L'essentiel
• Le nouveau régime a fini par lancer l'assaut au Caire. Les policiers ont pénétré ce matin sur les places Rabaa al-Adawiya et Nahda, où des milliers d’islamistes sont barricadés depuis un mois et demi avec femmes et enfants pour réclamer le retour de Mohamed Morsi, destitué et arrêté par l’armée le 3 juillet.
• L’opération, très violente, a déjà fait au moins 125 morts chez les pro-Morsi. Un caméraman de la chaîne Sky News a été tué. Le bilan sera sans doute plus lourd.
• Les affrontements entre pro et anti-Morsi ont déjà fait plus de 250 morts depuis fin juin, essentiellement des manifestants islamistes. Le vice-président Mohamed ElBaradei a démissionné.
A lire le reportage de notre correspondant, Marwan Chahine, son décryptage avant l'intervention de ce matin, Au Caire, le recours à la violence divise le pouvoir
A voir notre diaporama sur le bain de sang au Caire
21h05. La dispersion sanglante des partisans du président déchu Mohamed Morsi au Caire ainsi que les affrontements ayant suivi dans tout le pays ont fait 43 morts dans les rangs de la police, selon le ministre de l’Intérieur Mohammed Ibrahim. Le ministre a confirmé devant la presse un précédent bilan officiel de 149 morts parmi les manifestants, dans tout le pays également. «Dix-huit officiers de police, dont deux généraux et deux colonels, 15 agents, neuf conscrits et un employé civil de la police» ont péri mercredi, a-t-il détaillé.
20h50. Le Premier ministre égyptien Hazem Beblawi assure que la police a agi avec «la plus grande retenue» lors de son opération sanglante de dispersion au Caire des partisans du président Mohamed Morsi destitué par l’armée. Dans une allocution télévisée, Beblawi a dit tenir à «remercier la police pour avoir agi avec la plus grande retenue». Justifiant l’intervention des forces l’ordre, il a estimé qu'«aucun Etat qui se respecte n’aurait pu tolérer» l’occupation des deux places par des milliers de manifestants depuis un mois et demi.
20h45. Le secrétaire d’Etat américain John Kerry appelle l’armée égyptienne à organiser des élections. «La responsabilité revient au gouvernement intérimaire et l’armée, qui à eux deux ont l’ascendant dans ce conflit, d’empêcher davantage de violence et de proposer des options constructives parmi lesquelles le remaniement de la Constitution et l’organisation d’élections législatives et présidentielle», a déclaré le chef de la diplomatie américaine lors d’une intervention surprise au cours du point presse quotidien du département d’Etat.
20h25. Pour John Kerry, le bain de sang en Egypte est «lamentable».
19h55. La France appelle à «l’arrêt immédiat de la répression» en Egypte et saisi l’Onu et ses principaux partenaires «pour qu’en urgence une position internationale soit prise en ce sens», déclare le chef de la diplomatie française Laurent Fabius. «La France condamne avec la plus grande fermeté les violences sanglantes intervenues en Egypte et demande un arrêt immédiat de la répression», a indiqué Fabius dans une déclaration. Le ministre «saisit le Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon ainsi que nos principaux partenaires pour qu’en urgence une position internationale soit prise en ce sens», ajoute le texte de la déclaration.
19h40. La place Rabaa al-Adawiya, la plus importante des deux places occupées au Caire par les partisans du président islamiste déchu Mohamed Morsi, est désormais «totalement sous contrôle» des autorités, affirme à l’AFP un responsable de la sécurité. «La situation à Rabaa al-Adawiya est maintenant totalement sous contrôle. Il n’y a plus de combat», a déclaré ce responsable. Un journaliste de l’AFP a compté 124 cadavres dans une morgue improvisée sur la place.
19h10. Le Parti socialiste appelle à «cesser immédiatement» l’usage de la force contre les manifestants en Egypte, après la mort de plus de 120 partisans du président déchu Mohamed Morsi dans un assaut des forces de l’ordre au Caire. «L’usage de la force doit cesser immédiatement», écrit dans un communiqué Jean-Christophe Cambadélis, secrétaire national à l’Europe et à l’international, soulignant les «vives inquiétudes sur l’évolution de la situation politique en Egypte». «Le Parti socialiste condamne l’usage de la violence contre les manifestants» et «réaffirme sa position exprimée maintes fois : il demande la libération du président déchu et le dialogue politique entre l’armée et toutes les forces politiques du pays».
19 heures. Le couvre-feu entre en vigueur.
18h30. Les derniers pro-Morsi encore présents place Rabaa al-Adawiya quittent les lieux sous la surveillance de policiers en armes. Mais des irréductibles demeurent retranchés derrière les barricades et des affrontements avec les forces de l’ordre se poursuivent à une autre entrée de la place Rabaa. Le couvre-feu est censé entrer en vigueur dans une demi-heure.
