"On est écoeurés". Vendredi 4 janvier, en fin de matinée, une dizaine de policiers municipaux de Levallois "campent" devant la mairie. Chasubles fluo sur le dos, ils font du bruit en tapant sur des bidons pour attirer l'attention des habitants, qu'ils invitent à signer une pétition. "Stop à la baisse des effectifs, stop aux dérives – respect de la loi, stop aux vrais faux-policiers" dénoncent les tracts du SNPM-FO. Depuis jeudi soir, des policiers municipaux se relaient pour "une grève intelligente" explique le secrétaire général du SNPM-FO Frédéric Foncel, "les agents viennent sur leur temps de repos." Ils demandent que soient prises des mesures conservatoires à l'égard de leur direction. En clair, que leurs responsables soient suspendus le temps de l'enquête ouverte en mai par le parquet de Nanterre à la suite d'une lettre anonyme dénonçant des écoutes illégales de conversations téléphoniques d'agents.
(source vidéo "Le Nouvel Observateur")
Ce que rapporte le site "Mediapart", selon lequel des représentants du SNPM-FO et de l'USSPM ont fourni mi-décembre à la justice d'autres documents concernant des pressions, des verbalisations réalisées par des agents non assermentés, ou encore des agents utilisés comme chauffeurs par le député-maire UMP de la ville, Patrick Balkany. "Pas plus tard qu'hier, un agent m'a avoué qu'il n'était pas assermenté alors qu'il se présente comme tel" poursuit Frédéric Foncel. Pour qu'un agent puisse dresser un procès-verbal, il doit être "agréé et assermenté" rappelle le procureur de Nanterre Robert Gelli à "Mediapart". Un des responsables assure quant à lui au site que trois policiers municipaux, anciens gendarmes, qui ont selon certains agents procédé à des verbalisations sans avoir réalisé la formation de six mois au CNFPT, ne faisaient que de "la conduite de véhicule." Il a tout de même ensuite été jugé bon de le rappeler aux intéressés via une note interne vue par "Mediapart".
"Des écoutes d'appels sortants, publics et privés, ont été utilisées pour ensuite demander des rapports" affirme un policier municipal posté vendredi devant la mairie. "Or c'est illégal et on n'était pas informés". Si tous les appels entrants sont systématiquement enregistrés, les sortants ne peuvent l'être sans déclaration auprès de la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés). Et les intéressés doivent en être informés. Interrogée par "Mediapart", la première adjointe et épouse du maire, Isabelle Balkany, a d'abord démenti l'existence de toute écoute, avant de préciser que les agents disposent tous de téléphones portables. Et la Cnil a été contactée juste après l'appel du site... Quant aux policiers-chauffeurs, elle ne "voit pas le problème", dans la mesure où elle et sont maris font l'objet de "menaces" et qu'ils leur évitent d'avoir recours à des garde du corps.
Un policier municipal, vendredi matin, devant la mairie de Levallois (C. R. Le Nouvel Observateur) |
"De manière générale, les auteurs de délits sont des délinquants" déclare un policier, "on est là pour faire respecter la loi". Un autre ajoute : "la justice doit agir vite". Plusieurs policiers assurent que certains de leurs collègues, craignant des pressions, ont "peur" de les rejoindre : "Ceux qui ont manifesté le 14 décembre ont été intimidés, certains ont été démis de leurs fonctions." Ceux qui préfèrent donc rester anonymes dénoncent aussi des problèmes d'effectifs et de plannings : "On est moins nombreux sur le terrain, en journée notamment, et ceux qui travaillent la nuit voient leurs repos réduits et raccourcis." Ce qui "affecte pas mal le moral de certains, avec des risques de dépressions". Une évolution mise à exécution par leur nouveau directeur, en poste depuis un an, Eric Zuber, qui cristallise leur mécontentement : "avant lui nous n'avions pas de problème, depuis qu'il est là, c'est la catastrophe" affirme un policier, évoquant également du "harcèlement".
Interrogée vendredi par "Le Nouvel Observateur", la mairie de Levallois nous renvoie vers l'épouse du maire. Elle explique notamment les modifications de plannings par l'affluence de visiteurs générée par l'ouverture du centre commercial So Ouest en octobre dernier : "Les anciens plannings ne correspondaient plus aux besoins actuels. Il fallait que tous les policiers soient dehors, et que ça tourne, que ce ne soient pas toujours les mêmes la nuit". Quant aux habitués du travail de nuit, "avec les primes", ils s'étaient installés, dit-elle, dans "un certain confort." Elle estime également que la mairie est "en proie à la vindicte d'un syndicaliste : Frédéric Foncel, qui n'a pas de représentant élu à Levallois et a un problème personnel avec le nouveau directeur qui a été son supérieur par le passé." "Faux" répond celui-ci, assurant qu'une trentaine de policiers de Levallois adhèrent au SNPM-FO et que 35 d'entre eux lui ont écrit pour dénoncer les dysfonctionnements.
Devant la mairie de Levallois vendredi matin (C. R. Le Nouvel Observateur) |
Un agent rappelle que Levallois a été la première ville d'Ile-de-France à mettre en place, dès 1983, une police municipale. "J'ai voulu être muté ici et n'ai pas envie de partir" confie-t-il, regrettant de n'être "pas considéré et plus reconnu dans sa profession." En poste à Levallois depuis plus de 15 ans, un de ses collègues confie son "attachement" pour sa commune et "reconnaît volontiers l'incontestable investissement du maire dans sa police municipale." Il ne digère pas, en revanche, cette "fin de non-recevoir et le fait de ne pas être reçus." "Mais le maire les a reçus avant les vacances" rétorque sa femme, "et l'adjoint a proposé de recevoir individuellement ceux qui avaient des problèmes de planning, mais personne n'est venu".
Le rendez-vous avec le maire a été expédié, dénoncent les policiers. Quant aux entretiens individuels, ils n'y sont pas allés, craignant de "nouvelles intimidations." Isabelle Balkany ajoute que les nouveaux plannings ont été validés par "les syndicats CGT et FO ainsi que le CTP (Comité technique paritaire) et qu'ils seront effectifs comme prévu à partir de lundi. Date à laquelle le maire sera de retour. Les policiers l'attendront de pied ferme et espèrent "cette fois une vraie discussion." Et l'adjointe d'ajouter : "si certains ne sont pas contents, ils peuvent postuler ailleurs".