• Dernière modification : 19/12/2012 lien

    François Hollande : "Je ne viens pas ici faire repentance"

    Au premier jour de sa très attendue visite en Algérie, François Hollande a fait part, ce mercredi, de son intention de redessiner les relations franco-algériennes, en prônant la coopération et la vérité.

    Par France 3 / Ludovic de Foucaud (vidéo)lien
    FRANCE 24 (texte)
     

    “Un nouvel âge.” Le président français a fait, ce mercredi, une “déclaration d’amitié” à l’Algérie, au premier jour de sa visite de 36 heures dans le pays, lors d’une conférence de presse à Alger.

    Ce voyage "était attendu parce que c'est le premier que je fais comme président de la République, parce que c'est le premier dans cette région, parce que c'est un voyage qui vient en 2012, à un moment forcément symbolique, 50 ans après l'indépendance de l'Algérie", a-t-il déclaré.

     
     
    Je ne viens pas ici faire repentance.
    François Hollande

    Affichant une volonté de coopération entre les deux pays, François Hollande a évoqué un futur “document cadre [de] partenariat”, “un programme de travail sur cinq ans dans les domaines économiques, financiers, culturels, agricoles et même de défense".

    “Vérité sur le passé”

    À l’heure où l’Algérie célèbre le 50e anniversaire de son indépendance, le président français, attendu sur le sujet de la colonisation, a également tenu à préciser que la raison de sa visite n’était pas de faire acte de repentance. "Je ne viens pas ici - puisque ça n'est ni ce qui m'est demandé, ni ce que je veux faire - pour faire repentance ou excuse. (…) Je viens dire ce qu'est la vérité, ce qu'est l'Histoire", a-t-il expliqué. "Vérité sur le passé, vérité sur la colonisation, vérité sur la guerre avec ses drames, ses tragédies, vérité sur les mémoires blessées."

    Autre sujet au centre des attentes, l'enquête sur l'assassinat, en 1996, des sept moines de Tibhirine, a été évoquée lors de la rencontre entre les deux chefs d’État, a indiqué François Hollande, sans donner plus de détails. Également interrogé par les journalistes sur les 17 essais nucléaires français effectués entre 1960 et 1966 dans le Sahara algérien, le chef de l'État a déclaré que la loi d'indemnisation des victimes devait être appliquée "pleinement".

     
     
    Le passé doit nous permettre d'aller plus vite et plus loin.
    François Hollande

    Liesse

    À son arrivée, François Hollande a été acclamé par une foule en liesse, sur le boulevard du front de mer d’Alger - habillé pour l’occasion aux couleurs des deux nations - qu’il a en partie arpenté à pieds. Des milliers d’Algériens se sont rassemblés sur le passage du cortège présidentiel, sous une pluie de riz. Groupes de musique folklorique et garde d'honneur traditionnelle à cheval effectuant des tirs à blanc étaient également présents pour l’évènement, organisé sous haute sécurité. Pour le journal El-Watan, plus gros tirage francophone du pays, cette visite est censée apaiser "enfin, les mémoires encore douloureuses".

    Venu accompagné d’une importante délégation composée, notamment, de neuf ministres et de sa compagne Valérie Trierweiler, le président français - dont la côte de popularité auprès des Algériens est plus forte que celle de son prédécesseur - s’est par la suite entretenu avec son homologue algérien, Abdelaziz Bouteflika, dans la résidence d'État de Zéralda.

     

    "Les mots de François Hollande sont écoutés de très près ici"
    Par Melissa BELL, envoyée spéciale FRANCE 24 à Alger

    Après la conférence de presse, le chef de l’État devait se prêter à une cérémonie de signature d'une quinzaine d'accords commerciaux et industriels. L'un d'eux porte sur la construction, près d'Oran, d'une usine de montage de Renault susceptible de produire, à compter de 2014, au moins 25 000 véhicules par an.

