    Autour de la table du conseil dans le salon Murat, il a repris l’argumentation. Les prévisions du Trésor venaient confirmer ses analyses. D’abord, aurait-il expliqué, il y a urgence à dire la réalité de la situation. « Aussi difficile qu’elle soit, il faut dire la vérité. On ne peut plus promettre une croissance qui ne viendra pas, un abaissement du chômage qui ne se produira pas, si on maintient cette politique », a-t-il déclaré en substance.
     
    Pour le ministre de l’économie, le problème n’est pas au niveau français mais au niveau européen. Il faut mener un combat politique pour obtenir une réorientation de la politique économique européenne, en finir avec les politiques d’austérité et de consolidation budgétaire qui condamnent la zone euro à une décennie de stagnation.« La croissance est une question politique. C’est à nous de prendre la tête de ce combat. La gauche a encore quelque chose à faire et à dire dans ce débat », a-t-il insisté face aux autres membres du gouvernement.
     
    « Arnaud Montebourg est persuadé que l’Allemagne, à un moment ou un autre, va réagir si la déflation l’atteint à son tour. Pour lui, il importe que la France n’attende pas les décisions de Berlin, et se mette alors à sa remorque, mais qu'elle préempte le débat, pour ne pas se faire imposer des solutions qui ne lui conviennent pas », explique un de ses proches.
     
    Prudemment, Michel Sapin semble être resté silencieux après la sortie d’Arnaud Montebourg. C’est Laurent Fabius qui a défendu la poursuite de la politique arrêtée par le gouvernement, au nom de la crédibilité de la France. Reprenant les critiques de l’Allemagne et de la Commission européenne, le ministre des affaires étrangères a expliqué que la France ne pouvait toujours se dédouaner de ses propres faiblesses sur les autres, qu’elle devait mener les réformes qu’elle s’était engagée à mener. Et puis, a-t-il fait valoir, les marchés ne manqueraient pas de sanctionner la France, si le gouvernement relâchait ses efforts.
     
    Le dilemme de Manuel Valls
     
    Les marchés ! Depuis l’élection présidentielle, François Hollande et le gouvernement vivent dans la hantise d’une attaque spéculative contre la France, comme l’ont connue l’Espagne, l’Italie ou le Portugal. La menace a été mille fois agitée par l’ancien ministre des finances, Pierre Moscovici, pour obtenir un alignement de la politique française sur les préconisations de la Commission européenne. Depuis dix-huit mois, la pression s’est relâchée sur la zone euro, grâce à l’intervention de la BCE. Les taux français n’ont jamais été aussi bas. « Le spread (différence de taux entre l’Allemagne et la France) est bon », s’est félicité François Hollande.
     
    Mais qu’arrivera-t-il si la déflation s’installe durablement dans la zone euro, si les marchés prennent à nouveau conscience du montant insoutenable des dettes publiques dans certains des États comme l’Italie, si la France dévisse à nouveau ? Avant même que les tensions géopolitiques n’aggravent l’environnement, des messages de proches, familiers du monde des affaires, ont été adressés ces derniers temps à Jean-Pierre Jouyet, le secrétaire général de l’Élysée, et à Manuel Valls pour les avertir sur les possibles difficultés anticipées par les entreprises en 2015, détails à l’appui. C’est une entreprise du Cac 40, travaillant dans la grande distribution, qui donne consigne à son service de trésorerie d’assurer dès maintenant tous les financements, afin de ne pas dépendre du marché en 2015. C’est un groupe industriel, qui lui aussi prend toutes les précautions de financement, par peur de voir les marchés complètement fermés l’an prochain.
     
    Ces mises en garde ont, semble-t-il, fait forte impression. Le gouvernement vit à nouveau dans la hantise des marchés. Les sombres prévisions de la rentrée renforcent ses craintes et le tétanisent. Quel signal envoyer pour rassurer les marchés et éviter une attaque ? Poursuivre la ligne politique arrêtée, comme le défend Laurent Fabius ? Ou changer de politique pour ramener la croissance, comme le propose Arnaud Montebourg ?
     
    Au fil des semaines, Manuel Valls paraît de plus en plus convaincu de la nécessité de changer de braquet. Tous les chiffres viennent lui confirmer que le gouvernement semble ne plus avoir de prise sur la situation économique. Le capital politique dont il disposait à son arrivée à Matignon fond comme neige au soleil. La veille du séminaire gouvernemental, un sondage publié par le Figaro a créé un choc : quel que soit le candidat – Hollande ou Valls –, la gauche ne serait pas au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2017. L'avenir politique du premier ministre est désormais en question. « Manuel Valls hésite entre être un premier ministre loyal à François Hollande ou se rebeller. Il attend d’en savoir plus sur la position de François Hollande », résume un de ses proches.
     
