Entendu devant les commissions de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale et du Sénat, le général Denis Favier, récemment nommé directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), a poussé, selon l'expression du député Daniel Boisserie, un «cri d'alarme» lors de ces auditions à propos du projet de budget 2014.
En cause, des contraintes budgétaires qui mettent la gendarmerie en difficulté pour assurer ses missions: «Aucune commande de véhicules n'a pu être passée pour le moment alors que ces moyens sont des outils de travail quotidien, aucune commande d'ordinateurs n'a pu être réalisée pour la deuxième année consécutive. Nous sommes également en difficulté pour assurer les paiements sur des lignes incontournables, par exemple les dépenses d'énergie pour lesquelles il manque aujourd'hui 16 millions d'euros. Je ne serai plus en capacité de payer ces factures à la fin du mois d'octobre… Aussi, pour continuer d'assurer le bon fonctionnement des unités, je serai conduit à reporter le paiement des loyers aux collectivités locales», a-t-il expliqué aux députés le 16 octobre dernier, avant de redire à nouveau ses inquiétudes aux sénateurs le 22 octobre…
Car un gel à titre de «réserve de précaution», aggravé par un «surgel» en début d'année, prive actuellement la gendarmerie comme d'autres administrations de près de 9 % de leur budget. Dès lors, affirme le DGGN, le fonctionnement de cette institution forte de 100.000 hommes et femmes se complique. Même si le premier gendarme de France veille à rester «optimiste» au vu d'un budget 2014 malgré tout «responsable et cohérent», les conséquences sont là: difficulté à approvisionner les véhicules en carburant, stagnation du parc automobile, informatique et technique.
<aside class="fig-embed fig-exergue fig-media-droite fig-exergue-droite"></aside>«Aucune commande d'ordinateurs n'a pu être réalisée pour la deuxième année consécutive»
Le mécontentement est partout. Du côté des élus locaux d'abord, parfois privés de cette force de sécurisation indispensable, notamment en milieu rural. Ainsi 11 députés de la Droite populaire déplorent-ils un budget pour le carburant «insuffisant, ce qui signifie, soulignent-ils, moins de patrouilles sur les territoires ruraux».
Du côté des gendarmes eux-mêmes, confie Denis Favier, «le moral est morose. Les gendarmes pensent qu'ils n'ont pas les moyens d'accomplir leurs missions». Non pas à cause des effectifs, revus à la hausse cette année après cinq années de RGPP (révision générale des politiques publiques) durant laquelle la gendarmerie a été, selon lui, «malmenée», mais cette fois à cause de ces restrictions qui touchent les conditions d'exercice du métier et les conditions de vie des militaires, notamment leurs casernements, décrépits et parfois mal chauffés. Et le général d'énumérer les «points noirs» de l'immobilier de la gendarmerie: Satory, Melun, Aubervilliers… Or, souligne-t-il, «le logement, qui répond à une nécessité de service et qui est une condition du maillage territorial, a un effet direct sur le moral des personnes et de leur famille». Ce que confirme Christian Contini, ancien gendarme et président de l'association Gendarmes et Citoyens, qui note que «ce qui nous remonte du terrain, c'est que le cœur n'y est plus, les gendarmes n'ont plus l'envie de bosser»…
L'urgence, selon le DGGN, c'est le déblocage des fonds gelés. «Incontestablement, ma première préoccupation tient à la levée du gel et du surgel afin d'éviter un report de charges sur le budget pour 2014…» Un «signal positif» que le général attend toujours.