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    Albert Jacquard, bon homme de chemin

    Laure NOUALHAT <time datetime="2006-08-30T23:05:50" itemprop="datePublished"> 30 août 2006 à 23:05 </time>(Mis à jour : <time datetime="2013-09-12T13:00:29" itemprop="dateModified">12 septembre 2013 à 13:00</time>)
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    POUR MÉMOIRE

    En août 2006, Libération publiait le portrait du scientifique et tribun humaniste, défenseur des sans-logis et des sans-papiers, décédé ce jeudi.

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    Voilà trente ans qu'il se promène dans le paysage médiatique avec son collier de barbe et ses combats humanistes. Trente ans qu'il trimballe ses airs de prof, la rigidité et l'amour de la notation en moins. Trente ans qu'il radote aussi. «Oui, je radote, c'est pour mieux marteler le message», précise-t-il, les yeux rieurs.

    Albert Jacquard fait partie de nos bibliothèques sans que l'on sache vraiment pourquoi. Il est là, tout simplement, comme le vieux sage au coin du feu. Bien qu'à la retraite depuis vingt ans, il n'a jamais été aussi actif que depuis le jour où il a compris la puissance des mots qu'il s'emploie à consigner dans ses essais. A 80 ans, il se porte comme un charme. Et ne craint pas la mort. «Je ne serai jamais mort. De toute façon, on ne peut pas conjuguer le verbe être avec le mot mort !» Le temps jacquardien a démarré lors de la fécondation de l'ovule de sa maman et prendra fin le jour où son coeur cessera de battre. «Pourquoi m'intéresser à ce temps hors de moi ? Ce qui compte, c'est ce que je vis.» Ce qui n'est pas du tout l'avis de son camarade l'abbé Pierre. «Pour lui, la mort sera une rencontre extraordinaire... Alors pourquoi repousse-t-il tant l'échéance ? Pour moi, c'est la fin.»

    Albert Jacquard en 2006Albert Jacquard en 2006, photo Mathieu Zazzo.

    Né à quelques heures de Noël, Albert Jacquard ne croit pas en Dieu. Il n'est pas athée, mais agnostique. Nuance qu'il souligne avec gourmandise. «Je ne sais absolument pas si Dieu existe ou non, alors je n'en parle pas.» Il n'en parle pas mais a jugé bon d'en faire un livre, vendu à plus de 120 000 exemplaires, intitulé simplement Dieu ?. Il jugera sur pièce le moment venu. «J'atteins l'âge où proposer une utopie est un devoir.» Ainsi s'ouvre son dernier livre. Par des mots qui dessinent la ligne d'arrivée et rassemblent les éléments épars du passé.

    Une utopie. Elle n'a rien de révolutionnaire chez Jacquard, il estime qu'elle doit être réalisable, «sinon elle ne sert à rien». «Pour l'essentiel, c'est un projet à propos de l'éducation. C'est à l'école que se joue l'avenir.» Devenu prof sur le tard grâce à la notoriété de ses travaux, de statistique en fac de médecine ou «d'humanistique» (matière taillée sur mesure par une école d'architecture du Tessin), il a toujours refusé de noter ses élèves, ou alors en leur accordant à tous la même note. Il redoute la compétition et méprise «la préparation à la vie active» que propose le système éducatif. Il se dit en rogne contre le culte franchouillard des élites, Polytechnique et «l'infantilisme rémanent des polytechniciens». «L'être humain se construit grâce aux autres», dit-il. Et c'est logiquement à l'école que l'on prépare les rendez-vous entre humains. «Mon regret est d'avoir manqué des occasions de rencontres plus approfondies.» Mais son chapelet compte de beaux noms et de beaux esprits. Parmi eux : le professeur Sutter, ancien directeur de l'Institut national des études démographiques, qui le pousse à étudier la génétique des populations à Stanford ; Bernard Pivot, qui l'invite à transformer son premier livre, Eloge de la différence, en précis intelligible ; l'abbé Pierre, avec lequel il échange sur la vie, la mort et Dieu dans tout ça ; «Mlle Béart», à côté de laquelle il a dormi plusieurs nuits d'affilée dans l'église Saint-Bernard en 1996... Tout de même !

