Les syndicats s'engagent sur le terrain dans un bras de fer avec les leaders des "bonnets rouges". A Lorient (Morbihan), l'une des quatre villes choisies par les syndicats pour couvrir l'ensemble des départements bretons, cette ambition a eu un écho particulier.
Réunies autour des patrons de la CFDT et de la CGT, Laurent Berger et Thierry Lepaon, les deux "stars de la journée", comme les appelle une militante syndicale lorientaise, un peu plus d'un millier de manifestants ont défilé pour "exiger un volet social" dans le pacte d'avenir pour la Bretagne, mais aussi, pour beaucoup d'entre eux, se démarquer du mouvement des "bonnets rouges".
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Et c'est le leader de ce mouvement, organisateur des manifestations du 2 novembre à Quimper et du 30 novembre à Carhaix (Finistère), le maire divers gauche de Carhaix, Christian Troadec, qui a été la victime de cette reprise en main syndicale. Alors qu'il est interviewé par une chaîne d'information en continu en marge du cortège, un drapeau vient s'intercaler entre lui et la caméra. Les cégétistes s'arrêtent à sa hauteur. "Il n'a rien à faire là", s'exclament-ils. Les invectives fusent.
L'homme au drapeau, Alan Courtel, affilié à la CGT et employé à la DDE, explique son geste. "Je ne comprends pas pourquoi il est là. Ici, c'est une manifestation de salariés, et lui, il a l'habitude de manifester avec les patrons. Avec les bonnets rouges, ils font du détournement. Ils détournent le message des salariés au profit des patrons."
<figure class="illustration_haut"> </figure>"Nous sommes légitimes ici, répond Christian Troadec. L'emploi, c'est aussi ce qu'on défend. Nous nous retrouvons dans ce message unitaire, dit-il, avant de reprendre son mantra : le pacte d'avenir doit être fait par des Bretons pour éviter les diktats faits par Paris."
"QU'ATTENDENT LES AUTRES POUR S'Y METTRE ?"
"Nous [les syndicats] voulons lutter contre la montée du poujadisme et des corporatismes, a déclaré Laurent Berger au début de la manifestation. Nous allons nous rencontrer dans les prochains jours pour discuter et voir ce que nous pouvons faire contre ce phénomène." Leurs cibles : les patrons, "pas prêts à appréhender les mutations économiques nécessaires" pour redynamiser la région et qui "exploitent les salariés et volent le droit de pouvoir vivre et travailler au pays". Et "les bonnets rouges qui ont surfé sur la vague du mécontentement", explique Thierry Lepaon.
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Pour Christian Le Tallec, salarié à la direction générale des finances publiques, "les difficultés de la Bretagne doivent être reprises par les organisations syndicales et non par des mouvements comme les bonnets rouges. L'écotaxe sert de fait de générateur des contestations. Mais c'est décalé par rapport aux vraies problématiques, juge-t-il. C'est l'emploi en général qu'il faut défendre et notamment en Bretagne, une région particulièrement touchée. Le message que nous souhaitons envoyer aujourd'hui : nous voulons montrer que nos organisations [syndicales] sont capables de faire entendre la voix des salariés contrairement à d'autres qui se font les porte-voix d'intérêts particuliers."
<figure class="illustration_haut"> </figure>Des salariés d'Ebrex, un transporteur dont les 70 salariés vont être mutés dans d'autres villes après son rachat, pensent que les discours ne doivent "pas uniquement porter sur la Bretagne. Qu'attendent les autres pour s'y mettre ?" Et eux aussi tiennent à dire qu'ils ne se reconnaissent pas dans les bonnets rouges. "Ils font des amalgames. Nous ne voulons pas tomber dans la politique politicienne. C'est pourquoi nous manifestons avec les syndicats mais pas avec les bonnets rouges."
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La manifestation n'a pas réuni autant de personnes qu'escompté par ses organisateurs. "On a eu du mal à mobiliser, explique une déléguée syndicale locale. Les gens ont du mal à sortir, à part quelques-uns notamment de chez Doux et Gad. Le message était trop large et flou. Mais nous sommes quand même contents de cette journée."
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