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Le Point.fr - Publié le <time datetime="2013-03-18T11:23" itemprop="datePublished" pubdate=""> 18/03/2013 à 11:23</time>
Le successeur désigné de Bernard Thibault doit prendre les rênes du syndicat à l'occasion du 50e congrès de la CGT à Toulouse. Portrait.
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Thierry Lepaon succède à Bernard Thibault à la tête de la CGT. © PATRICK KOVARIK / AFP </figcaption> </figure>
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Le successeur désigné de Bernard Thibault, Thierry Lepaon, héritera cette semaine à Toulouse, lors du 50e congrès de la CGT, d'une centrale syndicale dans la tourmente, même si elle reste la plus puissante d'une France profondément déprimée. Cet ancien soudeur de 53 ans à la carrure athlétique, aux cheveux ras et poivre-et-sel, n'était pas le premier choix du secrétaire général sortant, 54 ans seulement, mais miné par 14 années de règne et des douleurs dorsales récurrentes.
Bernard Thibault aurait voulu qu'une femme, Nadine Prigent, ex-secrétaire générale de la fédération de la santé, une des 33 organisations nationales de la CGT, lui succède. Mais l'ancien cheminot, mis en minorité dans les instances dirigeantes de la centrale et hostile au principal rival de sa protégée, Éric Aubin, le Monsieur Retraites de la CGT, a dû se résigner à un successeur de compromis. À la surprise de beaucoup, ce sera Thierry Lepaon, envers qui il n'avait pas manifesté jusque-là d'affinités particulières, mais qui s'est fait remarquer par un discours rassembleur, une nuit de fin mai 2012, en pleine bataille de succession au Comité confédéral national (le "parlement" de la CGT).
Bernard Thibault aurait voulu qu'une femme, Nadine Prigent, ex-secrétaire générale de la fédération de la santé, une des 33 organisations nationales de la CGT, lui succède. Mais l'ancien cheminot, mis en minorité dans les instances dirigeantes de la centrale et hostile au principal rival de sa protégée, Éric Aubin, le Monsieur Retraites de la CGT, a dû se résigner à un successeur de compromis. À la surprise de beaucoup, ce sera Thierry Lepaon, envers qui il n'avait pas manifesté jusque-là d'affinités particulières, mais qui s'est fait remarquer par un discours rassembleur, une nuit de fin mai 2012, en pleine bataille de succession au Comité confédéral national (le "parlement" de la CGT). "J'ai dit que nous enclenchions la mécanique du pire et que personne ne saurait comment en sortir, que ce n'était pas une question de personnes mais de revendications et d'orientation", raconte Thierry Lepaon à Reuters. "Mais je n'étais pas candidat", assure-t-il. "Je n'ai su qu'on me proposait cette fonction que le 11 septembre, donc bien après. C'est à ce moment-là que sont nées mes angoisses."
22 ans dans l'industrie
Né le 31 janvier 1960 à Caen dans une fratrie de quatre enfants, père maçon et mère cuisinière scolaire, il entre vite dans la vie active, d'abord à Caterpillar, où il rejoint la CGT. Il s'est lié entre-temps d'amitié avec deux militants communistes, un ancien résistant et une directrice d'école, maire d'une bourgade normande, qui complètent sa formation lacunaire et lui donnent le goût de l'engagement. Il a toujours sa carte du PCF, avec lequel Bernard Thibault a rompu tout lien fonctionnel. Mais il assure ne plus y militer depuis une quinzaine d'années. "Je cotise, c'est tout." Il a en revanche gravi l'échelle des responsabilités syndicales : secrétaire d'union locale à Caen, secrétaire général du Calvados, puis de la région Normandie, membre de la commission exécutive de la CGT, où il est chargé ces dernières années de définir l'orientation revendicative de l'organisation.
Sous son allure d'apparatchik adepte de la chemise blanche, col ouvert sous veste sombre, il est plus complexe et déroutant. "Il n'y aura pas de marque Lepaon, il y aura une marque CGT que nous allons réaffirmer durant le congrès", assure-t-il quand on l'interroge sur la ligne qu'il entend imprimer à la centrale. Mais il n'en revendique pas moins sa différence avec des prédécesseurs pour la plupart venus du secteur public. "Il ne vous a pas échappé que Bernard et moi n'avons pas le même parcours militant", confiait-il récemment. "Moi j'ai vécu 22 ans dans l'industrie, j'ai été licencié trois fois et j'ai connu 17 plans de restructuration."