    Un mensonge. A l'origine de son parcours atypique, un bluff. Il est en seconde au lycée de Soissons (Aisne). En 1941, son père, salarié de la Banque de France, se fait muter à Gray, en Franche-Comté. Franchissement de la ligne de démarcation. Arrivée en plein milieu d'année, sans livret scolaire. Le jeune Albert en profite pour devenir un autre. Ses professeurs lui demandent en quoi il excelle. En vérité, en rien. Il se dit «bon en tout, sauf en gymnastique». Il va travailler d'arrache-pied pour être à la hauteur du mensonge. Si bien qu'il entre à l'X en 1945 et qu'il en ressort pour travailler à la mise en place des premiers systèmes informatiques de la Seita avec Bull. Esprit original perpétuellement en quête de connaissances, il regrette d'«avoir joué le jeu de la réussite technique pendant dix ans, et [d']avoir perdu du temps tout en étant néanmoins passionné par ce travail».

    Un regret. Albert a raté la Seconde Guerre mondiale. Entre 1943 et 1945, les concours passaient avant la marche du monde : Normale sup, l'X... Il bûchait dans la célèbre prépa des jésuites de Sainte-Geneviève-des-Bois. «Je n'avais été qu'un passager de l'Histoire.» On dirait un regret. L'explication de la suite, longue séance de rattrapage. Plus tard, après s'être initié à la génétique des populations, il lutte «contre l'idée absurde d'une hiérarchie entre les êtres humains», démonte scientifiquement les théories racistes et témoigne au procès Barbie en 1987. Puis rejoint d'autres combats : les sans-papiers, les sans-logement... Ancien militant antinucléaire, il a mis son engagement antiatome en stand-by. «Il est souhaitable de sortir du nucléaire, dit-il, mais demain. Dans l'immédiat, nous avons besoin d'énergie.» Sa concierge dépose l'Humanité tous les matins sur le paillasson de son bureau-chambre de bonne, dans le VIe arrondissement germano-prout-prout de Paris.

    Une croyance. Même au seuil de sa vie, Albert Jacquard reste profondément humaniste. «Parce que je suis grand-père. Je précise que je ne suis pas optimiste, mais plutôt volontariste.» Il s'agit de s'activer pour léguer un monde un peu meilleur à nos descendants. En relative immodestie, il a l'impression de contribuer au changement en écrivant ses livres, et surtout en savourant chaque seconde des 3 minutes 30 de sa chronique quotidienne sur France Culture, consacrée au rôle de la science dans la société. «Au commencement était le verbe, c'est écrit dans les Evangiles, les mots sont des armes.» Et tant pis si elles ne pèsent pas lourd face à l'artillerie de l'insondable connerie humaine. Albert Jacquard met un point d'honneur à y croire. L'Univers nous a faits tout en nous plantant là, sans mode d'emploi ? Qu'importe... «Si nous ne l'écrivons pas, qui le fera ?»

    Des mots.«Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été un lecteur.» Céline, Proust, Jules Romains... Il aime le classique. Il écrit depuis 1978, date à laquelle il a fait paraître Eloge de la différence. Une trentaine d'ouvrages ont suivi. Et, le dernier à peine sorti, Albert Jacquard remet ça. Il doit prochainement publier un livre avec Fadela Amara, présidente de Ni putes, ni soumises, «une jeune femme qui va enrichir mon pays», prévient-il. Puis il commentera les images de Yann Arthus-Bertrand. Plus qu'un écrivain, Albert Jacquard est devenu un auteur bankable (pas moins de 30 000 exemplaires vendus par titre) qui enfile les perles du bon sens pour en faire de jolis colliers de généralités humanistes.