    « Comme à son habitude, François Hollande est évasif. Il n’est rien sorti de ce séminaire gouvernemental », dit un participant. « Il a semblé très embêté. Il a dit qu’il fallait maintenir la ligne et prendre des décisions claires qui soient comprises par les Français », raconte un autre. Depuis, le conseil constitutionnel a censuré une de ses seules mesures compréhensibles par l’opinion publique, qui visait à redonner du pouvoir d’achat aux ménages les plus modestes. Il a jugé que l’allègement des cotisations sociales pour les salaires inférieurs à 1,3 fois le Smic, prévu dans le cadre du pacte de compétitivité, était « contraire au principe d’égalité ». Un nouveau revers pour le gouvernement.
     
    Les ministres sont repartis du séminaire du 1er août, inquiets de ce qui pourrait se passer à la rentrée, ignorant tout de la direction du gouvernement. Depuis, ils ont vu que François Hollande essayait de façon brouillonne d’obtenir un changement de l’Allemagne. Ses appels à une relance économique ont donné lieu à une nouvelle rebuffade allemande. « Nous ne voyons aucun besoin d’apporter le moindre changement à notre politique économique. L’Allemagne est déjà le plus important moteur de la croissance en zone euro », a rétorqué la porte-parole du gouvernement, au nom d’Angela Merkel partie en vacances, en réponse aux propositions de relance de l’Élysée.
     
    « Si la France veut obtenir un changement de la politique européenne, elle ne l’obtiendra pas en quémandant auprès de l’Allemagne, mais en construisant une alliance avec d’autres pays européens. L’ennui est qu’elle a raté le coche en 2012. Toute l’Europe du Sud attendait alors la France et était prête à la suivre. François Hollande a préféré signer le pacte de stabilité budgétaire sans discuter et promettre de ramener le déficit à 3 %. La France a perdu tout son crédit. Depuis, l’Italie a choisi d’aller son chemin. L’Espagne s’est rangée derrière l’Allemagne. Plus personne n’attend la France », constate un observateur.
     
    Au cœur de l’été, l’Élysée et Matignon soupèsent l’avenir politique. Mais les petits calculs semblent encore l’emporter. Aucune vision, susceptible de redonner confiance, d’en finir avec le défaitisme ambiant ne se dégage. « Si Manuel Valls n’obtient pas un changement de politique à la rentrée, il n’a plus qu’à démissionner. Sinon, il est mort politiquement », dit un observateur proche du premier ministre. Celui-ci dit lui avoir donné ce conseil, ces derniers jours, par SMS.

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    Martine Aubry, la nouvelle épine

    dans le pied de l’exécutif

    <time>Publié le 23-07-2014 à 18h48     </time>lien 

    Après sa sortie très critique envers la nouvelle carte des régions et l'Elysée, la maire de Lille n'entend pas en rester là.

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    François Hollande, Martine Aubry et Manuel Valls, en octobre 2012. (JOEL SAGET / AFP)François Hollande, Martine Aubry et Manuel Valls, en octobre 2012. (JOEL SAGET / AFP)
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    Fidèle à son caractère, Martine Aubry n’a pas mâché ses mots. Vendredi dernier, la maire de Lille a brisé, depuis un café parisien, le silence auquel elle s’était astreinte, pour taper sur la nouvelle carte des régions qui prévoit, dans sa version remaniée par les députés socialistes, la fusion de son fief du Nord-Pas-de-Calais avec la Picardie. Surtout, elle en a profité pour distiller au passage quelques piques bien senties à François Hollande, son adversaire lors de la primaire socialiste de 2011 : "Il n'est pas trop tard pour réussir le quinquennat".

    Les répliques n’ont pas tardé. "Cela ne me semble pas véritablement la bonne façon de travailler", a jugé mardi 22 juillet le patron des députés socialistes Bruno Le Roux, reprochant à Aubry son manque de solidarité. Ce week-end, c’est Manuel Valls qui jugeait l’offensive "disproportionnée" dans les colonnes du "JDD". Il faut dire qu’après le vent de fronde qui a soufflé dans les rangs du PS ces dernières semaines, et dont certains des meneurs sont des proches de l’ancienne dirigeante du PS, la sortie de celle-ci a de quoi agacer l’exécutif. Ce dernier a toutefois préféré arrondir les angles : "Il faut toujours entendre les grands élus. Martine Aubry, c'est quelqu'un qui compte énormément. C'est une ancienne première secrétaire du PS [...] Il faut entendre toutes les positions mais aussi à un moment donné, [il faut] acter des choix qui sont faits au niveau du Parlement", a fait savoir l’entourage de Valls.

     
     

    "Pas de récupération"

    Du côté des aubrystes, la lecture de l’épisode est évidemment tout autre. Non, la sortie de la maire de Lille ne tient pas du règlement de comptes mais plutôt d’une franche mise au point. Pour avoir voulu passer en force sur ce redécoupage régional, le gouvernement ne devait pas s’attendre à autre chose, disent-ils en substance. D’autant plus, insistent-ils, que l’ancienne première secrétaire du PS a de tout temps fait preuve d’une loyauté sans faille à l’égard du locataire de l’Elysée. "Elle a toujours joué collectif, en adressant ses critiques, lorsqu’elle en avait, directement à François Hollande ou Manuel Valls", défend le député de l’Ardèche Olivier Dussopt, qui fût son porte-parole au moment des primaires socialistes.