    Jeudi, point d’orgue de son déplacement, François Hollande doit prononcer un discours devant les sénateurs et députés algériens. Le président français se rendra également place Maurice Audin, pour un hommage au militant communiste et indépendantiste mort, selon sa famille, entre les mains de l'armée française. Un épisode obscur de la période coloniale sur lequel François Hollande a promis de faire toute la lumière.
    lien

    François Hollande a été acclamé par une foule en liesse, sur le boulevard du front de mer d’Alger, habillé pour l’occasion aux couleurs des deux nations. Photo : AFP

     

    Diaporama - Bain de foule de François Hollande à Alger
     

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  • Dernière modification : 14/12/2012   lien

    Le juge Trévidic autorisé à se rendre en Algérie en mars 2013

    Le juge Trévidic autorisé à se rendre en Algérie en mars 2013

    Le juge antiterroriste Marc Trévidic a obtenu l’autorisation des autorités algériennes de se rendre en Algérie afin d'enquêter sur l’assassinat des moines de Tibhirine. Certaines conditions qu'il requiert ne sont cependant pas garanties.

    Par FRANCE 24 (texte)
     

    Selon des informations recueillies par FRANCE 24, le juge antiterroriste Marc Trévidic a obtenu le feu vert d’Alger pour se rendre en Algérie au mois de mars 2013, dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat des sept moines à Tibhirine, en 1996. Cependant, les autorités algériennes n’ont fourni aucune garantie quant à deux des conditions exprimées par le juge. Marc Trévidic demande, d’une part, à interroger lui-même une vingtaine de personnes, considérées comme des témoins clés. D’autre part, il veut effectuer, avec l’aide d’experts français, des prélèvements ADN sur les têtes des défunts, qui doivent être exhumées. Pour remonter aux auteurs de la tuerie, il est en effet impératif, selon lui, de savoir si les têtes présentent ou non des impacts de balles et si les moines ont été décapités ante ou post mortem.

    Alors que François Hollande, qui a annoncé vouloir améliorer les relations entre la France et l’Algérie doit effectuer une visite officielle les 19 et 20 décembre prochains à Alger et Tlemcen, Marc Trévidic espère que ce déplacement présidentiel fera avancer le dossier.

    Dans une lettre ouverte à François Hollande publiée dans le journal La Croix, l’avocat à la cour de Paris et président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), Patrick Baudouin a plaidé, le 13 décembre, pour que la question de "la nécessaire coopération des autorités algériennes dans l’exécution de la commission rogatoire internationale soit évoquée" lors des entretiens entre le président français et le président algérien Bouteflika.

    Les sept moines trappistes français avaient été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 dans leur monastère, près de Médéa. Les Groupes islamiques armés (GIA) avaient revendiqué leur enlèvement et leur assassinat dans un communiqué. Les têtes des victimes avaient été découvertes le 30 mai au bord d'une route de montagne. Leurs corps n’ont jamais été retrouvés.


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  • Dernière modification : 14/12/2012 lien

    La seconde vie du monastère de Tibhirine

    La seconde vie du monastère de Tibhirine
    © Assiya Hamza

    Seize ans après l’assassinat de sept moines de Tibhirine, des visiteurs du monde entier continuent d'affluer pour découvrir ce monastère qui peine encore à retrouver une communauté. Reportage.

    Par Assiya HAMZA , envoyée spéciale en Algérie (texte)
     

    C’est un petit bout de paradis, une sorte de jardin d’Éden niché sur une colline de Médéa, à 100 kilomètres au sud d’Alger : Tibhirine, "les Jardins" en kabyle. Pour accéder à ce petit village, il faut s’éloigner du vacarme de la ville, se laisser happer par la montagne et s’émerveiller. Notre-Dame-de-l’Atlas est là. Derrière un petit portail en ferraille noire se dresse le monastère cistercien de Tibhirine, fondé en 1938. Symbole de paix et de spiritualité, il revit aujourd’hui après avoir été le théâtre de l’horreur, un soir de 1996.

    Le juge Trévidic autorisé à se rendre en Algérie en mars 2013

    Selon des informations recueillies par FRANCE 24, le juge Marc Trévidic a obtenu le feu vert d’Alger pour se rendre en Algérie au mois de mars 2013, dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat des sept moines à Tibhirine en 1996. Cependant, les autorités algériennes n’ont fourni aucune garantie quant à deux des conditions exprimées par le juge. Marc Trévidic demande, d’une part, à interroger lui-même une vingtaine de personnes. D’autre part, il veut effectuer, avec l’aide d’experts français, des prélèvements ADN sur les têtes des moines.