    Une famille. Albert Jacquard a rencontré Alix chez des amis communs et l'a invitée à une représentation de Knock avec Louis Jouvet. S'ensuivent cinquante-cinq années d'union solide, fêtées cet été. Ils ont eu trois fils (un médecin, un architecte et un pianiste)et huit petits-enfants. Tous ses droits d'auteur ont été engloutis dans une jolie maison de campagne dans le Lot. Perdue dans le silence, dans une «ambiance désespérément normale», elle accueille la famille autour du patriarche.

     

    Albert Jacquard en 6 dates

    23 décembre 1925. Naissance à Lyon. 1945. Entrée à Polytechnique. Juillet 1951. Mariage avec Alix. 1965. Entre à l'Institut national des études démographiques. 1978. Publie à 53 ans son premier ouvrage, Eloge de la différence.30 août 2006. Parution de Mon Utopie (Stock).

    photo MATHIEU ZAZZO

    Laure NOUALHAT

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    Décès du généticien Albert Jacquard

    AFP <time datetime="2013-09-12T12:36:29" itemprop="datePublished"> 12 septembre 2013 à 12:36 </time>(Mis à jour : <time datetime="2013-09-12T14:31:45" itemprop="dateModified">12 septembre 2013 à 14:31</time>)
    <aside class="tool-bar"> </aside><figure>Albert Jacquard le 27 octobre 2012 à Paris.<figcaption>Albert Jacquard le 27 octobre 2012 à Paris. (Photo Joel Saget. AFP)</figcaption></figure>

    Agé de 87 ans, ce polytechnicien et militant de gauche a succombé mercredi soir à une leucémie.

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    Son collier de barbe encadrant une gueule cabossée de philosophe antique et ses combats passionnés pour les sans-papiers et contre le racisme ont marqué les mémoires : le généticien Albert Jacquard est mort mercredi à l’âge de 87 ans.

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    Le président d’honneur de l’association Droit au logement (DAL) a été emporté par une forme de leucémie à son domicile parisien du VIe arrondissement, a précisé son fils à l’AFP. «Courageux et profondément bon»«l’humanité des hommes était son combat», a lancé en hommage sur son compte twitter son collègue Axel Kahn.

    «Les races humaines n’existent pas», martelait le Pr Jacquard, expliquant sans relâche pourquoi «l’inégalité» est un concept purement mathématique qui ne peut s’appliquer aux êtres vivants. «Le contraire d'"égal", c’est "différent" dès lors qu’il s’agit d’autre chose que des nombres, pas "inférieur" ou "supérieur"», assénait le généticien avec son petit cheveu sur la langue bien connu des auditeurs de sa chronique quotidienne sur France Culture (2001-2010). Un combat scientifique d’autant plus farouche qu’il s’est lancé sur le tard dans la bataille.

    Né le 23 décembre 1925 à Lyon dans une famille de la bonne société, Albert Jacquard est reçu à Polytechnique vingt ans plus tard. C’est la Libération mais il vient de passer deux ans à préparer ses concours et n’a pas vraiment vu la Seconde Guerre mondiale, comme un «passager de l’Histoire».

    Jeune ingénieur, il entre en 1951 à la Seita (manufactures des tabacs et allumettes) pour y travailler à la mise en place d’un des premiers systèmes informatiques. Tout en reconnaissant avoir été «passionné par ce travail», il regrettera par la suite d’avoir «joué le jeu de la réussite technique pendant dix ans». Car pour Albert Jacquard, «un ingénieur, un technicien efficace est par définition quelqu’un de dangereux, tandis qu’un chercheur est quelqu’un qui s’efforce d’être lucide».

    Après un bref passage au ministère de la Santé publique, Jacquard rejoint l’Institut national d’études démographiques (Ined) en 1962. Il approche de la quarantaine et «s’aperçoit qu’on n’est pas éternel et qu’on ne veut pas gâcher sa vie à des choses dérisoires».

