• Florange: les métallos enterrent

    les hauts fourneaux de Mittal

    Vendredi, les représentants syndicaux se sont vus signifier l'arrêt des hauts fourneaux de Florange, après des mois de bras de fer avec la direction d'ArcelorMittal.

    M. T. avec AFP et BFMTV
    Le 12/04/2013 à 17:15

     

    Vendredi à Florange, c'est comme en cortège funèbre que les représentants des salariés d'ArcelorMittal sont sortis de la réunion du comité d'entreprise qui a signé l'arrêt de mort des hauts fourneaux. "C'est une journée de deuil", a déclaré le délégué FO, Walter Broccoli. "On a perdu, le gouvernement nous a trahis, Mittal a gagné." 

    Ils étaient convoqués pour entendre ce qui avait déjà été scellé la veille lors d'un comité central d'entreprise à Paris: l'arrêt de la filière liquide de production d'acier et l'extinction définitive des hauts fourneaux.

    "Après deux années de combat, c'est une défaite, a poursuivi Walter Broccoli. Le gouvernement a signé la fermeture des hauts fourneaux, la mise en péril de la filière packaging et la mort de la vallée" de la Fensch, en Lorraine, berceau du site sidérurgique.

    Toujours mobilisés sur le front social

    Désormais, c'est sur le front social que les syndicats vont se battre, avec l'ouverture des négociations prévue dans les jours qui viennent.

    Selon la direction, 629 emplois vont être supprimés dans la filière liquide. 206 sont déjà partis, essentiellement à la retraite, 301 salariés ont d'ores-et-déjà été détachés sur d'autres activités et 122 salariés sont toujours affectés à la phase liquide.

    "On va se battre pour ceux qui restent et qui seront peut-être délocalisés à Fos-sur-Mer ou à Dunkerque, et pour ceux qui subiront des baisses de salaire", a promis Walter Broccoli.

    Les syndicats mieux représentés

    Vendredi, les syndicats ont déjà obtenu une plus large représentation au sein de la commission économique chargée de surveiller l'avancée des négociations sociales, la procédure d'extinction des hauts fourneaux, et le respect des engagements d'ArcelorMittal d'investir 180 millions d'euros dans la filière à froid.


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  • Société

    Quatre syndicats dans la rue contre l'accord sur l'emploi

    <time datetime="2013-04-09T10:37:36+02:00" itemprop="datePublished">9 avril 2013 à 10:37</time> (Mis à jour: <time datetime="2013-04-09T16:55:09+02:00" itemprop="dateModified">16:55</time>) lien

    Manifestation contre l'accord sur l'emploi le 9 avril à Lyon.

    Manifestation contre l'accord sur l'emploi le 9 avril à Lyon. (Photo Jeff Pachoud. AFP)

    Au dernier jour de l'examen du texte à l'Assemblée, environ 170 rassemblements ont été organisés dans toute la France.

    Des milliers de manifestants, dont Thierry Lepaon (CGT) et Jean-Claude Mailly (FO), sont partis mardi en début d’après-midi de Montparnasse vers l’Assemblée nationale, où le projet de loi sur l’emploi, rejeté par ces syndicats, devait être adopté en fin d’après-midi.

     

    Derrière la banderole de tête défilaient aussi, sous une pluie battante, les leaders de la FSU, Bernadette Groison, et de Solidaires, Annick Coupé. «Ce n’est pas du tout un accord donnant-donnant, comme le dit Michel Sapin (ministre du Travail) mais un accord donnant-perdant», a lancé au départ du cortège Thierry Lepaon, secrétaire général de la CGT. Selon lui, «on voit bien l’intérêt que peuvent avoir les employeurs à avoir plus de flexibilité et de mobilité. Par contre pour les employés, ils ont du mal à nous convaincre que ça permettra de répondre à l’objectif fixé qui est la création d’emplois dans notre pays».

    De son côté, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, a affirmé : «Je veux que les députés sachent qu’il y en a qui ne sont pas d’accord avec eux.» «C’est une piqûre de rappel, une façon de leur dire que dans quelques mois, quand la loi sera appliquée, c’est vous qui en porterez la responsabilité», a ajouté le leader de FO.