    Beaucoup auraient réagi ainsi à sa place. Il ne s’agit pas d'une offensive politique mais d'un désaccord sur la méthode", renchérit le député aubryste de la Nièvre Christian Paul, frondeur de la première heure, qui récuse tout calcul politique.

    Les parlementaires proches du Premier ministre n’ont pas manqué pas de voir, derrière la sortie du bois de la maire de Lille, le signe de l’officialisation imminente de son alliance politique avec une partie des frondeurs, quelques mois avant un congrès programmé pour 2015. Avec Christian Paul et Laurent Baumel, le député des Hauts-de-Seine Jean-Marc Germain, fidèle de toujours d’Aubry, en est l’autre tête de pont. "Elle a parfaitement compris le sens de ce que nous faisons et respecte notre initiative, sans vouloir la récupérer", assure Paul. Qui n’ignore pas que la caution d’Aubry, aussi implicite soit-elle, conférerait une nouvelle envergure au mouvement de contestation, qui a donné quelques sueurs froides à l’exécutif.  

    "Depuis les défaites, elle a besoin de s'exprimer"

    Aux traditionnelles universités d’été des socialistes, fin août à La Rochelle, Aubry ne sera pas de la fête. Sa voix n’en aura pas fini de porter pour autant. Son courant s'y réunira, autour de son lieutenant, l'ancien ministre de la Ville François Lamy. L’ex-première secrétaire, qui entend être présente sur le plan de la politique nationale dès la rentrée, a également fait savoirque désormais, elle s'exprimerait "aussi sur les autres questions". Elle a aussi informé Jean-Christophe Cambadélis de sa volonté de s’impliquer dans les états-généraux du parti. "Depuis les défaites électorales aux municipales et aux européennes, elle ressent le besoin de s’exprimer", explique Christian Paul. Une parole qui résonnera sans aucun doute jusqu'à l’Elysée et Matignon.

    Audrey Salor - Le Nouvel Observateur

    L'assemblée nationale adopte la nouvelle carte des régions 

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    Le congrès du PS suspendu aux régionales

    Le Point.fr - Publié le <time datetime="2014-07-11T15:33" itemprop="datePublished" pubdate="">11/07/2014 à 15:33      </time>lien 

    Jean-Christophe Cambadélis a annoncé la tenue d'états généraux du PS jusqu'à fin décembre. La date du prochain congrès reste, en revanche, un mystère.

    <figure itemprop="associatedMedia" itemscope="" itemtype="http://schema.org/ImageObject">

    Le nouveau patron du PS Jean-Christophe Cambadélis.

    <figcaption>Le nouveau patron du PS Jean-Christophe Cambadélis. © LCHAM / SIPA</figcaption></figure>
     
     
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    D'abord, le PS va organiser du 1er septembre au 6 décembre des états généraux, sur une idée de son nouveau patron Jean-Christophe Cambadélis. "L'objectif, c'est la reformulation de la carte d'identité du PS", résume le texte adopté en bureau national mardi. Les militants sont invités à s'exprimer pour "dire ce qu'est un socialisme moderne". Après deux claques électorales, les municipales de mars et les européennes de mai, le successeur d'Harlem Désir rue de Solférino compte certes remettre le parti au travail, mais il doit aussi asseoir sa légitimité : Cambadélis n'est pour l'heure officiellement qu'un patron transitoire, propulsé à ce poste à la suite de l'exfiltration d'Harlem Désir vers le gouvernement. C'est le congrès qui suivra ces états généraux qui devra le confirmer par un vote des militants.... Un congrès qui reste pour l'instant un mystère absolu. 

    Initialement, il devait se tenir à l'automne 2015, trois ans après le congrès de Toulouse. Or, le probable report des élections régionales au mois de décembre rendrait ce calendrier intenable. "Il aura lieu au début de l'année 2015", assure un dirigeant du PS. Christophe Borgel, responsable des élections au parti, refuse de confirmer, mais admet que "la date du congrès dépend de la date des élections régionales".

    Une primaire en toile de fond

    Le PS veut éloigner le plus possible les deux événements pour éviter que le congrès ne vire à l'empoignade autour de la constitution des listes. "Il faut éviter les perturbations qui n'ont rien à voir avec le fond", euphémise le député de Seine-et-Marne Olivier Faure. 

    Puisque rien n'est tranché, le congrès pourrait même avoir lieu début... 2016, soit à peine plus d'un an avant la mère des batailles. La date de cet événement n'a rien d'anodin, François Hollande étant de plus en plus contesté au sein du parti. Des frondeurs au nouveau courant Cohérence socialiste, de plus en plus d'élus réclament la tenue d'une primaire pour désigner le futur candidat du PS à la présidentielle. Plus le congrès est proche de ce scrutin, plus cette question agitera ce grand raout.