    Marc Trévidic espère que la visite, les 19 et 20 décembre, en Algérie, de François Hollande, qui a annoncé vouloir améliorer les relations entre les deux pays, fasse avancer le dossier.

    C'est là que, dans la nuit du 26 au 27 mars, sept moines trappistes français sont enlevés par un commando d’hommes armés. L’Algérie connaît alors ce que l’on appellera plus tard sa "décennie noire" : une lutte sans merci opposant l’armée algérienne aux commandos islamistes. Quelques semaines plus tard, la détention, revendiquée par des Groupes islamistes armés (GIA), se transforme en assassinat. Le 30 mai, les têtes des frères Christian, Christophe, Michel, Celestin, Luc, Bruno et Paul sont retrouvées dans des sacs en plastique sur le bord d’une route, près de l’entrée de Médéa.

    Du crime au repos

    Seize ans plus tard, le monastère connaît une nouvelle vie. Depuis douze ans, le père Jean-Marie Lassausse, prêtre de la mission de France, est le gardien des lieux. Après avoir passé de nombreuses années au Maroc et en Égypte, l’homme d’Église est venu perpétuer la mémoire des moines assassinés. Le rituel instauré est toujours le même. Deux fois par semaine, à 5h30, ce petit homme aux cheveux gris quitte la maison diocésaine d'Alger située sur les hauteurs de la capitale en direction de Tibhirine pour s’occuper de l’exploitation des huit hectares du verger appartenant au monastère. "Nous faisons essentiellement de l’arboriculture", raconte cet ancien ingénieur en agronomie. Pommiers, cerisiers, abricotiers, figuiers…: au total, près de 1 500 arbres poussent sur cette terre fertile abritant une source d'eau naturelle. "Nous faisons des confitures. Nous vendons environ 3 000 bocaux par an, ce qui nous permet d’avoir une économie stable", se satisfait-il.

    Eté comme hiver, le père Lassausse s’affaire avec l’aide de ses acolytes, Youssef et Samir. Les deux hommes, à la peau tannée par le soleil, sont âgés d’une petite quarantaine d’années. Ils connaissaient les moines assassinés. Youssef a commencé à travailler au monastère dès l’âge de 14 ans. "J’ai grandi ici. Quand j’étais petit, je me souviens que le frère Pierre me donnait souvent du pain chaud avec de l’huile", raconte l’ouvrier agricole dont le frère était le gardien du monastère à l’époque de l’enlèvement. "Je pense à eux et je suis content que les gens viennent aujourd’hui".

     
    Jean-Marie Lassausse est prêtre de la Mission de France. Il est en charge du monastère de Tibhirine depuis 2012. (© Assiya Hamza/FRANCE 24)

    Visites incessantes

    Depuis septembre 2010, le silence étourdissant des lieux est souvent brisé par les voix de visiteurs, qui viennent parfois par cars entiers. "Le film de Xavier Beauvois 'Des hommes et des dieux' a tout changé. Il a eu un retentissement énorme", explique le père Lassausse. "Depuis, de mars à novembre, nous accueillons un flux continu de personnes".

    Près de 3 000 personnes originaires des quatre coins du monde viennent ainsi visiter la bâtisse et rendre hommage aux sept moines assassinés. Parmi eux, beaucoup d’Algériens - presque la moitié. "Ils viennent rendre hommage au frère Luc qui a souvent soigné des membres de leur famille. Il est devenu une sorte de marabout, presque un saint, poursuit-il. Les frères ont témoigné leur fidélité à Dieu, à cette population et à cette terre en restant pendant les années noires."