    En tête de cortège défilaient les militants de PSA Aulnay qui scandaient «interdiction des licenciements, aucune usine ne doit fermer». «C’est un symbole qu’on soit en tête de manif», a lancé Jean-Pierre Mercier (CGT Aulnay), rappelant que l’usine entame sa «13e semaine de grève».

    Dans l’hémicycle les élus devaient adopter le texte en fin d’après midi. Ils avaient achevé peu après minuit l’examen de tous les articles et des amendements - émanant essentiellement du Front de gauche. Le projet sera ensuite soumis au Sénat à partir du 17 avril en procédure accélérée. Présent au défilé parisien, le sénateur Pierre Laurent, numéro un du PCF, a promis la poursuite de la bataille à la haute assemblée. Jean-Luc Mélenchon a dénoncé un jour de «deuil social».

    En revanche, la présidente du Medef, Laurence Parisot, est «plutôt satisfaite» de voir respectés «les grands dispositifs» de l’accord. Le leader de la CGT a reproché au gouvernement d’avoir «une oreille droite bien ouverte» aux revendications du Medef et «une oreille gauche un peu bouchée».

    «Meurtre avec préméditation» du code du travail

    Toutefois, la CGT et FO ont mobilisé modestement mardi dans le reste de la France. A Lyon, 1 800 manifestants, selon la police, ont défilé de la manufacture des tabacs à la place Bellecour, les drapeaux CGT colorant le défilé. «C’est contre le gouvernement qu’on manifeste. On nous parle de sécurité de l’emploi mais c’est tout l’inverse», a affirmé Guillaume Dumoulin, représentant CGT chez Presstalis.

    Aux cris de «non à l’accord destructeur de nos droits et nos emplois», 350 manifestants ont battu le pavé à Strasbourg, sous une pluie fine. «Le Medef obtient tout, les salariés rien», s’est indigné auprès de l’AFP un manifestant CGT.

    A Marseille, plusieurs milliers de manifestants ont marché de la Canebière à la Préfecture, drapeaux CGT et FO au vent. «Parlementaires osez le progrès social, résistez au diktat du Medef», lisait-on sur la banderole de tête. «Hollande, c’est le peuple qui t’a élu pas le Medef, ni la CFDT», prévenait une pancarte.

    A Toulouse entre 1 800 (police) et 3 000 personnes (syndicats), ont défilé derrière une banderole dénonçant «l’accord scélérat». Des affichettes dénonçaient le «meurtre avec préméditation» visant le Code du travail.

    Entre 1 700 et 7 000 personnes ont défilé à Bordeaux. «La régression, on n’en veut pas, retirons ce projet de loi criminel et mortifère», scandaient des manifestants.

    A Bayonne, ils étaient 750, à Pau 800, selon la police, à Nice entre 650 et 1 500, à Nîmes entre 400 et 500. Environ 700 manifestants ont défilé à Rennes, selon des journalistes AFP. Au Mans, ils étaient un millier à aller au siège du PS. 920 salariés selon la police, ont défilé à Grenoble et entre 900 et 1.500 à Clermont-Ferrand.


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  • CGT-CFDT : fritures sur la ligne unitaire

    La fâcherie continue entre la CGT et la CFDT : pour la première fois depuis 2006, les deux confédérations ne défileront pas ensemble le 1er Mai pour célébrer la journée de solidarité internationale des travailleurs. Lors du congrès de la CGT, du 18 au 22 mars à Toulouse, la CFDT a été la cible privilégiée des congressistes.

    Eberlué, le secrétaire confédéral de la CFDT dépêché sur place en l'absence de tout responsable politique de sa centrale, François Branchu, a encaissé pendant cinq jours de violents discours contre son organisation accusée de tous les maux, de la compromission à  la trahison, pour avoir signé, le 11 janvier, avec le Medef, la CFTC et la CFE-CGC, un accord sur la sécurisation de l'emploi que la CGT combat pour empêcher sa transposition dans la loi.

    Après une première journée d'action contre cette transposition, le 5 mars avec Force ouvrière, qui est loin d'avoir été un succès, la CGT a programmé une nouvelle mobilisation le 9 avril. FO, qui entretemps a signé un accord de compétitivité chez Renault et le compromis sur les retraites complémentaires, a choisi la même date mais a appelé séparément à manifester.