    Auteur à succès

    Albert Jacquard part donc étudier la génétique des populations dans la prestigieuse université américaine de Stanford, puis revient à l’Ined et passe deux doctorats en génétique et biologie humaine dans la foulée. Parallèlement à l’enseignement et son travail d’expert à l’OMS, il n’aura de cesse de démonter les arguments prétendument scientifiques des théories racistes et sera même témoin en 1987 au procès du nazi Klaus Barbie pour crimes contre l’humanité.

    Ses premiers livres, comme Eloge de la différence: la génétique et l’homme (1978) rencontrent un grand succès qui ne se démentira pas, même quand il dérivera vers la philosophie, la vulgarisation scientifique ou l’humanisme anti-libéral. Car Albert Jacquard n’aimait pas plus le libéralisme - «catastrophe pour l’humanité» - que le racisme. «La compétition systématique entre les êtres humains est une ânerie», tranchait le professeur qui, à ce titre, se refusait à noter ses élèves, sauf à leur donner tous la même note.

    Le Pr Jacquard sera même candidat aux législatives à Paris en 1986 sur une liste soutenue par divers mouvements de la gauche alternative, puis en 1999 sur la liste écologiste conduite par Daniel Cohn-Bendit (en 84e position).

    Dans les années 1990, Albert Jacquard va mettre sa verve médiatique au service d’une autre cause: les mal-logés et les sans-papiers. Occupation d’un immeuble rue du Dragon en 1994, de l’église Saint-Bernard en 1996... Son visage de vieux faune grec devient vite aussi familier que celui de l’Abbé Pierre, Mgr Gaillot ou Emmanuelle Béart, ses compagnons de lutte.

    L’âge aidant, il se fera plus discret. Mais il continuera à soutenir les démunis et à pousser des coups de gueule, démarche «volontariste» pour léguer un monde un peu moins mauvais à ses petits-enfants. «Les jeunes voient en moi un vieux monsieur qui représente une certaine façon de penser», s’amusait le Pr Jacquard en évoquant quelques écoles primaires qui n’avaient pas attendu sa mort pour se baptiser de son nom. «Ce qui me réjouit, c’est qu’il existe aussi de nombreuses écoles Pierre Perret !»

    AFP

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    SYRIE. Bachar al-Assad menace la France :

    l'interview du "Figaro", une triple erreur

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    <time class="date-post" datetime="2013-09-03T13:09:33" itemprop="dateModified">Publié le 03-09-2013 à 12h50 - Modifié le 03-09-2013 à 13h09</time>

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    Temps de lecture Temps de lecture : 3 minutes

    LE PLUS. L'interview est exclusive. Mais elle fait polémique. Ce mardi, "Le Figaro" publie un entretien avec Bachar al-Assad réalisé par Georges Malbrunot. Un entretien accusé d'être plutôt une tribune accordée au dictateur. David-Xavier Weiss, secrétaire national de l'UMP chargé des médias, explique pourquoi cette publication le choque.

    Édité et parrainé par Aude Baron

    Fallait-il publier l'interview de Bachar Al Assad dans Le Figaro ? (capture d'écran lefigaro.fr)

     

    S'il y a bien une valeur que nous devons défendre en France, c'est la liberté. Comme l'a rappelé Jean-François Copé à Châteaurenard le 25 août dernier, la liberté héritée de la révolution française, inscrite en premier sur les frontons nos mairies ne doit souffrir d'aucune attaque.

     

    Le buzz l'emporte sur la raison

     

    Néanmoins, comme beaucoup de Français ou de lecteurs du "Figaro", on peut trouver choquant qu'un journaliste, ex-otage, donne une tribune à un dictateur, Bachar el-Assad, qui menace la France de représailles terroristes si notre pays souhaitait le sanctionner d'avoir utilisé des armes chimiques. Alors même qu'à Matignon, le Premier ministre réunissait tous les groupes parlementaires pour leur présenter les preuves de l'utilisation d'armes chimiques par le régime syrien, "Le Figaro" faisait du teasing sur cette interview exclusive. 