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  • <article class="article article_normal" itemscope="" itemtype="http://schema.org/NewsArticle" style="box-sizing: border-box; margin-bottom: 13px; color: rgb(22, 33, 44); font-family: arial, freeSans, sans-serif; line-height: 18.200000762939453px; background-color: rgb(255, 255, 255);">

    L'Essonne, le Far West des socialistes

    M le magazine du Monde | <time datetime="2014-06-13T12:08:56+02:00" itemprop="datePublished">13.06.2014 à 12h08</time> |Par Matthieu Goar et Laurent Telo

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    Manuel Valls, Jean-Luc Mélenchon, Julien Dray ou le jeune loup Jérôme Guedj... Tous ces ténors de la gauche ont fait leurs armes dans le 91. Depuis sa création en 1964, ce département d'Ile-de-France s'est imposé comme un "centre de formation" du PS. Ici, loin de Solférino, on apprend le combat politique. Sans pitié et en accéléré. 

     

    <figure> Manuel Valls à Evry,  le 5 mai 2008. Il a été maire  de la ville de 2001 à 2012.</figure>

     

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    Il suffit de zapper sur une chaîne "tout info" à l'heure des polémiques. A flux quasi continu, l'homo politicus essonnien ferraille sur les plateaux. Derrière les micros, Jérôme Guedj, Carlos Da Silva, Malek Boutih ou Nicolas Dupont-Aignan. Au cœur des agoras médiatiques parisiennes, ces élus du 91 commentent le social-libéralisme de Manuel Valls, premier ministre, lui-même ancien maire d'Evry, capitale de l'Essonne, ou encore la nomination début juin au gouvernement de Thierry Mandon, député de la 9e circonscription.

    LE 91, UN ÉDEN POUR DE JEUNES AMBITIEUX

    Entité administrative mal connue de la majorité des Français, l'Essonne est le seul département français à avoir fourni deux candidats à l'élection présidentielle en 2012 : Jean-Luc Mélenchon, conseiller général, puis sénateur entre 1986 et 2010, et Nicolas Dupont-Aignan (président de Debout la République), député.

    La suite du casting essonnien ressemble à une montée des marches politique, tendance Jeunesses socialistes : Manuel Valls, Benoît Hamon - ministre de l'éducation, conseiller municipal de Brétigny-sur-Orge de 2001 à 2008 -, Julien Dray, ex-député, François Lamy, ex-ministre et député, Carlos Da Silva, porte-parole du PS, Malek Boutih et Thierry Mandon, députés et nouveau secrétaire d'Etat. Ajoutons à la liste le plus jeune des présidents de conseil général depuis 2011, Jérôme Guedj, 42 ans.

     

     

    <figure>Evry, capitale de l'Essonne, où s'est implanté Manuel Valls.</figure>

     

    Vu de loin, le 91 est un grand nulle part. Un territoire coincé entre la grande couronne parisienne et la province. Un espace purement administratif écartelé entre son sud campagnard rythmé par le bruit des tracteurs et son nord urbanisé où plane l'ombre des avions d'Orly. Il y a bien le joli centre-ville de Corbeil, les loyers encore modérés, le rêve d'un grand stade de rugby. Mais aussi, les embouteillages, le RER D pour aller travailler à Paris, le manque d'identité, lestours délabrées des Tarterêts...

    "SI UN JEUNE POLITIQUE NE VEUT PAS
    FAIRE LA QUEUE, WELCOME EN ESSONNE ! 
    ICI, IL Y A UNE PRIME À L'IMPERTINENCE. 
    CE N'EST PAS PAR HASARD SI VALLS 
    S'EST IMPLANTÉ À EVRY."

    Un écosystème fertile qui a vu sa population doubler en cinquante ans et qui provoque un embouteillage de poids lourds politiques à la sortie des urnes. Surtout à gauche. A droite, des ténors arrivent à se créer des "seigneuries" (Serge Dassault à Corbeil-Essonnes, Georges Tron à Draveil), mais ils agissent ensuite en loups solitaires. Seule Nathalie Kosciusko-Morizet, maire de Longjumeau jusqu'en 2013, a pu envisager son séjour dans l'Essonne comme un tremplin vers la capitale voisine.

     

    <figure>Malek Boutih (à gauche), député de la 10e circonscription de l'Essonne, avec François Lamy, député de la 6e.</figure>

     

    Ce "Game of Thrones" à la mode francilienne est un terrain politique violent, un Far West, selon l'image la plus souvent évoquée par les élus locaux. Ici, les jeunes cow-boys apprennent vite à dégainer, à flinguer. Le PS a toujours chassé en meute, dans l'ombre d'une fédération puissante et redoutée lors des congrès nationaux. "Un militant socialiste de l'Essonne a droit à une formation politique qu'il n'aurait pas ailleurs. L'Essonne est un laboratoire du combat politique", estime Julien Dray, ancien président de SOS Racisme et parachuté par François Mitterrand en 1988 sur la 10e circonscription.