    Une "mini-fracture" selon M. Lepaon

    La tonalité très anticédétiste du congrès de Toulouse n'a pas pour autant dissuadé le nouveau secrétaire général de la CGT, Thierry Lepaon, de répéter qu'il n'y avait pas de "rupture" avec la CFDT mais seulement une "mini-fracture" à propos de l'accord sur l'emploi. Le 20 mars, lors d'un point de presse, avant même son élection, M. Lepaon, dont les propos apaisants sur sa partenaire syndicale n'avait suscité, lors de son discours, aucune réaction de la salle, ne cachait pas son optimisme unitaire. "Un 1er Mai unitaire est possible", assurait-il notant, à rebours de la tonalité des interventions, qu'"il y a une volonté d'unité qui s'exprime".  Les votes des congressistes lui ont donné raison : le rapport d'orientation pour les trois ans à venir, qui prône toujours le "syndicalisme rassemblé" et la recherche de l'unité avec la CFDT, a été approuvé à 85,1%.

    Vendredi 18 mars, en clôturant le congrès de la CGT, M. Lepaon a assuré que le chemin du syndicalisme rassemblé "a toujours été difficile, mais ce n'est pas parce que c'est difficile qu'il nous faut y renoncer". Il était ainsi au diapason avec un de ses prédécesseurs, Louis Viannet, le "père" du syndicalisme rassemblé, qui confiait que "ce n'est pas parce qu'il y a une difficulté qu'il faut renoncer". Sans susciter de réactions dans l'assistance, M. Lepaon a donc de nouveau plaidé contre la division syndicale : "La recherche de l'unité des salariés et de leurs syndicats doit être permanente. L'unité n'est pas un détour tactique, elle est la condition irremplaçable pour que les salariés affirment toute leur place dans la société."

    La CFDT refuse la main tendue

    Des propos qui ont laissé de marbre Laurent Berger. Le secrétaire général de la CFDT a refusé la main tendue par son homologue. "Nos militants, a-t-il déclaré mardi 26 mars sur RTL, ne veulent pas se faire insulter une semaine et aller manifester avec la CGT  une autre semaine. Quand on se fait traiter de ''traître'', de ''collabo'', de ''renégat'', je considère que ce sont des insultes." En conséquence, "la CFDT n'ira pas manifester avec la CGT".

    Pour autant le leader de la CFDT n'entend pas jouer la carte de la rupture durable. "Nous vivons une période de tension, a-t-il ajouté, mais je ne souhaite pas qu'elle dure. Je souhaite qu'on s'explique avec Thierry Lepaon." La rencontre, non programmée,  s'annonce houleuse. Mais le climat devrait se détendre après le débat, en avril, sur le projet de loi visant à transposer l'accord sur l'emploi. Les deux confédérations, qui se disputent la première place, ont trop besoin l'une de l'autre pour rester durablement fâchées.


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  • Dix ans après, les Petits LU touchent leurs indemnités

    Florian Loisy | Publié le 18.03.2013, 07h23   lien

    
Evry, vendredi soir. Les ex-salariés de l’ancienne usine LU-Danone de Ris-Orangis se sont retrouvés afin de fêter leur victoire. L’épilogue heureux a incité une quarantaine d’autres à entamer une procédure judiciaire.

    Evry, vendredi soir. Les ex-salariés de l’ancienne usine LU-Danone de Ris-Orangis se sont retrouvés afin de fêter leur victoire. L’épilogue heureux a incité une quarantaine d’autres à entamer une procédure judiciaire. | (LP/F.L.)

    La fierté de sortir vainqueur du combat, bien plus que du montant des sommes obtenues. Vendredi, une trentaine d’ex-salariés de l’ancienne biscuiterie LU- de Ris-Orangis se sont retrouvés le sourire aux lèvres et… les poches un peu plus pleines. Après avoir entamé des procédures pour dénoncer un licenciement économique « abusif » dès 2004, ils viennent de toucher leur dû ces dernières semaines.

     
    Presque dix ans après.