     

     

     

    Tant sur le fond que sur la forme, cette démarche éditoriale est choquante. 

     

    1. Choquante sur le timing tentant de concurrencer médiatiquement - et ce au-delà de tout clivage partisan - l'annonce de Jean-Marc Ayrault. 

     

    2. Choquante sur le fond, car donner la parole à, désormais, un ennemi de la France ne s'est jamais vu depuis... 70 ans en zone occupée lorsque Otto Abetz s'exprimait dans "Le Figaro". 

     

    3. Encore plus choquante lorsque le journaliste en question, Georges Malbrunot, qui fut lui-même otage, otage de" l'extrémisme" dans cette région du monde, relaie la menace d'un dictateur soutenu par le Hezbollah.

     

    Mais plus que la liberté d'expression ou la liberté de la presse, la liberté ou plutôt le choix délibéré de faire du buzz l'a emporté sur la raison, le patriotisme et la reconnaissance de ce qu'a pu faire la France pour obtenir sa libération il y a peu...

     

     

     

    Une interview qui rajoute encore plus de cacophonie

     

    Enfin, Bachar el-Assad, profite d’une tribune en France alors même qu’au niveau national, nos responsables politiques ne sont d’accord sur rien, cette interview rajoute de la cacophonie au bazar ambiant.  

     

    En effet, François Hollande se refuse pour le moment à un vote au Parlement, comme le réclame une partie de l’opposition UMP. Le choix de punir militairement - mais pas de renverser - Bachar el-Assad a été acté par l’exécutif alors qu’une très large partie de l’opinion française estime une intervention militaire trop coûteuse, risquée si des attentats terroristes devaient être perpétrés en représailles sur le sol français.

     

    Cette opération militaire est d’autant moins comprise car jusqu’ici ni la France, ni ses ressortissants, ni ses positions ou intérêts stratégiques ne sont menacés, et qu’il ne s’agit pas d’intervenir pour apporter la démocratie en Syrie, mais de punir, comme à l’école, le dictateur en place. Punir non pas pour les 110.000 morts depuis le début du conflit, mais pour les 1.5000 morts gazés par le régime de Bachar el-Assad.

     

    Alors qu’il y a tant de confusions sur le calendrier, François Hollande étant dépendant de l’ordre du jour du Congrès américain et l’ONU n’ayant donné aucun feu vert, aucun pays européen n’est solidaire de la diplomatie française sur les objectifs (punir mais pas renverser), sur la durée et son coût.

     

    L’interview de Bachar el-Assad dans "Le Figaro" de ce jour rajoute encore plus de trouble à la situation.


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  • Bienvenue à Gattaca 02/07/2013 à 12h40

    Clones et bébés parfaits : c’est pour demain,

    et on fonce les yeux fermés

    Philippe Vion-Dury | Journaliste Rue89

    Des embryons clonés par l’université nationale de Séoul, en février 2004 (AP Photo/Seoul National University)

    Imaginons un monde où l’on croiserait des animaux étranges, hybrides artificiels de plusieurs espèces créés pour complaire aux exigences de la mode. Le lapin-chat serait la dernière tendance de la collection animale estivale.

    Dans ce monde, on aurait également modifié le génome de nos cousins chimpanzés pour les rendre plus intelligents. Une réussite : ils nous auraient débarrassé des tâches manuelles contraignantes sans exiger de salaire – ni de droits.

    Les hommes, plus intelligents, s’ennuieraient. Ils vivraient beaucoup plus vieux grâce aux dernières avancées thérapeutiques et ne mourraient presque plus d’accidents et de maladies : des sociétés proposeraient des clones, véritables réservoirs à cellules souches et organes.

    Et pour donner les meilleures chances à leur progéniture, ils sélectionneraient leurs traits et aptitudes dans un catalogue. Conséquence logique : aux plus riches les enfants les plus beaux, intelligents et résistants, laissant sur le bas-côté l’autre humanité, affreusement normale et « naturelle ».