     "JE N'AURAIS PAS PU FAIRE DE LA POLITIQUE AILLEURS. 
    ICI, IL Y AVAIT DE LA PLACE POUR QUELQU'UN D'ATYPIQUE."

     Les carrières peuvent être fulgurantes. Jean-Luc Mélenchon a été élu plus jeune sénateur de France en 1986. Thierry Mandon, plus jeune député la même année. Michel Pouzol a été catapulté député en 2008. Dix ans auparavant, il était au RMI, dormant dans un cabanon en forêt. "Je n'aurais pas pu faire de la politique ailleurs. Ici, il y avait l'espace pour quelqu'un d'atypique."

    La confrontation avec des ténors l'a façonné : "A ma première réunion, autour de la table, il y a Mélenchon, Valls, Hamon, raconte-t-il. Ça fait six mois que je fais de la politique. Je me dis : "Waouh !, je passe à la télé ou quoi ?" C'était surréaliste."L'apprentissage est forcément accéléré. "Travailler dans l'Essonne demande un investissement lourd, poursuit Michel Pouzol. Comme il y a des personnalités de premier plan, l'émulation est inévitable.»

     

    <figure>Le quai de l'Apport Paris, à Corbeil-Essonnes.</figure>

     

    Le particularisme dure depuis juillet 1964, date de la naissance administrative de l'Essonne accouchée par le président de Gaulle. En hélicoptère au-dessus de l'Ile-de-France, le Général pointe son index sur les futurs emplacements des villes nouvelles (Evry, donc, Cergy, Marne-la-Vallée, etc.). Le 91 est créé, une terre de conquête politique apparaît.

     "L'ESSONNE N'ÉTAIT PAS COMME LA DORDOGNE 
    OÙ ON EST DÉPUTÉ DE PÈRE EN FILS."

    Accessible en RER depuis 1977, à trente minutes de voiture de Paris et délaissé par les grandes dynasties politiques, ce territoire est un éden pour de jeunes ambitieux. Michel Berson, sénateur, ancien président du conseil général, homme politique historique local, se campe en "pionnier". Son parcours résume tout : "Au début des années 1970, j'étais étudiant dans le Nord. Je voulais militer mais c'était la SFIO, les vieux routiers du PS. J'allais être obligé d'attendre mon tour avec des vieux crabes. Je suis allé voir Claude Estier [ancien sénateur PS, ndlr], qui m'a dit : "Va en Essonne !" C'est vrai, l'Essonne n'était pas comme la Dordogne où on est député de père en fils."

     

    <figure>Les grandes villes du département sont desservies par le RER D (ici, la station d'Evry-Courcouronnes).</figure>

     

    Dans l'Essonne, rien n'est verrouillé. Tout est possible pour tous les profils. D'abord parce que la population est disparate, une sorte de précipité du melting-pot national. Il y a les chercheurs bac + 10 du plateau de Saclay, les habitants des zones difficiles à la périphérie des grosses villes, les propriétaires de petites maisons, beaucoup de jeunes (28,3 % de moins de 20 ans en 2010), énormément de mouvements (42,6 % des actifs travaillent dans un autre département)... "C'est une sorte de zone frontalière, ou alors un port où tout le monde est un peu immigré, ce n'est pas encore la province, ce n'est déjà plus Paris", résume Malek Boutih, ancien président de l'organisation SOS Racisme et député de la 10e circonscription.

    La géographie éclatée du département, l'un des plus peuplés de France et où aucune grosse agglomération n'écrase les autres (50 000 habitants à Evry, 45 000 à Massy), est une autre explication. Longtemps, l'Hérault a été sous la coupe du Montpelliérain Georges Frêche, la Seine-Saint-Denis a été tenue pendant des décennies par les cellules communistes, aujourd'hui contestées par l'omnipotent Claude Bartolone, les Hauts-de-Seine ont vu se succéder les barons du RPR... Ici, aucune figure imposante n'a jamais pu phagocyter la politique locale.

     

    <figure>La sénatrice Marie-Noëlle Lienemann (ici, avec Bernard Tapie) fut députée de l'Essonne en 1988.</figure>

     

    Pour Christophe Guilluy, géographe auteur de Fractures françaises (Ed. François Bourin), l'Essonne est un bon modèle de "géographie sociale", le département se rapproche de "l'idée qu'il y a deux France qui existent à l'échelle nationale : les grandes métropoles et la France périphérique, c'est-à-dire tout le reste, les petites villes, les zones pavillonnaires, les zones rurales".

    "L'ESSONNE EST UNE TERRE PROPICE AUX AVENTURIERS 
    QUI N'ONT PAS ÉTÉ SOUMIS AU LAVAGE DE CERVEAU DES GRANDS PARTIS."

