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Brice Teinturier est directeur délégué de l'institut de sondage Ipsos depuis 2010.
FIGAROVOX: Selon les enquêtes d'opinion, Alain Juppé est aujourd'hui la personnalité politique préférée des Français . Cela fait-il forcément de lui le candidat naturel de la droite en 2017?
Brice Teinturier : La popularité réelle d'Alain Juppé, numéro 1 chez les Français et numéro 2, derrière Nicolas Sarkozy, auprès des sympathisants UMP, en fait un bon candidat potentiel pour la droite en 2017. Mais rien n'est joué pour autant. Si le processus de désignation des primaires a lieu, il s'agira d'une véritable campagne électorale et donc d'un choix, pas seulement d'une notation. Or, de nombreuses inconnues persistent: Nicolas Sarkozy sera-t-il candidat? Quel sera le corps électoral des primaires - noyau dur composé principalement d'adhérents ou corps électoral élargi, faisant une large part aux sympathisants UMP voire également aux sympathisants du centre -? Y aura-t-il un candidat UDI / Modem captant les voix du centre et du centre droit? La question de l'âge du capitaine jouera-t-elle en faveur - demande d'expérience et de sagesse - ou en défaveur d'Alain Juppé - demande de renouvelement -? François Fillon, qui est en 3ème position chez les sympathisants UMP, reste un candidat très sérieux. Enfin et d'ici là, qui prendra la direction de l'UMP et comment l'actuel «trimuvirat» va-t-il se comporter? Alain Juppé fait donc une performance remarquable depuis plusieurs mois dans l'opinion mais de nombreux obstacles sont encore sur sa route, comme sur celle de tous les candidats potentiels de l'UMP.
Si Alain Juppé est très populaire auprès de l'ensemble des Français, les militants de l'UMP semblent lui préférer Nicolas Sarkozy. Comment expliquez-vous ce décalage?
Les militants sont plus à droite que les sympathisants et leurs positions sur de nombreux sujets beaucoup plus radicales. Alain Juppé est plus consensuel et n'apparaît pas aussi déterminé que Nicolas Sarkozy, qualité essentielle aux yeux des adhérents. Par ailleurs, Nicolas Sarkozy a été le chef qui les a menés à la victoire présidentielle de 2007 et a réussi à imposer l'idée qu'il n'avait pas perdu en 2012 mais «presque gagné», comme si François Hollande l'avait emporté par effraction, sur la base d'un malentendu qui aurait été d'autant plus injuste qu'il visait la personne de Nicolas Sarkozy. Tout cela a créé une relation extrêmement forte entre le noyau dur des adhérents et Nicolas Sarkozy. Enfin, Alain Juppé est l'héritier d'une sensibilité à droite qui met beaucoup plus en avant la nécessité de se rassembler plutôt que de cliver. Or, les militants aiment en découdre. Mais attention, même si les adhérents constituent un atout puissant, ils peuvent aussi vous enfermer dans un positionnement réducteur. Enfin, et les primaires du PS en 2012 l'ont bien montré, les adhérents veulent avant tout faire gagner leur famille politique. S'ils ont l'impression que demain, c'est Alain Juppé qui peut le mieux l'emporter, ils n'hésiteront pas à le choisir.
<aside></aside>Nicolas Sarkozy a réussi à imposer l'idée qu'il n'avait pas perdu en 2012 mais « presque gagné », comme si François Hollande l'avait emporté par effraction, sur la base d'un malentendu qui aurait été d'autant plus injuste qu'il visait sa personne.
Bernard Kouchner ou Jack Lang ont longtemps trustés les premières places en termes de popularité, sans avoir de destin national tandis que François Mitterrand ou Nicolas Sarkozy ont traversé de fortes périodes d'impopularité ce qui ne les a pas empêchés de devenir président de la République. Existe-t-il toujours une corrélation entre la sympathie que peut susciter un homme politique et son poids réel?
L'impopularité peut vous faire perdre mais la popularité n'est pas pour autant un gage de succès. Il faut d'abord être fort dans son camp puis élargir le cercle. Par ailleurs, ni Bernard Kouchner, ni Jack Lang n'ont jamais véritablement affiché une ambition et une détermination présidentielle. Leur popularité, très consensuelle, puisait à d'autres sources que la politique: l'humanitaire, la culture, etc.
Alain Juppé a lui-même été très impopulaire lorsqu'il était Premier ministre et a connu des déboires avec la justice. Comment est-il parvenu à reconstruire ainsi son image?
D'abord, avec le temps. Ensuite, avec de la constance et de la cohérence dans ses positions et ses partis pris. Enfin, en cumulant aujourd'hui des qualités qui en font un homme apprécié et adapté à la situation: il a l'image d'un homme d'Etat, qui ne cherche pas le pouvoir d'abord pour lui-même, doté d'une certaine tempérance ainsi que d'une expérience et d'une compétence reconnues. Or, il y a des moments, des cycles en politique, tantôt habités par la demande de renouvèlement, tantôt par la demande de réassurance et d'expérience. C'est la rencontre d'une image et d'un moment politique qui fait que vous êtes ou non en phase avec le peuple - ou au moins, sa majorité. C'est pourquoi aussi il faut rester prudent: le temps médiatique accélère les choses tout en se heurtant à une dure réalité: la présidentielle, c'est dans 3 ans et bien des choses peuvent encore se passer! Alain Juppé est aujourd'hui en phase avec de nombreuses attentes à droite et au-delà mais rien n'est encore cristallisé
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