Paris (AFP) - L'ancien numéro un de Force ouvrière, Marc Blondel, forte personnalité qui a marqué la vie sociale française pendant près de deux décennies, est décédé dimanche soir à l'âge de 75 ans, salué comme un militant "résolu" et "passionné", un partenaire "intransigeant", par l'ensemble de la classe politique.
"Toute l'organisation est dans la douleur", a déclaré Jean-Claude Mailly, son "fils spirituel" qui lui a succédé à la tête de FO en 2004.
Marc Blondel, qui a dirigé le troisième syndicat français d'une main de fer, entre 1989 et 2004, lui a imposé une ligne résolument offensive, en rupture avec le syndicalisme plus paisible et réformiste de son prédécesseur André Bergeron.
"Ce tribun hors pair a su donner à Force ouvrière et aux militants la fierté de porter les couleurs de leur organisation", a souligné M. Mailly. "Les militants et les militantes qui l'ont bien connu sont tous un peu orphelins aujourd'hui".
La classe politique a rendu hommage à ce syndicaliste haut en couleur, célèbre pour ses bretelles, son écharpe rouge et ses cigares.
"Avec Marc Blondel disparaît un des grands acteurs du syndicalisme français", a affirmé le président François Hollande. "Homme de principes et de valeurs, il croyait en la République sociale. Il laissera le souvenir d’un partenaire résolu, exigeant, parfois intransigeant, mais toujours au service de l’intérêt des salariés".
Il rappelle que depuis 10 ans, Marc Blondel "se consacrait "à l’autre grand combat de sa vie, celui en faveur de la laïcité".
Militant jusqu'au bout, l'ex-numéro un de FO a défendu une réhabilitation globale des 740 soldats français fusillés durant la Grande Guerre.
Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a "salué" les "convictions progressistes" de cette "grande figure du monde syndical et social français", Michel Sapin (Travail) un "négociateur acharné, rude parfois, toujours passionné".
L'ancienne ministre du Travail, Martine Aubry, qui avait dû affronter les réticences de Marc Blondel face aux 35 heures, a salué "à la fois la fermeté dans les convictions" et "la capacité à écouter et à comprendre les positions d'autrui" de l'ancien patron de FO.
A droite François Fillon (UMP) a dit garder "le souvenir d’un homme authentique, très sincèrement engagé, à la fois impétueux et jovial", qui a apporté à FO "une forte présence". L'UDI (centriste) a souligné" l’action passionnée et le militantisme infatigable" de Marc Blondel.
En revanche, les réactions des actuels dirigeants syndicaux ont été a minima: le numéro de la CGT Thierry Lepaon a, dans une lettre à M. Mailly, salué celui qui "a marqué son organisation et le paysage syndical français". Laurent Berger (CFDT) s'est contenté d'adresser ses condoléances, reflet des relations tendues entre les deux centrales sur le pacte de responsabilité.
- 'Réveiller la belle endormie' -
De son côté, l'ex-dirigeant de la CGT Bernard Thibault a rendu hommage à "un dirigeant au caractère bien trempé". L'ex-numéro un de la CFDT, Nicole Notat, qui avait entretenu des relations tendues avec Marc Blondel, a salué par-dessus des "différences", "la mémoire d'un militant qui a porté la défense de la liberté syndicale" au-delà des frontières nationales.
Né le 2 mai 1938, ce fils de militaire et petit-fils de mineurs, qui a passé son enfance dans le Pas-de-Calais, a adhéré à FO à 20 ans en 1958. Il en prend la tête en 1989, succédant à André Bergeron, à l'issue d'un congrès houleux.
Il a imprimé d'emblée une ligne plus offensive à son syndicat, s'opposant notamment à la réforme Juppé sur les retraites en 1995- se rapprochant à cette occasion de la CGT- n'hésitant pas à employer un langage fleuri - "mon boulot, ce n'est pas de faire l'amour avec les Premiers ministres!".
Marc Blondel "a été l'artisan d'un syndicalisme davantage orienté vers la contestation que la négociation", souligne auprès de l'AFP Bernard Vivier de l'institut supérieur du Travail.
Il a essayé de "réveiller la belle endormie" qu'était un peu FO sous André Bergeron, renchérit l'universitaire Dominique Andolfatto. Mais il a aussi "contribué a écarteler FO" entre réformistes et radicaux.