    Dans ce canevas de fiefs posés les uns contre les autres, les politiques tricotent chacun de leur côté. Sans demander la permission à qui que ce soit, les intrépides prennent le droit de provoquer leur chance. "S'il y avait eu un notable, je ne serais pas venu en Essonne, raconte Nicolas Dupont-Aignan, élu maire de Yerres en 1995, face à un maire sortant lui aussi RPR. Ici se sont implantées des personnalités audacieuses, très indépendantes d'esprit, qui n'auraient pas pupercer ailleurs. C'est une terre propice aux aventuriers qui n'ont pas été soumis au lavage de cerveau des grands partis. Il n'y a pas de tissu oligarchique."

     

    <figure>Coincée entre son nord urbanisé et son sud campagnard, l'Essonne et ses villes moyennes attirent une population très diverse. Ici, la campagne de Milly-la-Forêt.<figcaption data-caption="Coincée entre son nord urbanisé et son sud campagnard, l'Essonne et ses villes moyennes attirent une population très diverse. Ici, la campagne de Milly-la-Forêt. | Christophe Caudroy pour M Le magazine du Monde">Coincée entre son nord urbanisé et son sud campagnard, l'Essonne et ses villes moyennes attirent une population très diverse. Ici, la campagne de Milly-la-Forêt. | Christophe Caudroy pour M Le magazine du Monde</figcaption></figure>

     

    Malek Boutih a suivi la même trajectoire : "En 2007, j'étais candidat à la députation en Charente. Mais je n'avais aucune chance. Les "barons" avaient décidé pour moi. Il fallait baiser la main. En Essonne, on ne baise pas la main. Si un jeune ne veut pas prendre un ticket et faire la queue, welcome en Essonne ! Ici, il y a une prime à l'impertinence. Ce n'est pas par hasard si Valls s'est implanté à Evry après Argenteuil [dans le Val-d'Oise]. Trop à droite pour la gauche, trop à gauche pour la droite. Il est inclassable."

     "QUAND ON GRIMPE À LA TRIBUNE, IL VAUT MIEUX AVOIR QUELQUE CHOSE À DIRE."

    Sur le mur de la salle de la fédération du PS, à Evry, une fresque représente les figures historiques du PS : Jaurès, Blum, etc. En contrebas, les ténors d'aujourd'hui. "Quand on grimpe à la tribune, raconte Romain Colas, maire de Boussy-Saint-Antoine et vice-président du conseil général de l'Essonne, il vaut mieux avoir quelque chose à dire. Et le dire bien." Carlos Da Silva évoque "un darwinisme local".

    Aujourd'hui porte-parole du PS, ce lieutenant revendiqué de Manuel Valls n'a que 36 ans quand, du haut de la tribune de la fédération PS, il annonce à Julien Dray qu'il ne sera pas tête de liste aux cantonales de 2011. Le député de l'Essonne est en effet visé depuis décembre 2008 par une enquête préliminaire pour abus de confiance. "Personne d'autre n'osait lui dire ! Trois ans avant, j'avais encore les cheveux longs, des baskets pourries et je traînais dans ma cité, sans aucuneculture politique."

     

    <figure>Le maire de Ris-Orangis Thierry Mandon (avec François Hollande).<figcaption data-caption="Le maire de Ris-Orangis Thierry Mandon (avec François Hollande). | Marc Chaumeil/Divergnce">Le maire de Ris-Orangis Thierry Mandon (avec François Hollande). | Marc Chaumeil/Divergnce</figcaption></figure>

     

    La formation est rapide. Les combats fratricides. Les idées qui agitent l'espace national s'entrechoquent à l'échelle du département. Dans les années 1970, le PS a bataillé contre l'influence communiste, dans les années 1980, la Gauche socialiste, courant à la gauche du PS, a lutté pied à pied contre la gauche rocardienne. Les projets fusent sur ce terrain où il faut toujours être en mouvement.

    Le département a par exemple été le premier à mettre en place une allocation personnalisée pour l'autonomie des personnes âgées, il continue à attirer desentreprises de pointe dans la recherche, il est aussi l'un des plus frondeurs dans la non-application de la réforme des rythmes scolaires : selon Nicolas Dupont-Aignan, une trentaine de maires ont annoncé qu'ils ne l'appliqueraient pas. Depuis 2001, c'est à Evry que Manuel Valls a élaboré sa vision d'une politique de sécurité de gauche en développant une police municipale forte et en systématisant l'usage de la vidéosurveillance.

     "L'ESSONNE, C'EST LE DÉPARTEMENT SAUVAGEON DU PS."

    Derrière le choc des idées, les combats de personnes ne sont jamais très loin. Pour assurer l'influence de son courant, il faut conquérir des mandats, tenir la fédération. Et écarter. "Oui, ça peut être très violent, comme entre Malek Boutih et Julien Dray, pour l'investiture [à la candidature aux législatives] à l'automne 2011,confirme Michel Pouzol. Il y a eu des intimidations, des coups tordus." Deux anciens présidents de SOS Racisme s'affrontent. Boutih veut tuer le père, Julien Dray, entaché par l'affaire des montres. La rumeur évoque les pires coups bas. Solférino écarte finalement Dray. "L'Essonne, c'est le département sauvageon duPS", assure Malek Boutih.