    Pour assurer les visites, le père Jean-Marie Lassausse peut désormais compter sur l’aide d’un couple de retraités français, Anne et Hubert Ploquin. Partis avec la Délégation catholique pour la coopération (DCC), ils ont atterri en Algérie un peu par hasard. "J’ai lu le livre de Jean-Marie intitulé 'Le jardinier de Tibhirine'*, se souvient Anne en précisant qu’à cette époque, elle et son mari attendaient un poste en Afrique. Je me suis alors dit : 'Pourquoi on ne lui proposerait pas notre aide pour l’accueil ?'", poursuit-elle. "On avait tout à apprendre de l’Algérie. Et quel accueil ! Ça a été une grande claque !", s’enthousiasme à son tour Hubert. Arrivés depuis le 14 décembre 2011 à Tibhirine, le couple est installé au-dessus de l’ancien dispensaire du frère Luc. Malgré des travaux de rénovation entamés l’an dernier, le confort est assez spartiate : eau chaude dans la salle de bain uniquement et un chauffage unique dans la pièce de vie pour chauffer tout l’appartement.

    "Un lieu de vie"

    Malgré le froid mordant, Anne assure la visite comme à l’accoutumée en cette matinée de décembre. Elle détaille avec régal l’histoire de la bâtisse jusque dans ses moindres détails : la maison coloniale installée en 1870, la présence de céramiques sur le mur de la chapelle issues des anciennes cuves à vin, l’origine des vitraux. "Pour nous, ce n’est pas un musée, c’est un lieu de vie", souligne-t-elle.

    Des fenêtres ont été changées, des volets installés, la chapelle réaménagée, les cellules repeintes… Si les choses ne sont pas exactement telles qu'elles étaient au temps des frères, tout rappelle pourtant leur présence. C’est d’ailleurs dans le cimetière du monastère qu’ils reposent, côte à côte. À l’ombre de pins immenses, sept petites pierres tombales blanches gravées de leur prénom et de la date de leur mort. Anne a simplement planté quelques crocus d’automne. "Normalement il ne doit rien y avoir sur les tombes des trappistes, mais les gens ramènent parfois des fleurs."

    Aujourd’hui, les Ploquin sont "heureux d’être ici". Ils ont même prolongé leur séjour. "On aurait dû finir le 30 novembre mais on a très facilement accepté de rester", insiste Hubert. Ils espèrent que quelqu’un reprendra le flambeau.

    Le monastère, lui, reste vide. Depuis 1996, deux communautés se sont succédées : des trappistes, de 1998 à 2001, et des sœurs de Bethléem, entre 2007 et 2009. En vain. Tous ont fini par partir. Pas de quoi affaiblir l’optimisme de Jean-Marie Lassausse pour autant. "Tibhirine retrouvera une communauté. Ça se fera, Inch' Allah !"
     

    * Le jardinier de Tibhirine, Jean-Marie Lassausse, Bayard Éditions, 18 euros


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  • Algérie / Etats-Unis / Mali - 
    Article publié le : lundi 29 octobre 2012 - Dernière modification le : lundi 29 octobre 2012 lien

    Hillary Clinton veut rallier l’Algérie à une éventuelle opération militaire au nord du Mali

    La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton (g) et le président algérien Abdelaziz Bouteflika (d), le 29 octobre 2012 à Alger.

    La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton (g) et le président algérien Abdelaziz Bouteflika (d), le 29 octobre 2012 à Alger.

    REUTERS/Saul Loeb/Pool

     

    Par Ursula Soares

    La secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, a rencontré, ce lundi 29 octobre à Alger, le président Abdelaziz Bouteflika. Suite à son entretien, elle a déclaré avoir eu « une discussion approfondie » sur le Sahel, et en particulier le Mali, dont le nord est occupé par des groupes islamistes. Les Etats-Unis cherchent à obtenir le soutien de l’Algérie à une éventuelle intervention militaire au Mali. Alger n’exclut plus ce principe mais il est peu probable que l'Algérie participe directement à une opération armée.

    Lors de son voyage de quelques heures à Alger, Hillary Clinton a rencontré son homologue Mourad Medelci, puis le président Bouteflika, avec qui elle a déjeuné. Officiellement, il s’agissait de consolider le partenariat économique et sécuritaire et d’échanger sur les grands sujets de l’actualité régionale et internationale. C’est finalement le nord du Mali qui a été au cœur des entretiens.