"Tourner la page"
Il est ainsi en première ligne lors du dépôt de bilan très médiatisé de Moulinex, qui laisse 3 200 salariés sur le carreau en septembre 2001 alors qu'il est au conseil d'administration. Aujourd'hui encore, certains de ses anciens collègues de Moulinex, en particulier de la CFDT, contestent son rôle et l'accusent de les avoir oubliés après avoir profité des lumières des médias. "Ils me reprochent d'avoir tourné la page, et c'est vrai", répond-il. "Je suis resté dans mes responsabilités jusqu'à la signature de l'accord de fin de conflit et j'ai mené tous les combats juridiques. Après, des anciens ont créé des associations auxquelles ils voulaient que j'adhère et j'ai refusé." Malheureusement, on ne choisit pas d'être devant dans ces cas-là. Je me suis retrouvé devant pour une raison très simple : on n'avait plus de banque, plus de patron, plus d'actionnaire et il en fallait bien un qui parle aux gens", ajoute-t-il.
Son expérience dans le secteur privé pourrait en tout cas être un atout dans le contexte actuel de panne économique, de plans sociaux à répétition et de chômage de masse. L'ancien adolescent fâché avec l'école a fait de la lutte contre l'illettrisme un cheval de bataille, animé ces dernières années à la CGT les réflexions sur la formation professionnelle, passé dix ans au Comité économique et social de Basse-Normandie et sept ans au Conseil d'orientation pour l'emploi. Cet ancien champion d'haltérophilie, qui avoue ne plus avoir de temps pour le sport, présidait en outre depuis 2010 le groupe CGT au Conseil économique, social et environnemental (Cese).
Rumeurs et réseaux
C'est à son entrée au Cese qu'il dit devoir être l'objet d'une rumeur sur son appartenance à la franc-maçonnerie, rumeur dont il a dû répondre à la CGT et qu'il dément avec constance. "C'est une connerie, ça n'a jamais existé", dit-il à Reuters. Thierry Lepaon n'en apparaît pas moins soucieux d'étendre ses réseaux, la preuve en étant sa participation à un groupe informel d'échanges, le "Quadrilatère", créé par le groupe de presse Liaisons sociales, qui réunit patrons, directeurs des ressources humaines, syndicalistes, journalistes et experts. "Ce n'est pas une secte, ce n'est pas secret", fait valoir Stéphane Lardy, un des dirigeants de Force ouvrière, qu'il côtoie dans ce cadre. "Ça fait partie de notre boulot de rencontrer des chefs d'entreprise, des DRH, des ministres."
Comme d'autres syndicalistes, il reconnaît à Thierry Lepaon une capacité d'écoute et un savoir-faire dont celui-ci aura besoin pour "recoller les morceaux" à la direction de la CGT. "La CGT a été ébranlée. On l'a senti lors des négociations sur la sécurisation de l'emploi", raconte Stéphane Lardy. Là encore, Thierry Lepaon a marqué sa volonté de tourner la page en faisant savoir que Nadine Prigent, Éric Aubin et Agnès Naton, elle aussi un temps pressentie pour succéder à Bernard Thibault, seraient de la prochaine commission exécutive. "Il n'a pas tellement le choix. S'il veut s'affirmer, il doit rassembler", souligne Jean-Dominique Simonpoli, directeur général de l'association Dialogues.
Ce divorcé père de trois enfants aura aussi fort à faire pour relancer la modernisation de la CGT, entreprise par le secrétaire général sortant mais au goût d'inachevé, alors que la situation économique pousse ses troupes à la radicalisation. "On ne sait pas où en est la CGT aujourd'hui", souligne Guy Groux, spécialiste des mouvements sociaux.
Défis
Avec moins de 700 000 adhérents, la CGT est loin du million de syndiqués qu'elle s'est fixé pour objectif. "Le premier défi, c'est de rendre la CGT accessible aux salariés des PME et très petites entreprises", souligne Thierry Lepaon. "Nous ne sommes pas équipés pour les accueillir." Le deuxième défi est de rendre au syndicalisme un "esprit de conquête", poursuit-il. "Nous ne sommes pas condamnés à rester dos au mur, à engager seulement des actes de résistance face aux politiques gouvernementales ou patronales. Nous voulons améliorer la situation des salariés au quotidien."
Il a envoyé jusqu'ici des signaux contradictoires. D'un côté, soutien aux conflits les plus durs, dénonciation de l'accord du 11 janvier sur la réforme du marché du travail, critique du président socialiste François Hollande accusé de suivre son prédécesseur de droite, Nicolas Sarkozy... De l'autre, une double ouverture le 13 mars dans Les Échos : "Je ne veux pas d'une CGT qui se contente de dire non (...) La CGT n'est pas et ne sera pas le bras armé du Front de gauche."
Pour Guy Groux, la mise à l'épreuve arrivera très vite avec la réforme des retraites annoncée par le gouvernement et celle de l'État, sur laquelle la CGT semble se rapprocher de la FSU, principal syndicat de fonctionnaires. Reste à savoir si le nouveau patron de la CGT saura renouer une coopération constructive avec la CFDT, qui a confirmé pour sa part son choix du réformisme, en novembre dernier. "Ça sera un client difficile, il n'aura pas peur d'aller à la confrontation, il n'a pas peur des médias", prédit un ancien dirigeant de la deuxième confédération française.