     

    <figure> Jérôme Guedj, 42 ans, le plus jeune des présidents du conseil général depuis 2011.<figcaption data-caption=" Jérôme Guedj, 42 ans, le plus jeune des présidents du conseil général depuis 2011. | Francois Lafite/Wostok Press">Jérôme Guedj, 42 ans, le plus jeune des présidents du conseil général depuis 2011. | Francois Lafite/Wostok Press</figcaption></figure>

     

    Dans un département où "personne n'a le pouvoir de tuer tout le monde", selon la formule de Michel Pouzol, il faut apprendre à composer continuellement. Sur cette terre longtemps acquise au socialisme, la fédération PS est une marmite en ébullition permanente, un ring où les rapports de forces et les alliances sont flous et fluctuants. "Mais ça tient éveillé !, soutient Malek Boutih. La fédé PS reste sûrement la plus en forme du pays." "Pour gouverner le département, il faut une majorité, explique Michel Berson. Il n'y en a jamais eu. Alors, c'est un combat politique de chaque instant. Et, quelquefois, les grands chefs à plumes tombent d'accord. Pour un temps..."

     "IL Y A UNE INDÉPENDANCE PAR RAPPORT À SOLFÉRINO. ICI, TOUT SE PASSE EN DIRECT."

    En 2011, après trente-cinq ans de carrière, Michel Berson est en passe d'êtreéjecté de la présidence du conseil général. La présidence de la collectivité locale aiguise alors les appétits de Jérôme Guedj, suppléant de François Lamy, et de Thierry Mandon, maire de Ris-Orangis. Dray, Guedj, Valls et Emmanuel Maurel - vice-président du conseil régional d'Ile-de-France -, Olivier Thomas, l'ancien patron de la fédération toujours aux affaires, se mettent d'accord. Mandon est battu.

    "Il y a une indépendance par rapport à Solférino car une grosse partie des leaders est là. Il n'y a pas de représentants. Ici, tout se passe en direct", analyse Carlos Da Silva. Cette indépendance est l'héritage d'une longue tradition dans ce département pourtant jeune. Elle trouve notamment ses racines dans "la période héroïque de Dray-Lienemann-Mélenchon", selon François Lamy, député, rocardien à l'époque où ce triumvirat va mettre la main sur le département.

     

    <figure>Pour la droite aussi, l'Essonne est un territoire de conquête politique. Nicolas-Dupont-Aignan est maire de Yerres depuis 1995 et député de l'Essonne depuis 1997.<figcaption data-caption="Pour la droite aussi, l'Essonne est un territoire de conquête politique. Nicolas-Dupont-Aignan est maire de Yerres depuis 1995 et député de l'Essonne depuis 1997. | Julien Chatelin/Divergence">

    Pour la droite aussi, l'Essonne est un territoire de conquête politique. Nicolas-Dupont-Aignan est

    maire de Yerres depuis 1995 et député de l'Essonne depuis 1997. | Julien Chatelin/Divergence

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    Arrivé à Massy dès 1978, en provenance de son Jura natal, l'actuel leader du Parti de gauche "a matricé la vie politique en Essonne", commente Jérôme Guedj, son ancien assistant parlementaire. D'abord simple directeur de cabinet de Claude Germon, Jean-Luc Mélenchon prépare les investitures, noyaute les sections, fait la guerre aux ennemis, notamment Marie-Noëlle Lienemann, rocardienne, à l'époque. Au gré de leurs trajets en voiture vers la rue de Solférino (Mélenchon n'a jamais eu le permis), ces deux-là deviendront amis. Le Jurassien conquiert la fédération en 1981, devient sénateur en 1986, fonde la Nouvelle Ecole socialiste avec Julien Dray, puis la Gauche socialiste en agrégeant les soutiens de Lienemann.

    "NOUS APPELIONS L'ESSONNE LA MÈRE-PATRIE DU SOCIALISME."

    Les premiers rassemblements de ce courant qui va dominer la gauche du PS jusqu'en 2002 se tiennent à Dourdan, dans le 91 évidemment. "Nous appelions l'Essonne la mère patrie du socialisme. Nous étions un peu prétentieux à l'époque, se souvient Julien Dray. Etre militant de la Gauche socialiste, c'était quasiment comme être militant d'une formation d'extrême gauche. C'était trois soirées par semaine, des réunions tout le temps sans compter les week-ends avec les distributions de tracts, les manifestations. Au plus fort, en 1997-1998, on était 800 à consacrer une énergie démente, les livres, les textes de congrès, les contributions qui sortaient toutes les semaines. On montait nos propres meetings. Nos propres orateurs étaient meilleurs que les nationaux, Mélenchon, moi, Lienemann, ça faisait un bon triumvirat."