    L’indispensable feu vert de l’Algérie

    L’un des principaux objectifs de ce voyage de la secrétaire d’Etat américaine était effectivement de convaincre l’Algérie de soutenir une éventuelle intervention militaire internationale dans le nord du Mali. Même si les Américains sont, eux-mêmes, réticents à ouvrir un nouveau front militaire et quand bien même ils souhaiteraient régler la situation par la négociation, l’idée d’une intervention militaire africaine fait son chemin. Mais pour cela, le soutien de l’Algérie est « incontournable », disent les experts.

    L’Algérie, en effet, est une puissance militaire majeure de la sous-région ; elle dispose d’une expertise en matière de renseignements et de contre-terrorisme – elle a combattu pendant dix ans le Groupe islamique armé (GIA), dont Aqmi est une émanation – et elle partage, avec son voisin malien, près de 1 400 km de frontière. Si elle ne ferme pas sa frontière sud, la lutte, au nord du Mali, risque d’être vaine. Aujourd’hui, selon de nombreux experts, le ravitaillement des groupes armés se fait essentiellement via l’Algérie. Par ailleurs, l’Algérie doit également donner l’autorisation de survol de son territoire et ses aéroports – notamment celui de Tamanrasset – sont précieux car ils pourraient être sollicités.

    Ce sont là autant d’arguments qui pourraient expliquer cette visite de la secrétaire d’Etat américaine – même si rien n’a vraiment filtré des entretiens – et qui ont, sans doute, fait dire à un responsable du département d’Etat, à bord de l’avion de Mme Clinton, que « l’Algérie étant l’Etat le plus puissant du Sahel, elle est devenue un partenaire crucial » et que « l’Algérie doit être au centre de la solution à la crise malienne », a-t-il insisté.

    Une participation militaire algérienne peu probable

    L’Algérie est hostile par principe à toute présence étrangère – surtout occidentale – dans cette région du Sahel. Elle craint également que le nord du Mali ne devienne un bourbier qui aurait, immanquablement, des répercussions sur son territoire, ou encore que l’opération ne tourne à l’enlisement. Le premier risque, notamment, c’est qu’une fois boutés hors des villes de Gao, Tombouctou et Kidal, les groupes armés se replient sur le sud algérien d’où ils viennent, pour la plupart.

    Et puis, vivent en Algérie des populations berbères et des Touaregs (50 000) qu’il faut également ménager. Le chef touareg algérien, Mahmoud Guemama, député de Tamanrasset - région frontalière du nord malien - a estimé, ce lundi 29 octobre, qu’une intervention étrangère dans la région causerait « beaucoup de problèmes aux Touaregs » et qu’Alger devait continuer à s’y opposer et « à privilégier le dialogue ».

    L’Algérie, certes, privilégie la négociation et la solution politique. Nous savons, via une médiation discrète, qu’Alger entretient des contacts avec Ansar Dine et avec son chef, Iyad ag Ghali. Mais l’Algérie reconnait aussi qu’il y a des gens avec lesquels on ne peut pas discuter – les « terroristes » – et qu’il faut donc utiliser la force contre eux.

    De fait, l’Algérie dit « oui » à la lutte contre le terrorisme mais n’aime pas parler d’intervention militaire. Elle serait – dit-on – plutôt favorable à des frappes précises menées par les Américains plutôt qu’une intervention massive de troupes de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao).

    France et Etats-Unis « main dans la main »

    Pourquoi les Etats-Unis s’impliquent-ils, aujourd’hui, sur ce dossier, à travers cette visite d’Hillary Clinton ? Lors de l’Assemblée générale de l'ONU, à New York, fin septembre, la secrétaire d’Etat américaine avait dit au président français, François Hollande : « Le Mali, c’est vous ! », autrement dit : « On vous laisse gérer ce dossier et on vous suivra. » Alors, aujourd’hui, les Américains agissent-ils, d’une certaine manière, pour le compte des Français, afin de tenter d’amadouer les Algériens ? C’est une question qui se pose. En tout cas, ce qui est certain c’est que cette visite à Alger d’Hillary Clinton s’est faite en coopération et même en coordination avec la France. « On est conscient qu’il faut aider la France et on travaille main dans la main avec elle », confiait à RFI, cet après-midi, un diplomate américain.

