Un troupeau de moutons le 23 juin 2013 à Paris (Photo Miguel Medina. AFP)
Par AFP
Par besoin de reconnaissance et pour réclamer de «pouvoir vivre de leur métier», des milliers d’éleveurs ont marché sur Paris dimanche avec une partie de leur cheptel, à la rencontre des Parisiens et des consommateurs.
Dans le viseur des marcheurs réunis à l’appel de la Fédération des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA, majoritaire) et des Jeunes agriculteurs (JA), les charges qui augmentent, les contraintes qui s’empilent, les règlements qui parfois se contredisent et aussi, surtout, les prix bloqués et les revenus qui fondent.
Un panneau accroché sur l’un des tracteurs qui ouvrent le cortège (plus de 11.000 manifestants selon la FNSEA, 6.200 selon la police) annonce la couleur: «Prix du lait: la grande distribution nous trait».
Au-dessus des têtes, les pancartes rappellent quelques vérités serties de lassitude voire de découragement : «Avant j’avais un revenu. Mais c’était avant». «Un élevage qui ferme c’est 7 emplois en moins» ou «Sans agriculture, pas de nourriture».
Sans compter la météo désastreuse du printemps et les intempéries de la semaine dernière, qui ont noyé les pâtures, gâché les foins et entravé les cultures.
Certains éleveurs ont malgré tout quitté leur ferme au coeur de la nuit pour amener leurs bêtes sur le bitume et dans le bruit.
Derrière les tracteurs, les vaches avancent avec leur veau parfois, des Montbéliardes, des Tarentaises, des Charolaises blanches et des Blondes d’Aquitaine, des Salers bouclées et des Aubrac roux clair, des Normandes pie et des chevaux aussi, des Comtois alezans à la crinière blonde.
Dans la foule, Laurent Spanghero, candidat à la reprise de l’entreprise de viandes qu’il avait cofondée avec son frère et lui-même éleveur de Limousines serre des mains. «Les éleveurs sont maltraités depuis des années, ils n’ont plus de revenus décents en dépit des heures travaillées».
Travailler à perte
Les responsables des différentes fédérations - porcine, bovine, laitière... - ont chauffé la foule au départ. A l’arrivée ce sont les présidents des syndicats, qui rappellent que le 12 avril déjà, les éleveurs ont déposé leurs cahiers de doléances en préfectures.
«Ce n’est pas un mouvement d’humeur», prévient François Thabuis pour les JA: «Dans quel métier accepte-t-on un système qui fait travailler à perte?».
«Le rapport de force avec la grande distribution nous est systématiquement défavorable. Or, chaque fois qu’on perd, ce sont des exploitations qui disparaissent», assène-t-il en réclamant «des négociations équitables» garanties par la révision de la loi de consommation (ou LME) qui arrive au Parlement.
«Et qu’on arrête de nous dire que le consommateur sera pénalisé si nous arrivons à vivre de notre métier».
Puis le président de la FNSEA Xavier Beulin prend le relais pour réclamer la généralisation d’un étiquetage «Viande de France» dans les rayons pour contrer les importations déloyales.
Comparé à l’Espagne ou l’Allemagne, «le différentiel de prix, de 4 à 6 euros par heure travaillée, est insupportable à l’heure européenne».
«La course aux prix toujours plus bas gruge le consommateur», juge-t-il.
Il interpelle les autorités sur «la surenchère réglementaire», la fiscalité, la protection accordée aux prédateurs (loups, sangliers, campagnoles). Et aussi le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll sur les risques d’une ouverture du marché européen aux importations américaines (poulet chloré, boeuf aux hormones) et maïs OGM.
«Nous voulons être entendus des pouvoirs publics» mais aussi «de nos partenaires dans les filières» résume-t-il. «Que le respect l’emporte sur le mépris».
A sa demande, confie-t-il, le président François Hollande a accepté de le recevoir début juillet.