    Vendredi soir, ils se sont réunis dans une salle d’Evry avant de filer au restaurant pour fêter ce succès. Un épilogue heureux qui a incité une quarantaine d’autres ex-employés de l’usine à entamer également une procédure.

    « Même un symbolique, nous aurions pris », lance d’emblée Bernard. Ces employés du groupe Danone ont longtemps cru ne jamais voir le bout de ce marathon judiciaire qui les aura conduits au tribunal de commerce, au tribunal administratif, à la cour d’appel, au Conseil d’Etat…

    « Mais quand nous avons été licenciés pour des raisons économiques, LU avait réalisé 12% de bénéfices de plus que l’année précédente », tonne Farid, l’un des leaders du combat syndical. « Nous étions sûrs de notre fait », reprend Bernard. Au final, ils ont touché chacun entre 30000 et 90000 €. « Mais cela ne compense pas les années perdues », soupirent-ils tous. « Nous avons quasiment tous dû accepter de reprendre un travail en perdant en moyenne 40% de notre salaire », témoignent Farid et Bernard.

    Les autres anciens Petits LU, quinquagénaires pour la plupart, acquiescent. « Parce qu’à un moment on arrive en fin de droits, et avec notre âge… » soupire Jacques. Marthe est à la retraite depuis deux ans. Marie, Renée, Martine et Jacques travaillent en milieu scolaire. Farid, Bernard ou d’autres ont intégré la fonction publique territoriale à Lisses, Bondoufle ou Ris. Trois n’ont pas encore retrouvé d’emploi.

    Cet argent récupéré au terme de la procédure judiciaire n’a finalement n’a pas amélioré le quotidien des licenciés. « On l’a tous placé, mis de côté, on sait que ça part trop vite », commente Renée, qui s’est néanmoins racheté un lit. Jacques a opté pour un lave-vaisselle. Bernard, une voiture, « car c’était nécessaire ». Vendredi soir, pour ces retrouvailles, certains ont apporté des bouteilles de champagne. Qu’ils ont savouré dans des gobelets en plastique. « Et on va s’accorder un bon restaurant, comme chaque fois que l’on se revoit tous », annonce Bernard.

    « Cette lutte, ça nous a soudés, on se voit souvent », sourit Martine. Avec en commun une aversion pour le groupe Danone. « Aucun de nous ne peut manger un produit venant de chez eux », souffle Bernard en réprimant une grimace. Ça tombe bien, pas de yaourts au menu du restaurant où s’est terminée cette joyeuse soirée.

     

    Le Parisien


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    Le Point.fr - Publié le <time datetime="2013-03-18T11:23" itemprop="datePublished" pubdate=""> 18/03/2013 à 11:23</time>

    Le successeur désigné de Bernard Thibault doit prendre les rênes du syndicat à l'occasion du 50e congrès de la CGT à Toulouse. Portrait.

    <figure class="media_article panoramique" itemprop="associatedMedia" itemscope="" itemtype="http://schema.org/ImageObject"> Thierry Lepaon succède à Bernard Thibault à la tête de la CGT. <figcaption>Thierry Lepaon succède à Bernard Thibault à la tête de la CGT. © PATRICK KOVARIK / AFP </figcaption> </figure>
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    Le successeur désigné de Bernard Thibault, Thierry Lepaon, héritera cette semaine à Toulouse, lors du 50e congrès de la CGT, d'une centrale syndicale dans la tourmente, même si elle reste la plus puissante d'une France profondément déprimée. Cet ancien soudeur de 53 ans à la carrure athlétique, aux cheveux ras et poivre-et-sel, n'était pas le premier choix du secrétaire général sortant, 54 ans seulement, mais miné par 14 années de règne et des douleurs dorsales récurrentes.

     
     Bernard Thibault aurait voulu qu'une femme, Nadine Prigent, ex-secrétaire générale de la fédération de la santé, une des 33 organisations nationales de la CGT, lui succède. Mais l'ancien cheminot, mis en minorité dans les instances dirigeantes de la centrale et hostile au principal rival de sa protégée, Éric Aubin, le Monsieur Retraites de la CGT, a dû se résigner à un successeur de compromis. À la surprise de beaucoup, ce sera Thierry Lepaon, envers qui il n'avait pas manifesté jusque-là d'affinités particulières, mais qui s'est fait remarquer par un discours rassembleur, une nuit de fin mai 2012, en pleine bataille de succession au Comité confédéral national (le "parlement" de la CGT).