     

    <figure>Arrivé à Massy dès 1978, Jean-Luc Mélenchon ”a matricé la vie politique en Essonne”, selon Jérôme Guedj, son ancien assistant parlementaire.<figcaption data-caption="Arrivé à Massy dès 1978, Jean-Luc Mélenchon ”a matricé la vie politique en Essonne”, selon Jérôme Guedj, son ancien assistant parlementaire. | Graziella Riou">Arrivé à Massy dès 1978, Jean-Luc Mélenchon ”a matricé la vie politique en Essonne”, selon Jérôme Guedj, son ancien assistant parlementaire. | Graziella Riou</figcaption></figure>

     

    La fédération de l'Essonne devient une des plus actives de France. Une des plus intellectuelles aussi. La Gauche socialiste y impose ses thèmes : la lutte contre le capitalisme transfrontalier, l'antiproductivisme, le non à la guerre en Irak. Les autres courants du PS ont l'obligation de se structurer politiquement. "Face à eux, j'avais défini et mis en place ce que j'appelais le rocardisme de guerre", se souvient François Lamy.

     "L'ESSONNE, C'EST LA LIGUE DES CHAMPIONS
    ON DONNE MOINS DE COUPS PAR-DERRIÈRE. 
    C'EST PLUS FLUIDE, BEAUCOUP PLUS TECHNIQUE."

    "Le courant de Mélenchon et Dray était une école de formation politique avec une grosse exigence : être capable de bien manier les concepts et de savoir bienparler. On se construisait avec ou contre lui mais on se construisait", explique le jeune maire de Boussy-Saint-Antoine Romain Colas. Une émulation dont profite, des années plus tard, l'Essonne tout entière. Jean-Vincent Placé, sénateur Vert, a été parachuté en 2011 pour les sénatoriales : "L'Essonne, c'est la Ligue des champions. On donne moins de coups par-derrière. C'est plus fluide, beaucoup plus technique."

    Aujourd'hui, dans le sillage de l'ascension de Manuel Valls, Carlos Da Silva, patron de la fédération, est toujours au coude-à- coude avec l'autre figure montante, Jérôme Guedj, patron du conseil général. "La situation est potentiellement explosive, mais on est capable de la gérer. Cette confrontation, c'est ce que j'aime moins. Ça crée de l'arrogance. Le principe : être le plus beau coq du poulailler",explique Michel Pouzol.

     

    <figure>A droite, Nathalie Kosciusko-Morizet, maire de Longjumeau jusqu'en 2013, a pu envisager son séjour dans l'Essonne comme un tremplin vers la capitale voisine. Ici, avec Julien Dray.<figcaption data-caption="A droite, Nathalie Kosciusko-Morizet, maire de Longjumeau jusqu'en 2013, a pu envisager son séjour dans l'Essonne comme un tremplin vers la capitale voisine. Ici, avec Julien Dray. | Patrick Kovaric/AFP">A droite, Nathalie Kosciusko-Morizet, maire de Longjumeau jusqu'en 2013, a pu envisager son séjour dans l'Essonne comme un tremplin vers la capitale voisine. Ici, avec Julien Dray. | Patrick Kovaric/AFP</figcaption></figure>

     

    Ce combat à venir renvoie-t-il forcément aux grandes heures des luttes essonniennes ? François Delapierre, secrétaire national du Parti de gauche etconseiller régional d'Ile-de-France implanté en Essonne, n'y croit pas. Il évoque plutôt une "normalisation". "Avant, l'Essonne était une bizarrerie au sein du PS. Il est rentré dans le rang, il s'est ossifié." La grosse claque des municipales (le PS ne détient plus que deux des seize agglomérations) puis celle des européennes (le FN est arrivé en tête, comme dans la Seine-Saint-Denis, le Val d'Oise et en Seine-et-Marne) contraignent les socialistes à se serrer les coudes et à apaiserles remous. Le conseil général est menacé.

     "ICI, NOUS AVONS FAIT LE CHOIX DE METTRE BEAUCOUP DE CROCODILES DANS LE MARIGOT. 
    COMME ÇA, AUCUN NE PEUT 
    BOUGER SANS SE FAIRE CROQUER PAR L'AUTRE."

    "Ça va redevenir une terre de conquête, lâche Julien Dray, qui aspire à repolitiser les troupes au niveau local sans guerroyer avec le nouveau premier ministre. On ne fera pas de cette fédération une fédération anti-Valls. Parce qu'il est là, parce qu'il n'a pas essayé de mettre ce territoire sous sa coupe. On ne construira pas dans le rejet de Valls."

    Une ambition partagée par François Lamy : "Nous avons aussi toujours eu conscience que l'Essonne devait rester une pépinière. Ici, nous avons fait le choix de mettre beaucoup de crocodiles dans le marigot. Comme ça, aucun ne peutbouger sans risquer de se faire croquer par l'autre." Les héritiers Da Silva et Guedj ont pour l'instant rangé les colts et plissent les yeux sous un soleil "sergio-léonien"."Si on se met dessus, vu la puissance de feu de chacun, ça ferait des dégâts,explique Carlos Da Silva. Il y a un pacte de non-agression explicite." Jusqu'à la prochaine étincelle qui animera à nouveau l'Essonne, ce concentré explosif de politique.

     
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