    Nous savons que les Etats-Unis sont peut-être mieux placés pour faire pression sur l’Algérie. Sur le dossier malien, les Américains ont une ligne assez prudente qui ne déplait pas à Alger. Par ailleurs, il existe une étroite collaboration militaire et sécuritaire entre les deux pays et puis, bien sûr, il n’y a pas le passif lié à la colonisation comme celui qui existe entre la France et l’Algérie.

    Echéances électorales et onusiennes

    Ce déplacement d’Hillary Clinton peut aussi s’expliquer par l’élection présidentielle américaine qui aura lieu dans quelques jours, le 6 novembre. Ce n’est pas un hasard si la secrétaire d’Etat américaine est apparue, aujourd’hui, aux côtés du président Bouteflika. Le Mali est devenu un sujet d’actualité américaine. Mitt Romney – adversaire républicain de Barack Obama – en a parlé lors du dernier débat présidentiel. Les deux hommes sont aujourd’hui au coude à coude dans les sondages et le président américain doit montrer que son gouvernement reste ferme en matière de lutte contre le terrorisme et montrer sa détermination.

    Certains évoquent aussi une autre raison : l’assassinat de l’ambassadeur américain, Christopher Stevens, en Libye, début septembre, qui a marqué les esprits. Pour beaucoup, il est lié avec ce qui se passe au Mali car, derrière cet assassinat, se trouve la main d’Aqmi.

    Autre échéance : celle des Nations Unies. Le 12 octobre, l’ONU a demandé aux Africains de lui soumettre, avant le 26 novembre, un plan détaillé, en vue d’une intervention armée. Les Etats-Unis et la France sont disposés à fournir un appui logistique, mais il leur faut aussi multiplier les efforts pour arracher le soutien de l’Algérie.

     

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  • Accueil > Jean Daniel > "Souvenons-nous du 17 octobre !" Par Jean Daniel

    "Souvenons-nous du 17 octobre !" Par Jean Daniel

    Créé le 17-10-2011 à 17h46 - Mis à jour à 18h09

     

     

    Des Algériens arrêtés lors de la manifestation sont emmenés par la police à bord de cars et d'autobus en direction des centres de tri, à Vincennes, au Palais des Sports ou au stade de Coubertin. (AFP)

    Des Algériens arrêtés lors de la manifestation sont emmenés par la police à bord de cars et d'autobus en direction des centres de tri, à Vincennes, au Palais des Sports ou au stade de Coubertin. (AFP)
     
    Sur le même sujet

    Aujourd'hui, 17 octobre 2011, on célèbre le sinistre anniversaire de la chasse aux Algériens menée en plein Paris par la police, le 17 octobre 1961.

    J'ai, personnellement, mais aussi au nom du "Nouvel Observateur" signé une pétition initiée par notre confrère Edwy Plenel qui contient un appel à la mémoire mais aussi à la justice. Bertrand Delanoë, pour sa part, a organisé plusieurs manifestations pour associer la mairie et la ville de Paris à cette célébration.

    Le 17 octobre 1961, nous étions en pleine guerre d'Algérie. Jusqu'à une certaine période, le territoire de la métropole française et de la capitale avait été épargné. La fédération de France du Front de libération national algérien (FLN) n'avait pas jugé politique ni d'ailleurs stratégiquement intéressant de s'aliéner une population française dont la majorité n'était en rien associée aux répressions de type colonial et policier.

    Cependant, dans les derniers mois et plus exactement depuis juin 1961, des attentats avaient eu lieu contre les forces de l'ordre à Paris.

    Il faut se souvenir que sur les 350.000 Algériens résidant alors en France, 180.000 vivaient en région parisienne et que le FLN contrôlait, avec une poigne implacable, tous les immigrés algériens, en arrivant à un comportement d'une impitoyable cruauté quand ces immigrés restaient acquis au grand leader nationaliste algérien Messali Hadj. On ne peut donc pas dire que l'on vivait dans ces milieux dans la paix et la confiance et surtout dans la discipline.