    Voilà un monde où l’homme maîtriserait parfaitement la genèse de la vie sans s’encombrer de considérations morales.

    Une science (-fiction) très rentable

    De la science-fiction ? Oui, mais toutes les techniques permettant la réalisation de ce monde sont devenues – ou en passe de devenir – réelles. On appelle cela la génomique : l’étude du génome des organismes vivants.

    Maîtriser cette science, c’est gagner le pouvoir d’écrire la vie et de réécrire la nature. Maîtriser cette science est encore synonyme de rentrées d’argent colossales : la génomique devrait peser au moins 1 000 milliards par an dans l’économie mondiale d’ici 2025.

    Ce pouvoir de créer et modifier le vivant promet de grandes avancées dans le domaine médical et peut laisser rêveur de nombreux hommes d’affaires. Pourtant, laisser la génomique évoluer en roues libres laisse entrevoir des perspectives moins réjouissantes, pas si éloignées de celles décrites en début d’article.

    1

    Les chimères : créatures « mi-hommes, mi-animales »

     

     

    English : Chimera. Apulian red-figure dish, ca. 350-340 BC« La Chimère », plat à figures rouges, Apulie, v. 350-340 av. J.-C., musée du Louvre (Jastrow/Wikimedia Commons/CC)

    L’une des portes entrouvertes par la génomique avancée renvoie à l’un des plus vieux mythes de l’humanité : les chimères, créatures monstrueuses issues de l’hybridation de plusieurs espèces animales.

    En termes scientifiques, la transgénique est la discipline menant à la création d’une espèce à partir du matériel génétique de plusieurs espèces distinctes – dont potentiellement l’homme, vous l’aurez compris.

    Ses défenseurs avancent l’argument que de telles expériences pourraient servir à développer de nouvelles thérapies pour l’homme et se réfugient derrière l’obligation juridique globalement adoptée de ne pas laisser vivre les embryons plus de deux semaines. Donc aucune de ces chimères ne devrait voir le jour, en théorie.

    Des minotaures en gestation

    A lire : « Les Animaux dénaturés » de Vercors

    Des anthropologues découvrent une colonie de bipèdes qui forment le « chaînon manquant » entre l’homme et l’animal. Un homme d’affaires tente d’en faire une main-d’œuvre bon marché en les réduisant en esclavage. Mais sont-ils hommes ou animaux ? Il faudra d’abord répondre à la question : qu’est-ce que l’homme ?

    Pourtant, en 2011, le Daily Mail révélait que 150 embryons hybrides « homme-animal » avaient été créés dans les laboratoires du prestigieux King’s College de Londres.

    Selon le parlementaire Lord Alton cité dans l’article, les cellules souches qui ont servi à l’élaboration des thérapies expérimentales auraient été prélevées sur des individus déjà nés – qui ont donc dépassé le stade embryonnaire.

    Ce n’est pas un cas isolé. En 1998, l’équipe du laboratoire américain Advanced Cell Technology a annoncé avoir introduit des cellules humaines dans un ovule de vache – un minotaure, en somme. Cinq années plus tard, une équipe chinoise a fait de même en vue de créer un « homme-lapin ».

    Menées dans le plus grand secret, ces expériences pourraient continuer à être réalisées sans contrôle : aucune des grandes nations scientifiques ne veut rester sur la touche dans les progrès réalisés en matière médicale. Et si un pays repousse les limites de ce qui est autorisé, les autres ont tendance à s’aligner sur lui.

    2

    Sélection génique : la tentation eugéniste

     

    Si l’on interrogeait la population sur la question de l’eugénisme, on peut difficilement imaginer qu’elle l’approuverait. Mais comme l’enfer est pavé de bonnes intentions, c’est à nouveau les dérives potentielles que pointent du doigt certains scientifiques.

    En Chine : une génération de bébés génies

    On apprenait ainsi il y a quelques mois que la société chinoise BGI Shenzen aurait collecté des échantillons d’ADN de 2 000 des personnes les plus « intelligentes » de la planète. L’objectif ? Identifier les gènes et interactions géniques qui déterminent les performances de l’intellect et, à terme, faire gagner 5 à 15 points de QI à chaque génération de citoyens chinois.

