Après avoir voté la partie recettes du projet de loi de finances pour 2014, l'Assemblée nationale s'attaque au financement de la Sécurité sociale. Et, comme de coutume, les parlementaires auront à résoudre une difficile équation pour tenter d'élaborer un budget qui, à défaut d'être à l'équilibre, soit moins déficitaire. L'objectif du gouvernement est que le déficit soit inférieur à 13 milliards d'euros – contre 16,5 milliards estimés pour l'année 2013.
Le projet de loi, dont l'examen doit durer jusqu'au 29 octobre, prévoit 4,2 milliards d'euros de nouvelles recettes et 4,4 milliards d'euros de mesures d'économie.
- L'épargne mise à contribution (450 millions d'euros)
A l'heure actuelle, les plus-values et les intérêts des produits de placement sont taxés à 15,5 %. Voilà pour la règle générale... qui dispose de maintes exceptions, comme le rappellent les auteurs du projet de loi dans leur exposé des motifs :
"Ces modalités dérogatoires concernent essentiellement les produits issus des plans d'épargne en actions (PEA) de plus de cinq ans, des primes versées avant le 26 septembre 1997 sur des contrats d'assurance-vie multi-supports, de l'épargne salariale, des primes versées dans le cadre des comptes et plans épargne logement (CEL et PEL), des intérêts acquis sur des plans d'épargne logement (PEL) de moins de 10 ans souscrits avant le 1er mars 2011, pour lesquels l'acquisition des produits n'est réellement constatée et mise à disposition qu'au moment du fait générateur par dénouement ou retrait (ou par décès concernant l'assurance-vie)."
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) prévoit que ces taux soient harmonisés, ce qui représenterait un gain de 600 millions d'euros.
Lire l'explication détaillée dans le rapport des la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale
<figure class="illustration_haut"> </figure>
- Taxe "Red Bull" (60 millions d'euros)
Ce n'est pas la première fois que les parlementaires tentent de s'attaquer aux boissons énergisantes au moyen d'une taxe. Cette taxe – dite "taxe Red Bull" – figurait dans le PLFSS pour l'année 2013. Elle avait été votée par le Parlement puis censurée par le Conseil constitutionnel en décembre 2012, au motif qu'il n'existait aucun "critère objectif et rationnel" qui justifiait une telle taxe.
Le retour de cette taxe ne figurait pas dans le projet de loi tel que présenté par le gouvernement. C'est à la faveur d'un amendement déposé en Commission des affaires sociales par des députés de la majorité – dont Gérard Bapt, qui avait défendu l'an dernier la taxe censurée par les sages – que la taxe est revenue dans le débat.
L'amendement qui a été adopté prévoit une "taxe spécifique" de 100 euros par hectolitre de boisson contenant 150 mg de caféine ou 420 mg de taurine par litre. Sachant qu'il s'en consomme 60 millions de litres par an, la mesure devrait rapporter 60 millions d'euros... si la consommation se maintient à ce niveau. Or, l'objet de cette taxe est précisément de "dissuader le consommateur – souvent des adolescents – de consommer à l'excès des 'boissons énergisantes' riches en caféine et/ou taurine".
- Baisse du plafond du quotient familial (1,02 milliard d'euros )
La mesure a été annoncée avant l'été : le gouvernement n'a pas renoncé à l'universalité des allocations familiales ni à leur non-imposition. En revanche, l'exécutif a annoncé qu'il diminuerait le plafond du quotient familial.
L'impôt sur le revenu est modulé en fonction de la composition du foyer qui s'en acquitte. Le revenu imposable est divisé par le nombre de parts du foyer, selon la règle suivante : une part par adulte, une demi-part pour les premier et deuxième enfants et une part par enfant supplémentaire. Le montant de l'abattement était jusqu'ici plafonné à 2 000 euros par demi-part supplémentaire, sauf dans certains cas – parent isolé, veuvage, invalidité. Ce plafond sera ramené à 1 500 euros.
La mesure a été votée dans le cadre de la loi de finances, mais son montant sera transféré aux comptes de la sécurité sociale et figure donc à ce titre au rang des recettes nouvelles.
Lire l'éclairage : "Si vous n'avez rien compris à la réforme du quotient familial"
- Décalage des revalorisations des retraites (800 millions d'euros)
Parmi les mesures de la réforme des retraites adoptée par les députés mi-octobre figure le report de six mois de la revalorisation des pensions de retraite du 1er avril au 1er octobre, à l'exception des retraités percevant le minimum vieillesse.
Une mesure technique, un simple décalage de six mois, qui générera une économie de 800 millions d'euros pour la branche retraite de la sécurité sociale.
Voir la vidéo : "La réforme des retraites expliquée en patates"
- Transfert de la taxe sur les retraites (645 millions d'euros)
La loi de financement de la sécurité sociale votée l'an dernier a instauré une taxe sur les pensions de retraites et d'invalidité, à hauteur de 0,3 % de celles-ci. Initialement, cette taxe était destinée à financer une future loi sur la dépendance. Pour la deuxième fois cette année, le PLFSS prévoit qu'une partie des sommes ainsi collectées soient reversées au Fonds de solidarité vieillesse, qui finance le minimum vieillesses et les cotisations retraites des chômeurs. Ce qui n'a qu'un lien lointain avec la dépendance...
Au point que les acteurs de la dépendance, ainsi que certains députés, crient au détournement de fonds.
Lire l'enquête : "Comment le gouvernement détourne les fonds pour les personnes dépendantes"