    Cependant, comme le rappelle deux auteurs britanniques Jim House et Neil Master, de juin à août 1961, la fédération de France du FLN avait décidé d'une trêve rompue par les militants parisiens de cette fédération qui ont assassinés une dizaine de policiers en deux mois. A partir de ce moment, le préfet de police, au nom célèbre de Maurice Papon, sous les ordres du ministre de l'intérieur Roger Frey et après des instructions données par le Général de Gaulle lui-même, la répression va s'organiser. D'autant que les syndicats policiers, indignés par les attentats dont ils étaient les victimes, réclament non seulement des armes et des gilets par balles, mais des ordres écrits donnant libre cours à la répression.

    Nous en arrivons donc à cette terrible journée du 19 aout 1961, où la répression d'une manifestation se voulant et se déclarant pacifique, mais qui avait été solennellement et précisément interdite, aboutît à un massacre innommable d'Algériens traqués au faciès partout où ils prétendaient défiler. Le spectacle de cette répression a été épouvantable, il y a eu une centaine de morts. Contrairement à ce qui a été écrit, les journalistes ne se sont pas laissés imposer le moindre silence. Il y a eu des quantités d'articles dans toute la presse française. Une seule chose manquait, qui ne ferait pas défaut aujourd'hui: il n'y avait pas une seule photo, donc pas une seule trace visible dans les journaux, à la télévision, et au cinéma.

    Maintenant il faut poser deux ou trois questions essentielles: le gouvernement provisoire du FLN se trouvait à Tunis, c'est lui qui donnait les directives à toutes ses troupes et à tous ses militants, où qu'ils soient. Ce gouvernement a-t-il donné des ordres pour qu'une manifestation, même pacifique, ait lieu? Il n'en est rien. Au contraire, et c'est très important. Les négociations entre la France et les responsables de l'insurrection algérienne faisaient de grands progrès et elles allaient d'ailleurs aboutir à la proclamation de l'indépendance au printemps 1962, six à sept mois plus tard.

    Pourquoi la section parisienne de la fédération de France n'a-t-elle pas obéit aux ordres de son gouvernement? Plusieurs réponses. D'abord, ils n'étaient pas forcément d'accord avec un gouvernement, celui de Tunis, qui était lui-même divisé entre des groupes politiques et des groupes militaires. Ensuite, les militants parisiens se sentaient frustrés d'une participation directe à l'insurrection alors que celle-ci connaissait des succès. Ensuite encore, les Parisiens du FLN estimaient qu'on ne pouvait pas laisser sans réponse l'organisation de la répression où le racisme anti-arabe et la brutalité des méthodes se développaient de plus en plus. Reste que le 16 octobre, la veille du massacre, les responsables algériens avaient bel et bien été informés de ce qui les attendait s'ils manifestaient. C'est pourquoi, après le massacre, il y a eu de violents désaccords entre les responsables algériens.

    A la question de savoir si un résistant ne doit pas craindre la répression lorsque son devoir est de résister, il y a une réponse: lorsque les résistants français ont scié des rails et des trains, ils savaient que des dizaines d'otages seraient fusillés. Mais c'est là que la réponse se complique. Lorsque la résistance contribue à faire aboutir l'indépendance, justifie le risque d'exposer des civils au martyre. Mais précisément, les Algériens qui étaient opposés à la manifestation avançaient que ce n'était pas au moment où les négociations progressaient qu'il convenait de compromettre le travail des négociateurs.

    On a compris que je tenais à expliquer la raison de ma signature de la pétition. Car la question des responsabilités se posent à la fois aux Algériens et aux Français.

    Reste que de toute manière, les conditions dans lesquelles la répression du 17 octobre 1961 a été conçue, décidée, organisée, et perpétrée, relèvent d'une barbarie dont seuls les Juifs avaient été l'objet dans un passé récent.

    Jean Daniel – Le Nouvel Observateur


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