    Bernard Thibault aurait voulu qu'une femme, Nadine Prigent, ex-secrétaire générale de la fédération de la santé, une des 33 organisations nationales de la CGT, lui succède. Mais l'ancien cheminot, mis en minorité dans les instances dirigeantes de la centrale et hostile au principal rival de sa protégée, Éric Aubin, le Monsieur Retraites de la CGT, a dû se résigner à un successeur de compromis. À la surprise de beaucoup, ce sera Thierry Lepaon, envers qui il n'avait pas manifesté jusque-là d'affinités particulières, mais qui s'est fait remarquer par un discours rassembleur, une nuit de fin mai 2012, en pleine bataille de succession au Comité confédéral national (le "parlement" de la CGT). "J'ai dit que nous enclenchions la mécanique du pire et que personne ne saurait comment en sortir, que ce n'était pas une question de personnes mais de revendications et d'orientation", raconte Thierry Lepaon à Reuters. "Mais je n'étais pas candidat", assure-t-il. "Je n'ai su qu'on me proposait cette fonction que le 11 septembre, donc bien après. C'est à ce moment-là que sont nées mes angoisses."

    22 ans dans l'industrie

    Né le 31 janvier 1960 à Caen dans une fratrie de quatre enfants, père maçon et mère cuisinière scolaire, il entre vite dans la vie active, d'abord à Caterpillar, où il rejoint la CGT. Il s'est lié entre-temps d'amitié avec deux militants communistes, un ancien résistant et une directrice d'école, maire d'une bourgade normande, qui complètent sa formation lacunaire et lui donnent le goût de l'engagement. Il a toujours sa carte du PCF, avec lequel Bernard Thibault a rompu tout lien fonctionnel. Mais il assure ne plus y militer depuis une quinzaine d'années. "Je cotise, c'est tout." Il a en revanche gravi l'échelle des responsabilités syndicales : secrétaire d'union locale à Caen, secrétaire général du Calvados, puis de la région Normandie, membre de la commission exécutive de la CGT, où il est chargé ces dernières années de définir l'orientation revendicative de l'organisation.

    Sous son allure d'apparatchik adepte de la chemise blanche, col ouvert sous veste sombre, il est plus complexe et déroutant. "Il n'y aura pas de marque Lepaon, il y aura une marque CGT que nous allons réaffirmer durant le congrès", assure-t-il quand on l'interroge sur la ligne qu'il entend imprimer à la centrale. Mais il n'en revendique pas moins sa différence avec des prédécesseurs pour la plupart venus du secteur public. "Il ne vous a pas échappé que Bernard et moi n'avons pas le même parcours militant", confiait-il récemment. "Moi j'ai vécu 22 ans dans l'industrie, j'ai été licencié trois fois et j'ai connu 17 plans de restructuration."

    "Tourner la page"

    Il est ainsi en première ligne lors du dépôt de bilan très médiatisé de Moulinex, qui laisse 3 200 salariés sur le carreau en septembre 2001 alors qu'il est au conseil d'administration. Aujourd'hui encore, certains de ses anciens collègues de Moulinex, en particulier de la CFDT, contestent son rôle et l'accusent de les avoir oubliés après avoir profité des lumières des médias. "Ils me reprochent d'avoir tourné la page, et c'est vrai", répond-il. "Je suis resté dans mes responsabilités jusqu'à la signature de l'accord de fin de conflit et j'ai mené tous les combats juridiques. Après, des anciens ont créé des associations auxquelles ils voulaient que j'adhère et j'ai refusé." Malheureusement, on ne choisit pas d'être devant dans ces cas-là. Je me suis retrouvé devant pour une raison très simple : on n'avait plus de banque, plus de patron, plus d'actionnaire et il en fallait bien un qui parle aux gens", ajoute-t-il.