17h50. Mohamed ElBaradei (photo Reuters), le prix Nobel de la paix nommé vice-président chargé des relations internationales par le gouvernement transitoire, annonce sa démission. «Il m’est devenu difficile de continuer à assumer la responsabilité de décisions avec lesquelles je ne suis pas d’accord», écrit-il notamment dans sa lettre de démission adressée au président Adly Mansour. Il y déplore les morts «notamment parce que je crois qu’elles auraient pu être évitées». «Malheureusement, ceux qui vont tirer profit de ce qui s’est passé aujourd’hui sont ceux qui appellent à la violence et à la terreur, les groupes extrémistes», poursuit-il.
17h40. Le ministère de la Santé porte le bilan des morts à 149.
17h30. La Maison Blanche réagit à son tour. «Les Etats-Unis condamnent avec force l’usage de la violence contre les manifestants en Egypte», déclare le porte-parole adjoint de la Maison Blanche, Josh Earnest.
17 heures. On en sait un peu plus sur les modalités de l'état d'urgence. Un couvre-feu est imposé de 19 heures à 7 heures du matin au Caire et dans onze autres provinces : celles de Guizeh, d’Alexandrie, de Beni Sueif, de Minya, d’Assiout, de Sohag, de Beheira, du Nord et du Sud-Sinaï, Suez et Ismailia. Toute personne qui ne respecterait pas cette mesure s’expose à une peine de prison, prévient le gouvernement.
16h30. La photo d'une femme s'interposant entre un bulldozer et un blessé place Rabaa, prise ce matin par Mohammed Abdel Moneim (AFP et Getty), devient l'une des images emblématiques de cette sanglante journée. Le Washington Post, entre autres, lui consacre un article.
(Photo Mohammed Abdel Moneim. AFP)
A voir aussi, le reportage photo d'Al-Jazeera sur le bain de sang place Rabaa. Certaines images sont très dures.
16h15. «Mick Deane, plus qu'un collègue, un ami» : bel hommage au cameraman tué par balle de la part d'un de ses collègues à Sky News, Tim Marshall (pour les anglophones).
15h40. La présidence annonce l’état d’urgence pour un mois, à compter d'aujourd'hui. «La sécurité et l’ordre dans la Nation sont en danger en raison d’actes de sabotage délibérés, d’attaques visant des bâtiments publics et privés et de la perte de vies humaines, des actes perpétrés par des groupes extrémistes», selon la présidence.
Le nouveau régime commence à reconnaître l'ampleur du massacre : le ministère de la Santé fait état de 94 morts et 874 blessés, un bilan sans doute sous-évalué si l'on en croit les journalistes sur place.
Au même moment, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon «condamne dans les termes les plus fermes les violences» au Caire et «déplore que les autorités égyptiennes aient choisi d’utiliser la force».
15h30. Les Frères musulmans confirment la mort par balle de la fille d’un de leurs principaux leaders, Mohamed el-Beltagy. Elle était âgée de 17 ans (photo postée sur Twitter).
15 heures. La rédaction de la chaîne britannique Sky News confirme la mort d'un de ses journalistes, tué par balles au Caire.
Mick Deane, journaliste «très expérimenté», âgé de 61 ans, marié, père de deux enfants, était caméraman à Sky News depuis quinze ans, détaille la chaîne dans un communiqué. Il a été blessé par balles ce matin, a reçu des soins mais a rapidement succombé à ses blessures.
«Notre collègue, le caméraman Mick Deane, a été tué en Egypte ce matin», tweete Roddy Mansfield, journaliste de la chaîne, qui lui rend hommage comme plusieurs autres confrères. «Il travaillait pour Sky depuis quinze ans, basé d'abord à Washington puis à Jérusalem.»
14h30. Sur Twitter, plusieurs messages font état de journalistes arrêtés, blessés voire tués. Le sort d'un journaliste de SkyNews, d'une reporter de Gulf News, un quotidien des Emirats arabes unis, et d'une photojournaliste de Reuters, Asmaa Waguih, semble particulièrement inquiétant.
Depuis le début de l’intervention ce matin, l’armée barre l’accès des places à la plupart des journalistes, dont notre correspondant sur place.
14h15. Selon un journaliste de l'AFP qui a pu compter les morts dans trois morgues improvisées dans la zone de la place Rabaa al-Adawiya, l'assaut a fait au moins 124 tués chez les pro-Morsi. Ce bilan provisoire ne tient pas compte des morts éventuels sur l’autre sit-in des pro-Morsi au Caire, la place Nahda, ni de ceux d’autres affrontements en cours dans le pays. Les manifestants parlent, eux, de plus de 2 200 morts et 10 000 blessés, des chiffres impossible à confirmer de sources indépendantes.
La fille d'un des responsables des frères musulmans, Mohamed el-Beltagy, ferait partie des victimes.