    Il n’est même pas question ici d’ingénierie génétique : la méthode développée par l’entreprise ne modifie pas l’embryon mais identifie le plus « performant » grâce à un diagnostic préimplantatoire après fécondation in vitro. Adieu les enfants au QI trop faible ou dans la moyenne.

    Sélection des traits humains

    A voir : « Bienvenue à Gattaca » d’Andrew Niccol

    Dans un futur proche, chacun peut choisir le génotype de son enfant, perpétuant un eugénisme à grande échelle. Les employeurs recrutent également leurs employés en se basant sur leur potentiel génétique malgré que la pratique soit interdite par la loi.

     

    Les individus nés « naturellement » se voient logiquement relégués au ban de la société, résumés à leur sous-humanité. L’un d’entre eux va déjouer les règles de Gattaca.

    Une équipe de scientifiques a récemment réussi à séquencer entièrement le génome d’un fœtus pendant et sans interférer avec la grossesse.

    L’objectif : diagnostiquer les maladies génétiques graves pour interrompre la grossesse si nécessaire.

    Un objectif louable, sauf qu’une fois encore, il s’agit de savoir où placer la limite : alors que les chercheurs identifient toujours plus de marqueurs génétiques responsables de certains troubles, quand juger qu’une maladie est suffisamment grave (pour l’enfant ou la mère) pour justifier une interruption de grossesse ?

    Pour pousser encore plus loin la réflexion, on peut s’interroger sur la combinaison de ces avancées avec la démocratisation des diagnostics préimplantatoires précédant une fécondation in vitro. Une fois la cartographie génique des embryons établie à des fins de dépistage d’éventuelles maladies, des parents pourraient vouloir privilégier celui présentant certaines dispositions telles que l’apparence, la résistance, l’intelligence, etc.

    En Suisse par exemple, on peut déjà choisir le sexe de son enfant s’il existe un risque de transmission de certaines maladies génétiques et héréditaires.

    3

    Clonage humain : du thérapeutique au reproductif

     

    Il existe aujourd’hui un moratoire mondial sur le clonage de l’être humain. Au-delà des résistances morales face à une telle expérience, il existait également des difficultés techniques comme le fait que les mammifères clonés souffraient dégénérescences génétiques graves après quelques générations. Cet obstacle a été finalement contourné en début d’année par une équipe de chercheurs japonais.

    Produire des cellules souches par clonage

    Une autre avancée majeure en matière de clonage a fait les gros titres de la presse scientifique le mois dernier : après seize ans d’efforts, des scientifiques ont finalement réussi à utiliser une technique de clonage pour obtenir des cellules souches indifférenciées utiles au traitement de certaines maladies.

    Ce qui pourrait être source de réjouissance a suscité l’inquiétude de certains commentateurs, comme Andrew Pollack du New York Times :

    « Le fait que des scientifiques aient réussi à maintenir en vie des embryons d’humains clonés suffisamment longtemps pour en extraire des cellules souches peut être perçu comme un pas supplémentaire dans le clonage humain reproductif. »

    L’humain : un produit ?

    A voir : « The Island » de Michael Bay
    [Attention : spoiler] Lincoln et Jordan évoluent dans un gigantesque complexe fermé et aseptisé, confinés pour survivre à une terrible contamination qui a ravagé la Terre. Leur seul espoir d’évasion : gagner à la loterie pour gagner l’« Ile », dernier havre terrestre épargné. Troublés, ils découvrent qu’en réalité eux et les autres « survivants » sont des clones de personnalités, des « polices d’assurance » vouées à être détruites pour sauver leur alter ego originel.

    Cette avancée pose la question de savoir si l’homme, même à l’état embryonnaire en laboratoire, peut être considéré comme un produit servant à des fins thérapeutiques.