    Son expérience dans le secteur privé pourrait en tout cas être un atout dans le contexte actuel de panne économique, de plans sociaux à répétition et de chômage de masse. L'ancien adolescent fâché avec l'école a fait de la lutte contre l'illettrisme un cheval de bataille, animé ces dernières années à la CGT les réflexions sur la formation professionnelle, passé dix ans au Comité économique et social de Basse-Normandie et sept ans au Conseil d'orientation pour l'emploi. Cet ancien champion d'haltérophilie, qui avoue ne plus avoir de temps pour le sport, présidait en outre depuis 2010 le groupe CGT au Conseil économique, social et environnemental (Cese).

    Rumeurs et réseaux

    C'est à son entrée au Cese qu'il dit devoir être l'objet d'une rumeur sur son appartenance à la franc-maçonnerie, rumeur dont il a dû répondre à la CGT et qu'il dément avec constance. "C'est une connerie, ça n'a jamais existé", dit-il à Reuters. Thierry Lepaon n'en apparaît pas moins soucieux d'étendre ses réseaux, la preuve en étant sa participation à un groupe informel d'échanges, le "Quadrilatère", créé par le groupe de presse Liaisons sociales, qui réunit patrons, directeurs des ressources humaines, syndicalistes, journalistes et experts. "Ce n'est pas une secte, ce n'est pas secret", fait valoir Stéphane Lardy, un des dirigeants de Force ouvrière, qu'il côtoie dans ce cadre. "Ça fait partie de notre boulot de rencontrer des chefs d'entreprise, des DRH, des ministres."

    Comme d'autres syndicalistes, il reconnaît à Thierry Lepaon une capacité d'écoute et un savoir-faire dont celui-ci aura besoin pour "recoller les morceaux" à la direction de la CGT. "La CGT a été ébranlée. On l'a senti lors des négociations sur la sécurisation de l'emploi", raconte Stéphane Lardy. Là encore, Thierry Lepaon a marqué sa volonté de tourner la page en faisant savoir que Nadine Prigent, Éric Aubin et Agnès Naton, elle aussi un temps pressentie pour succéder à Bernard Thibault, seraient de la prochaine commission exécutive. "Il n'a pas tellement le choix. S'il veut s'affirmer, il doit rassembler", souligne Jean-Dominique Simonpoli, directeur général de l'association Dialogues.

    Ce divorcé père de trois enfants aura aussi fort à faire pour relancer la modernisation de la CGT, entreprise par le secrétaire général sortant mais au goût d'inachevé, alors que la situation économique pousse ses troupes à la radicalisation. "On ne sait pas où en est la CGT aujourd'hui", souligne Guy Groux, spécialiste des mouvements sociaux.

    Défis

    Avec moins de 700 000 adhérents, la CGT est loin du million de syndiqués qu'elle s'est fixé pour objectif. "Le premier défi, c'est de rendre la CGT accessible aux salariés des PME et très petites entreprises", souligne Thierry Lepaon. "Nous ne sommes pas équipés pour les accueillir." Le deuxième défi est de rendre au syndicalisme un "esprit de conquête", poursuit-il. "Nous ne sommes pas condamnés à rester dos au mur, à engager seulement des actes de résistance face aux politiques gouvernementales ou patronales. Nous voulons améliorer la situation des salariés au quotidien."

    Il a envoyé jusqu'ici des signaux contradictoires. D'un côté, soutien aux conflits les plus durs, dénonciation de l'accord du 11 janvier sur la réforme du marché du travail, critique du président socialiste François Hollande accusé de suivre son prédécesseur de droite, Nicolas Sarkozy... De l'autre, une double ouverture le 13 mars dans Les Échos : "Je ne veux pas d'une CGT qui se contente de dire non (...) La CGT n'est pas et ne sera pas le bras armé du Front de gauche."

    Pour Guy Groux, la mise à l'épreuve arrivera très vite avec la réforme des retraites annoncée par le gouvernement et celle de l'État, sur laquelle la CGT semble se rapprocher de la FSU, principal syndicat de fonctionnaires. Reste à savoir si le nouveau patron de la CGT saura renouer une coopération constructive avec la CFDT, qui a confirmé pour sa part son choix du réformisme, en novembre dernier. "Ça sera un client difficile, il n'aura pas peur d'aller à la confrontation, il n'a pas peur des médias", prédit un ancien dirigeant de la deuxième confédération française.


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