13h40. L'Iran, le Qatar et la Turquie dénoncent les violences en Egypte. «L’Iran suit de près les événements amers en Egypte, désapprouve les actions violentes, condamne le massacre de la population et met en garde contre ses graves conséquences», affirme le ministère iranien des Affaires étrangères. «Le Qatar dénonce avec force la méthode utilisée contre les manifestants pacifiques», condamne le ministère des Affaires étrangères du Qatar, principal soutien des Frères musulmans. «La communauté internationale avec en tête le Conseil de sécurité de l’Onu et la Ligue arabe doivent immédiatement passer à l’acte pour faire cesser ce massacre», souligne le gouvernement islamo-conservateur turc.
13h20. L’UE juge «extrêmement préoccupantes» les informations faisant état de dizaines de morts et invite toutes les parties «à faire preuve de la plus grande retenue». La France et l'Allemagne ont fait de même.
12h30. La mosquée Al-Azhar au Caire, la plus haute autorité sunnite dans le monde, se désolidarise de l’opération meurtrière de la police. «Al-Azhar veut dire aux Egyptiens qu’elle n’avait pas eu connaissance des méthodes utilisées pour disperser les manifestations, sauf à travers la presse», a assuré sur une chaîne de la télévision publique le grand imam de la mosquée, Ahmed al-Tayyeb, qui avait soutenu la destitution du président islamiste.
La police à proximité de la place Nahda. (Photo Mohamed Abd El Ghany. Reuters)
12h15. Le correspondant du quotidien britannique The Independent, Alastair Beach, poste sur Twitter une photo qui atteste du grand nombre de morts entreposés à la morgue de fortune de la place Rabaa al-Adawiya. Il évoque 42 corps. Al-Jazeera 92.
Midi. Ce sont maintenant trois églises coptes qui ont été incendiées par les pro-Morsi dans le centre de l’Egypte, selon des responsables de la sécurité et l’agence officielle Mena. Le Youth Maspero Union, un mouvement de la jeunesse copte, rapporte les mêmes faits, accusant les Frères musulmans de «mener une guerre de représailles contre les Coptes».
11 heures. Des pro-Morsi incendient une église copte à Sohag, dans le centre du pays, en représailles à la dispersion de leurs rassemblements par la police, rapporte l’agence officielle Mena. Ils ont notamment jeté des cocktails molotov sur l’église Mar Gergiss située dans l’enceinte du diocèse de cette ville où vit une importante communauté chrétienne, a précisé l’agence. Les Coptes, qui représentent 6% à 10% de la population, ont contribué au mouvement qui a emporté la présidence Morsi.
A lire sur la situation de la communauté chrétienne au Caire, un reportage de notre correspondant, Egypte, l'angoisse copte
Le journaliste de SkyNews, qui se trouve place Rabaa al-Adawiya, décrit des «scènes de chaos complet»: «Les hôpitaux de fortune sont pleins de cadavres et de blessés graves», «à cause des tirs des snipers, les gens sont obligés de courir au plus près du sol pour rejoindre les entrées des hôpitaux».
Plus tôt dans la matinée, des photos postées sur Twitter montraient des snipers armes braquées sur la place Rabaa. Selon Al-Jazeera, ils tirent non pas des balles réelles mais des gaz lacrymogènes.
Place Rabaa. (Photo Amr Dalsh. Reuters)
10h30. Selon un journaliste de l’AFP qui a pu compter les cadavres à la morgue de fortune place Rabaa, au moins 43 manifestants ont été tués, dont certains par balles. Tous sont des hommes.
Près de la place Rabaa al-Adawiya. (Photo Mahmoud Khaled. AFP)
On dénombre aussi des blessés parmi les forces de police :
Près de la place Rabaa al-Adawiya. (Photo Mahmoud Khaled. AFP)
10 heures. Les trains entrant et sortant du Caire ont été bloqués pour d’éviter que des manifestations se reforment hors de la capitale, annonce le gouvernement.
9 heures. La confrérie parle maintenant de plus de cent morts dans leurs rangs et 2 000 blessés.
Place Rabaa al-Adawiya. (Photo Khaled Desouki. AFP)
8 heures. On dénombre déjà 15 morts au moins côté islamistes selon des témoins, deux côté force de l'ordre selon le gouvernement.
Les Frères musulmans appellent les Egyptiens à descendre dans la rue pour «arrêter le massacre». «Ce n’est pas une tentative de dispersion mais une tentative d’écraser d’une façon sanglante toute voix opposée au coup d’Etat militaire», lance Gehad el-Haddad, porte-parole des Frères musulmans, sur Twitter.
Une vidéo de l'AFP sur place :
7 heures. La police commence à disperser par la force les manifestations des partisans du président islamiste déchu Mohamed Morsi en tirant des grenades lacrymogènes sur les deux places qu’ils occupent au Caire, les places Rabaa al-Adawiya et Nahda. «C’est le début de l’opération pour déloger les manifestants», confirme à l'AFP un haut responsable des forces de sécurité, sous couvert de l’anonymat. Cette intervention était redoutée depuis plusieurs jours, faisant craindre un bain de sang.