• Ce qui est attendu du bureau politique
Assainir les finances de l'UMP. C'est la volonté du triumvirat Fillon-Juppé-Raffarin, qui dirige le parti depuis le 15 juin, date de la démission de son président Jean-François Copé, acculé par l'affaire Bygmalion. Après les révélations portant sur un système présumé de fausses factures, la direction provisoire a exigé un audit des comptes du parti. Mené par le cabinet Advolis, ses résultats seront dévoilés mardi à 18 heures lors d'un bureau politique. Ils devraient permettre d'y voir plus clair sur le trou dans les finances de l'UMP, estimé à«80 millions d'euros» par l'ancien premier ministre François Fillon.
La dette du parti a explosé après les campagnes et défaites électorales de l'année 2012, ainsi que l'achat du siège du parti rue de Vaugirard, dans le XVe arrondissement de Paris. Chaque année, l'UMP consacre autour de 11 millions d'euros au remboursement de ses dettes, pour des recettes s'élevant à environ 30 millions d'euros, ce qui dépasse la limite d'endettement à hauteur d'un tiers des revenus habituellement autorisée aux particuliers.
Avant ce bureau politique, le secrétaire général du parti, Luc Chatel, a rendez-vous avec les banques mardi matin. Objectif: faire un point sur la santé financière du parti et sa solvabilité.
• Ce que l'on sait déjà des dépenses de l'UMP sous Copé
Pour la deuxième année consécutive, l'UMP ne serait pas en mesure d'honorer ses échéances bancaires, selon Le Journal du dimanche. D'après l'hebdomadaire, sa dette se répartit entre trois foyers: 44 millions dus aux banques, 3 millions prêtés par le groupe UMP de l'Assemblée nationale et 28 millions à rembourser pour l'achat du siège du parti et ses travaux.
Depuis le lancement de l'audit par la direction collégiale, quelques détails sur la comptabilité et les dépenses sous l'ère Copé ont déjà fuité. Le JDD révélait dimanche que l'UMP avait réglé pour 24.000 euros de billets d'avion à l'épouse de l'ancien patron, Nadia Copé. Des dépenses «assumées» par l'entourage de l'ex-président, qui évoque un «rôle de représentation». Le JDD a aussi fait état du salaire de certains cadres du parti, comme le directeur général Éric Cesari (12.500 euros mensuels brut) ou le «collaborateur» de Brice Hortefeux, Geoffroy Didier (8500 euros brut). C'est aussi l'UMP qui a réglé l'amende infligée à Nicolas Sarkozy après l'invalidation de ses comptes de campagne 2012. Un arrangement qui leur vaut aujourd'hui l'ouverture d'une enquête préliminaire.
Ces informations ne figureraient cependant pas dans l'audit réclamé par le triumvirat, selon Europe 1. En place des situations personnelles, le rapport présenterait les grands équilibres financiers du principal parti d'opposition, ainsi que des préconisations pour assainir ses comptes. Aucun plan social n'y serait évoqué, au grand soulagement de l'UMP.
• Ceux qui aiguisent leurs couteaux
Face à cette ambiance de règlements de compte interne, plusieurs barons de l'UMP ont déjà sortis leurs couteaux. Interrogé sur la situation financière du mouvement, le maire de Nice, Christian Estrosi, juge que le parti «est déjà mort» dans Le Parisien de lundi. «Ce n'est pas une restructuration avec un congrès a minima qu'il faut, mais une véritable révolution!», estime-t-il, avant de se dire prêt à quitter le parti «si l'UMP est à nouveau le théâtre des ego» après le congrès de novembre.
Dans cette course qui s'organise pour le renouvellement des instances du parti à l'automne, le sarkozyste Henri Guaino s'en est lui pris directement à Alain Juppé, qui laisse encore planer le doute sur ses intentions. Le député des Yvelines n'a pas supporté les réactions du maire de Bordeaux après la mise en examen de Nicolas Sarkozy pour «corruption active», «trafic d'influence» et «recel de violation du secret professionnel». «Je croyais que les épreuves de la vie avaient enfin débarrassé Alain Juppé de cette épouvantable arrogance, de cet épouvantable mépris dont il accable depuis toujours tous ceux qui sont en désaccord avec lui», a accusé Guaino sur iTélé, en faisant référence au passé judiciaire de l'ex-premier ministre.
Dans ce climat délétère, l'ancien ministre Xavier Bertrand s'est vu accusé d'avoir fait financer un de ses réveillons en parc d'attractions par l'UMP, lorsqu'il en était secrétaire général. Le candidat à la primaire de 2016 a démenti, allant jusqu'à retrouver les factures de l'époque pour se dédouaner, selon Europe 1. L'opération mains propres a bel et bien commencé à droite.
• Le parti peut-il imploser?
Pour Frédéric Dabi, le directeur général adjoint de l'Ifop, si «le pire est toujours sûr, peu ont intérêt à ce que l'UMP explose». Pour autant, «l'attitude des barons de l'UMP est en décalage total avec ce qu'attendent les sympathisants de l'UMP, traumatisés par trente ans de haine à droite (Chirac-Giscard, Chirac-Barre, Chirac-Balladur, Sarkozy-Villepin, etc)», juge le politologue. «Les militants veulent une UMP qui soit une machine de guerre et qui sache s'opposer au pouvoir en place. Pas un parti autocentré et incapable de s'appliquer les principes d'exemplarité qu'il prône», poursuit-il. Avant de prédire: «Ce climat délétère risque de durer jusqu'au congrès de novembre».