    Elle ouvre aussi la voie à ces « réservoirs à cellules souches », des clones dont l’usage serait limité à fournir la matière nécessaire à reconstruire les tissus de l’individu originel.

    Une question déjà posée dans une moindre mesure avec la naissance des premiers « bébés-médicaments » – ces enfants sélectionnés pour sauver leur frère ou sœur d’une maladie grave : a-t-on le droit de donner naissance à un être qui aurait une autre fonction – principale ou accessoire – que de vivre ?


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  • Une charte de la laïcité dans les écoles publiques, annonce Peillon

    Edité par avec
    le 25 août 2013 à 19h05 , mis à jour le 25 août 2013 à 19h09.
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    Temps de lecture
    3min
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    Vincent Peillon / Crédits : S. Mahe / Reuters
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    </article></section><aside class="sz12 tag c1 aside166896 ombre1">

    </aside> </section> Notre sociétéUne charte de la laïcité sera affichée "dans tous les établissements" scolaires publics d'ici à la "fin septembre", annonce Vincent Peillon, dans un entretien à paraître lundi dans les quotidiens du groupe Ebra.

    Tous les établissements scolaires publics sont concernés. Le ministre de l'Éducation nationale Vincent Peillon annonce qu'une charte de la laïcité sera affichée d'ici à fin septembre dans les écoles, dans une interview à paraître lundi dans les quotidiens du groupe Ebra.
     
    "La charte rappellera les principes. Elle sera affichée dans tous les établissements fin septembre", explique le ministre qui l'avait annoncée fin 2012 et a instauré à compter de 2015 l'enseignement d'une heure de "morale laïque" pour les écoliers et collégiens.

     
    "Chacun est libre de ses opinions. Mais pas de contester un enseignement ou de manquer un cours" au nom notamment de préceptes religieux, poursuit-il. La France compte plus de 55.000 établissements publics où sont scolarisés quelque 10 millions d'élèves.
     
    Vincent Peillon demande toutefois que "la question de la laïcité ne (tourne pas) à l'obsession de l'islam. La très grande majorité de nos compatriotes musulmans est convaincue des bienfaits de la laïcité." Le texte de la charte devrait être connu vers la mi-septembre.
     
    Création de 6.700 postes
     
    La rentrée début septembre sera la première entièrement préparée par la gauche depuis son arrivée aux affaires. Vincent Peillon défend l'action du gouvernement, notamment la création de 6.700 postes, "le retour de la formation des enseignants avec la création des Écoles supérieures du professorat et de l'éducation", objet d'un déplacement à Toulouse lundi.
     
    Selon le ministre, malgré des difficultés dans des matières comme les mathématiques ou l'anglais, "les derniers concours ont montré un regain d'intérêt significatif pour le métier d'enseignant", avec "39% de recrutements en plus en un an".
     
    Autre point au crédit de son administration, selon lui, la mise en oeuvre de "moyens inédits en faveur de l'accueil des petits en maternelle et pour l'école élémentaire, où nous permettons la présence de deux professeurs dans une classe".
     
    Lutte contre le décrochage scolaire
     
    Il se félicite également du succès de la lutte contre le décrochage scolaire: "A ce jour, nous avons déjà rattrapé 13.000 jeunes de nouveau accueillis en formation, avec un objectif d'atteindre 20.000 en décembre. Notre ambition de diviser par deux le nombre de décrocheurs d'ici la fin du quinquennat est bien engagée". Chaque année, quelque 140.000 jeunes sortent sans diplôme du système éducatif.

    Mais des défis demeurent, selon lui: actuellement, "25% des élèves entrent au collège sans maîtriser les apprentissages fondamentaux" en France, "pays de l'OCDE qui accorde le moins de moyens à l'école primaire."
     
    "Les 60.000 créations de postes" durant le quinquennat "doivent nous permettre de réduire le nombre d'élèves par classe et de mieux assurer les remplacements, qui sont devenus un véritable problème", reconnaît Vincent Peillon.


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