Si Jean-Marc Ayrault a promis vendredi 14 juin que les "efforts à faire" pour assurer la pérennité du système de retraite par répartition ne seraient "pas écrasants", les syndicats ne l'entendent pas tous de cette oreille à la suite de la publication, vendredi 14 juin, des pistes du rapport Moreau sur l'avenir des retraites, au sujet desquelles un projet de loi est prévu pour la "fin de l'été".
La CGT, FO et la FSU sont les plus virulents quant aux principales mesures avancées dans le texte – l'allongement de la durée de cotisation de quarante et une années et demie à quarante-quatre, la refonte du mode de calcul de la retraite des fonctionnaires ou encore une hausse de la fiscalité afférente.
"UN CASUS BELLI"
FO et la CGT sont prêts à mobiliser la rue si l'exécutif ne corrige pas la ligne sur les retraites présentée dans le rapport Moreau. Pour Thierry Lepaon, sécrétaire général de la CGT, les préconisations du rapport, si elles étaient suivies par le gouvernement, constitueraient "un casus belli irrémédiable". La centrale syndicale s'oppose vigoureusement à une hausse de la durée de cotisation et à une réforme du mode de calcul de la retraite des fonctionnaires. "Leur mise en œuvre fragiliserait encore davantage le système et aurait des conséquences graves pour les retraités actuels et futurs."
La mobilisation des salariés et des retraités est également au cœur de la stratégie de Force ouvrière (FO). Son secrétaire général, Jean-Claude Mailly, a prévenu vendredi que son syndicat n'hésiterait pas à les mobiliser "si le gouvernement s'aventurait" à allonger la durée de cotisation ou à remettre en cause le régime de retraite des fonctionnaires. Pour autant, Jean-Claude Mailly se dit prêt "à regarder sur des augmentations de recettes" pour garantir les retraites par répartition, mais en posant "le problème global de la politique économique" du gouvernement.
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Du côté de la FSU, syndicat majoritaire dans l'enseignement, Bernadette Groison, sa secrétaire générale, récuse la proposition du nouveau mode de calcul de la retraite des fonctionnaires. "Le point noir du rapport, c'est la proposition d'alignement entre le public et le privé. On demande au gouvernement de ne pas retenir cette piste totalement désavantageuse pour les fonctionnaires", souligne-t-elle. Mme Groison déplore également que le rapport n'aborde pas la question de "l'inégalité entre les femmes et les hommes" en la matière.
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CFDT : LES CONDITIONS DE LA NÉGOCIATION
La CFDT a quant à elle posé ses conditions pour aboutir à un compromis avec le gouvernement socialiste. Le nouveau secrétaire général de la centrale, Laurent Berger, fixe au chef de l'Etat deux lignes rouges à ne pas franchir : "le report de l'âge de départ à la retraite" et "une baisse des pensions ".
Pour le reste, le syndicat se dit ouvert à une "réforme de fond" des retraites qui ne fasse pas que répondre à des impératifs d'équilibre budgétaire, mais qui rendrait aussi le système "plus juste et plus lisible". Il serait prêt à accepter une moindre indexation des pensions sur l'inflation. Sur l'allongement de la durée de cotisation, la CFDT n'émet pas d'opposition de principe, car pour elle "il doit être le paramètre d'ouverture des droits, plutôt que l'âge légal". Elle souhaite également revenir sur "les questions de pénibilité" et régler le problème des "polypensionnés", des salariés qui ont cotisé à plusieurs régimes.
POUR LE MEDEF, ALLER AU-DELÀ DU RAPPORT MOREAU
Pierre Gattaz, futur président du Mouvement des entreprises de France (Medef), souhaite appuyer sur les deux pédales à la fois, soit l'allongement de la durée des cotisations et le report de l'âge légal de départ à la retraite. "Regardons ce que font les autres pays. Nous vivons de plus en plus vieux. Le pourcentage d'actifs par rapport aux retraités ne cesse de baisser. C'est un problème mathématique, pas politique", affirme M. Gattaz dans un entretien au Monde à paraître samedi.
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"Sur quels paramètres peut-on jouer ? Les cotisations ? Non, il ne faut pas les relever. Les pensions ? Il ne faut pas les baisser, ou alors à la marge, par la désindexation. La durée de cotisation peut en revanche être augmentée en passant de quarante et une à quarante-trois années à l'horizon 2020", affirme-t-il.